Devant le Palais fédéral, à Berne, on attend les éclaircies... © DR
Des mandats lucratifs, des campagnes orchestrées - mais au Palais fédéral, ils se prennent encore tous pour des parlementaires indépendants. Quels effets ont sur un politicien les jobs accessoires bien rémunérés? Et combien cela coûte-t-il d’empêcher une loi? Rapport sur les lobbies.
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Rapport sur les lobbies.', 'subtitle_edition' => null, 'content' => '<hr /> <p style="text-align: center;"><strong>Par Michael Furger, Peter Hossli, Samuel Tanner, Laurina Waltersperger</strong></p> <p style="text-align: center;"><strong> Publié initialement par la <em>NZZ am Sonntag</em></strong></p> <hr /> <p>La petite phrase semble fortuite. Comme la réponse à une question que personne n’a posée. «Je suis bien des choses, mais pas un lobbyiste», a dit le conseiller national PBD Lorenz Hess lors de l’émission de la SRF <em>Arena</em>. Intéressant que ce soit justement Hess qui le dise. Il détient un des mandats les plus lucratifs de la Berne fédérale. Il touche 142’300 francs pour la présidence de la caisse-maladie Visana. Il pourrait défendre les intérêts de son bailleur dans la puissante commission pour la santé du Conseil national, s’il était lobbyiste. Mais non. Il n’en est pas un.</p> <p>Mais qu'est-il donc? Lui et tous les autres conseillers nationaux et aux États à la solde d’entreprises et d’associations? Comment ont-ils décrochés leurs mandats lucratifs? Et surtout: quels sont les effets de ces mandats et de cet argent sur un politicien? Peut-on acheter les décisions politiques en Suisse et si oui, quel en est le prix?</p> <p>Personne ne sait exactement combien d’argent est en circulation. Une recherche publiée récemment, mandatée par le conseiller national PS argovien Cédric Wermuth, cite deux contributions, mais elles reposent de loin sur une estimation. Le montant des sommes n’est cependant pas décisif, la question est celle du pouvoir de cet argent.</p> <p>Une équipe du <em>NZZ am Sonntag</em> a enquêté sur les mandats et les votes et a parlé avec plus d’une douzaine de faiseurs d’opinion et de lobbyistes. Le résultat montre comment les lois sont faites, modifiées ou enterrées au Palais fédéral, sous les arcades bernoises et dans les compartiments de 1ère classe entre Genève et Saint-Gall. Les ficelles sont tirées tant par les politiciens de droite que de gauche. Un guide sur l’influence politique en huit leçons.</p> <h2><br />Leçon 1: La carrière des mandats. Comment faire de la représentation des intérêts un métier lucratif</h2> <p>Un conseiller national gagne en moyenne 123’589 francs frais compris, un conseiller aux États 138’269. Près de la moitié n'est pas imposable. C'est convenable, mais ça ne suffit pas à tous. Pour améliorer leurs revenus, les parlementaires de milice prennent des jobs accessoires, dont «il y a à Berne une multitude». C'est en tout cas ainsi que le dit l’ancien CEO d'une grande agence de lobbying.</p> <p>Lorenz Hess maitrise comme personne l’art d’accumuler les jobs accessoires à disposition et d’en faire une carrière. Il a pour ce faire un bagage professionnel parfait: maturité, conseiller en relations publiques, responsable de l’information auprès de la police municipale de Berne.</p> <p>De plus, il dirige le département de la communication du Département fédéral de la santé et s'engage dans une des branches les plus lucratives de Suisse: les soins de santé.</p> <p>Hess apprend auprès de la Confédération comment l’État traite les caisses, les hôpitaux, les médicaments et les médecins. Il apporte son savoir à l'ancienne agence de relations publiques Burson-Marsteller. Il dirige ensuite sa propre agence de lobbying. Il réussit à entrer au Conseil national en 2011, où il siège à l’influente Commission de la sécurité sociale et de la santé publique (CSSS). Quatre ans plus tard, Hess vend son agence à Furrerhugi, une des entreprises de lobbying leader à Berne et réunit dès lors ses intérêts sous le toit de Hess Advisum GmbH. «Le but de l’entreprise est de fournir des prestations de conseil», peut-on lire au registre du commerce. Hess conseille dans son réseau et là où il s’y connait. Il est le président de la Fondation Pankréas, siège au comité de Spitex, conseille la Faculté de médecine de l’Université de Berne et la Fondation suisse pour paraplégiques à Nottwil. Depuis 2017, il préside le Conseil administratif et de la fondation de Visana. «Il a de bons amis, et il rend la pareille», disent ceux qui lui sont favorables.</p> <p>D'autres médisent qu’il fait du trafic d’influence.</p> <p>Au Conseil national et à la Commission, il vote conséquemment pour la réduction des coûts pour les caisses-maladie. Par exemple lorsqu’il s’engage en faveur du dossier électronique des patients. Dans les médias, il s’engage fermement pour les vaccins obligatoires et propose que les malades non vaccinés participent aux coûts des soins. Ce qui est encore à l’avantage des caisses.</p> <p>Il n'est pas à vendre, répond Hess. «Je suis membre du Parlement. En même temps, je travaille comme président du Conseil d'administration d'une grande assurance maladie et je suis payé pour mon travail», dit-il. «Il est dès lors clair que je vote dans l’intérêt de notre branche.» Le lobbying ne figure pas dans son cahier des charges. Il n’a jamais envoyé un e-mail de recommandation de la caisse-maladie, il n’essayerait jamais d’influencer un membre de la Commission.</p> <p>Peu ont - en toute légalité - bâti dans la Berne fédérale une carrière de mandats aussi brillante que Hess. De nombreux parlementaires détiennent quelques petits mandats. D'autres ont une démarche ciblée. «Il y a des politiciens qui nous demandent si nous pouvons leur procurer un mandat», dit Victor Schmid. Il est partenaire de la puissante agence de communication <em>Konsulenten </em>et en activité depuis des décennies. Il est à noter qu’il ne s'agit manifestement pas que d’argent. «Les parlementaires», dit Schmid, «cherchent un domaine d’activité qui leur soit profitable. Mais nombre d'entre eux n’ont pas le savoir-faire. Nous pouvons leur fournir cela.»</p> <h2><br />Leçon 2: Le bon siège. Comment le choix de la bonne commission détermine à quel point un mandat sera lucratif</h2> <p>Comment un ancien enseignant, officier de carrière et directeur des finances devient-il un des politiciens de la santé les mieux payés du pays? Avec un peu de chance lors de la distribution des sièges au sein du parti. Car s’il y a un levier pour décrocher rapidement un job accessoire lucratif, c'est bien le choix de la bonne commission d'experts au Parlement.</p> <p>Les lois et les modifications des lois sont préparées par cette commission; c’est là que les décisions importantes sont prises. Mais toutes les commissions permanentes, 12 du Conseil national, 11 du Conseil aux États, n’ont pas la même importance. Tout en haut de la hiérarchie des chasseurs de mandats se trouvent la Commission de la santé et la Commission de l’économie et des redevances. «Qui siège dans ces comités reçoit des offres», dit l’ancien lobbyiste de la Migros Martin Schläpfer. «La plupart des parlementaires veulent y aller, même ceux qui n’ont pas de compétences spécifiques.» Et si on y entre, en général on y reste, aussi longtemps que le Conseil siège, huit ans, peut-être douze. «Cela est intéressant pour les entreprises», dit M. Schläpfer.</p> <p>Les conseillers aux États sont particulièrement intéressants. À la chambre basse, les commissions sont plus petites: 13 membres au lieu de 25. Chaque voix a plus de poids, comme avec l’ancien enseignant et officier de carrière.</p> <p>Il s’appelle Josef Dittli et a été élu conseiller aux États pour le canton d’Uri il y a quatre ans. Sa dernière activité avant cela: directeur financier du canton. À Berne, il arrive à entrer à la Commission de la santé et prend plusieurs mandats, dont en 2018 le plus lucratif de tous: la présidence de l'association des caisses-maladie Curafutura, un job à 40 pour cent rémunéré à hauteur de 140’000 francs par an.</p> <p>Depuis, on peut observer chez Dittli un net assouplissement sur les questions réglementaires. En 2016, avant d’être président de Curafutura, il avait fermement contribué à réduire à néant un projet de loi sur les produits tabagiques. La loi aurait rempli les conditions de la convention sur le tabac de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’interdiction de la publicité pour les cigarettes et autres produits tabagiques aurait donc été renforcée. Le lobby du tabac souhaitait un rejet de cette loi. Dittli déposa la requête adéquate. Cela bien qu’il ait déclaré au Conseil que la protection des mineurs lui tenait à cœur. L’interdiction globale de la publicité aurait été une atteinte trop forte pour l’économie de marché. La majorité l’approuva et la loi fut réduite à néant.</p> <p>Deux ans plus tard, Dittli étant entretemps devenu président de Curafutura, il encouragea la Confédération à proposer que la loi sur le tabac soit élaborée conformément aux demandes de l’OMS. «Nombre des présents n’en croyaient pas leurs oreilles», écrivait à l’époque l’<em>Aargauer Zeitung</em>.</p> <p>Dittli suivait à la lettre la ligne de Curafutura. L’association des caisses-maladie prône une interdiction contraignante de la publicité. Alors il vota au Conseil pour un renforcement de la loi sur la protection des mineurs, même si d'un point de vue libéral, elle allait un peu trop loin, comme il disait.</p> <p>«Mes choix de vote répondent cependant à mes propres prises de position», affirme Dittli.</p> <p>«Balivernes», réagit à cette déclaration l'ex-lobbyiste Schläpfer. «Il est tout à fait normal de s’engager en faveur de son entreprise». Le précédent président de Curafutura, Ignazio Cassis, y gagnait 180’000 francs». «Personne ne me dira qu’il était indépendant».</p> <h2><br />Leçon 3: Le tapis à 100’000 francs. Comment les agences de lobbying créent les besoins pour ensuite les assouvir</h2> <p>Les agences de relations publiques en arrière-plan sont le carburant du système. Dans la Berne fédérale, les lobbyistes externes s’occupent constamment de générer le chiffre d’affaire pour leurs entreprises. Et comme toujours, lorsqu’il faut vendre, il faut créer un besoin. «Les bonnes entreprises trouvent leurs clients elles-mêmes», dit Daniel Heller de l’agence Farner.</p> <p>Ce qu’il entend par là: les agences gardent l’œil sur les évènements, comme une modification de loi, qui pourraient avoir un effet néfaste sur un groupe donné. S’il apparait, l’agence offre au groupe un paquet de mesures: arguments, stratégies, documentation, discours. Elle dispose «un tapis», comme on dit dans le jargon de la branche. Et ce aussi vite que possible. L’attaque contre le projet doit se faire au plus tard au début de la procédure de consultation.</p> <p>En disposant le tapis, l'agence apparait en arrière-plan. Le principe: «All politics are local». Au lieu de s’adresser directement aux parlementaires, l’agence organise des rencontres entre les représentants du peuple et les entreprises locales. «Rien n'est aussi efficace que ces entretiens individuels», dit Daniel Heller.</p> <p>Empêcher une loi ou aider à la faire passer n'est pas gratuit. «Accompagner intensément un projet de loi du début jusqu’au vote final au Parlement ou même jusqu’à la votation populaire avec toutes les mesures de communication requises peut coûter jusqu’à 100’000 franc par année et durer trois à cinq ans». C'est ce que dit Victor Schmid de l’agence de communication Konsulenten. Le représentant d'une autre grande agence de conseil avance le même chiffre. Selon le conseiller, cela comprend un peu de potins dans les médias et tout un catalogue d’arguments. Les médias sont manifestement des idiots utiles dans ce jeu.</p> <p>Si l’attaque précoce échoue et que la loi arrive aux Conseils, les lobbyistes externes tentent de compliquer les navettes entre le Conseil national et le Conseil aux États. Ce qui provoque des retards et des dilutions, dans le meilleur des cas l’empêchement. «Pour cela, une agence efficace peut disposer en permanence de l'action d'une douzaine de conseillers nationaux et aux États», dit le membre d’une grande agence de relations publiques.</p> <h2><br />Leçon 4: L’opportuniste. Comment bien s'en sortir avec un bel éventaire</h2> <p>Il y a bien une chose que l’on ne peut pas reprocher au conseiller national bâlois UDC Sebastien Frehner: qu’il soit partialement intéressé. Il peut s’enthousiasmer tant pour des substances dangereuses pour la santé comme le tabac et l’alcool que pour les entreprises qui ont des intérêts pour la santé de la population. Il a des mandats auprès de la caisse-maladie Groupe Mutuel, du Forum santé pour tous, du GI Recherche biomédicale. Il fait partie du GI Boissons fraîches qui s’occupe des boissons sucrées, du GI Plaisir et du groupe parlementaires Spiritueux et prévention. Dans ce cadre, il se met entièrement au service de ses donneurs d’ordres. On lui a demandé une fois dans l’émission «Rundschau» de la SRF s’il préservait ses propres intérêts. Sa réponse: «Exactement».</p> <p>Pour remplir ses mandats, Frehner se détourne aussi parfois de la ligne du parti. En mars, il a voté pour une augmentation des franchises, même si l’UDC était contre. Il représente les intérêts aussi en dehors des séances des Conseils. Lundi matin, il invite à la présentation «Quelle est la valeur de la vie humaine?». Le discours est tenu par le lobbyiste des pharmas René Buholzer.</p> <p>Deux jours plus tard, le 25 septembre, Frehner tient cour en tant que président du GI Plaisir. Avec «Plaisir sans risque» en compagnie de Nastasja Sommer, lobbyiste de Japan Tobacco. Elle parle de la loi sur les produits tabagiques. Le dîner de gala promet une sélection d’eaux-de-vie, whisky et cigares - un des nombreux événements culinaires au cours desquels politiciens et lobbyistes aiment trinquer entre eux. «Je ne me vois pas comme le représentant de ces diverses branches», se défend Frehner. En libéral, il dit:</p> <p>«Dans le doute, toujours en faveur de l’économie».</p> <p>En tant que conseiller du Groupe Mutuel, il veut comprendre les préoccupations des hôpitaux, des caisses-maladies, des entreprises pharmaceutiques et des cantons. Pour cette compréhension, il reçoit 10’000 par année. En tant que conseiller de Spiritsuisse, il s’engage pour «une branche importante de l’économie de notre pays». Le portefeuille de Frehner fait penser à ces vendeurs en bord de la Méditerranée qui tentent d’aguicher les baigneurs, l’éventaire suspendu autour du cou.</p> <h2><br />Leçon 5: Lobbyiste de gauche. Comment un syndicaliste peut empocher 250’000 francs au Conseil national</h2> <p>Bien sûr, tous les parlementaires ne se laissent pas payer royalement par des entreprises ou des associations. Certains n’ont aucun mandat, d’autres seulement des mandats qui ne leur rapportent qu’un ou deux milliers de francs. Pour les jobs accessoires lucratifs, les politiciens bourgeois ont l'avantage. Pas parce qu’ils se laissent plus facilement influencer. Leur position politique reflète simplement la position des entreprises et associations économiques qui leur offrent de tels mandats.</p> <p>Mais les politiciens de gauche se font aussi bien rémunérer leurs services, par exemple comme syndicalistes au Parlement. Le conseiller national bernois PS Corrado Pardini dirige le secteur Industrie du syndicat Unia, avec un taux d’occupation à 70 pour cent. «Oui, je représente les intérêts des syndicats», dit-il. Il se bat au Parlement pour la protection des travailleurs et des salaires équitables. En ce moment, il mène des discussions en dehors des partis pour sortir l’AVS et le 2<sup>e</sup>pilier des taux négatifs. «Mais je ne suis pas un lobbyiste, je suis juste employé par le syndicat depuis 32 ans». Selon ses propres dires, il touche de la part d’Unia un salaire brut de 110’292 francs par an. Avec à ses prestations de conseiller national, Pardini gagne presque un quart de million de francs.</p> <p>Pardini est un lobbyiste institutionnel. Il a déjà été choisi comme représentant d’intérêts, comme le libéral Hans-Ulrich Bigler, le directeur de l’Union suisse des arts et métiers. Mais travailler à 70 pour cent à côté du mandat au national, c’est bien ambitieux. Si l’on prend en compte tous les jours de siège au Parlement et aux Commissions, c’est à la limite de l’impossible. Selon les études, un mandat au Conseil national équivaut de nos jours à un travail à 80 pour cent.</p> <h2><br />Leçon 6: Ne pas se faire remarquer. Pourquoi les parlementaires discrets et sages récoltent plus</h2> <p>Soixante-et-un hommes et femmes ont été nouvellement élus au Parlement il y a quatre ans. 48 d’entre eux ont depuis acquis un ou plusieurs mandats privés. Le mandat dépend, à part de la Commission, de la position politique. «Les parlementaires obtiennent des mandats conformes à leurs convictions», dit Daniel Heller de Farner. Il serait difficile de convaincre un vert d’entrer au lobby des autos. Mais le caractère est aussi décisif. Les parlementaires bruyants qui aiment se mettre en scène ne sont pas appréciés. «Les sages font les meilleurs lobbyistes», explique l'ex-lobbyiste Schläpfer. Un conseiller national qui agresse volontiers les autres n’est pas fait pour ce travail. Et ceux qui sont encore très politisés au début deviendront vite plus calmes à un bon poste. «Celui qui s’est assuré un bon mandat ne sera plus très actif au sein du parti», dit Schläpfer.</p> <h2><br />Leçon 7: Créer des alliances: Pourquoi y a-t-il au et autour du Palais fédéral des petits lobbys pour tout</h2> <p>Quel est le point commun entre les abeilles, les fans de sport, la langue de signes, l’aéronautique, le cheval, la musique populaire et deux douzaines de différents pays? Tous ont leur propre groupe d’intérêts parlementaire. On enregistre près de 160 de ces groupes. Tous ont une présidence et un secrétariat, la plupart dirigés par une association y relative, parfois aussi par une agence de lobbying. Rien que l'agence Furrerhugi se charge d’administrer cinq groupes. Viennent s’y ajouter les groupes d’intérêts extraparlementaires. Le GI Maladies rares, promu par les pharmas, les hôpitaux et les organisations de patients - secrétariat: Furrerhugi. Ou le Cercle de travail sécurité et techniques de défense, une organisation de lobbying pour la controversée industrie suisse de l’armement qui réunit plus de 40 conseillers nationaux et aux États. Secrétariat: Farner Consulting. Les agences de lobbying créent les besoins - ça vaut aussi ici. «Les agences repèrent un problème et fondent un GI ou une association pour le combattre», dit l’ancien lobbyiste de la Migros, Martin Schläpfer.</p> <p>Lorenz Hess préside lui aussi un GI. Il s'appelle le GI Boissons fraîches et est le lobby des fabricants de boissons sucrées. Hess en reçoit 8’000 à 9’000 francs. Et encore: l’apôtre de la santé et du plaisir, Sebastian Frehner.</p> <h2><br />Leçon 8: La communauté des héritiers. Comment les mandats passent d’un membre du parti à un autre</h2> <p>Le Dr Beat Vonlanthen est un conseiller aux États comme on se l’imagine: 62 ans, cheveux mi-sel, mi-poivre, ancien conseiller d’État PDC, au slogan politique: «Renforcer le modèle à succès de la Suisse». Depuis son élection en 2015, il a acquis quelques mandats, de l'Association des casinos à l'Association professionnelle des pompes à chaleur. Mais il est avant tout président de Chocosuisse, l'association des fabricants de chocolat, et de Cemsuisse, l'association de l’industrie du ciment.</p> <p>Le prédécesseur de Vonlanthen était son collègue de parti Urs Schwaller et c'est de lui que Vonlanthen a repris la présidence de Cemsuisse. Il a reçu d’un autre collègue de parti, Peter Bieri, l'Association professionnelle des pompes à chaleur et il a obtenu du PDC Christophe Darbelley l’Association des casinos. C'est un principe courant dans la politique suisse: la succession dans des conditions démocratiques.</p> <p>Une succession fiable est payante, aussi dans ce cas. En effet, Vonlanthen siège à la Commission des affaires juridiques, qui est en charge de l’initiative pour des multinationales responsables, une initiative de gauche qui veut rendre les multinationales suisses responsables pour les dommages causés par leurs filiales à l’étranger. Les multinationales se défendent discrètement, à travers leur réseau au Palais fédéral.</p> <p>Lorsqu’à l’automne 2017, Vonlanthen a pour la première fois à faire avec l'initiative, il déclare à la radio vouloir un contreprojet. Mais les grandes associations économiques ne veulent pas d'un contreprojet. Leur crainte: en cas de doute, le peuple</p> <p>se déciderait pour l’original, à savoir l’initiative. Elles commencent à intensifier le lobbying au Palais fédéral. Le 12 mars 2019, le Conseil aux États recommande le contreprojet. Le lobbying s’affaire jusqu’au soir. Pour finir, le Conseil décide à 22 voix contre 20 pour l’économie et rejette tant l’initiative que le contreprojet.</p> <p>La voix décisive de cette majorité est celle de Vonlanthen. Il a changé d’avis, pour lui, un contreprojet n’entre plus en compte. Il suit désormais la ligne de multinationales comme Lafarge Holcim, qu’il représente dans l'association du ciment. On discute à mots couverts du changement d'avis de Vonlanthen.</p> <p>«C'est le jeu des ramifications des associations économiques», disent certains au sein du parti. Vonlanthen dit: «J’ai été et suis toujours pour des solutions compatibles avec l’économie. Je n’ai pas revu ma position à la suite de pressions externes».</p> <h2><br />Limiter les mandats</h2> <p>Les mandats payés ne sont pas illégaux. Tout membre du Parlement fédéral a le droit d’accepter tous ces jobs accessoires. Mais depuis l’année passée, tous les intérêts particuliers doivent être divulgués.</p> <p>Avec son initiative parlementaire, le conseiller aux États valaisan PDC</p> <p>veut endiguer ces intrications. Il demande à ce qu’un membre du Conseil ne puisse accepter de mandats que d’entreprises et organisations qui n’ont aucun rapport avec la Commission dans laquelle il siège. Ainsi, qui fait de la politique à la Commission de l’énergie doit refuser les mandats des exploitants d’énergie.</p> <p>Le Conseiller national UDC Claudio Zanetti propose d’abolir les commissions permanentes et de revenir au système précédent. Jusqu’en 1991, beaucoup de commissions spéciales étaient formées pour diverses affaires. Cela pourrait empêcher que des parlementaires siègent dans les mêmes commissions pendant plusieurs législatures.</p> <hr /> <h2>Le lobbyisme à Berne:</h2> <p><strong>1959</strong></p> <p>mandats sont actuellement déclarés par 246 conseillers nationaux et aux États. En moyenne, il s’agit de huit mandats par conseiller national, dix par conseiller aux États, selon le calcul de l’ONG Transparency International Suisse. Le nombre de mandats a plus que doublé entre 2000 et 2011.</p> <p><strong>150</strong></p> <p>à 200 mandats en moyenne ont été détenus par des membres de la Commission de l’économie et des redevances du Conseil national au cours des 15 dernières années.</p> <p><strong>1700</strong></p> <p>organisations ont, grâce à un mandat ou une carte d'entrée au Palais fédéral, un accès direct à au moins un membre du Conseil.</p> <p><strong>11</strong></p> <p>C'est la place de la Suisse sur la liste des pays de l’UE en ce qui concerne la transparence et le lobbyisme en politique. Elle s'en tire particulièrement mal au niveau des sanctions.</p> <p>Tabac et eau-de-vie: le conseiller national bâlois UDC Sebastian Frehner, 46.</p> <p>Syndicats: le conseiller national bernois PS Corrado Pardini, 54. Ciment: le conseiller aux États fribourgeois PDC Beat Vonlanthen, 62.</p> <p>Caisses-maladie: le conseiller national bernois PBD Lorenz Hess, 58.</p> <hr /> <h2>A lire aussi:</h2> <p><a href="/actuel/l-argent-et-la-politique-quelle-hypocrisie" target="_blank" rel="noopener"><em>L'argent et la politique: quelle hypocrisie!</em></a></p> <p><a href="/actuel/conseil-federal-et-parlement-dans-les-filets-du-lobby-des-pesticides" target="_blank" rel="noopener"><em>Conseil fédéral et Parlement dans les filets du lobby des pesticides</em></a></p>', 'content_edition' => null, 'slug' => 'prendre-et-donner', 'headline' => false, 'homepage' => 'col-md-12', 'like' => (int) 794, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1924, 'homepage_order' => (int) 2184, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'attachments' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, 'relatives' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) {}, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Post) {} ], 'embeds' => [], 'images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'audios' => [], 'comments' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Comment) {} ], 'author' => 'Bon pour la tête', 'description' => 'Des mandats lucratifs, des campagnes orchestrées - mais au Palais fédéral, ils se prennent encore tous pour des parlementaires indépendants. 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Quels effets ont sur un politicien les jobs accessoires bien rémunérés? Et combien cela coûte-t-il d’empêcher une loi? Rapport sur les lobbies.', 'subtitle_edition' => null, 'content' => '<hr /> <p style="text-align: center;"><strong>Par Michael Furger, Peter Hossli, Samuel Tanner, Laurina Waltersperger</strong></p> <p style="text-align: center;"><strong> Publié initialement par la <em>NZZ am Sonntag</em></strong></p> <hr /> <p>La petite phrase semble fortuite. Comme la réponse à une question que personne n’a posée. «Je suis bien des choses, mais pas un lobbyiste», a dit le conseiller national PBD Lorenz Hess lors de l’émission de la SRF <em>Arena</em>. Intéressant que ce soit justement Hess qui le dise. Il détient un des mandats les plus lucratifs de la Berne fédérale. Il touche 142’300 francs pour la présidence de la caisse-maladie Visana. Il pourrait défendre les intérêts de son bailleur dans la puissante commission pour la santé du Conseil national, s’il était lobbyiste. Mais non. Il n’en est pas un.</p> <p>Mais qu'est-il donc? Lui et tous les autres conseillers nationaux et aux États à la solde d’entreprises et d’associations? Comment ont-ils décrochés leurs mandats lucratifs? Et surtout: quels sont les effets de ces mandats et de cet argent sur un politicien? Peut-on acheter les décisions politiques en Suisse et si oui, quel en est le prix?</p> <p>Personne ne sait exactement combien d’argent est en circulation. Une recherche publiée récemment, mandatée par le conseiller national PS argovien Cédric Wermuth, cite deux contributions, mais elles reposent de loin sur une estimation. Le montant des sommes n’est cependant pas décisif, la question est celle du pouvoir de cet argent.</p> <p>Une équipe du <em>NZZ am Sonntag</em> a enquêté sur les mandats et les votes et a parlé avec plus d’une douzaine de faiseurs d’opinion et de lobbyistes. Le résultat montre comment les lois sont faites, modifiées ou enterrées au Palais fédéral, sous les arcades bernoises et dans les compartiments de 1ère classe entre Genève et Saint-Gall. Les ficelles sont tirées tant par les politiciens de droite que de gauche. Un guide sur l’influence politique en huit leçons.</p> <h2><br />Leçon 1: La carrière des mandats. Comment faire de la représentation des intérêts un métier lucratif</h2> <p>Un conseiller national gagne en moyenne 123’589 francs frais compris, un conseiller aux États 138’269. Près de la moitié n'est pas imposable. C'est convenable, mais ça ne suffit pas à tous. Pour améliorer leurs revenus, les parlementaires de milice prennent des jobs accessoires, dont «il y a à Berne une multitude». C'est en tout cas ainsi que le dit l’ancien CEO d'une grande agence de lobbying.</p> <p>Lorenz Hess maitrise comme personne l’art d’accumuler les jobs accessoires à disposition et d’en faire une carrière. Il a pour ce faire un bagage professionnel parfait: maturité, conseiller en relations publiques, responsable de l’information auprès de la police municipale de Berne.</p> <p>De plus, il dirige le département de la communication du Département fédéral de la santé et s'engage dans une des branches les plus lucratives de Suisse: les soins de santé.</p> <p>Hess apprend auprès de la Confédération comment l’État traite les caisses, les hôpitaux, les médicaments et les médecins. Il apporte son savoir à l'ancienne agence de relations publiques Burson-Marsteller. Il dirige ensuite sa propre agence de lobbying. Il réussit à entrer au Conseil national en 2011, où il siège à l’influente Commission de la sécurité sociale et de la santé publique (CSSS). Quatre ans plus tard, Hess vend son agence à Furrerhugi, une des entreprises de lobbying leader à Berne et réunit dès lors ses intérêts sous le toit de Hess Advisum GmbH. «Le but de l’entreprise est de fournir des prestations de conseil», peut-on lire au registre du commerce. Hess conseille dans son réseau et là où il s’y connait. Il est le président de la Fondation Pankréas, siège au comité de Spitex, conseille la Faculté de médecine de l’Université de Berne et la Fondation suisse pour paraplégiques à Nottwil. Depuis 2017, il préside le Conseil administratif et de la fondation de Visana. «Il a de bons amis, et il rend la pareille», disent ceux qui lui sont favorables.</p> <p>D'autres médisent qu’il fait du trafic d’influence.</p> <p>Au Conseil national et à la Commission, il vote conséquemment pour la réduction des coûts pour les caisses-maladie. Par exemple lorsqu’il s’engage en faveur du dossier électronique des patients. Dans les médias, il s’engage fermement pour les vaccins obligatoires et propose que les malades non vaccinés participent aux coûts des soins. Ce qui est encore à l’avantage des caisses.</p> <p>Il n'est pas à vendre, répond Hess. «Je suis membre du Parlement. En même temps, je travaille comme président du Conseil d'administration d'une grande assurance maladie et je suis payé pour mon travail», dit-il. «Il est dès lors clair que je vote dans l’intérêt de notre branche.» Le lobbying ne figure pas dans son cahier des charges. Il n’a jamais envoyé un e-mail de recommandation de la caisse-maladie, il n’essayerait jamais d’influencer un membre de la Commission.</p> <p>Peu ont - en toute légalité - bâti dans la Berne fédérale une carrière de mandats aussi brillante que Hess. De nombreux parlementaires détiennent quelques petits mandats. D'autres ont une démarche ciblée. «Il y a des politiciens qui nous demandent si nous pouvons leur procurer un mandat», dit Victor Schmid. Il est partenaire de la puissante agence de communication <em>Konsulenten </em>et en activité depuis des décennies. Il est à noter qu’il ne s'agit manifestement pas que d’argent. «Les parlementaires», dit Schmid, «cherchent un domaine d’activité qui leur soit profitable. Mais nombre d'entre eux n’ont pas le savoir-faire. Nous pouvons leur fournir cela.»</p> <h2><br />Leçon 2: Le bon siège. Comment le choix de la bonne commission détermine à quel point un mandat sera lucratif</h2> <p>Comment un ancien enseignant, officier de carrière et directeur des finances devient-il un des politiciens de la santé les mieux payés du pays? Avec un peu de chance lors de la distribution des sièges au sein du parti. Car s’il y a un levier pour décrocher rapidement un job accessoire lucratif, c'est bien le choix de la bonne commission d'experts au Parlement.</p> <p>Les lois et les modifications des lois sont préparées par cette commission; c’est là que les décisions importantes sont prises. Mais toutes les commissions permanentes, 12 du Conseil national, 11 du Conseil aux États, n’ont pas la même importance. Tout en haut de la hiérarchie des chasseurs de mandats se trouvent la Commission de la santé et la Commission de l’économie et des redevances. «Qui siège dans ces comités reçoit des offres», dit l’ancien lobbyiste de la Migros Martin Schläpfer. «La plupart des parlementaires veulent y aller, même ceux qui n’ont pas de compétences spécifiques.» Et si on y entre, en général on y reste, aussi longtemps que le Conseil siège, huit ans, peut-être douze. «Cela est intéressant pour les entreprises», dit M. Schläpfer.</p> <p>Les conseillers aux États sont particulièrement intéressants. À la chambre basse, les commissions sont plus petites: 13 membres au lieu de 25. Chaque voix a plus de poids, comme avec l’ancien enseignant et officier de carrière.</p> <p>Il s’appelle Josef Dittli et a été élu conseiller aux États pour le canton d’Uri il y a quatre ans. Sa dernière activité avant cela: directeur financier du canton. À Berne, il arrive à entrer à la Commission de la santé et prend plusieurs mandats, dont en 2018 le plus lucratif de tous: la présidence de l'association des caisses-maladie Curafutura, un job à 40 pour cent rémunéré à hauteur de 140’000 francs par an.</p> <p>Depuis, on peut observer chez Dittli un net assouplissement sur les questions réglementaires. En 2016, avant d’être président de Curafutura, il avait fermement contribué à réduire à néant un projet de loi sur les produits tabagiques. La loi aurait rempli les conditions de la convention sur le tabac de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’interdiction de la publicité pour les cigarettes et autres produits tabagiques aurait donc été renforcée. Le lobby du tabac souhaitait un rejet de cette loi. Dittli déposa la requête adéquate. Cela bien qu’il ait déclaré au Conseil que la protection des mineurs lui tenait à cœur. L’interdiction globale de la publicité aurait été une atteinte trop forte pour l’économie de marché. La majorité l’approuva et la loi fut réduite à néant.</p> <p>Deux ans plus tard, Dittli étant entretemps devenu président de Curafutura, il encouragea la Confédération à proposer que la loi sur le tabac soit élaborée conformément aux demandes de l’OMS. «Nombre des présents n’en croyaient pas leurs oreilles», écrivait à l’époque l’<em>Aargauer Zeitung</em>.</p> <p>Dittli suivait à la lettre la ligne de Curafutura. L’association des caisses-maladie prône une interdiction contraignante de la publicité. Alors il vota au Conseil pour un renforcement de la loi sur la protection des mineurs, même si d'un point de vue libéral, elle allait un peu trop loin, comme il disait.</p> <p>«Mes choix de vote répondent cependant à mes propres prises de position», affirme Dittli.</p> <p>«Balivernes», réagit à cette déclaration l'ex-lobbyiste Schläpfer. «Il est tout à fait normal de s’engager en faveur de son entreprise». Le précédent président de Curafutura, Ignazio Cassis, y gagnait 180’000 francs». «Personne ne me dira qu’il était indépendant».</p> <h2><br />Leçon 3: Le tapis à 100’000 francs. Comment les agences de lobbying créent les besoins pour ensuite les assouvir</h2> <p>Les agences de relations publiques en arrière-plan sont le carburant du système. Dans la Berne fédérale, les lobbyistes externes s’occupent constamment de générer le chiffre d’affaire pour leurs entreprises. Et comme toujours, lorsqu’il faut vendre, il faut créer un besoin. «Les bonnes entreprises trouvent leurs clients elles-mêmes», dit Daniel Heller de l’agence Farner.</p> <p>Ce qu’il entend par là: les agences gardent l’œil sur les évènements, comme une modification de loi, qui pourraient avoir un effet néfaste sur un groupe donné. S’il apparait, l’agence offre au groupe un paquet de mesures: arguments, stratégies, documentation, discours. Elle dispose «un tapis», comme on dit dans le jargon de la branche. Et ce aussi vite que possible. L’attaque contre le projet doit se faire au plus tard au début de la procédure de consultation.</p> <p>En disposant le tapis, l'agence apparait en arrière-plan. Le principe: «All politics are local». Au lieu de s’adresser directement aux parlementaires, l’agence organise des rencontres entre les représentants du peuple et les entreprises locales. «Rien n'est aussi efficace que ces entretiens individuels», dit Daniel Heller.</p> <p>Empêcher une loi ou aider à la faire passer n'est pas gratuit. «Accompagner intensément un projet de loi du début jusqu’au vote final au Parlement ou même jusqu’à la votation populaire avec toutes les mesures de communication requises peut coûter jusqu’à 100’000 franc par année et durer trois à cinq ans». C'est ce que dit Victor Schmid de l’agence de communication Konsulenten. Le représentant d'une autre grande agence de conseil avance le même chiffre. Selon le conseiller, cela comprend un peu de potins dans les médias et tout un catalogue d’arguments. Les médias sont manifestement des idiots utiles dans ce jeu.</p> <p>Si l’attaque précoce échoue et que la loi arrive aux Conseils, les lobbyistes externes tentent de compliquer les navettes entre le Conseil national et le Conseil aux États. Ce qui provoque des retards et des dilutions, dans le meilleur des cas l’empêchement. «Pour cela, une agence efficace peut disposer en permanence de l'action d'une douzaine de conseillers nationaux et aux États», dit le membre d’une grande agence de relations publiques.</p> <h2><br />Leçon 4: L’opportuniste. Comment bien s'en sortir avec un bel éventaire</h2> <p>Il y a bien une chose que l’on ne peut pas reprocher au conseiller national bâlois UDC Sebastien Frehner: qu’il soit partialement intéressé. Il peut s’enthousiasmer tant pour des substances dangereuses pour la santé comme le tabac et l’alcool que pour les entreprises qui ont des intérêts pour la santé de la population. Il a des mandats auprès de la caisse-maladie Groupe Mutuel, du Forum santé pour tous, du GI Recherche biomédicale. Il fait partie du GI Boissons fraîches qui s’occupe des boissons sucrées, du GI Plaisir et du groupe parlementaires Spiritueux et prévention. Dans ce cadre, il se met entièrement au service de ses donneurs d’ordres. On lui a demandé une fois dans l’émission «Rundschau» de la SRF s’il préservait ses propres intérêts. Sa réponse: «Exactement».</p> <p>Pour remplir ses mandats, Frehner se détourne aussi parfois de la ligne du parti. En mars, il a voté pour une augmentation des franchises, même si l’UDC était contre. Il représente les intérêts aussi en dehors des séances des Conseils. Lundi matin, il invite à la présentation «Quelle est la valeur de la vie humaine?». Le discours est tenu par le lobbyiste des pharmas René Buholzer.</p> <p>Deux jours plus tard, le 25 septembre, Frehner tient cour en tant que président du GI Plaisir. Avec «Plaisir sans risque» en compagnie de Nastasja Sommer, lobbyiste de Japan Tobacco. Elle parle de la loi sur les produits tabagiques. Le dîner de gala promet une sélection d’eaux-de-vie, whisky et cigares - un des nombreux événements culinaires au cours desquels politiciens et lobbyistes aiment trinquer entre eux. «Je ne me vois pas comme le représentant de ces diverses branches», se défend Frehner. En libéral, il dit:</p> <p>«Dans le doute, toujours en faveur de l’économie».</p> <p>En tant que conseiller du Groupe Mutuel, il veut comprendre les préoccupations des hôpitaux, des caisses-maladies, des entreprises pharmaceutiques et des cantons. Pour cette compréhension, il reçoit 10’000 par année. En tant que conseiller de Spiritsuisse, il s’engage pour «une branche importante de l’économie de notre pays». Le portefeuille de Frehner fait penser à ces vendeurs en bord de la Méditerranée qui tentent d’aguicher les baigneurs, l’éventaire suspendu autour du cou.</p> <h2><br />Leçon 5: Lobbyiste de gauche. Comment un syndicaliste peut empocher 250’000 francs au Conseil national</h2> <p>Bien sûr, tous les parlementaires ne se laissent pas payer royalement par des entreprises ou des associations. Certains n’ont aucun mandat, d’autres seulement des mandats qui ne leur rapportent qu’un ou deux milliers de francs. Pour les jobs accessoires lucratifs, les politiciens bourgeois ont l'avantage. Pas parce qu’ils se laissent plus facilement influencer. Leur position politique reflète simplement la position des entreprises et associations économiques qui leur offrent de tels mandats.</p> <p>Mais les politiciens de gauche se font aussi bien rémunérer leurs services, par exemple comme syndicalistes au Parlement. Le conseiller national bernois PS Corrado Pardini dirige le secteur Industrie du syndicat Unia, avec un taux d’occupation à 70 pour cent. «Oui, je représente les intérêts des syndicats», dit-il. Il se bat au Parlement pour la protection des travailleurs et des salaires équitables. En ce moment, il mène des discussions en dehors des partis pour sortir l’AVS et le 2<sup>e</sup>pilier des taux négatifs. «Mais je ne suis pas un lobbyiste, je suis juste employé par le syndicat depuis 32 ans». Selon ses propres dires, il touche de la part d’Unia un salaire brut de 110’292 francs par an. Avec à ses prestations de conseiller national, Pardini gagne presque un quart de million de francs.</p> <p>Pardini est un lobbyiste institutionnel. Il a déjà été choisi comme représentant d’intérêts, comme le libéral Hans-Ulrich Bigler, le directeur de l’Union suisse des arts et métiers. Mais travailler à 70 pour cent à côté du mandat au national, c’est bien ambitieux. Si l’on prend en compte tous les jours de siège au Parlement et aux Commissions, c’est à la limite de l’impossible. Selon les études, un mandat au Conseil national équivaut de nos jours à un travail à 80 pour cent.</p> <h2><br />Leçon 6: Ne pas se faire remarquer. Pourquoi les parlementaires discrets et sages récoltent plus</h2> <p>Soixante-et-un hommes et femmes ont été nouvellement élus au Parlement il y a quatre ans. 48 d’entre eux ont depuis acquis un ou plusieurs mandats privés. Le mandat dépend, à part de la Commission, de la position politique. «Les parlementaires obtiennent des mandats conformes à leurs convictions», dit Daniel Heller de Farner. Il serait difficile de convaincre un vert d’entrer au lobby des autos. Mais le caractère est aussi décisif. Les parlementaires bruyants qui aiment se mettre en scène ne sont pas appréciés. «Les sages font les meilleurs lobbyistes», explique l'ex-lobbyiste Schläpfer. Un conseiller national qui agresse volontiers les autres n’est pas fait pour ce travail. Et ceux qui sont encore très politisés au début deviendront vite plus calmes à un bon poste. «Celui qui s’est assuré un bon mandat ne sera plus très actif au sein du parti», dit Schläpfer.</p> <h2><br />Leçon 7: Créer des alliances: Pourquoi y a-t-il au et autour du Palais fédéral des petits lobbys pour tout</h2> <p>Quel est le point commun entre les abeilles, les fans de sport, la langue de signes, l’aéronautique, le cheval, la musique populaire et deux douzaines de différents pays? Tous ont leur propre groupe d’intérêts parlementaire. On enregistre près de 160 de ces groupes. Tous ont une présidence et un secrétariat, la plupart dirigés par une association y relative, parfois aussi par une agence de lobbying. Rien que l'agence Furrerhugi se charge d’administrer cinq groupes. Viennent s’y ajouter les groupes d’intérêts extraparlementaires. Le GI Maladies rares, promu par les pharmas, les hôpitaux et les organisations de patients - secrétariat: Furrerhugi. Ou le Cercle de travail sécurité et techniques de défense, une organisation de lobbying pour la controversée industrie suisse de l’armement qui réunit plus de 40 conseillers nationaux et aux États. Secrétariat: Farner Consulting. Les agences de lobbying créent les besoins - ça vaut aussi ici. «Les agences repèrent un problème et fondent un GI ou une association pour le combattre», dit l’ancien lobbyiste de la Migros, Martin Schläpfer.</p> <p>Lorenz Hess préside lui aussi un GI. Il s'appelle le GI Boissons fraîches et est le lobby des fabricants de boissons sucrées. Hess en reçoit 8’000 à 9’000 francs. Et encore: l’apôtre de la santé et du plaisir, Sebastian Frehner.</p> <h2><br />Leçon 8: La communauté des héritiers. Comment les mandats passent d’un membre du parti à un autre</h2> <p>Le Dr Beat Vonlanthen est un conseiller aux États comme on se l’imagine: 62 ans, cheveux mi-sel, mi-poivre, ancien conseiller d’État PDC, au slogan politique: «Renforcer le modèle à succès de la Suisse». Depuis son élection en 2015, il a acquis quelques mandats, de l'Association des casinos à l'Association professionnelle des pompes à chaleur. Mais il est avant tout président de Chocosuisse, l'association des fabricants de chocolat, et de Cemsuisse, l'association de l’industrie du ciment.</p> <p>Le prédécesseur de Vonlanthen était son collègue de parti Urs Schwaller et c'est de lui que Vonlanthen a repris la présidence de Cemsuisse. Il a reçu d’un autre collègue de parti, Peter Bieri, l'Association professionnelle des pompes à chaleur et il a obtenu du PDC Christophe Darbelley l’Association des casinos. C'est un principe courant dans la politique suisse: la succession dans des conditions démocratiques.</p> <p>Une succession fiable est payante, aussi dans ce cas. En effet, Vonlanthen siège à la Commission des affaires juridiques, qui est en charge de l’initiative pour des multinationales responsables, une initiative de gauche qui veut rendre les multinationales suisses responsables pour les dommages causés par leurs filiales à l’étranger. Les multinationales se défendent discrètement, à travers leur réseau au Palais fédéral.</p> <p>Lorsqu’à l’automne 2017, Vonlanthen a pour la première fois à faire avec l'initiative, il déclare à la radio vouloir un contreprojet. Mais les grandes associations économiques ne veulent pas d'un contreprojet. Leur crainte: en cas de doute, le peuple</p> <p>se déciderait pour l’original, à savoir l’initiative. Elles commencent à intensifier le lobbying au Palais fédéral. Le 12 mars 2019, le Conseil aux États recommande le contreprojet. Le lobbying s’affaire jusqu’au soir. Pour finir, le Conseil décide à 22 voix contre 20 pour l’économie et rejette tant l’initiative que le contreprojet.</p> <p>La voix décisive de cette majorité est celle de Vonlanthen. Il a changé d’avis, pour lui, un contreprojet n’entre plus en compte. Il suit désormais la ligne de multinationales comme Lafarge Holcim, qu’il représente dans l'association du ciment. On discute à mots couverts du changement d'avis de Vonlanthen.</p> <p>«C'est le jeu des ramifications des associations économiques», disent certains au sein du parti. Vonlanthen dit: «J’ai été et suis toujours pour des solutions compatibles avec l’économie. Je n’ai pas revu ma position à la suite de pressions externes».</p> <h2><br />Limiter les mandats</h2> <p>Les mandats payés ne sont pas illégaux. Tout membre du Parlement fédéral a le droit d’accepter tous ces jobs accessoires. Mais depuis l’année passée, tous les intérêts particuliers doivent être divulgués.</p> <p>Avec son initiative parlementaire, le conseiller aux États valaisan PDC</p> <p>veut endiguer ces intrications. Il demande à ce qu’un membre du Conseil ne puisse accepter de mandats que d’entreprises et organisations qui n’ont aucun rapport avec la Commission dans laquelle il siège. Ainsi, qui fait de la politique à la Commission de l’énergie doit refuser les mandats des exploitants d’énergie.</p> <p>Le Conseiller national UDC Claudio Zanetti propose d’abolir les commissions permanentes et de revenir au système précédent. Jusqu’en 1991, beaucoup de commissions spéciales étaient formées pour diverses affaires. Cela pourrait empêcher que des parlementaires siègent dans les mêmes commissions pendant plusieurs législatures.</p> <hr /> <h2>Le lobbyisme à Berne:</h2> <p><strong>1959</strong></p> <p>mandats sont actuellement déclarés par 246 conseillers nationaux et aux États. En moyenne, il s’agit de huit mandats par conseiller national, dix par conseiller aux États, selon le calcul de l’ONG Transparency International Suisse. Le nombre de mandats a plus que doublé entre 2000 et 2011.</p> <p><strong>150</strong></p> <p>à 200 mandats en moyenne ont été détenus par des membres de la Commission de l’économie et des redevances du Conseil national au cours des 15 dernières années.</p> <p><strong>1700</strong></p> <p>organisations ont, grâce à un mandat ou une carte d'entrée au Palais fédéral, un accès direct à au moins un membre du Conseil.</p> <p><strong>11</strong></p> <p>C'est la place de la Suisse sur la liste des pays de l’UE en ce qui concerne la transparence et le lobbyisme en politique. Elle s'en tire particulièrement mal au niveau des sanctions.</p> <p>Tabac et eau-de-vie: le conseiller national bâlois UDC Sebastian Frehner, 46.</p> <p>Syndicats: le conseiller national bernois PS Corrado Pardini, 54. Ciment: le conseiller aux États fribourgeois PDC Beat Vonlanthen, 62.</p> <p>Caisses-maladie: le conseiller national bernois PBD Lorenz Hess, 58.</p> <hr /> <h2>A lire aussi:</h2> <p><a href="/actuel/l-argent-et-la-politique-quelle-hypocrisie" target="_blank" rel="noopener"><em>L'argent et la politique: quelle hypocrisie!</em></a></p> <p><a href="/actuel/conseil-federal-et-parlement-dans-les-filets-du-lobby-des-pesticides" target="_blank" rel="noopener"><em>Conseil fédéral et Parlement dans les filets du lobby des pesticides</em></a></p>', 'content_edition' => null, 'slug' => 'prendre-et-donner', 'headline' => false, 'homepage' => 'col-md-12', 'like' => (int) 794, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1924, 'homepage_order' => (int) 2184, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [], 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'locations' => [], 'attachment_images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Comment) {} ], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' } $relatives = [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5295, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Un bien cruel conte de Noël (1)', 'subtitle' => 'Catherine et Pierre forment un couple épanoui. 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La fidélité absolue est un concept éculé et hypocrite qui a pour but principal que les hommes soient certains que les enfants qui sortent des ventres de leur épouse soient bien le produit de leurs spermatozoïdes à eux. Transmettre ses gènes est un réflexe très animal, si Sapiens est vraiment un être supérieur, il devrait se détendre sur cette question. En plus, Pierre et moi n’avons pas fait d’enfants, trop concentrés sur nous-mêmes et nos vies à réussir. Marie, ma sœur, prétend que pour les femmes, l’importance de la fidélité n’a pas pour but la perpétuation de l’espèce mais plutôt la conservation à leur côté du mâle qui assure leur protection. Elle se trompe. Si Pierre et moi sommes toujours ensemble après trente-cinq ans de mariage, c’est justement parce que nous nous laissons la liberté d’aller de temps en temps voir ailleurs. Marie, elle, ne souhaitait plus de rapports sexuels tout en menaçant son mari de le quitter s’il la trompait. C’est lui qui est parti avec la première maîtresse qu’il s’est autorisée.</p> <p>Mais Pierre a changé.</p> <p>Nous nous sommes connus dans une manifestation contre le racisme alors que nous avions vingt-sept ans. Il était graphiste tandis que moi j’enseignais le français à des réfugiés dans un centre géré par l’Eglise protestante. Je l’avais déjà remarqué à d’autres occasions au fil des ans – Lausanne est une petite ville – notamment lors d’une soirée chez Jean-Luc, lequel a été mon amant lorsque j’avais vingt ans et que j’hésitais entre le trotskisme et l’écologie politique. Lorsque Jean-Luc, figure de proue des trotskistes locaux, m’avait quittée pour une camarade d’origine kurde plus valorisante pour lui, j’avais renoncé aux principes de la Quatrième Internationale et milité pour la sauvegarde de la planète, jusqu’à ma rencontre avec un zapatiste belge avec qui je suis partie au Mexique où j’ai attrapé une infection sexuellement transmissible. De retour en Suisse, j’ai soigné ma salpingite et terminé mes études de lettres. Entre deux amants de passage, je traversais de longues périodes d’abstinence sexuelle sans que cela me coûte. A la manif, j’ai trouvé Pierre très beau avec sa moustache et sa barbe de cinq jours. Et je l’ai trouvé irrésistible lorsqu’il a jeté une bouteille vide en direction des forces de l’ordre qui voulaient nous empêcher d’accéder à la salle où se déroulait une assemblée de l’UDC, ce parti d’extrême droite honni par nous. Pierre s’est fait réprimander par les camarades communistes qui assuraient le service d’ordre et il a fini par en venir aux mains avec eux. J’ai spontanément pris sa défense, nous nous sommes faits bousculer et avons quitté la manifestation, lui avec une arcade sourcilière fendue, moi avec un fort désir pour lui. Je l’ai emmené chez moi pour soigner sa blessure et nous avons fait l’amour toute la nuit. Deux semaines plus tard nous emménagions ensemble; nous ne nous sommes plus quittés.</p> <p>L’autre soir, alors que nous avions des invités à la maison, il m’a semblé reconnaître chez Pierre les signes d’une tension extrême. Depuis le temps, je le connais bien. Serge et Mireille, nos invités, l’ont eux aussi sentie, cette tension. Ce sont tout à la fois des amis et des clients. Des amis parce que comme nous ils sont de centre gauche, des clients car ils font appel à notre agence de communication pour promouvoir leur commerce. Après avoir été de grands voyageurs, Serge et Mireille vendent aujourd’hui des produits venus d’Asie, principalement d’Inde mais aussi de Birmanie et du Cambodge. Ils sélectionnent avec soins les artisans, privilégiant les structures coopératives respectueuses de l’environnement et du bien-être des populations locales. Nous gérons leur site internet et leur publicité, et tournons même pour eux des clips promotionnels. Pierre est devenu agressif avec Mireille lorsque celle-ci a déclaré que les néo-féministes exagéraient et que #MeToo décourageait toute tentative de séduction de la part des hommes. «Je n’ai pas peur de le dire, j’aime bien que l’on me tienne la porte et que les hommes me fassent sentir qu’ils me désirent…» Pierre lui a rétorqué que le patriarcat était une forme de fascisme et qu’en tant que progressiste nous devions tout faire pour l’abattre. J’ai essayé de dévier la conversation sur la nourriture bio mais très vite c’est l’écriture inclusive qui a fait s’échauffer les esprits. Serge, qui se pique d’aimer la littérature, a déclaré que le français était en danger, qu’il fallait le sauver des points médians et des réformes de l’orthographe. Pierre a rétorqué que pour rester vivantes les langues devaient changer, que les normes les étouffaient, que les règles orthographiques avaient été inventées pour empêcher les pauvres d’accéder aux études. «Etes-vous allés récemment au cinéma?» ai-je incidemment demandé à Mireille?</p> <p>Le lendemain, elle m’a appelée. «Avec Serge, on se demande si Pierre n’est pas en train devenir woke…» Mon sang s’est figé dans mes veines, une sourde angoisse est montée de mon estomac jusque dans ma gorge. «Non, non… Vous vous trompez… Vous avez bien vu, il continue de manger de la viande», ai-je rassuré Mireille. Mais le doute s’était instillé en moi, je me suis mise à mieux observer Pierre et, pour la première fois, j’ai fouillé dans ses poches et ses agendas, même dans son ordinateur. Ce que j’ai découvert est effrayant…</p> <p style="text-align: right;"><em>Suite la semaine prochaine</em></p> <hr /> <h4>Pierre Ronpipal est l’auteur de<br /><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1734002707_damned01.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="149" height="206" /><br />«A moi de choisir ceux qui vont mourir»<br /><span>et de<br /></span><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1734002742_cover20242.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="154" height="207" /><br />«Le vert était rouge à l’intérieur»<br />aux <a href="https://nouvelleseditionshumus.ch/" target="_blank" rel="noopener">Nouvelles Editions Humus</a></h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'un-bien-cruel-conte-de-noel-1', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 39, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5284, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Les ramasseurs de déchets, grands perdants du récit dominant sur la pollution plastique', 'subtitle' => 'A Busan, en Corée du Sud, les discussions sur le traité mondial sur la pollution plastique, qui se tenaient du 25 novembre au 1er décembre, se sont soldées par un échec. 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En jeu, rien de moins que les causes de la crise de la pollution plastique et les solutions appropriées pour y remédier.</p> <ul> <li> <p>D’un côté, la <a href="https://hactoendplasticpollution.org/fr/">Coalition de haute ambition</a> (HAC), les activistes du «zéro déchet» et de <a href="https://theconversation.com/traite-mondial-contre-la-pollution-plastique-en-coulisses-le-regard-des-scientifiques-francais-presents-234046">nombreux scientifiques</a> insistent sur la nécessité d’une <a href="https://hactoendplasticpollution.org/hac-member-states-ministerial-joint-statement-for-inc-5/">approche globale portant sur l’ensemble du cycle de vie des plastiques</a>, y compris leur production.</p> </li> <li> <p>De l’autre côté, une <a href="https://medium.com/points-of-order/spoiler-alert-f737a24292e6">petite minorité d’Etats</a> ainsi que l’industrie pétrochimique ont à de nombreuses reprises détourné l’attention de cette question de la production des plastiques. 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Il s’agit des travailleurs qui récupèrent, réutilisent ou revendent les plastiques, les textiles, l’aluminium et d’autres matériaux précieux issus des déchets.</p> <p>Dans le cadre du traité sur les plastiques, pour que ces travailleurs informels soient reconnus, que leurs conditions de travail puissent être améliorées et qu’ils puissent bénéficient d’une transition écologique plus équitable, les solutions politiques doivent aller au-delà des mécanismes économiques basés sur le seul marché et des stratégies axées sur le profit.</p> <p>Si ce n’est pas le cas, les efforts en faveur d’un recyclage plus inclusif et du développement de l’économie circulaire risquent de renforcer les injustices mêmes qu’ils prétendent combattre.</p> <h3>Qui sont les ramasseurs informels de déchets?</h3> <p>Les collecteurs de déchets – et les autres personnes travaillant avec eux dans un cadre informel et coopératif – effectuent une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921344924001824#sec0021">grande partie du travail de recyclage à l’échelle mondiale</a>. Ils réduisent de manière significative la quantité de plastique qui se retrouve dans les océans.</p> <p>Malgré cela, et parce qu’ils font un travail salissant et vivent dans des endroits sales, ils sont souvent tenus pour responsables du problème de la pollution plastique. Dans les discours politiques des villes et des Etats, leur travail a longtemps été <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0956247816657302">tourné en dérision, considéré comme non qualifié et inefficace</a>. <a href="https://www.undp.org/blog/unsung-heroes-four-things-policymakers-can-do-empower-informal-waste-workers">L’absence de reconnaissance officielle</a> de leur travail rend leurs revenus particulièrement instables et précaires. 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Il a été demandé que leurs contributions historiques à la réduction de la pollution plastique soient explicitement reconnues, et qu’un objectif explicite de transition juste soit intégré au traité sur les plastiques.</p> <h3>Avec l’économie circulaire, tout le monde est gagnant?</h3> <p>La <a href="https://theconversation.com/quatre-idees-recues-sur-la-transition-juste-227569">transition juste</a> est un principe défendu par les groupes de travailleurs et les défenseurs de la justice sociale afin de garantir que les politiques de transition écologique protègent, améliorent et compensent équitablement les moyens de subsistance des travailleurs et des communautés affectés par l’environnement.</p> <p>Les ramasseurs de déchets ont utilisé ce terme pour réclamer que le traité comprenne des dispositions pour améliorer leurs conditions de travail et de sécurité. Mais également pour que le traité intègre davantage les travailleurs informels aux systèmes de gestion des déchets, et pour exiger que les systèmes de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/responsabilite-elargie-du-producteur-67766">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP) soutiennent aussi les travailleurs du secteur des déchets, en particulier les <a href="https://www.wiego.org/gender-waste-project">femmes et d’autres groupes vulnérables</a>.</p> <p>Etonnamment, ces demandes ont obtenu le soutien d’un large éventail de parties prenantes puissantes. Par exemple la <a href="https://www.businessforplasticstreaty.org/vision-statement#Key-elements">Business Coalition for a Plastics Treaty</a>, les <a href="https://news.un.org/en/story/2024/10/1156301">dirigeants des Nations unies</a> et même <a href="https://resolutions.unep.org/resolutions/uploads/american_chemistry_council.pdf">l’industrie pétrochimique</a>.</p> <p>Certaines de ces demandes ont été intégrées aux projets de traité sur les plastiques discutés au cours des négociations, ce qui représente une victoire majeure pour les travailleurs du secteur informel des déchets.</p> <p>Un consensus se dégage sur le fait qu’une économie circulaire inclusive peut être bénéfique à la fois pour l’environnement, l’économie et les travailleurs en améliorant la gestion de la pollution, les moyens de subsistance et les opportunités de croissance économique pour les entreprises.</p> <p>Ces promesses demandent toutefois à être vérifiées sur le terrain. Et c’est là que les choses se compliquent.</p> <h3>« Gagnant-gagnant », mais la victoire de qui ?</h3> <p>Dans mon livre <a href="https://mitpress.mit.edu/9780262546973/recycling-class/"><em>Recycling Class</em></a>, j’examine comment les efforts de recyclage inclusif ont été mis en œuvre à Bengaluru, l’une des plus grandes villes de l’Inde.</p> <figure><a href="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a> <figcaption><span></span></figcaption> </figure> <p>Dans cet ouvrage, je défends que l’intégration dans des programmes d’économie circulaire basés sur le marché n’est pas une solution miracle aux injustices ancrées dans les systèmes de production, de consommation et de production des déchets.</p> <p>La plupart des politiques d’économie circulaire et de recyclage inclusif reposent sur des mécanismes de marché, partant du principe que la création de marchés pour les déchets incitera les acteurs du marché à récupérer efficacement les déchets et à les convertir en ressources.</p> <p>Pour remplir leurs obligations en matière de <a href="https://theconversation.com/faire-payer-plus-les-entreprises-pour-quelles-reduisent-les-emballages-130073">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP), les marques peuvent alors s’engager à acheter des plastiques recyclés et à financer la collecte des déchets en achetant des <a href="https://www.worldbank.org/en/programs/problue/publication/unlocking-financing-to-combat-the-plastics-crisis">crédits plastique</a>.</p> <p>Cette approche vise à améliorer le prix des déchets, à augmenter les salaires et à encourager les efforts de collecte, tout en attirant des investissements pour financer l’amélioration des infrastructures et des technologies.</p> <p>Cependant, les mécanismes fondés sur le marché aggravent les inégalités existantes en matière d’accès au marché. Les efforts visant à donner la priorité à la traçabilité et à la transparence – dans le but d’améliorer l’efficacité du marché et le respect de la réglementation – désavantagent souvent les travailleurs informels.</p> <p>Ces derniers ne disposent pas des ressources et des capacités techniques nécessaires pour adopter des systèmes de suivi complexes basés sur les SIG ou la blockchain, et se retrouvent exclus des processus formalisés. Les start-up financées par le capital-risque et les grandes entreprises s’emparent alors du secteur du recyclage.</p> <p>Les multinationales préfèrent d’ailleurs les partenariats avec des start-up technologiques qui offrent des services à «valeur ajoutée» tels que des indicateurs et des tableaux de bord environnementaux, permettant aux entreprises de mettre en scène leur propre récit sur le développement durable. Souvent issus de milieux éduqués et privilégiés, les employés de ces firmes <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S001671852300057X">concurrencent les travailleurs informels existants, les subordonnant au passage</a>.</p> <p>A l’inverse, les femmes et les membres des minorités ethno-raciales et religieuses, qui constituent la majorité des travailleurs des économies informelles des déchets, sont confrontés à des obstacles supplémentaires. Notamment des <a href="https://mouvements.info/recuperateurs-de-dechets/">stigmates sociaux bien ancrés</a> qui limitent leur capacité à participer sur un pied d’égalité à ces marchés émergents. 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Une étude de <a href="https://www.circle-economy.com/resources/decent-work-in-the-circular-economy">Circle Economy</a> souligne que la plupart des emplois du secteur de l’économie circulaire restent ad-hoc et informels et ne bénéficient pas des garanties d’un emploi décent.</p> <p>En fin de compte, les travailleurs informels sont confrontés à un choix difficile: soit ils acceptent d’être exploités au sein des circuits de traitements des déchets en tant que simples ressources, soit ils risquent de perdre complètement leurs moyens de subsistance.</p> <p>Les systèmes actuels de production et de consommation du plastique déplacent donc la charge des déchets sur des communautés autochtones ou ethniques marginalisées, créant ainsi des <a href="https://www.dukeupress.edu/pollution-is-colonialism">zones sacrifiées</a>. Ce déplacement permet de maintenir la rentabilité, tout en perpétuant les atteintes à l’environnement et les inégalités sociales.</p> <p>En promouvant des technologies de <a href="https://www.bbc.com/afrique/monde-57087908">recyclage chimique</a> non éprouvées et en étendant les marchés du plastique, les entreprises <a href="https://theconversation.com/comment-lindustrie-fossile-influence-les-negociations-mondiales-sur-le-plastique-222112">pétrochimiques</a> et de matières plastiques <a href="https://direct.mit.edu/glep/article/21/2/121/97367/Future-Proofing-Capitalism-The-Paradox-of-the">s’approprient le langage de l’économie circulaire</a>. Cela leur permet de donner un vernis écologique à leurs propositions, tout en maintenant le <em>statu quo</em> sur les inégalités.</p> <p>Pendant ce temps, la HAC, plusieurs ONG et même certains ramasseurs de déchets invoquent également l’économie circulaire comme solution à la crise du plastique, en mettant l’accent sur le réemploi et le recyclage inclusif.</p> <h3>Demander des comptes aux pollueurs plutôt que compter sur l’efficacité du marché</h3> <p>Pour que l’économie circulaire aille au-delà de la simple protection du capitalisme fossile, elle doit prendre en compte les collecteurs de déchets et recycleurs informels dans le Sud et reconnaître les limites des mécanismes basés sur le marché. C’est vrai aussi bien pour le traité international sur la pollution plastique que pour d’autres démarches régionales comme le <a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/ATAG/2021/679066/EPRS_ATA(2021)679066_FR.pdf">plan d’action de l’UE pour l’économie circulaire</a>.</p> <p>En effet, toute stratégie de lutte contre la pollution plastique basée sur le marché et axée sur le profit est susceptible de reproduire ces schémas d’inégalité. Et par la même occasion, de pérenniser les injustices systémiques qui soutiennent le statu quo. Pour une transition vraiment juste, la lutte contre la pollution plastique ne doit donc pas devenir une opportunité de croissance économique ou de profit.</p> <p>Au contraire, nous avons besoin d’une approche centrée sur la réparation. Il faut d’abord, pour cela, reconnaître les contributions historiques des collecteurs informels du plastique ainsi que les préjudices qu’ils subissent. Puis redistribuer les ressources aux personnes les plus touchées et créer des systèmes qui donnent la priorité à la restauration de l’environnement et à la justice sociale plutôt qu’au profit des entreprises.</p> <p>Une économie circulaire bien financée devrait d’abord renforcer le pouvoir des travailleurs, puis améliorer les capacités des infrastructures et réduire la concentration de ces déchets en produits chimiques toxiques, plutôt que de s’appuyer sur des solutions basées sur le marché qui aggravent les inégalités.</p> <p>Les vraies solutions consistent à demander des comptes aux pollueurs et à adopter des approches circulaires fondées sur la sobriété et la réparation, et non sur l’efficacité du marché.<img src="https://counter.theconversation.com/content/244065/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/manisha-anantharaman-1526162">Manisha Anantharaman</a>, Assistant Professor, Center for the Sociology of Organisations, CNRS/Sciences Po, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/sciences-po-2196">Sciences Po </a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique-244065">article original</a>.</h4> </div>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 42, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5283, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Les Etats-Unis financent un collectif international de journalistes', 'subtitle' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'subtitle_edition' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'content' => '<p style="text-align: center;"><strong>Urs P. Gasche</strong>, article publié sur <a href="https://www.infosperber.ch/medien/medienkritik/die-usa-finanzieren-internationales-journalisten-kollektiv/" target="_blank" rel="noopener"><em>Infosperber</em></a> le 5 décembre 2024, traduit par <em>Bon Pour La Tête</em></p> <hr /> <p>Parmi de nombreux autres médias, la <em>NZZ</em> et le <em>Tages-Anzeiger</em> ont diffusé à plusieurs reprises des révélations du réseau international de journalistes Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP). Ce faisant, ils n'ont pas rendu transparent le fait que les services gouvernementaux américains paient la moitié du budget de l'OCCRP. 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Parmi eux, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Panama_Papers"><em>The Panama Papers</em></a><em>, </em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Pandora_Papers"><em>Pandora Papers</em></a><em>, </em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Suisse_Secrets"><em>Suisse Secrets</em></a><em>, </em><a href="https://www.occrp.org/en/project/narcofiles-the-new-criminal-order"><em>Narco Files</em></a><em>, </em><a href="https://www.occrp.org/en/project/the-pegasus-project/about-the-project"><em>Pegasus Project</em></a><em>, </em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Cyprus_Confidential"><em>Cyprus Confidential </em></a>et la série <a href="https://de.wikipedia.org/wiki/Die_Geldw%C3%A4scherei"><em>Laundromat</em></a>, qui a révélé les systèmes de blanchiment d'argent des élites dirigeantes en Azerbaïdjan et en Russie.</p> <h3><strong>Non sans conditions</strong></h3> <p>Les agences gouvernementales américaines ne financent pas l'OCCRP sans contrepartie: l'<a href="https://www.usaid.gov/"> U.S. Agency for International Development</a> dispose d'un droit de veto sur la nomination des dirigeants de l'OCCRP. De plus, l'agence gouvernementale américaine interdit d'utiliser son argent pour mettre au jour la corruption aux Etats-Unis.</p> <p>Certaines subventions étaient même affectées à un but précis: le Department of State, par exemple, a versé 173 000 dollars à l'OCCRP pour «détecter et combattre la corruption au Venezuela». Ou l'<a href="https://www.usaid.gov/">Agence pour le développement international (USAID)</a> a versé plus de deux millions de dollars dans le but de «mettre au jour la criminalité et la corruption à Malte et à Chypre».</p> <p>Le journal en ligne français indépendant <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">« Mediapart »</a> en a parlé le 2 décembre 2024 <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">.</a></p> <p>Le fondateur de l'OCCRP est un ancien employé <a href="https://www.rockwellautomation.com/de-ch.html">de Rockwell</a> devenu journaliste: <a href="https://www.occrp.org/en/staff/drew-sullivan">Drew Sullivan</a>. L'OCCRP a été créé à l'instigation de fonctionnaires du gouvernement américain. Selon Mediapart, Sullivan a reçu pour cela, en 2008, un financement de départ de 1,7 million de dollars du <a href="https://www.state.gov/bureaus-offices/under-secretary-for-civilian-security-democracy-and-human-rights/bureau-of-international-narcotics-and-law-enforcement-affairs/">Bureau of International Narcotics and Law Enforcement Affairs</a>(INL). Il s'agit d'une agence d'application de la loi du Département d'Etat américain.</p> <p>L'OCCRP s'appuie souvent sur des documents divulgués provenant de sources non identifiées. La qualité des recherches et des révélations de l'OCCRP n'est pas mise en doute. L'orientation unilatérale des recherches et le manque de transparence des informations sur le financement donnent lieu à des critiques.</p> <p>L'ampleur des liens personnels et financiers de l'OCCRP avec le gouvernement américain va à l'encontre de «tous les principes de l'éthique journalistique». C'est ce qu'a déclaré Leonard Novy, directeur de l'Institut allemand des médias et de la politique de communication, à la chaîne NDR. Cela laisse supposer que les journalistes peuvent être utilisés ou instrumentalisés à des fins politiques.</p> <p>Sullivan et l'OCCRP ont également laissé les médias partenaires et leurs lecteurs dans l'ignorance de leur proximité avec le gouvernement américain. Selon Leonard Novy, l'organisation a ainsi dépassé les limites.</p> <h3><strong>Sullivan n'a pas voulu parler clairement aujourd'hui encore</strong></h3> <p>Sullivan a d'abord affirmé à la chaîne NDR que l'OCCRP avait «un groupe de donateurs largement répandu», parmi lesquels «aucun donateur individuel ne domine». Il a ajouté que «le gouvernement américain [...] est l'un des plus grands donateurs, mais ce n'est pas un pourcentage énorme». Confronté aux dernières découvertes, il a finalement reconnu l'importance du financement de Washington: «C'est le plus grand bailleur de fonds de l'OCCRP, oui, et ce depuis presque le début de notre histoire. [...] Je suis très reconnaissant au gouvernement américain.»</p> <p>Par écrit, Sullivan a renchéri: «Nous avons dû décider si nous voulions accepter de l'argent du gouvernement ou ne pas exister.» Sur le site web de l'OCCRP, les montants des sponsors ne sont pas indiqués.</p> <h3><strong>Conditions posées</strong></h3> <p>Sullivan a confirmé à la NDR le pouvoir d'influence des autorités américaines: «Dans le cadre d'accords de coopération que nous n'aimons pas conclure, ils ont un droit de regard sur le choix des personnes [...] Ils peuvent mettre leur veto sur quelqu'un [...] Ils n'ont jamais mis leur veto sur quelqu'un.»</p> <p>L'OCCRP ne peut pas enquêter sur des affaires américaines avec l'argent fourni par Washington. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Sullivan à la NDR. «Je pense que le gouvernement américain ne le permet pas. Mais même dans d'autres pays où ces dispositions n'existent pas, nous ne le faisons pas parce que cela vous place dans une situation de conflit d'intérêts et que vous préférez rester à l'écart de telles situations.»</p> <p>Ainsi, le paradis fiscal américain du Delaware n'a jamais fait l'objet de toutes les recherches sur l'évasion fiscale et l'argent de la corruption.</p> <p>L'OCCRP a tout de même effectué des recherches isolées aux Etats-Unis: par exemple sur les <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/meet-the-florida-duo-helping-giuliani-investigate-for-trump-in-ukraine">hommes d'affaires</a> qui avaient soutenu l'avocat de Donald Trump pour nuire à Joe Biden, ou sur la manière dont le Pentagone a dépensé des sommes énormes pour <a href="https://www.occrp.org/en/project/making-a-killing/revealed-the-pentagon-is-spending-up-to-22-billion-on-soviet-style-arms-for-syrian-rebels">fournir des armes</a> à des groupes rebelles en Syrie, ou encore sur un <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/flight-of-the-monarch-us-govt-contracted-airline-once-owned-by-criminals-with-ties-to-russian-mob">contrat</a> entre le gouvernement américain et une compagnie aérienne dont les propriétaires sont liés au crime organisé en Russie.</p> <p>Ces recherches ont manifestement respecté une autre condition imposée par les autorités américaines à l'OCCRP: l'activité doit être «en accord avec la politique étrangère et les intérêts économiques des Etats-Unis et les promouvoir.» (<a href="https://www.govinfo.gov/content/pkg/COMPS-1071/pdf/COMPS-1071.pdf">US Foreign Assistance Act</a>).</p> <h3><strong>Voici comment la «NZZ» et Tamedia ont présenté la source OCCRP</strong></h3> <p><strong>«NZZ» du 19 juillet 2023</strong></p> <p>«L'Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) est un réseau d'organisations journalistiques fondé en 2006, basé dans de nombreux pays différents et fonctionnant sous cette forme en tant que filiale du Journalism Development Network à but non lucratif, dont le siège est dans le Maryland.»</p> <p><strong>«Tages-Anzeiger» du 21 juin 2023</strong></p> <p>«Grâce à l'organisation OCCRP, des journalistes femmes de plusieurs pays ont pu étudier ces données, dont <em>Der Standard</em> en Autriche et <em>Der Spiegel</em> en Allemagne. 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Par Michael Furger, Peter Hossli, Samuel Tanner, Laurina Waltersperger
Publié initialement par la NZZ am Sonntag
La petite phrase semble fortuite. Comme la réponse à une question que personne n’a posée. «Je suis bien des choses, mais pas un lobbyiste», a dit le conseiller national PBD Lorenz Hess lors de l’émission de la SRF Arena. Intéressant que ce soit justement Hess qui le dise. Il détient un des mandats les plus lucratifs de la Berne fédérale. Il touche 142’300 francs pour la présidence de la caisse-maladie Visana. Il pourrait défendre les intérêts de son bailleur dans la puissante commission pour la santé du Conseil national, s’il était lobbyiste. Mais non. Il n’en est pas un.
Mais qu'est-il donc? Lui et tous les autres conseillers nationaux et aux États à la solde d’entreprises et d’associations? Comment ont-ils décrochés leurs mandats lucratifs? Et surtout: quels sont les effets de ces mandats et de cet argent sur un politicien? Peut-on acheter les décisions politiques en Suisse et si oui, quel en est le prix?
Personne ne sait exactement combien d’argent est en circulation. Une recherche publiée récemment, mandatée par le conseiller national PS argovien Cédric Wermuth, cite deux contributions, mais elles reposent de loin sur une estimation. Le montant des sommes n’est cependant pas décisif, la question est celle du pouvoir de cet argent.
Une équipe du NZZ am Sonntag a enquêté sur les mandats et les votes et a parlé avec plus d’une douzaine de faiseurs d’opinion et de lobbyistes. Le résultat montre comment les lois sont faites, modifiées ou enterrées au Palais fédéral, sous les arcades bernoises et dans les compartiments de 1ère classe entre Genève et Saint-Gall. Les ficelles sont tirées tant par les politiciens de droite que de gauche. Un guide sur l’influence politique en huit leçons.
Leçon 1: La carrière des mandats. Comment faire de la représentation des intérêts un métier lucratif
Un conseiller national gagne en moyenne 123’589 francs frais compris, un conseiller aux États 138’269. Près de la moitié n'est pas imposable. C'est convenable, mais ça ne suffit pas à tous. Pour améliorer leurs revenus, les parlementaires de milice prennent des jobs accessoires, dont «il y a à Berne une multitude». C'est en tout cas ainsi que le dit l’ancien CEO d'une grande agence de lobbying.
Lorenz Hess maitrise comme personne l’art d’accumuler les jobs accessoires à disposition et d’en faire une carrière. Il a pour ce faire un bagage professionnel parfait: maturité, conseiller en relations publiques, responsable de l’information auprès de la police municipale de Berne.
De plus, il dirige le département de la communication du Département fédéral de la santé et s'engage dans une des branches les plus lucratives de Suisse: les soins de santé.
Hess apprend auprès de la Confédération comment l’État traite les caisses, les hôpitaux, les médicaments et les médecins. Il apporte son savoir à l'ancienne agence de relations publiques Burson-Marsteller. Il dirige ensuite sa propre agence de lobbying. Il réussit à entrer au Conseil national en 2011, où il siège à l’influente Commission de la sécurité sociale et de la santé publique (CSSS). Quatre ans plus tard, Hess vend son agence à Furrerhugi, une des entreprises de lobbying leader à Berne et réunit dès lors ses intérêts sous le toit de Hess Advisum GmbH. «Le but de l’entreprise est de fournir des prestations de conseil», peut-on lire au registre du commerce. Hess conseille dans son réseau et là où il s’y connait. Il est le président de la Fondation Pankréas, siège au comité de Spitex, conseille la Faculté de médecine de l’Université de Berne et la Fondation suisse pour paraplégiques à Nottwil. Depuis 2017, il préside le Conseil administratif et de la fondation de Visana. «Il a de bons amis, et il rend la pareille», disent ceux qui lui sont favorables.
D'autres médisent qu’il fait du trafic d’influence.
Au Conseil national et à la Commission, il vote conséquemment pour la réduction des coûts pour les caisses-maladie. Par exemple lorsqu’il s’engage en faveur du dossier électronique des patients. Dans les médias, il s’engage fermement pour les vaccins obligatoires et propose que les malades non vaccinés participent aux coûts des soins. Ce qui est encore à l’avantage des caisses.
Il n'est pas à vendre, répond Hess. «Je suis membre du Parlement. En même temps, je travaille comme président du Conseil d'administration d'une grande assurance maladie et je suis payé pour mon travail», dit-il. «Il est dès lors clair que je vote dans l’intérêt de notre branche.» Le lobbying ne figure pas dans son cahier des charges. Il n’a jamais envoyé un e-mail de recommandation de la caisse-maladie, il n’essayerait jamais d’influencer un membre de la Commission.
Peu ont - en toute légalité - bâti dans la Berne fédérale une carrière de mandats aussi brillante que Hess. De nombreux parlementaires détiennent quelques petits mandats. D'autres ont une démarche ciblée. «Il y a des politiciens qui nous demandent si nous pouvons leur procurer un mandat», dit Victor Schmid. Il est partenaire de la puissante agence de communication Konsulenten et en activité depuis des décennies. Il est à noter qu’il ne s'agit manifestement pas que d’argent. «Les parlementaires», dit Schmid, «cherchent un domaine d’activité qui leur soit profitable. Mais nombre d'entre eux n’ont pas le savoir-faire. Nous pouvons leur fournir cela.»
Leçon 2: Le bon siège. Comment le choix de la bonne commission détermine à quel point un mandat sera lucratif
Comment un ancien enseignant, officier de carrière et directeur des finances devient-il un des politiciens de la santé les mieux payés du pays? Avec un peu de chance lors de la distribution des sièges au sein du parti. Car s’il y a un levier pour décrocher rapidement un job accessoire lucratif, c'est bien le choix de la bonne commission d'experts au Parlement.
Les lois et les modifications des lois sont préparées par cette commission; c’est là que les décisions importantes sont prises. Mais toutes les commissions permanentes, 12 du Conseil national, 11 du Conseil aux États, n’ont pas la même importance. Tout en haut de la hiérarchie des chasseurs de mandats se trouvent la Commission de la santé et la Commission de l’économie et des redevances. «Qui siège dans ces comités reçoit des offres», dit l’ancien lobbyiste de la Migros Martin Schläpfer. «La plupart des parlementaires veulent y aller, même ceux qui n’ont pas de compétences spécifiques.» Et si on y entre, en général on y reste, aussi longtemps que le Conseil siège, huit ans, peut-être douze. «Cela est intéressant pour les entreprises», dit M. Schläpfer.
Les conseillers aux États sont particulièrement intéressants. À la chambre basse, les commissions sont plus petites: 13 membres au lieu de 25. Chaque voix a plus de poids, comme avec l’ancien enseignant et officier de carrière.
Il s’appelle Josef Dittli et a été élu conseiller aux États pour le canton d’Uri il y a quatre ans. Sa dernière activité avant cela: directeur financier du canton. À Berne, il arrive à entrer à la Commission de la santé et prend plusieurs mandats, dont en 2018 le plus lucratif de tous: la présidence de l'association des caisses-maladie Curafutura, un job à 40 pour cent rémunéré à hauteur de 140’000 francs par an.
Depuis, on peut observer chez Dittli un net assouplissement sur les questions réglementaires. En 2016, avant d’être président de Curafutura, il avait fermement contribué à réduire à néant un projet de loi sur les produits tabagiques. La loi aurait rempli les conditions de la convention sur le tabac de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’interdiction de la publicité pour les cigarettes et autres produits tabagiques aurait donc été renforcée. Le lobby du tabac souhaitait un rejet de cette loi. Dittli déposa la requête adéquate. Cela bien qu’il ait déclaré au Conseil que la protection des mineurs lui tenait à cœur. L’interdiction globale de la publicité aurait été une atteinte trop forte pour l’économie de marché. La majorité l’approuva et la loi fut réduite à néant.
Deux ans plus tard, Dittli étant entretemps devenu président de Curafutura, il encouragea la Confédération à proposer que la loi sur le tabac soit élaborée conformément aux demandes de l’OMS. «Nombre des présents n’en croyaient pas leurs oreilles», écrivait à l’époque l’Aargauer Zeitung.
Dittli suivait à la lettre la ligne de Curafutura. L’association des caisses-maladie prône une interdiction contraignante de la publicité. Alors il vota au Conseil pour un renforcement de la loi sur la protection des mineurs, même si d'un point de vue libéral, elle allait un peu trop loin, comme il disait.
«Mes choix de vote répondent cependant à mes propres prises de position», affirme Dittli.
«Balivernes», réagit à cette déclaration l'ex-lobbyiste Schläpfer. «Il est tout à fait normal de s’engager en faveur de son entreprise». Le précédent président de Curafutura, Ignazio Cassis, y gagnait 180’000 francs». «Personne ne me dira qu’il était indépendant».
Leçon 3: Le tapis à 100’000 francs. Comment les agences de lobbying créent les besoins pour ensuite les assouvir
Les agences de relations publiques en arrière-plan sont le carburant du système. Dans la Berne fédérale, les lobbyistes externes s’occupent constamment de générer le chiffre d’affaire pour leurs entreprises. Et comme toujours, lorsqu’il faut vendre, il faut créer un besoin. «Les bonnes entreprises trouvent leurs clients elles-mêmes», dit Daniel Heller de l’agence Farner.
Ce qu’il entend par là: les agences gardent l’œil sur les évènements, comme une modification de loi, qui pourraient avoir un effet néfaste sur un groupe donné. S’il apparait, l’agence offre au groupe un paquet de mesures: arguments, stratégies, documentation, discours. Elle dispose «un tapis», comme on dit dans le jargon de la branche. Et ce aussi vite que possible. L’attaque contre le projet doit se faire au plus tard au début de la procédure de consultation.
En disposant le tapis, l'agence apparait en arrière-plan. Le principe: «All politics are local». Au lieu de s’adresser directement aux parlementaires, l’agence organise des rencontres entre les représentants du peuple et les entreprises locales. «Rien n'est aussi efficace que ces entretiens individuels», dit Daniel Heller.
Empêcher une loi ou aider à la faire passer n'est pas gratuit. «Accompagner intensément un projet de loi du début jusqu’au vote final au Parlement ou même jusqu’à la votation populaire avec toutes les mesures de communication requises peut coûter jusqu’à 100’000 franc par année et durer trois à cinq ans». C'est ce que dit Victor Schmid de l’agence de communication Konsulenten. Le représentant d'une autre grande agence de conseil avance le même chiffre. Selon le conseiller, cela comprend un peu de potins dans les médias et tout un catalogue d’arguments. Les médias sont manifestement des idiots utiles dans ce jeu.
Si l’attaque précoce échoue et que la loi arrive aux Conseils, les lobbyistes externes tentent de compliquer les navettes entre le Conseil national et le Conseil aux États. Ce qui provoque des retards et des dilutions, dans le meilleur des cas l’empêchement. «Pour cela, une agence efficace peut disposer en permanence de l'action d'une douzaine de conseillers nationaux et aux États», dit le membre d’une grande agence de relations publiques.
Leçon 4: L’opportuniste. Comment bien s'en sortir avec un bel éventaire
Il y a bien une chose que l’on ne peut pas reprocher au conseiller national bâlois UDC Sebastien Frehner: qu’il soit partialement intéressé. Il peut s’enthousiasmer tant pour des substances dangereuses pour la santé comme le tabac et l’alcool que pour les entreprises qui ont des intérêts pour la santé de la population. Il a des mandats auprès de la caisse-maladie Groupe Mutuel, du Forum santé pour tous, du GI Recherche biomédicale. Il fait partie du GI Boissons fraîches qui s’occupe des boissons sucrées, du GI Plaisir et du groupe parlementaires Spiritueux et prévention. Dans ce cadre, il se met entièrement au service de ses donneurs d’ordres. On lui a demandé une fois dans l’émission «Rundschau» de la SRF s’il préservait ses propres intérêts. Sa réponse: «Exactement».
Pour remplir ses mandats, Frehner se détourne aussi parfois de la ligne du parti. En mars, il a voté pour une augmentation des franchises, même si l’UDC était contre. Il représente les intérêts aussi en dehors des séances des Conseils. Lundi matin, il invite à la présentation «Quelle est la valeur de la vie humaine?». Le discours est tenu par le lobbyiste des pharmas René Buholzer.
Deux jours plus tard, le 25 septembre, Frehner tient cour en tant que président du GI Plaisir. Avec «Plaisir sans risque» en compagnie de Nastasja Sommer, lobbyiste de Japan Tobacco. Elle parle de la loi sur les produits tabagiques. Le dîner de gala promet une sélection d’eaux-de-vie, whisky et cigares - un des nombreux événements culinaires au cours desquels politiciens et lobbyistes aiment trinquer entre eux. «Je ne me vois pas comme le représentant de ces diverses branches», se défend Frehner. En libéral, il dit:
«Dans le doute, toujours en faveur de l’économie».
En tant que conseiller du Groupe Mutuel, il veut comprendre les préoccupations des hôpitaux, des caisses-maladies, des entreprises pharmaceutiques et des cantons. Pour cette compréhension, il reçoit 10’000 par année. En tant que conseiller de Spiritsuisse, il s’engage pour «une branche importante de l’économie de notre pays». Le portefeuille de Frehner fait penser à ces vendeurs en bord de la Méditerranée qui tentent d’aguicher les baigneurs, l’éventaire suspendu autour du cou.
Leçon 5: Lobbyiste de gauche. Comment un syndicaliste peut empocher 250’000 francs au Conseil national
Bien sûr, tous les parlementaires ne se laissent pas payer royalement par des entreprises ou des associations. Certains n’ont aucun mandat, d’autres seulement des mandats qui ne leur rapportent qu’un ou deux milliers de francs. Pour les jobs accessoires lucratifs, les politiciens bourgeois ont l'avantage. Pas parce qu’ils se laissent plus facilement influencer. Leur position politique reflète simplement la position des entreprises et associations économiques qui leur offrent de tels mandats.
Mais les politiciens de gauche se font aussi bien rémunérer leurs services, par exemple comme syndicalistes au Parlement. Le conseiller national bernois PS Corrado Pardini dirige le secteur Industrie du syndicat Unia, avec un taux d’occupation à 70 pour cent. «Oui, je représente les intérêts des syndicats», dit-il. Il se bat au Parlement pour la protection des travailleurs et des salaires équitables. En ce moment, il mène des discussions en dehors des partis pour sortir l’AVS et le 2epilier des taux négatifs. «Mais je ne suis pas un lobbyiste, je suis juste employé par le syndicat depuis 32 ans». Selon ses propres dires, il touche de la part d’Unia un salaire brut de 110’292 francs par an. Avec à ses prestations de conseiller national, Pardini gagne presque un quart de million de francs.
Pardini est un lobbyiste institutionnel. Il a déjà été choisi comme représentant d’intérêts, comme le libéral Hans-Ulrich Bigler, le directeur de l’Union suisse des arts et métiers. Mais travailler à 70 pour cent à côté du mandat au national, c’est bien ambitieux. Si l’on prend en compte tous les jours de siège au Parlement et aux Commissions, c’est à la limite de l’impossible. Selon les études, un mandat au Conseil national équivaut de nos jours à un travail à 80 pour cent.
Leçon 6: Ne pas se faire remarquer. Pourquoi les parlementaires discrets et sages récoltent plus
Soixante-et-un hommes et femmes ont été nouvellement élus au Parlement il y a quatre ans. 48 d’entre eux ont depuis acquis un ou plusieurs mandats privés. Le mandat dépend, à part de la Commission, de la position politique. «Les parlementaires obtiennent des mandats conformes à leurs convictions», dit Daniel Heller de Farner. Il serait difficile de convaincre un vert d’entrer au lobby des autos. Mais le caractère est aussi décisif. Les parlementaires bruyants qui aiment se mettre en scène ne sont pas appréciés. «Les sages font les meilleurs lobbyistes», explique l'ex-lobbyiste Schläpfer. Un conseiller national qui agresse volontiers les autres n’est pas fait pour ce travail. Et ceux qui sont encore très politisés au début deviendront vite plus calmes à un bon poste. «Celui qui s’est assuré un bon mandat ne sera plus très actif au sein du parti», dit Schläpfer.
Leçon 7: Créer des alliances: Pourquoi y a-t-il au et autour du Palais fédéral des petits lobbys pour tout
Quel est le point commun entre les abeilles, les fans de sport, la langue de signes, l’aéronautique, le cheval, la musique populaire et deux douzaines de différents pays? Tous ont leur propre groupe d’intérêts parlementaire. On enregistre près de 160 de ces groupes. Tous ont une présidence et un secrétariat, la plupart dirigés par une association y relative, parfois aussi par une agence de lobbying. Rien que l'agence Furrerhugi se charge d’administrer cinq groupes. Viennent s’y ajouter les groupes d’intérêts extraparlementaires. Le GI Maladies rares, promu par les pharmas, les hôpitaux et les organisations de patients - secrétariat: Furrerhugi. Ou le Cercle de travail sécurité et techniques de défense, une organisation de lobbying pour la controversée industrie suisse de l’armement qui réunit plus de 40 conseillers nationaux et aux États. Secrétariat: Farner Consulting. Les agences de lobbying créent les besoins - ça vaut aussi ici. «Les agences repèrent un problème et fondent un GI ou une association pour le combattre», dit l’ancien lobbyiste de la Migros, Martin Schläpfer.
Lorenz Hess préside lui aussi un GI. Il s'appelle le GI Boissons fraîches et est le lobby des fabricants de boissons sucrées. Hess en reçoit 8’000 à 9’000 francs. Et encore: l’apôtre de la santé et du plaisir, Sebastian Frehner.
Leçon 8: La communauté des héritiers. Comment les mandats passent d’un membre du parti à un autre
Le Dr Beat Vonlanthen est un conseiller aux États comme on se l’imagine: 62 ans, cheveux mi-sel, mi-poivre, ancien conseiller d’État PDC, au slogan politique: «Renforcer le modèle à succès de la Suisse». Depuis son élection en 2015, il a acquis quelques mandats, de l'Association des casinos à l'Association professionnelle des pompes à chaleur. Mais il est avant tout président de Chocosuisse, l'association des fabricants de chocolat, et de Cemsuisse, l'association de l’industrie du ciment.
Le prédécesseur de Vonlanthen était son collègue de parti Urs Schwaller et c'est de lui que Vonlanthen a repris la présidence de Cemsuisse. Il a reçu d’un autre collègue de parti, Peter Bieri, l'Association professionnelle des pompes à chaleur et il a obtenu du PDC Christophe Darbelley l’Association des casinos. C'est un principe courant dans la politique suisse: la succession dans des conditions démocratiques.
Une succession fiable est payante, aussi dans ce cas. En effet, Vonlanthen siège à la Commission des affaires juridiques, qui est en charge de l’initiative pour des multinationales responsables, une initiative de gauche qui veut rendre les multinationales suisses responsables pour les dommages causés par leurs filiales à l’étranger. Les multinationales se défendent discrètement, à travers leur réseau au Palais fédéral.
Lorsqu’à l’automne 2017, Vonlanthen a pour la première fois à faire avec l'initiative, il déclare à la radio vouloir un contreprojet. Mais les grandes associations économiques ne veulent pas d'un contreprojet. Leur crainte: en cas de doute, le peuple
se déciderait pour l’original, à savoir l’initiative. Elles commencent à intensifier le lobbying au Palais fédéral. Le 12 mars 2019, le Conseil aux États recommande le contreprojet. Le lobbying s’affaire jusqu’au soir. Pour finir, le Conseil décide à 22 voix contre 20 pour l’économie et rejette tant l’initiative que le contreprojet.
La voix décisive de cette majorité est celle de Vonlanthen. Il a changé d’avis, pour lui, un contreprojet n’entre plus en compte. Il suit désormais la ligne de multinationales comme Lafarge Holcim, qu’il représente dans l'association du ciment. On discute à mots couverts du changement d'avis de Vonlanthen.
«C'est le jeu des ramifications des associations économiques», disent certains au sein du parti. Vonlanthen dit: «J’ai été et suis toujours pour des solutions compatibles avec l’économie. Je n’ai pas revu ma position à la suite de pressions externes».
Limiter les mandats
Les mandats payés ne sont pas illégaux. Tout membre du Parlement fédéral a le droit d’accepter tous ces jobs accessoires. Mais depuis l’année passée, tous les intérêts particuliers doivent être divulgués.
Avec son initiative parlementaire, le conseiller aux États valaisan PDC
veut endiguer ces intrications. Il demande à ce qu’un membre du Conseil ne puisse accepter de mandats que d’entreprises et organisations qui n’ont aucun rapport avec la Commission dans laquelle il siège. Ainsi, qui fait de la politique à la Commission de l’énergie doit refuser les mandats des exploitants d’énergie.
Le Conseiller national UDC Claudio Zanetti propose d’abolir les commissions permanentes et de revenir au système précédent. Jusqu’en 1991, beaucoup de commissions spéciales étaient formées pour diverses affaires. Cela pourrait empêcher que des parlementaires siègent dans les mêmes commissions pendant plusieurs législatures.
Le lobbyisme à Berne:
1959
mandats sont actuellement déclarés par 246 conseillers nationaux et aux États. En moyenne, il s’agit de huit mandats par conseiller national, dix par conseiller aux États, selon le calcul de l’ONG Transparency International Suisse. Le nombre de mandats a plus que doublé entre 2000 et 2011.
150
à 200 mandats en moyenne ont été détenus par des membres de la Commission de l’économie et des redevances du Conseil national au cours des 15 dernières années.
1700
organisations ont, grâce à un mandat ou une carte d'entrée au Palais fédéral, un accès direct à au moins un membre du Conseil.
11
C'est la place de la Suisse sur la liste des pays de l’UE en ce qui concerne la transparence et le lobbyisme en politique. Elle s'en tire particulièrement mal au niveau des sanctions.
Tabac et eau-de-vie: le conseiller national bâlois UDC Sebastian Frehner, 46.
Syndicats: le conseiller national bernois PS Corrado Pardini, 54. Ciment: le conseiller aux États fribourgeois PDC Beat Vonlanthen, 62.
Caisses-maladie: le conseiller national bernois PBD Lorenz Hess, 58.
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Lui et tous les autres conseillers nationaux et aux États à la solde d’entreprises et d’associations? Comment ont-ils décrochés leurs mandats lucratifs? Et surtout: quels sont les effets de ces mandats et de cet argent sur un politicien? Peut-on acheter les décisions politiques en Suisse et si oui, quel en est le prix?</p> <p>Personne ne sait exactement combien d’argent est en circulation. Une recherche publiée récemment, mandatée par le conseiller national PS argovien Cédric Wermuth, cite deux contributions, mais elles reposent de loin sur une estimation. Le montant des sommes n’est cependant pas décisif, la question est celle du pouvoir de cet argent.</p> <p>Une équipe du <em>NZZ am Sonntag</em> a enquêté sur les mandats et les votes et a parlé avec plus d’une douzaine de faiseurs d’opinion et de lobbyistes. Le résultat montre comment les lois sont faites, modifiées ou enterrées au Palais fédéral, sous les arcades bernoises et dans les compartiments de 1ère classe entre Genève et Saint-Gall. Les ficelles sont tirées tant par les politiciens de droite que de gauche. Un guide sur l’influence politique en huit leçons.</p> <h2><br />Leçon 1: La carrière des mandats. Comment faire de la représentation des intérêts un métier lucratif</h2> <p>Un conseiller national gagne en moyenne 123’589 francs frais compris, un conseiller aux États 138’269. Près de la moitié n'est pas imposable. C'est convenable, mais ça ne suffit pas à tous. Pour améliorer leurs revenus, les parlementaires de milice prennent des jobs accessoires, dont «il y a à Berne une multitude». C'est en tout cas ainsi que le dit l’ancien CEO d'une grande agence de lobbying.</p> <p>Lorenz Hess maitrise comme personne l’art d’accumuler les jobs accessoires à disposition et d’en faire une carrière. Il a pour ce faire un bagage professionnel parfait: maturité, conseiller en relations publiques, responsable de l’information auprès de la police municipale de Berne.</p> <p>De plus, il dirige le département de la communication du Département fédéral de la santé et s'engage dans une des branches les plus lucratives de Suisse: les soins de santé.</p> <p>Hess apprend auprès de la Confédération comment l’État traite les caisses, les hôpitaux, les médicaments et les médecins. Il apporte son savoir à l'ancienne agence de relations publiques Burson-Marsteller. Il dirige ensuite sa propre agence de lobbying. Il réussit à entrer au Conseil national en 2011, où il siège à l’influente Commission de la sécurité sociale et de la santé publique (CSSS). Quatre ans plus tard, Hess vend son agence à Furrerhugi, une des entreprises de lobbying leader à Berne et réunit dès lors ses intérêts sous le toit de Hess Advisum GmbH. «Le but de l’entreprise est de fournir des prestations de conseil», peut-on lire au registre du commerce. Hess conseille dans son réseau et là où il s’y connait. Il est le président de la Fondation Pankréas, siège au comité de Spitex, conseille la Faculté de médecine de l’Université de Berne et la Fondation suisse pour paraplégiques à Nottwil. Depuis 2017, il préside le Conseil administratif et de la fondation de Visana. «Il a de bons amis, et il rend la pareille», disent ceux qui lui sont favorables.</p> <p>D'autres médisent qu’il fait du trafic d’influence.</p> <p>Au Conseil national et à la Commission, il vote conséquemment pour la réduction des coûts pour les caisses-maladie. Par exemple lorsqu’il s’engage en faveur du dossier électronique des patients. Dans les médias, il s’engage fermement pour les vaccins obligatoires et propose que les malades non vaccinés participent aux coûts des soins. Ce qui est encore à l’avantage des caisses.</p> <p>Il n'est pas à vendre, répond Hess. «Je suis membre du Parlement. En même temps, je travaille comme président du Conseil d'administration d'une grande assurance maladie et je suis payé pour mon travail», dit-il. «Il est dès lors clair que je vote dans l’intérêt de notre branche.» Le lobbying ne figure pas dans son cahier des charges. Il n’a jamais envoyé un e-mail de recommandation de la caisse-maladie, il n’essayerait jamais d’influencer un membre de la Commission.</p> <p>Peu ont - en toute légalité - bâti dans la Berne fédérale une carrière de mandats aussi brillante que Hess. De nombreux parlementaires détiennent quelques petits mandats. D'autres ont une démarche ciblée. «Il y a des politiciens qui nous demandent si nous pouvons leur procurer un mandat», dit Victor Schmid. Il est partenaire de la puissante agence de communication <em>Konsulenten </em>et en activité depuis des décennies. Il est à noter qu’il ne s'agit manifestement pas que d’argent. «Les parlementaires», dit Schmid, «cherchent un domaine d’activité qui leur soit profitable. Mais nombre d'entre eux n’ont pas le savoir-faire. Nous pouvons leur fournir cela.»</p> <h2><br />Leçon 2: Le bon siège. Comment le choix de la bonne commission détermine à quel point un mandat sera lucratif</h2> <p>Comment un ancien enseignant, officier de carrière et directeur des finances devient-il un des politiciens de la santé les mieux payés du pays? Avec un peu de chance lors de la distribution des sièges au sein du parti. Car s’il y a un levier pour décrocher rapidement un job accessoire lucratif, c'est bien le choix de la bonne commission d'experts au Parlement.</p> <p>Les lois et les modifications des lois sont préparées par cette commission; c’est là que les décisions importantes sont prises. Mais toutes les commissions permanentes, 12 du Conseil national, 11 du Conseil aux États, n’ont pas la même importance. Tout en haut de la hiérarchie des chasseurs de mandats se trouvent la Commission de la santé et la Commission de l’économie et des redevances. «Qui siège dans ces comités reçoit des offres», dit l’ancien lobbyiste de la Migros Martin Schläpfer. «La plupart des parlementaires veulent y aller, même ceux qui n’ont pas de compétences spécifiques.» Et si on y entre, en général on y reste, aussi longtemps que le Conseil siège, huit ans, peut-être douze. «Cela est intéressant pour les entreprises», dit M. Schläpfer.</p> <p>Les conseillers aux États sont particulièrement intéressants. À la chambre basse, les commissions sont plus petites: 13 membres au lieu de 25. Chaque voix a plus de poids, comme avec l’ancien enseignant et officier de carrière.</p> <p>Il s’appelle Josef Dittli et a été élu conseiller aux États pour le canton d’Uri il y a quatre ans. Sa dernière activité avant cela: directeur financier du canton. À Berne, il arrive à entrer à la Commission de la santé et prend plusieurs mandats, dont en 2018 le plus lucratif de tous: la présidence de l'association des caisses-maladie Curafutura, un job à 40 pour cent rémunéré à hauteur de 140’000 francs par an.</p> <p>Depuis, on peut observer chez Dittli un net assouplissement sur les questions réglementaires. En 2016, avant d’être président de Curafutura, il avait fermement contribué à réduire à néant un projet de loi sur les produits tabagiques. La loi aurait rempli les conditions de la convention sur le tabac de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’interdiction de la publicité pour les cigarettes et autres produits tabagiques aurait donc été renforcée. Le lobby du tabac souhaitait un rejet de cette loi. Dittli déposa la requête adéquate. Cela bien qu’il ait déclaré au Conseil que la protection des mineurs lui tenait à cœur. L’interdiction globale de la publicité aurait été une atteinte trop forte pour l’économie de marché. La majorité l’approuva et la loi fut réduite à néant.</p> <p>Deux ans plus tard, Dittli étant entretemps devenu président de Curafutura, il encouragea la Confédération à proposer que la loi sur le tabac soit élaborée conformément aux demandes de l’OMS. «Nombre des présents n’en croyaient pas leurs oreilles», écrivait à l’époque l’<em>Aargauer Zeitung</em>.</p> <p>Dittli suivait à la lettre la ligne de Curafutura. L’association des caisses-maladie prône une interdiction contraignante de la publicité. Alors il vota au Conseil pour un renforcement de la loi sur la protection des mineurs, même si d'un point de vue libéral, elle allait un peu trop loin, comme il disait.</p> <p>«Mes choix de vote répondent cependant à mes propres prises de position», affirme Dittli.</p> <p>«Balivernes», réagit à cette déclaration l'ex-lobbyiste Schläpfer. «Il est tout à fait normal de s’engager en faveur de son entreprise». Le précédent président de Curafutura, Ignazio Cassis, y gagnait 180’000 francs». «Personne ne me dira qu’il était indépendant».</p> <h2><br />Leçon 3: Le tapis à 100’000 francs. Comment les agences de lobbying créent les besoins pour ensuite les assouvir</h2> <p>Les agences de relations publiques en arrière-plan sont le carburant du système. Dans la Berne fédérale, les lobbyistes externes s’occupent constamment de générer le chiffre d’affaire pour leurs entreprises. 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Le conseiller national bernois PS Corrado Pardini dirige le secteur Industrie du syndicat Unia, avec un taux d’occupation à 70 pour cent. «Oui, je représente les intérêts des syndicats», dit-il. Il se bat au Parlement pour la protection des travailleurs et des salaires équitables. En ce moment, il mène des discussions en dehors des partis pour sortir l’AVS et le 2<sup>e</sup>pilier des taux négatifs. «Mais je ne suis pas un lobbyiste, je suis juste employé par le syndicat depuis 32 ans». Selon ses propres dires, il touche de la part d’Unia un salaire brut de 110’292 francs par an. Avec à ses prestations de conseiller national, Pardini gagne presque un quart de million de francs.</p> <p>Pardini est un lobbyiste institutionnel. Il a déjà été choisi comme représentant d’intérêts, comme le libéral Hans-Ulrich Bigler, le directeur de l’Union suisse des arts et métiers. Mais travailler à 70 pour cent à côté du mandat au national, c’est bien ambitieux. Si l’on prend en compte tous les jours de siège au Parlement et aux Commissions, c’est à la limite de l’impossible. Selon les études, un mandat au Conseil national équivaut de nos jours à un travail à 80 pour cent.</p> <h2><br />Leçon 6: Ne pas se faire remarquer. Pourquoi les parlementaires discrets et sages récoltent plus</h2> <p>Soixante-et-un hommes et femmes ont été nouvellement élus au Parlement il y a quatre ans. 48 d’entre eux ont depuis acquis un ou plusieurs mandats privés. Le mandat dépend, à part de la Commission, de la position politique. «Les parlementaires obtiennent des mandats conformes à leurs convictions», dit Daniel Heller de Farner. Il serait difficile de convaincre un vert d’entrer au lobby des autos. Mais le caractère est aussi décisif. Les parlementaires bruyants qui aiment se mettre en scène ne sont pas appréciés. «Les sages font les meilleurs lobbyistes», explique l'ex-lobbyiste Schläpfer. Un conseiller national qui agresse volontiers les autres n’est pas fait pour ce travail. Et ceux qui sont encore très politisés au début deviendront vite plus calmes à un bon poste. «Celui qui s’est assuré un bon mandat ne sera plus très actif au sein du parti», dit Schläpfer.</p> <h2><br />Leçon 7: Créer des alliances: Pourquoi y a-t-il au et autour du Palais fédéral des petits lobbys pour tout</h2> <p>Quel est le point commun entre les abeilles, les fans de sport, la langue de signes, l’aéronautique, le cheval, la musique populaire et deux douzaines de différents pays? Tous ont leur propre groupe d’intérêts parlementaire. On enregistre près de 160 de ces groupes. Tous ont une présidence et un secrétariat, la plupart dirigés par une association y relative, parfois aussi par une agence de lobbying. Rien que l'agence Furrerhugi se charge d’administrer cinq groupes. Viennent s’y ajouter les groupes d’intérêts extraparlementaires. Le GI Maladies rares, promu par les pharmas, les hôpitaux et les organisations de patients - secrétariat: Furrerhugi. Ou le Cercle de travail sécurité et techniques de défense, une organisation de lobbying pour la controversée industrie suisse de l’armement qui réunit plus de 40 conseillers nationaux et aux États. Secrétariat: Farner Consulting. Les agences de lobbying créent les besoins - ça vaut aussi ici. «Les agences repèrent un problème et fondent un GI ou une association pour le combattre», dit l’ancien lobbyiste de la Migros, Martin Schläpfer.</p> <p>Lorenz Hess préside lui aussi un GI. Il s'appelle le GI Boissons fraîches et est le lobby des fabricants de boissons sucrées. Hess en reçoit 8’000 à 9’000 francs. Et encore: l’apôtre de la santé et du plaisir, Sebastian Frehner.</p> <h2><br />Leçon 8: La communauté des héritiers. Comment les mandats passent d’un membre du parti à un autre</h2> <p>Le Dr Beat Vonlanthen est un conseiller aux États comme on se l’imagine: 62 ans, cheveux mi-sel, mi-poivre, ancien conseiller d’État PDC, au slogan politique: «Renforcer le modèle à succès de la Suisse». Depuis son élection en 2015, il a acquis quelques mandats, de l'Association des casinos à l'Association professionnelle des pompes à chaleur. Mais il est avant tout président de Chocosuisse, l'association des fabricants de chocolat, et de Cemsuisse, l'association de l’industrie du ciment.</p> <p>Le prédécesseur de Vonlanthen était son collègue de parti Urs Schwaller et c'est de lui que Vonlanthen a repris la présidence de Cemsuisse. Il a reçu d’un autre collègue de parti, Peter Bieri, l'Association professionnelle des pompes à chaleur et il a obtenu du PDC Christophe Darbelley l’Association des casinos. C'est un principe courant dans la politique suisse: la succession dans des conditions démocratiques.</p> <p>Une succession fiable est payante, aussi dans ce cas. En effet, Vonlanthen siège à la Commission des affaires juridiques, qui est en charge de l’initiative pour des multinationales responsables, une initiative de gauche qui veut rendre les multinationales suisses responsables pour les dommages causés par leurs filiales à l’étranger. Les multinationales se défendent discrètement, à travers leur réseau au Palais fédéral.</p> <p>Lorsqu’à l’automne 2017, Vonlanthen a pour la première fois à faire avec l'initiative, il déclare à la radio vouloir un contreprojet. Mais les grandes associations économiques ne veulent pas d'un contreprojet. Leur crainte: en cas de doute, le peuple</p> <p>se déciderait pour l’original, à savoir l’initiative. Elles commencent à intensifier le lobbying au Palais fédéral. Le 12 mars 2019, le Conseil aux États recommande le contreprojet. Le lobbying s’affaire jusqu’au soir. Pour finir, le Conseil décide à 22 voix contre 20 pour l’économie et rejette tant l’initiative que le contreprojet.</p> <p>La voix décisive de cette majorité est celle de Vonlanthen. Il a changé d’avis, pour lui, un contreprojet n’entre plus en compte. Il suit désormais la ligne de multinationales comme Lafarge Holcim, qu’il représente dans l'association du ciment. On discute à mots couverts du changement d'avis de Vonlanthen.</p> <p>«C'est le jeu des ramifications des associations économiques», disent certains au sein du parti. Vonlanthen dit: «J’ai été et suis toujours pour des solutions compatibles avec l’économie. Je n’ai pas revu ma position à la suite de pressions externes».</p> <h2><br />Limiter les mandats</h2> <p>Les mandats payés ne sont pas illégaux. Tout membre du Parlement fédéral a le droit d’accepter tous ces jobs accessoires. Mais depuis l’année passée, tous les intérêts particuliers doivent être divulgués.</p> <p>Avec son initiative parlementaire, le conseiller aux États valaisan PDC</p> <p>veut endiguer ces intrications. Il demande à ce qu’un membre du Conseil ne puisse accepter de mandats que d’entreprises et organisations qui n’ont aucun rapport avec la Commission dans laquelle il siège. Ainsi, qui fait de la politique à la Commission de l’énergie doit refuser les mandats des exploitants d’énergie.</p> <p>Le Conseiller national UDC Claudio Zanetti propose d’abolir les commissions permanentes et de revenir au système précédent. Jusqu’en 1991, beaucoup de commissions spéciales étaient formées pour diverses affaires. Cela pourrait empêcher que des parlementaires siègent dans les mêmes commissions pendant plusieurs législatures.</p> <hr /> <h2>Le lobbyisme à Berne:</h2> <p><strong>1959</strong></p> <p>mandats sont actuellement déclarés par 246 conseillers nationaux et aux États. En moyenne, il s’agit de huit mandats par conseiller national, dix par conseiller aux États, selon le calcul de l’ONG Transparency International Suisse. Le nombre de mandats a plus que doublé entre 2000 et 2011.</p> <p><strong>150</strong></p> <p>à 200 mandats en moyenne ont été détenus par des membres de la Commission de l’économie et des redevances du Conseil national au cours des 15 dernières années.</p> <p><strong>1700</strong></p> <p>organisations ont, grâce à un mandat ou une carte d'entrée au Palais fédéral, un accès direct à au moins un membre du Conseil.</p> <p><strong>11</strong></p> <p>C'est la place de la Suisse sur la liste des pays de l’UE en ce qui concerne la transparence et le lobbyisme en politique. Elle s'en tire particulièrement mal au niveau des sanctions.</p> <p>Tabac et eau-de-vie: le conseiller national bâlois UDC Sebastian Frehner, 46.</p> <p>Syndicats: le conseiller national bernois PS Corrado Pardini, 54. 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Le résultat montre comment les lois sont faites, modifiées ou enterrées au Palais fédéral, sous les arcades bernoises et dans les compartiments de 1ère classe entre Genève et Saint-Gall. Les ficelles sont tirées tant par les politiciens de droite que de gauche. Un guide sur l’influence politique en huit leçons.</p> <h2><br />Leçon 1: La carrière des mandats. Comment faire de la représentation des intérêts un métier lucratif</h2> <p>Un conseiller national gagne en moyenne 123’589 francs frais compris, un conseiller aux États 138’269. Près de la moitié n'est pas imposable. C'est convenable, mais ça ne suffit pas à tous. Pour améliorer leurs revenus, les parlementaires de milice prennent des jobs accessoires, dont «il y a à Berne une multitude». C'est en tout cas ainsi que le dit l’ancien CEO d'une grande agence de lobbying.</p> <p>Lorenz Hess maitrise comme personne l’art d’accumuler les jobs accessoires à disposition et d’en faire une carrière. 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Quatre ans plus tard, Hess vend son agence à Furrerhugi, une des entreprises de lobbying leader à Berne et réunit dès lors ses intérêts sous le toit de Hess Advisum GmbH. «Le but de l’entreprise est de fournir des prestations de conseil», peut-on lire au registre du commerce. Hess conseille dans son réseau et là où il s’y connait. Il est le président de la Fondation Pankréas, siège au comité de Spitex, conseille la Faculté de médecine de l’Université de Berne et la Fondation suisse pour paraplégiques à Nottwil. Depuis 2017, il préside le Conseil administratif et de la fondation de Visana. «Il a de bons amis, et il rend la pareille», disent ceux qui lui sont favorables.</p> <p>D'autres médisent qu’il fait du trafic d’influence.</p> <p>Au Conseil national et à la Commission, il vote conséquemment pour la réduction des coûts pour les caisses-maladie. Par exemple lorsqu’il s’engage en faveur du dossier électronique des patients. 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Mais toutes les commissions permanentes, 12 du Conseil national, 11 du Conseil aux États, n’ont pas la même importance. Tout en haut de la hiérarchie des chasseurs de mandats se trouvent la Commission de la santé et la Commission de l’économie et des redevances. «Qui siège dans ces comités reçoit des offres», dit l’ancien lobbyiste de la Migros Martin Schläpfer. «La plupart des parlementaires veulent y aller, même ceux qui n’ont pas de compétences spécifiques.» Et si on y entre, en général on y reste, aussi longtemps que le Conseil siège, huit ans, peut-être douze. «Cela est intéressant pour les entreprises», dit M. Schläpfer.</p> <p>Les conseillers aux États sont particulièrement intéressants. À la chambre basse, les commissions sont plus petites: 13 membres au lieu de 25. Chaque voix a plus de poids, comme avec l’ancien enseignant et officier de carrière.</p> <p>Il s’appelle Josef Dittli et a été élu conseiller aux États pour le canton d’Uri il y a quatre ans. Sa dernière activité avant cela: directeur financier du canton. À Berne, il arrive à entrer à la Commission de la santé et prend plusieurs mandats, dont en 2018 le plus lucratif de tous: la présidence de l'association des caisses-maladie Curafutura, un job à 40 pour cent rémunéré à hauteur de 140’000 francs par an.</p> <p>Depuis, on peut observer chez Dittli un net assouplissement sur les questions réglementaires. En 2016, avant d’être président de Curafutura, il avait fermement contribué à réduire à néant un projet de loi sur les produits tabagiques. La loi aurait rempli les conditions de la convention sur le tabac de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’interdiction de la publicité pour les cigarettes et autres produits tabagiques aurait donc été renforcée. Le lobby du tabac souhaitait un rejet de cette loi. Dittli déposa la requête adéquate. Cela bien qu’il ait déclaré au Conseil que la protection des mineurs lui tenait à cœur. L’interdiction globale de la publicité aurait été une atteinte trop forte pour l’économie de marché. La majorité l’approuva et la loi fut réduite à néant.</p> <p>Deux ans plus tard, Dittli étant entretemps devenu président de Curafutura, il encouragea la Confédération à proposer que la loi sur le tabac soit élaborée conformément aux demandes de l’OMS. «Nombre des présents n’en croyaient pas leurs oreilles», écrivait à l’époque l’<em>Aargauer Zeitung</em>.</p> <p>Dittli suivait à la lettre la ligne de Curafutura. L’association des caisses-maladie prône une interdiction contraignante de la publicité. 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Il a des mandats auprès de la caisse-maladie Groupe Mutuel, du Forum santé pour tous, du GI Recherche biomédicale. Il fait partie du GI Boissons fraîches qui s’occupe des boissons sucrées, du GI Plaisir et du groupe parlementaires Spiritueux et prévention. Dans ce cadre, il se met entièrement au service de ses donneurs d’ordres. On lui a demandé une fois dans l’émission «Rundschau» de la SRF s’il préservait ses propres intérêts. Sa réponse: «Exactement».</p> <p>Pour remplir ses mandats, Frehner se détourne aussi parfois de la ligne du parti. En mars, il a voté pour une augmentation des franchises, même si l’UDC était contre. Il représente les intérêts aussi en dehors des séances des Conseils. Lundi matin, il invite à la présentation «Quelle est la valeur de la vie humaine?». Le discours est tenu par le lobbyiste des pharmas René Buholzer.</p> <p>Deux jours plus tard, le 25 septembre, Frehner tient cour en tant que président du GI Plaisir. Avec «Plaisir sans risque» en compagnie de Nastasja Sommer, lobbyiste de Japan Tobacco. Elle parle de la loi sur les produits tabagiques. Le dîner de gala promet une sélection d’eaux-de-vie, whisky et cigares - un des nombreux événements culinaires au cours desquels politiciens et lobbyistes aiment trinquer entre eux. «Je ne me vois pas comme le représentant de ces diverses branches», se défend Frehner. En libéral, il dit:</p> <p>«Dans le doute, toujours en faveur de l’économie».</p> <p>En tant que conseiller du Groupe Mutuel, il veut comprendre les préoccupations des hôpitaux, des caisses-maladies, des entreprises pharmaceutiques et des cantons. Pour cette compréhension, il reçoit 10’000 par année. En tant que conseiller de Spiritsuisse, il s’engage pour «une branche importante de l’économie de notre pays». Le portefeuille de Frehner fait penser à ces vendeurs en bord de la Méditerranée qui tentent d’aguicher les baigneurs, l’éventaire suspendu autour du cou.</p> <h2><br />Leçon 5: Lobbyiste de gauche. Comment un syndicaliste peut empocher 250’000 francs au Conseil national</h2> <p>Bien sûr, tous les parlementaires ne se laissent pas payer royalement par des entreprises ou des associations. Certains n’ont aucun mandat, d’autres seulement des mandats qui ne leur rapportent qu’un ou deux milliers de francs. Pour les jobs accessoires lucratifs, les politiciens bourgeois ont l'avantage. Pas parce qu’ils se laissent plus facilement influencer. Leur position politique reflète simplement la position des entreprises et associations économiques qui leur offrent de tels mandats.</p> <p>Mais les politiciens de gauche se font aussi bien rémunérer leurs services, par exemple comme syndicalistes au Parlement. Le conseiller national bernois PS Corrado Pardini dirige le secteur Industrie du syndicat Unia, avec un taux d’occupation à 70 pour cent. «Oui, je représente les intérêts des syndicats», dit-il. Il se bat au Parlement pour la protection des travailleurs et des salaires équitables. En ce moment, il mène des discussions en dehors des partis pour sortir l’AVS et le 2<sup>e</sup>pilier des taux négatifs. «Mais je ne suis pas un lobbyiste, je suis juste employé par le syndicat depuis 32 ans». Selon ses propres dires, il touche de la part d’Unia un salaire brut de 110’292 francs par an. Avec à ses prestations de conseiller national, Pardini gagne presque un quart de million de francs.</p> <p>Pardini est un lobbyiste institutionnel. Il a déjà été choisi comme représentant d’intérêts, comme le libéral Hans-Ulrich Bigler, le directeur de l’Union suisse des arts et métiers. Mais travailler à 70 pour cent à côté du mandat au national, c’est bien ambitieux. Si l’on prend en compte tous les jours de siège au Parlement et aux Commissions, c’est à la limite de l’impossible. Selon les études, un mandat au Conseil national équivaut de nos jours à un travail à 80 pour cent.</p> <h2><br />Leçon 6: Ne pas se faire remarquer. Pourquoi les parlementaires discrets et sages récoltent plus</h2> <p>Soixante-et-un hommes et femmes ont été nouvellement élus au Parlement il y a quatre ans. 48 d’entre eux ont depuis acquis un ou plusieurs mandats privés. Le mandat dépend, à part de la Commission, de la position politique. «Les parlementaires obtiennent des mandats conformes à leurs convictions», dit Daniel Heller de Farner. Il serait difficile de convaincre un vert d’entrer au lobby des autos. Mais le caractère est aussi décisif. Les parlementaires bruyants qui aiment se mettre en scène ne sont pas appréciés. «Les sages font les meilleurs lobbyistes», explique l'ex-lobbyiste Schläpfer. Un conseiller national qui agresse volontiers les autres n’est pas fait pour ce travail. Et ceux qui sont encore très politisés au début deviendront vite plus calmes à un bon poste. «Celui qui s’est assuré un bon mandat ne sera plus très actif au sein du parti», dit Schläpfer.</p> <h2><br />Leçon 7: Créer des alliances: Pourquoi y a-t-il au et autour du Palais fédéral des petits lobbys pour tout</h2> <p>Quel est le point commun entre les abeilles, les fans de sport, la langue de signes, l’aéronautique, le cheval, la musique populaire et deux douzaines de différents pays? Tous ont leur propre groupe d’intérêts parlementaire. On enregistre près de 160 de ces groupes. Tous ont une présidence et un secrétariat, la plupart dirigés par une association y relative, parfois aussi par une agence de lobbying. Rien que l'agence Furrerhugi se charge d’administrer cinq groupes. Viennent s’y ajouter les groupes d’intérêts extraparlementaires. Le GI Maladies rares, promu par les pharmas, les hôpitaux et les organisations de patients - secrétariat: Furrerhugi. Ou le Cercle de travail sécurité et techniques de défense, une organisation de lobbying pour la controversée industrie suisse de l’armement qui réunit plus de 40 conseillers nationaux et aux États. Secrétariat: Farner Consulting. Les agences de lobbying créent les besoins - ça vaut aussi ici. «Les agences repèrent un problème et fondent un GI ou une association pour le combattre», dit l’ancien lobbyiste de la Migros, Martin Schläpfer.</p> <p>Lorenz Hess préside lui aussi un GI. Il s'appelle le GI Boissons fraîches et est le lobby des fabricants de boissons sucrées. Hess en reçoit 8’000 à 9’000 francs. Et encore: l’apôtre de la santé et du plaisir, Sebastian Frehner.</p> <h2><br />Leçon 8: La communauté des héritiers. Comment les mandats passent d’un membre du parti à un autre</h2> <p>Le Dr Beat Vonlanthen est un conseiller aux États comme on se l’imagine: 62 ans, cheveux mi-sel, mi-poivre, ancien conseiller d’État PDC, au slogan politique: «Renforcer le modèle à succès de la Suisse». Depuis son élection en 2015, il a acquis quelques mandats, de l'Association des casinos à l'Association professionnelle des pompes à chaleur. Mais il est avant tout président de Chocosuisse, l'association des fabricants de chocolat, et de Cemsuisse, l'association de l’industrie du ciment.</p> <p>Le prédécesseur de Vonlanthen était son collègue de parti Urs Schwaller et c'est de lui que Vonlanthen a repris la présidence de Cemsuisse. Il a reçu d’un autre collègue de parti, Peter Bieri, l'Association professionnelle des pompes à chaleur et il a obtenu du PDC Christophe Darbelley l’Association des casinos. C'est un principe courant dans la politique suisse: la succession dans des conditions démocratiques.</p> <p>Une succession fiable est payante, aussi dans ce cas. En effet, Vonlanthen siège à la Commission des affaires juridiques, qui est en charge de l’initiative pour des multinationales responsables, une initiative de gauche qui veut rendre les multinationales suisses responsables pour les dommages causés par leurs filiales à l’étranger. Les multinationales se défendent discrètement, à travers leur réseau au Palais fédéral.</p> <p>Lorsqu’à l’automne 2017, Vonlanthen a pour la première fois à faire avec l'initiative, il déclare à la radio vouloir un contreprojet. Mais les grandes associations économiques ne veulent pas d'un contreprojet. Leur crainte: en cas de doute, le peuple</p> <p>se déciderait pour l’original, à savoir l’initiative. Elles commencent à intensifier le lobbying au Palais fédéral. Le 12 mars 2019, le Conseil aux États recommande le contreprojet. Le lobbying s’affaire jusqu’au soir. Pour finir, le Conseil décide à 22 voix contre 20 pour l’économie et rejette tant l’initiative que le contreprojet.</p> <p>La voix décisive de cette majorité est celle de Vonlanthen. Il a changé d’avis, pour lui, un contreprojet n’entre plus en compte. Il suit désormais la ligne de multinationales comme Lafarge Holcim, qu’il représente dans l'association du ciment. On discute à mots couverts du changement d'avis de Vonlanthen.</p> <p>«C'est le jeu des ramifications des associations économiques», disent certains au sein du parti. Vonlanthen dit: «J’ai été et suis toujours pour des solutions compatibles avec l’économie. Je n’ai pas revu ma position à la suite de pressions externes».</p> <h2><br />Limiter les mandats</h2> <p>Les mandats payés ne sont pas illégaux. Tout membre du Parlement fédéral a le droit d’accepter tous ces jobs accessoires. Mais depuis l’année passée, tous les intérêts particuliers doivent être divulgués.</p> <p>Avec son initiative parlementaire, le conseiller aux États valaisan PDC</p> <p>veut endiguer ces intrications. Il demande à ce qu’un membre du Conseil ne puisse accepter de mandats que d’entreprises et organisations qui n’ont aucun rapport avec la Commission dans laquelle il siège. Ainsi, qui fait de la politique à la Commission de l’énergie doit refuser les mandats des exploitants d’énergie.</p> <p>Le Conseiller national UDC Claudio Zanetti propose d’abolir les commissions permanentes et de revenir au système précédent. Jusqu’en 1991, beaucoup de commissions spéciales étaient formées pour diverses affaires. Cela pourrait empêcher que des parlementaires siègent dans les mêmes commissions pendant plusieurs législatures.</p> <hr /> <h2>Le lobbyisme à Berne:</h2> <p><strong>1959</strong></p> <p>mandats sont actuellement déclarés par 246 conseillers nationaux et aux États. En moyenne, il s’agit de huit mandats par conseiller national, dix par conseiller aux États, selon le calcul de l’ONG Transparency International Suisse. Le nombre de mandats a plus que doublé entre 2000 et 2011.</p> <p><strong>150</strong></p> <p>à 200 mandats en moyenne ont été détenus par des membres de la Commission de l’économie et des redevances du Conseil national au cours des 15 dernières années.</p> <p><strong>1700</strong></p> <p>organisations ont, grâce à un mandat ou une carte d'entrée au Palais fédéral, un accès direct à au moins un membre du Conseil.</p> <p><strong>11</strong></p> <p>C'est la place de la Suisse sur la liste des pays de l’UE en ce qui concerne la transparence et le lobbyisme en politique. Elle s'en tire particulièrement mal au niveau des sanctions.</p> <p>Tabac et eau-de-vie: le conseiller national bâlois UDC Sebastian Frehner, 46.</p> <p>Syndicats: le conseiller national bernois PS Corrado Pardini, 54. 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La fidélité absolue est un concept éculé et hypocrite qui a pour but principal que les hommes soient certains que les enfants qui sortent des ventres de leur épouse soient bien le produit de leurs spermatozoïdes à eux. Transmettre ses gènes est un réflexe très animal, si Sapiens est vraiment un être supérieur, il devrait se détendre sur cette question. En plus, Pierre et moi n’avons pas fait d’enfants, trop concentrés sur nous-mêmes et nos vies à réussir. Marie, ma sœur, prétend que pour les femmes, l’importance de la fidélité n’a pas pour but la perpétuation de l’espèce mais plutôt la conservation à leur côté du mâle qui assure leur protection. Elle se trompe. Si Pierre et moi sommes toujours ensemble après trente-cinq ans de mariage, c’est justement parce que nous nous laissons la liberté d’aller de temps en temps voir ailleurs. Marie, elle, ne souhaitait plus de rapports sexuels tout en menaçant son mari de le quitter s’il la trompait. 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De retour en Suisse, j’ai soigné ma salpingite et terminé mes études de lettres. Entre deux amants de passage, je traversais de longues périodes d’abstinence sexuelle sans que cela me coûte. A la manif, j’ai trouvé Pierre très beau avec sa moustache et sa barbe de cinq jours. Et je l’ai trouvé irrésistible lorsqu’il a jeté une bouteille vide en direction des forces de l’ordre qui voulaient nous empêcher d’accéder à la salle où se déroulait une assemblée de l’UDC, ce parti d’extrême droite honni par nous. Pierre s’est fait réprimander par les camarades communistes qui assuraient le service d’ordre et il a fini par en venir aux mains avec eux. J’ai spontanément pris sa défense, nous nous sommes faits bousculer et avons quitté la manifestation, lui avec une arcade sourcilière fendue, moi avec un fort désir pour lui. Je l’ai emmené chez moi pour soigner sa blessure et nous avons fait l’amour toute la nuit. 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Pierre est devenu agressif avec Mireille lorsque celle-ci a déclaré que les néo-féministes exagéraient et que #MeToo décourageait toute tentative de séduction de la part des hommes. «Je n’ai pas peur de le dire, j’aime bien que l’on me tienne la porte et que les hommes me fassent sentir qu’ils me désirent…» Pierre lui a rétorqué que le patriarcat était une forme de fascisme et qu’en tant que progressiste nous devions tout faire pour l’abattre. J’ai essayé de dévier la conversation sur la nourriture bio mais très vite c’est l’écriture inclusive qui a fait s’échauffer les esprits. Serge, qui se pique d’aimer la littérature, a déclaré que le français était en danger, qu’il fallait le sauver des points médians et des réformes de l’orthographe. 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Ce que j’ai découvert est effrayant…</p> <p style="text-align: right;"><em>Suite la semaine prochaine</em></p> <hr /> <h4>Pierre Ronpipal est l’auteur de<br /><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1734002707_damned01.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="149" height="206" /><br />«A moi de choisir ceux qui vont mourir»<br /><span>et de<br /></span><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1734002742_cover20242.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="154" height="207" /><br />«Le vert était rouge à l’intérieur»<br />aux <a href="https://nouvelleseditionshumus.ch/" target="_blank" rel="noopener">Nouvelles Editions Humus</a></h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'un-bien-cruel-conte-de-noel-1', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 39, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5284, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Les ramasseurs de déchets, grands perdants du récit dominant sur la pollution plastique', 'subtitle' => 'A Busan, en Corée du Sud, les discussions sur le traité mondial sur la pollution plastique, qui se tenaient du 25 novembre au 1er décembre, se sont soldées par un échec. 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Il s’agit des travailleurs qui récupèrent, réutilisent ou revendent les plastiques, les textiles, l’aluminium et d’autres matériaux précieux issus des déchets.</p> <p>Dans le cadre du traité sur les plastiques, pour que ces travailleurs informels soient reconnus, que leurs conditions de travail puissent être améliorées et qu’ils puissent bénéficient d’une transition écologique plus équitable, les solutions politiques doivent aller au-delà des mécanismes économiques basés sur le seul marché et des stratégies axées sur le profit.</p> <p>Si ce n’est pas le cas, les efforts en faveur d’un recyclage plus inclusif et du développement de l’économie circulaire risquent de renforcer les injustices mêmes qu’ils prétendent combattre.</p> <h3>Qui sont les ramasseurs informels de déchets?</h3> <p>Les collecteurs de déchets – et les autres personnes travaillant avec eux dans un cadre informel et coopératif – effectuent une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921344924001824#sec0021">grande partie du travail de recyclage à l’échelle mondiale</a>. 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Les réglementations environnementales peuvent <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/ac6b49">aggraver ces menaces</a> en accélérant la privatisation du traitement des déchets.</p> <p>Alors que les efforts de lutte contre la pollution plastique gagnent du terrain, les ramasseurs informels sont soumis à une double pression:</p> <ul> <li> <p>Ils doivent protéger leur accès aux déchets, car c’est l’un des rares moyens de subsistance dont ils disposent.</p> </li> <li> <p>En même temps, ils cherchent à améliorer leurs conditions de vie et de travail.</p> </li> </ul> <p>Un groupe de ramasseurs de déchets a donc profité de l’ouverture des négociations pour <a href="https://globalrec.org/document/just-transition-waste-pickers-un-plastics-treaty/">plaider en faveur de la reconnaissance de leur travail</a>. Il a été demandé que leurs contributions historiques à la réduction de la pollution plastique soient explicitement reconnues, et qu’un objectif explicite de transition juste soit intégré au traité sur les plastiques.</p> <h3>Avec l’économie circulaire, tout le monde est gagnant?</h3> <p>La <a href="https://theconversation.com/quatre-idees-recues-sur-la-transition-juste-227569">transition juste</a> est un principe défendu par les groupes de travailleurs et les défenseurs de la justice sociale afin de garantir que les politiques de transition écologique protègent, améliorent et compensent équitablement les moyens de subsistance des travailleurs et des communautés affectés par l’environnement.</p> <p>Les ramasseurs de déchets ont utilisé ce terme pour réclamer que le traité comprenne des dispositions pour améliorer leurs conditions de travail et de sécurité. 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Par exemple la <a href="https://www.businessforplasticstreaty.org/vision-statement#Key-elements">Business Coalition for a Plastics Treaty</a>, les <a href="https://news.un.org/en/story/2024/10/1156301">dirigeants des Nations unies</a> et même <a href="https://resolutions.unep.org/resolutions/uploads/american_chemistry_council.pdf">l’industrie pétrochimique</a>.</p> <p>Certaines de ces demandes ont été intégrées aux projets de traité sur les plastiques discutés au cours des négociations, ce qui représente une victoire majeure pour les travailleurs du secteur informel des déchets.</p> <p>Un consensus se dégage sur le fait qu’une économie circulaire inclusive peut être bénéfique à la fois pour l’environnement, l’économie et les travailleurs en améliorant la gestion de la pollution, les moyens de subsistance et les opportunités de croissance économique pour les entreprises.</p> <p>Ces promesses demandent toutefois à être vérifiées sur le terrain. Et c’est là que les choses se compliquent.</p> <h3>« Gagnant-gagnant », mais la victoire de qui ?</h3> <p>Dans mon livre <a href="https://mitpress.mit.edu/9780262546973/recycling-class/"><em>Recycling Class</em></a>, j’examine comment les efforts de recyclage inclusif ont été mis en œuvre à Bengaluru, l’une des plus grandes villes de l’Inde.</p> <figure><a href="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a> <figcaption><span></span></figcaption> </figure> <p>Dans cet ouvrage, je défends que l’intégration dans des programmes d’économie circulaire basés sur le marché n’est pas une solution miracle aux injustices ancrées dans les systèmes de production, de consommation et de production des déchets.</p> <p>La plupart des politiques d’économie circulaire et de recyclage inclusif reposent sur des mécanismes de marché, partant du principe que la création de marchés pour les déchets incitera les acteurs du marché à récupérer efficacement les déchets et à les convertir en ressources.</p> <p>Pour remplir leurs obligations en matière de <a href="https://theconversation.com/faire-payer-plus-les-entreprises-pour-quelles-reduisent-les-emballages-130073">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP), les marques peuvent alors s’engager à acheter des plastiques recyclés et à financer la collecte des déchets en achetant des <a href="https://www.worldbank.org/en/programs/problue/publication/unlocking-financing-to-combat-the-plastics-crisis">crédits plastique</a>.</p> <p>Cette approche vise à améliorer le prix des déchets, à augmenter les salaires et à encourager les efforts de collecte, tout en attirant des investissements pour financer l’amélioration des infrastructures et des technologies.</p> <p>Cependant, les mécanismes fondés sur le marché aggravent les inégalités existantes en matière d’accès au marché. 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Souvent issus de milieux éduqués et privilégiés, les employés de ces firmes <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S001671852300057X">concurrencent les travailleurs informels existants, les subordonnant au passage</a>.</p> <p>A l’inverse, les femmes et les membres des minorités ethno-raciales et religieuses, qui constituent la majorité des travailleurs des économies informelles des déchets, sont confrontés à des obstacles supplémentaires. Notamment des <a href="https://mouvements.info/recuperateurs-de-dechets/">stigmates sociaux bien ancrés</a> qui limitent leur capacité à participer sur un pied d’égalité à ces marchés émergents. Ils restent toujours relégués aux mêmes tâches manuelles et difficiles, même si leurs conditions de travail en ressortent légèrement améliorées.</p> <h3>L’industrie du plastique maintient le <em>statu quo</em></h3> <p>Malgré les bonnes intentions de départ, des termes tels que «économie circulaire inclusive» sont donc trop souvent utilisés à des fins de <em>green washing</em> et même de <em>justice washing</em>, tandis que les travailleurs continuent à endurer des conditions difficiles. Une étude de <a href="https://www.circle-economy.com/resources/decent-work-in-the-circular-economy">Circle Economy</a> souligne que la plupart des emplois du secteur de l’économie circulaire restent ad-hoc et informels et ne bénéficient pas des garanties d’un emploi décent.</p> <p>En fin de compte, les travailleurs informels sont confrontés à un choix difficile: soit ils acceptent d’être exploités au sein des circuits de traitements des déchets en tant que simples ressources, soit ils risquent de perdre complètement leurs moyens de subsistance.</p> <p>Les systèmes actuels de production et de consommation du plastique déplacent donc la charge des déchets sur des communautés autochtones ou ethniques marginalisées, créant ainsi des <a href="https://www.dukeupress.edu/pollution-is-colonialism">zones sacrifiées</a>. Ce déplacement permet de maintenir la rentabilité, tout en perpétuant les atteintes à l’environnement et les inégalités sociales.</p> <p>En promouvant des technologies de <a href="https://www.bbc.com/afrique/monde-57087908">recyclage chimique</a> non éprouvées et en étendant les marchés du plastique, les entreprises <a href="https://theconversation.com/comment-lindustrie-fossile-influence-les-negociations-mondiales-sur-le-plastique-222112">pétrochimiques</a> et de matières plastiques <a href="https://direct.mit.edu/glep/article/21/2/121/97367/Future-Proofing-Capitalism-The-Paradox-of-the">s’approprient le langage de l’économie circulaire</a>. 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C’est vrai aussi bien pour le traité international sur la pollution plastique que pour d’autres démarches régionales comme le <a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/ATAG/2021/679066/EPRS_ATA(2021)679066_FR.pdf">plan d’action de l’UE pour l’économie circulaire</a>.</p> <p>En effet, toute stratégie de lutte contre la pollution plastique basée sur le marché et axée sur le profit est susceptible de reproduire ces schémas d’inégalité. Et par la même occasion, de pérenniser les injustices systémiques qui soutiennent le statu quo. Pour une transition vraiment juste, la lutte contre la pollution plastique ne doit donc pas devenir une opportunité de croissance économique ou de profit.</p> <p>Au contraire, nous avons besoin d’une approche centrée sur la réparation. Il faut d’abord, pour cela, reconnaître les contributions historiques des collecteurs informels du plastique ainsi que les préjudices qu’ils subissent. Puis redistribuer les ressources aux personnes les plus touchées et créer des systèmes qui donnent la priorité à la restauration de l’environnement et à la justice sociale plutôt qu’au profit des entreprises.</p> <p>Une économie circulaire bien financée devrait d’abord renforcer le pouvoir des travailleurs, puis améliorer les capacités des infrastructures et réduire la concentration de ces déchets en produits chimiques toxiques, plutôt que de s’appuyer sur des solutions basées sur le marché qui aggravent les inégalités.</p> <p>Les vraies solutions consistent à demander des comptes aux pollueurs et à adopter des approches circulaires fondées sur la sobriété et la réparation, et non sur l’efficacité du marché.<img src="https://counter.theconversation.com/content/244065/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/manisha-anantharaman-1526162">Manisha Anantharaman</a>, Assistant Professor, Center for the Sociology of Organisations, CNRS/Sciences Po, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/sciences-po-2196">Sciences Po </a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique-244065">article original</a>.</h4> </div>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 42, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5283, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Les Etats-Unis financent un collectif international de journalistes', 'subtitle' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'subtitle_edition' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'content' => '<p style="text-align: center;"><strong>Urs P. Gasche</strong>, article publié sur <a href="https://www.infosperber.ch/medien/medienkritik/die-usa-finanzieren-internationales-journalisten-kollektiv/" target="_blank" rel="noopener"><em>Infosperber</em></a> le 5 décembre 2024, traduit par <em>Bon Pour La Tête</em></p> <hr /> <p>Parmi de nombreux autres médias, la <em>NZZ</em> et le <em>Tages-Anzeiger</em> ont diffusé à plusieurs reprises des révélations du réseau international de journalistes Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP). Ce faisant, ils n'ont pas rendu transparent le fait que les services gouvernementaux américains paient la moitié du budget de l'OCCRP. 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De plus, l'agence gouvernementale américaine interdit d'utiliser son argent pour mettre au jour la corruption aux Etats-Unis.</p> <p>Certaines subventions étaient même affectées à un but précis: le Department of State, par exemple, a versé 173 000 dollars à l'OCCRP pour «détecter et combattre la corruption au Venezuela». Ou l'<a href="https://www.usaid.gov/">Agence pour le développement international (USAID)</a> a versé plus de deux millions de dollars dans le but de «mettre au jour la criminalité et la corruption à Malte et à Chypre».</p> <p>Le journal en ligne français indépendant <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">« Mediapart »</a> en a parlé le 2 décembre 2024 <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">.</a></p> <p>Le fondateur de l'OCCRP est un ancien employé <a href="https://www.rockwellautomation.com/de-ch.html">de Rockwell</a> devenu journaliste: <a href="https://www.occrp.org/en/staff/drew-sullivan">Drew Sullivan</a>. L'OCCRP a été créé à l'instigation de fonctionnaires du gouvernement américain. Selon Mediapart, Sullivan a reçu pour cela, en 2008, un financement de départ de 1,7 million de dollars du <a href="https://www.state.gov/bureaus-offices/under-secretary-for-civilian-security-democracy-and-human-rights/bureau-of-international-narcotics-and-law-enforcement-affairs/">Bureau of International Narcotics and Law Enforcement Affairs</a>(INL). Il s'agit d'une agence d'application de la loi du Département d'Etat américain.</p> <p>L'OCCRP s'appuie souvent sur des documents divulgués provenant de sources non identifiées. La qualité des recherches et des révélations de l'OCCRP n'est pas mise en doute. L'orientation unilatérale des recherches et le manque de transparence des informations sur le financement donnent lieu à des critiques.</p> <p>L'ampleur des liens personnels et financiers de l'OCCRP avec le gouvernement américain va à l'encontre de «tous les principes de l'éthique journalistique». C'est ce qu'a déclaré Leonard Novy, directeur de l'Institut allemand des médias et de la politique de communication, à la chaîne NDR. Cela laisse supposer que les journalistes peuvent être utilisés ou instrumentalisés à des fins politiques.</p> <p>Sullivan et l'OCCRP ont également laissé les médias partenaires et leurs lecteurs dans l'ignorance de leur proximité avec le gouvernement américain. Selon Leonard Novy, l'organisation a ainsi dépassé les limites.</p> <h3><strong>Sullivan n'a pas voulu parler clairement aujourd'hui encore</strong></h3> <p>Sullivan a d'abord affirmé à la chaîne NDR que l'OCCRP avait «un groupe de donateurs largement répandu», parmi lesquels «aucun donateur individuel ne domine». Il a ajouté que «le gouvernement américain [...] est l'un des plus grands donateurs, mais ce n'est pas un pourcentage énorme». 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Des faits presque incroyables sur le travail de relations publiques du Pentagone.</p> <p><strong>20 avril 2008</strong> <a href="https://www.spiegel.de/kultur/gesellschaft/gekaufte-meinung-pentagon-beschaeftigt-pr-armee-fuer-us-tv-a-548519.html">Le Pentagone emploie une armée de RP pour la télévision américaine</a>. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
3 Commentaires
@Lagom 03.10.2019 | 13h27
«Selon un classement international la Suisse est le 3ème pays le moins corrompu au monde. Or avec cet article je me demande si notre bonne place ne serait pas 3ème des plus corrompus, car chez nous la corruption est institutionnelle. Je trouve plus noble que les corrompus touchent l'argent au noir sous la table comme au tiers monde car c'est un peu moins honteux.»
@willoft 03.10.2019 | 19h27
«Oui, on appelle ça politicien de ... milice, dans une des meilleures démocraties du monde.
Mais vous pouvez aussi enquêter sur le troisième pouvoir, la justice.
S'ils n'ont pas les médias sur le dos, ils font aussi ce qui leur chante en toute opacité, abus de pouvoir inclus!»
@Lagom 04.10.2019 | 17h24
«@willoft, suis entièrement d'accord avec vous. D'ailleurs une telle politique engendre une telle justice. Et ça fonctionne aussi à l'envers; une telle justice engendre de tels hommes et femmes politiques. Pauvre peuple souverain. »