Actuel / Meghan et Harry en Amérique, je disparais moi non plus
Meghan et Harry. © DR
Ils ont officiellement quitté l'Angleterre pour vivre en Amérique loin du harcèlement des médias. Pourtant, les jolis minois du prince Harry et de son épouse Meghan envahissent à nouveau, via des apparitions choisies dans des médias choisis, les canaux de communication du monde entier
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Dans ma vie, aux toilettes: je me suis changée, je me suis maquillée, j’ai brossé mes dents, j’ai pleuré de chagrin, j’ai vomi, j’ai révisé, j’ai sorti ma feuille de triche, j’ai tenu des conseils de guerre avec des amies, j’ai débriefé au téléphone des rancarts en cours, j’ai consolé d’autres amies, j’ai fumé en cachette, j’ai quémandé des tampons hygiéniques, j’ai embrassé des garçons qui ne devaient pas être là, j’ai attendu que le temps passe, je me suis cachée.</p> <h3>«Laissez-nous ces lieux dénués de testostérone, de pipis sur la lunette, de drague hétéro lourde»</h3> <p>Des toilettes de filles, pour une fille, c’est un lieu où, imperceptiblement, inconsciemment, on se relâche, on baisse la garde, un pseudo-gynécée intermédiaire entre l’intimité et le monde extérieur. 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C’est à ce moment qu’arrive enfin ce mot magique de «culture». Il est généralement placé dans l’expression: «Une page de culture maintenant !» et annonce que l’on va vous parler, indifféremment, d’une exposition de peinture, d’un documentaire sur les animaux, d’une pièce de théâtre, d’un livre de philosophie ou de New Romance, d’un opéra, de marionnettes pour enfants, d’un jeu vidéo, de musique jazz ou de toute autre sujet que l’on peut placer sous cette étiquette passe-partout et bien pratique. Il est alors prononcé avec un immense sourire. Epanoui, sincère, contagieux. Il vous signifie qu’enfin, vous pouvez vous détendre. Fini le pensum des infos sérieuses, fini l’actualité du monde qui ne tourne jamais rond, passons enfin à quelque chose léger, qui prête à… sourire.</p> <p>Ce sourire est incroyablement agaçant.</p> <p>Il est d’une condescendance infinie, laissant entendre qu’après les trucs de grandes personnes, le plat de résistance, les sujets dits culturels comptent moins que les autres, occupant surtout une fonction de divertissement en fin de téléjournal.</p> <p>Il laisse entendre que la culture, c’est drôle. Une activité légère, marrante et futile. La cerise sur le gâteau, la gâterie d’avant le dodo. Parfois, pas de chance, l’exposition ou la pièce de théâtre en question parlent cancer, esclavage, migrants, inceste : ce sourire tombe alors complètement à plat et s’agit de vite le refermer en lançant le sujet.</p> <h3>Pourquoi ne pas bouleverser la hiérarchie de l'information? </h3> <p>Les quotidiens <em>24 heures</em> et <em>Tribune de Genève</em> ont fait leur révolution culturelle il y a peu en remontant leurs pages dites «locales» en ouverture de journal, conscients que la valeur ajoutée de leurs journalistes se trouvait dans le traitement de ces sujets, autant que de l’intérêt prioritaire de leur lectorat pour ces sujets de proximité par rapport aux pages internationales, voire même nationales. Pourquoi les journaux télévisés placent-ils immanquablement la culture à la fin? Qu’attendent-ils pour faire exploser la sacro-sainte et traditionnelle «hiérarchisation de l’information»? Pourquoi cette hiérarchie ne tiendrait-elle pas compte de la diversité des téléspectateurs – pour certains, les tensions diplomatiques entre la Chine et les Etats-Unis peuvent attendre les cinq dernières minutes, tandis que l’annonce de la sortie d’un inédit de Leonard Cohen changera le cours de leur semaine. Pourquoi ne pas alterner les ouvertures de journaux? On parle inclusivité et langage épicène: donnons à tous les publics des JT l’occasion de se sentir «inclus» dans cette <em>grande messe</em> de l’information quotidienne, si l’on veut qu’elle le reste!</p> <p>Lorsqu’on sait à quel point les artistes en particulier, et les acteurs culturels en général, se font l’écho de tous les courants qui traversent nos sociétés, heureux ou malheureux, actuels ou intemporels, intimes ou collectifs, révolutionnaires ou conservateurs, c’est la place du roi que l’on devrait donner à leurs actualités et productions. 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Etre grosse, au final, est-ce bien — version <em>body positive</em> — ou mal — version médicale et OMS? </p> <p>Nous qui souhaitons bien faire, ne savons pas comment ni parler des grosses, ni leur parler.</p> <p>Nous nous trouvons pris au cœur de ce que les psys appellent deux injonctions paradoxales, soit deux affirmations, ou demandes, qui se contredisent. Exemples faciles: «Soyez spontané!» ou «Ne lisez pas cette phrase!».</p> <p>C’est un vrai sujet. En 2019, le mot <i>grossophobie</i>, qui désigne les «comportements stigmatisants et discriminants envers celles et ceux qui sont obèses ou en surpoids», a fait son entrée dans le dictionnaire. Tout comme les <i>gender studies </i>ont fait leur entrée dans la recherche et l’enseignement universitaire depuis les années 1980, les <i>fat studies</i>, qui étudient de manière interdisciplinaire la discrimination basée sur le poids dans les sociétés occidentales, sont désormais au programme des universités anglo-saxonnes. 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On n’a jamais autant vu Meghan et Harry depuis qu’ils ont choisi de fuir la lumière.
Il y a un an, le couple quittait avec fracas non seulement la Firme, comme on surnomme la maison royale britannique, mais aussi l’Angleterre, s’exilant sous les cieux plus cléments de la Californie pour, officiellement, vivre leur amour et élever leurs enfants loin du harcèlement des médias.
Ce qu’ils disent, mais ne font pas.
A peine installés dans leur nouvelle maison de Montecito, une enclave pour millionnaires près de Santa Barbara, leurs jolis minois envahissent à nouveau, via des apparitions choisies dans des médias choisis, les canaux de communication du monde entier. Tout en poursuivant ces mêmes médias pour atteinte à la vie privée, ils mettent en scène, encore et toujours, leur vie privée. Revendiquant leur droit à une vie «normale», ils ne s’engagent pas comme serveuse au fast-food du coin ou employé d’une banque quelconque mais signent de juteux contrats avec Netflix et Spotify pour raconter leur vie, et celles de leurs amis, au plus grand nombre.
Et hier, dimanche 7 mars, face à la légende vivante de la télévision américaine Oprah Winfrey, dans une longue interview dont un seul teaser de vingt secondes a suffi pour faire couler des litres d’encre dans la presse du monde entier et forcer la reine Elisabeth à déplacer sa traditionnelle allocution de la Journée du Commonwealth, Meghan Markle jouait le rôle de sa vie. Meghan contre la Reine!
Elle ne pouvait rêver mieux et ça se voit. Dans sa robe Armani à 5000 dollars, la main gracieusement posée sur son ventre de femme enceinte, paupières et narines frémissantes telle une biche apeurée − encore une qui a trop regardé Bambi −, dénonçant la méchanceté de sa belle-sœur et du monde dans le jardin de sa maison à 15 millions de dollars, Meghan a été parfaite.
D’autant plus que la star, ici, c’est elle. C’est elle qu’Oprah interview - Harry, pourtant le seul vrai prince de l’émission, ne les rejoignant qu’en cours d’interview. Normal: d’exil il n’est question que pour Harry, fils de Charles d’Angleterre et Diana Spencer. Meghan, elle, revient à la maison. Tout comme Kim et Kanye Kardashian-West ont eu besoin de se marier, sous les yeux du monde, entre Versailles et un palais florentin pour s’offrir une touche de noblesse européenne, Meghan est de retour avec un titre de duchesse de Sussex qui lui assure une rente médiatique à vie.
Biberonnée aux codes des séries TV, de Hollywood et de la communication à l’américaine, communication avant tout hypocrite, émotionnelle et démonstrative, Meghan a quitté des terres londoniennes dont elle ne maitrisait pas les codes, pour ramener Harry chez elle. Harry seul n’attirerait ni les foules, ni Oprah. Bien que sympathique et joli garçon, il est bien trop honnête pour susciter les passions. Surtout: il ne joue pas comme Meghan avec les médias, qui en retour adorent jouer avec elle sur l’air de «je t’aime moi non plus».
«Never explain, never complain», le moto de la famille royale? Très peu pour elle. Elle veut tout expliquer et, surtout, se plaindre. S’appropriant sans vergogne le destin tragique de feu Diana sa belle-maman, portant ostensiblement ses bijoux devant la caméra, elle se pose en victime − de la pression médiatique, de l’étiquette rigide de la couronne, du racisme − parce qu’elle a bien compris qu’aujourd’hui, pour être écoutée et passer à la télévision, c’est ce rôle qu’il faut jouer.
Harry cherchait l’ombre et la vraie tranquillité, elle l’a attiré dans sa lumière. Et tandis qu’elle rayonne dans son statut de pseudo-victime, lui, malheureux, clairement dépassé face à des animateurs télé qui ridiculisent son statut de prince, en est réduit à ressasser son drame d’orphelin pour justifier une nouvelle vie qui le prive de ce qu’il a de plus précieux – un frère, un pays, une famille.
Est-ce à la notoriété qu’ils sont accros? Le statut de victime est-il si confortable qu’on puisse souhaiter le cultiver ad nauseam? Nul doute que l’addition des deux, plus une bonne dose de spectateurs-voyeurs dont nous faisons partie, en fait un cocktail détonnant.
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Dans ma vie, aux toilettes: je me suis changée, je me suis maquillée, j’ai brossé mes dents, j’ai pleuré de chagrin, j’ai vomi, j’ai révisé, j’ai sorti ma feuille de triche, j’ai tenu des conseils de guerre avec des amies, j’ai débriefé au téléphone des rancarts en cours, j’ai consolé d’autres amies, j’ai fumé en cachette, j’ai quémandé des tampons hygiéniques, j’ai embrassé des garçons qui ne devaient pas être là, j’ai attendu que le temps passe, je me suis cachée.</p> <h3>«Laissez-nous ces lieux dénués de testostérone, de pipis sur la lunette, de drague hétéro lourde»</h3> <p>Des toilettes de filles, pour une fille, c’est un lieu où, imperceptiblement, inconsciemment, on se relâche, on baisse la garde, un pseudo-gynécée intermédiaire entre l’intimité et le monde extérieur. 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Sans le vouloir, tout fiérot de sa prose printanière guillerette et coquine, les sens en émoi après quelques rayons de soleil, héritier d’une culture de lubricité machiste la plupart du temps inoffensive mais très agaçante, Paul Clément s’est retrouvé exposé d’une manière qu’il n’imaginait pas. Que sa lettre de lecteur mérite ou pas le torrent de haine qu’elle suscite depuis sa publication lundi dans <em>La Liberté</em>, elle nous donne l’occasion d’exprimer à notre tour ce que nous pensons des gambettes des «nymphettes». Savoir ce que pense Paul Clément est utile. Cela nous apprend à réagir, à dire à nos filles de se méfier, et surtout nous permet de réaffirmer ce à quoi nous croyons. Encourageons la liberté de toutes les expressions, même celles qui nous déplaisent, pour mieux affuter les nôtres! Et, peut-être, si possible, convaincre.</p> <p>Car que voulons-nous? Voulons-nous couper le caquet à tous les Paul Clément du monde? Ne pas les entendre? Ou leur faire changer d’avis? Préférons-nous ne pas savoir que nous ne voyons pas tous et toutes le monde de la même manière ou changer le monde, le faire évoluer dans le sens que nous souhaitons?</p> <h3>Débattre plutôt qu'interdire </h3> <p>Je suis de la culture du débat. La pédagogie ne passe jamais par l’interdiction, ni par l’intimidation, bien au contraire. Interdisez à un homme ou à une femme d’exprimer une opinion, ou même de la penser en son for intérieur: il ou elle n’en sortira que renforcée dans cette opinion. Quelle erreur que de se priver de savoir ce que pense les gens, tous les gens, même ceux qui pensent mal selon nous! La liberté d’expression permet justement la confrontation des opinions. Si nous ne voulons pas entendre l’Autre, c’est que nous ne supportons pas la différence, fût-elle insupportable. Si nous voulons changer le monde, le rendre meilleur à nos yeux, il faut commencer par l’entendre, le comprendre pour ensuite le critiquer et l’amener, si possible, là où nous voulons. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
1 Commentaire
@DominiqueM 01.04.2021 | 09h51
«très belle plume Madame Falconnier, c'est un plaisir de vous lire. Pertinence et bel humour.»