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'subtitle' => 'Après presque quatre mois de combats en Ukraine, la parole n'a été que rarement, ou très partiellement, donnée à la partie russe, présentée dans les médias occidentaux comme l'agresseur et l'unique responsable du conflit. Alors que les opérations militaires se poursuivent sur le terrain et que les négociations apparaissent à nouveau comme un moyen possible d'arrêter la guerre, il semble important de comprendre pourquoi la Russie a pris le risque de lancer son «opération militaire spéciale».',
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<p>Au terme d’un entretien de 90 minutes avec Mme Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, tenu à la veille du Forum économique international de Saint-Pétersbourg (du 15 au 18 juin 2022), nous publions la synthèse de ces échanges dans la version raccourcie ci-dessous.</p>
<p><strong>Guy Mettan: Pourriez-vous résumer et expliquer à nouveau les causes principales des opérations militaires actuelles en Ukraine?</strong></p>
<p><strong>Maria Zakharova</strong>: Permettez-moi alors de commencer par le début. En février 2014, un coup d'Etat anticonstitutionnel directement soutenu par l'Occident a propulsé au pouvoir des nationalistes violents, qui ont entamé une politique dirigée contre leur propre peuple et visant une ukrainisation coercitive et la destruction de tout ce qui est russe. Pendant huit ans, le régime de Kiev a violé de manière flagrante les droits de l'Homme, bafoué la liberté d'expression et des médias, lutté contre la langue russe, qui est la langue maternelle de dizaines de millions d'Ukrainiens, et contre la culture russe, tout en exterminant les opposants politiques. </p>
<p>Une guerre civile a été déclenchée dans le Donbass et le plan de paix convenu et approuvé par le Conseil de sécurité de l'ONU, qui était le Paquet de mesures pour mettre en œuvre les accords de Minsk, a été complètement ignoré par Kiev. L'Occident a fermé les yeux sur tout cela pour faire plaisir à ses protégés ukrainiens et, parfois, en les stimulant.</p>
<p>Encouragée par leur soutien, Kiev n’a jamais sérieusement envisagé une solution diplomatique au conflit dans l'est du pays. Au lieu de cela, elle a imposé un blocus des transports et de l’économie contre le Donbass et a cessé de payer les pensions et les prestations sociales. Pendant toutes ces années, les habitants des Républiques populaires de Donetsk et de Lougansk ont été soumis à des tirs d'artillerie et de mortier par les forces armées ukrainiennes et les unités nationalistes. Des milliers d'innocents, dont des enfants, ont été tués et des dizaines de milliers blessés, comme l'ont confirmé les rapports officiels de l'OSCE et des Nations Unies. Pourquoi cela, si ce n’est pour anéantir les populations du Donbass?</p>
<p>Apparemment, Washington et ses alliés ont préparé l'Ukraine en vue de représailles dans le Donbass à partir de 2014. Selon des responsables du Pentagone, les Etats-Unis ont fourni à l'Ukraine 2,7 milliards de dollars d'aide militaire entre 2014 et le début de l'opération militaire spéciale. De plus, les militaires de l'OTAN ont fait un usage intensif du territoire ukrainien. Des instructeurs occidentaux ont activement formé les soldats ukrainiens, y compris de vrais néonazis. Le nombre d'exercices militaires impliquant des pays de l'OTAN en Ukraine n'a cessé d'augmenter. Sept exercices ont été menés en 2021 et neuf étaient prévus en 2022. Leur ampleur a également augmenté. Si l'année dernière 21'000 militaires ukrainiens ont participé à des exercices multilatéraux, le nombre devait être porté à 40'000 cette année. Le nombre de représentants de l'OTAN devait grimper à 22'000 contre 11'000 l'an dernier tandis que les équipements militaires devaient s’élever à 240 avions et hélicoptères contre 37 l'an dernier, et à 160 navires de guerre contre 26 en 2021. </p>
<p>Ceci en dépit du fait que la présence de forces armées étrangères en Ukraine contredisait directement le paragraphe 10 du Paquet de mesures de Minsk. Cela ne peut être appelé autre chose qu'une intervention, et cela se passait à proximité immédiate de nos frontières. </p>
<p>Le renforcement militaire de l'OTAN près de nos frontières en mer Noire n'a fait qu'aggraver la situation. Les forces de l'Alliance y étaient littéralement en service de combat. Les navires de guerre des puissances non régionales, principalement les Etats-Unis, n'ont jamais quitté ces eaux. Plusieurs pays de l'OTAN ont mené des exercices imprévus sous le commandement de la Sixième flotte américaine au cours de la première quinzaine de novembre 2021. En fait, les Etats-Unis ont ouvert la voie à la création d'un groupement multinational des forces armées de l'OTAN en Ukraine et déstabilisé la situation dans la région. Les aspirations de Kiev à obtenir des armes nucléaires, que Vladimir Zelensky a publiquement exprimées en février de cette année, ont également posé un grave risque pour la sécurité internationale. </p>
<p>Tout cela pris ensemble a abouti à la reconnaissance par la Russie de la DNR et de la LNR en tant qu'Etats souverains et indépendants le 21 février 2022. Le président de la Russie a alors pris la décision de lancer une opération militaire spéciale (SMO) en Ukraine le 24 février conformément à l’Article 51 de la Charte des Nations Unies, avec l'autorisation du Conseil de la Fédération et du Parlement de la Fédération de Russie et à la demande des dirigeants du DNR et du LNR. Nous n'avions pas d'autre choix. </p>
<p>Nos principaux buts et objectifs sont la démilitarisation et la dénazification de l'Ukraine, la protection des civils du Donbass contre le génocide et l'élimination des menaces contre la Russie depuis le territoire ukrainien en raison de son exploitation par les pays de l'OTAN.</p>
<p><strong>Quels sont les principaux objectifs que la Russie essaie actuellement d'atteindre en Ukraine? J'ai retenu trois objectifs principaux: «la dénazification, la démilitarisation et la neutralisation». Qu’entendez-vous exactement par ces mots?</strong></p>
<p>Pour commencer, je voudrais apporter une correction fondamentale. Vous avez mentionné ce qu'on appelle la neutralisation comme l'un des objectifs de l’opération militaire spéciale. Ce n'est pas le bon terme. Ce que nous voulons, c'est restaurer le statut de l'Ukraine en tant qu'Etat neutre, non aligné et non nucléaire, c'est-à-dire le retour du pays aux origines de son statut d'Etat, tel qu'énoncé dans sa déclaration de 1990 sur la souveraineté de l'Etat. </p>
<p>Concernant la dénazification, je voudrais vous rappeler qu'en 2014, lorsque les nationalistes radicaux ont usurpé le pouvoir en Ukraine à la suite du coup d'Etat anticonstitutionnel, la glorification des collaborateurs nazis de l'Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN) et de l'Armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA) – qui ont ouvertement assassiné des Juifs, des Roms, des Polonais, des Russes et des représentants d'autres groupes ethniques, ainsi que les «mauvais» Ukrainiens pendant la Seconde guerre mondiale – a commencé au niveau de l'Etat. </p>
<p>Au cours des huit années suivantes, les atrocités des combattants de l'OUN-UPA, qui ont tué des milliers de civils, ont été présentées comme une lutte pour la liberté. Les rues et les stades ont été nommés d'après les complices d'Hitler tels que Stepan Bandera et Roman Shukhevych. Les unités nazies – le Secteur Droit, C14, Trizub, Azov, Donbass, Aidar, etc. – ont opéré ouvertement dans le pays. Des processions aux flambeaux ont eu lieu, terrifiant les civils. Certaines de ces unités ont ensuite été intégrées dans les forces armées ukrainiennes. Pendant huit ans, elles ont bombardé les communautés et les infrastructures civiles dans le Donbass; elles ont pillé, violé et tué. Il y a du sang de civils, nos contemporains, sur leurs mains. Ces débordements nazis devaient être stoppés. </p>
<p>C'est pourquoi le président Vladimir Poutine a déclaré la dénazification – l'éradication du nazisme et des nazis - comme l'un des objectifs de l'opération militaire spéciale. La Russie n'a pas l'intention de diviser ou de détruire la nation ukrainienne, comme la propagande occidentale essaie de le montrer, mais elle essaie de la protéger en débarrassant enfin les peuples d'Ukraine, de Russie et du reste de l'Europe de la peste brune du nazisme et du fascisme qui a relevé la tête en Ukraine. Les terribles leçons de la Seconde guerre mondiale ont amplement montré la nécessité de le faire. </p>
<p>La démilitarisation de l'Ukraine est en cours. Les forces armées russes, en collaboration avec les milices populaires de la RPD et de la RPL, détruisent constamment la quantité massive d'armes et de matériels aux mains des forces armées ukrainiennes, y compris ceux fournis de l'étranger. A l'avenir, nous pensons que l'Ukraine – je le répète – sera un Etat neutre, dénucléarisé et non aligné, et que son territoire cessera d'être un terrain d'entraînement militaire de l'OTAN pour la dissuasion et la confrontation avec la Russie.</p>
<p><strong>Fin mars dernier à Istanbul, des avancées significatives dans les négociations de paix ont été annoncées de part et d'autre. Mais ensuite les négociations se sont arrêtées. Pourquoi? Quelles étaient les causes de cette interruption?</strong></p>
<p>Oui, nous avons réussi à nous mettre d'accord sur les paramètres d'un éventuel accord lors de la réunion du 29 mars à Istanbul. Les représentants du régime de Kiev ont alors affirmé avoir entamé des consultations avec les pays occidentaux, qui pourraient être les garants potentiels d'un futur accord. Après cela, les négociations ont commencé à stagner et à la mi-avril, elles se sont arrêtées. Nous n'avons reçu aucune réponse à la série de propositions que nous avons faites le 15 avril. Les décideurs occidentaux ont manifestement interdit à Vladimir Zelensky de poursuivre les négociations, ce qui les aurait empêchés de pomper des armes en Ukraine et de poursuivre une guerre par procuration avec la Russie «jusqu'au dernier Ukrainien».</p>
<p><strong>A quelles conditions la Russie pourrait-elle accepter de relancer les négociations avec la partie ukrainienne? Ou quels pourraient être les critères d'un tel redémarrage?</strong></p>
<p>Nous avons répété à plusieurs reprises que nous n'avions pas rompu les pourparlers et que nous ne refusions pas de négocier avec Kiev. Nos priorités sont que l'Ukraine soit un Etat neutre, non aligné et non nucléaire, reconnaisse la réalité territoriale post-2014, y compris la souveraineté russe sur la Crimée et l'indépendance de la DNR et de la LNR, et s'engage à la démilitarisation, à la dénazification et à la non-discrimination de la population russophone, ainsi qu'au rétablissement du statut de la langue russe. </p>
<p>Quant à une réunion au plus haut niveau, nous avons souligné à maintes reprises qu'elle doit être minutieusement préparée afin qu'elle ait un ordre du jour significatif et facilite la signature d'accords spécifiques. Nous n'avons pas besoin d'une réunion pour le plaisir d'une réunion.</p>
<p><strong>Quel pourrait être l'avenir d'une nouvelle Ukraine pacifique et comment l'obtenir? Avec quelles garanties de sécurité pour les populations du Donbass comme pour les populations de l'ouest de l'Ukraine, ainsi que pour la Russie dans une perspective stratégique plus globale?</strong></p>
<p>La décision finale sur toutes les questions concernant l'avenir du pays et l'autodétermination de ses régions appartient uniquement aux peuples de l'Ukraine actuelle. Ils doivent avoir la possibilité de choisir librement le type d'avenir qu'ils souhaitent pour eux-mêmes et leurs enfants. Nous constatons qu'il y a beaucoup de gens dans les territoires abandonnés par les néo-nazis, par exemple dans les régions de Kherson, Zaporozhye et Kharkov, qui ne veulent pas que le régime de Kiev revienne. </p>
<p><strong>Les réactions de l'Occident en termes de sanctions économiques contre la Russie, d'assistance militaire et économique à l'Ukraine, de livraison massive d'armes, ont été assez fortes, rapides et coordonnées. Etait-ce une surprise pour vous?</strong></p>
<p>L'imposition de restrictions économiques unilatérales par certains pays contre d'autres Etats est une violation flagrante du droit international et de la Charte des Nations Unies. Les restrictions introduites en contournant le Conseil de sécurité de l'ONU ne sont rien d'autre qu'une ingérence dans les affaires intérieures d'Etats souverains. Les instruments utilisés à cette fin se développent rapidement. L'Occident collectif les utilise ouvertement pour faire basculer la situation politique interne, provoquer un étranglement économique et imposer son propre ordre mondial – incontestable et incontesté, basé sur et soumis à ses propres règles et normes. </p>
<p>Des pressions sans précédent sont exercées sur nos principales institutions financières, les secteurs de la technologie, du pétrole et du gaz, des mines, des transports et d'autres secteurs économiques. Les réserves d'or et de devises de la Russie à l'étranger ont été gelées, ce qui est une violation flagrante du droit international et une insulte au bon sens. </p>
<p>Après avoir fait l'objet d'une campagne massive de sanctions contre notre pays, nous nous concentrons sur l'intensification de la coopération globale avec nos partenaires. Cette coopération vise à étudier de nouvelles opportunités de substitution des importations dans les secteurs sensibles, à renforcer notre souveraineté technologique et à réorienter les chaînes de production et d'approvisionnement vers nos infrastructures nationales. </p>
<p>La Russie affronte avec confiance les défis extérieurs grâce à sa politique macroéconomique responsable de ces dernières années et à des solutions systémiques pour renforcer son économie et sécurité technologique et alimentaire. Les marchés monétaires et financiers se sont stabilisés. Il n'y a pas eu de forte baisse de la production, ni de croissance considérable du chômage. Nous avons réussi à éviter les pénuries de matières premières et la vague d'achats de panique est passée. L'inflation ralentit progressivement. Notre politique de réduction du rôle du dollar et de l'euro dans les échanges et le passage à des règlements mutuels en devises non occidentales se sont avérés efficaces. </p>
<p>L'Occident collectif a commis des erreurs de calcul majeures dans sa politique financière, économique, énergétique et alimentaire. Elles ont conduit à une croissance rapide des prix et à l'émergence d'une menace pour la sécurité alimentaire mondiale. Les sanctions antirusses ont jeté plus d'huile sur le feu et ont considérablement compliqué la logistique et les accords contractuels pour les produits agricoles et les engrais russes.</p>
<p>Nous sommes très conscients de l'importance de l'approvisionnement russe en biens socialement importants, y compris les denrées alimentaires, pour les pays d'Asie, d'Afrique, d'Amérique latine et du Moyen-Orient. Ils sont essentiels pour la sécurité alimentaire et réaliser les Objectifs de développement durable des Nations Unies. La Russie est prête à coopérer avec ses partenaires en vue d'assurer un approvisionnement sûr en produits alimentaires et en engrais russes sur les marchés extérieurs. </p>
<p>Nous tenons aussi à souligner qu'en dépit des problèmes de transport et de logistique, la Fédération de Russie reste un acteur de bonne foi sur le marché mondial. Nous avons l'intention de continuer à respecter nos engagements dans le cadre de contrats internationaux sur l'exportation de produits agricoles et industriels, d'engrais, d'énergie et d'autres produits vitaux. </p>
<p>Tout cela équivaut à une guerre économique contre notre pays. Les Occidentaux veulent porter le plus grand préjudice possible à l'économie russe, à son potentiel industriel et technologique, déstabiliser la situation socio-économique de la Russie et l'isoler sur la scène mondiale. </p>
<p>Rien de tout cela n'a surpris la Russie. L'Occident dirigé par les Etats-Unis poursuit depuis longtemps la politique d'endiguement de la Russie, et la pression n'a cessé de s'intensifier. Nous savions que de nouvelles sanctions seraient introduites dans tous les cas – il s’agissait juste de trouver un prétexte. L'échelle des sanctions et leur caractère détaillé montrent qu'elles ont été rédigées il y a longtemps. La Russie s’y attendait et a mis en œuvre des programmes de substitution des importations et crée ses propres compétences pour renforcer sa souveraineté économique.</p>
<p><strong>Ces réactions sont-elles vraiment efficaces? Comment analysez-vous les réactions européennes?</strong></p>
<p>Les tentatives occidentales d'utiliser les sanctions pour influencer notre politique étrangère se sont avérées totalement futiles. Il semble que de plus en plus d'Occidentaux se rendent compte que ces sanctions produisent un résultat nul ou ont même un effet inverse. Nous assistons déjà à une vague croissante de problèmes dans les pays européens, qui a été déclenchée par les actions irresponsables des stratèges bruxellois: une croissance rapide de l'inflation et une flambée des prix des denrées alimentaires, des produits de première nécessité, de l'électricité et du pétrole. </p>
<p>De plus, Bruxelles tente ouvertement d'impliquer des pays tiers dans sa politique illégale, recourant parfois au chantage. Nous avons le regret de dire que la Suisse, qui était considérée jusqu'à récemment comme un rempart et un modèle de neutralité, a ainsi abandonné ses principes de politique étrangère et a pleinement soutenu les sanctions de l'UE contre la Russie. Mais les Etats-Unis sont allés encore plus loin et ont miraculeusement contraint la Finlande, l'Autriche et la Suède à renoncer d'un coup à leur traditionnelle neutralité qu'ils avaient tant chérie jusqu'à récemment.</p>
<p>En entraînant les Européens dans cette aventure anti-russe, Washington semble les avoir poussés à supporter le poids des pertes de cette confrontation insensée avec nous. L'objectif est évident: affaiblir l'UE en tant que rival en la poussant dans l'affrontement destructeur avec la Russie, et en même temps renforcer sa propre présence militaire, financière et énergétique dans le Vieux Monde. </p>
<p>Passons maintenant à l'aide américaine à l'Ukraine. Permettez-moi de vous rappeler qu'au printemps, l'administration Joseph Biden a alloué 13,6 milliards de dollars à l'Ukraine sous forme d'aide militaire et économique (respectivement 6,5 milliards et 6,7 milliards). Récemment, elle a décidé de donner à l'Ukraine 40,1 milliards de dollars supplémentaires, dont 25 milliards de dollars à des fins militaires. </p>
<p>Nous ne sommes pas surpris par cet énorme soutien car les Etats-Unis ont investi des milliards dans leur projet ukrainien pendant de nombreuses années avant l'opération militaire spéciale. L'ampleur de cet investissement anti-russe montre certainement à quel point les enjeux pour Washington sont élevés. De toute évidence, les événements en Ukraine posent un défi existentiel aux Etats-Unis eux-mêmes et à l'idéologie néolibérale mondiale. </p>
<p><strong>De l'autre côté, de nombreux pays comme la Chine, l'Inde et d'autres, ont été réticents à prendre des sanctions contre la Russie. Pensez-vous que ce front est solide et conduira au monde multipolaire que vous prônez?</strong></p>
<p>Il est évident qu'un ordre mondial multipolaire démocratique est en train d'émerger. L'ensemble du système des relations internationales est en profonde transformation. Le monde unipolaire est devenu une chose du passé, et cela s'est produit bien avant les événements en Ukraine. De nouveaux centres de pouvoir en Asie, en Afrique, en Amérique latine et au Moyen-Orient, jouent un rôle de plus en plus important dans l'élaboration de l'agenda mondial et se montrent prêts à défendre leurs intérêts, exigeant le respect de leur propre voie de développement. </p>
<p>Sommes-nous proches d’une majorité de pays maintenant? Il est important de comprendre une chose: nous <i>sommes</i> majoritaires. Je pense que nos collègues chinois ont représenté en plaisantant sur une carte la «communauté internationale» au nom de laquelle les dirigeants et les médias occidentaux parlent constamment. L'Occident parle au nom d'une minorité. Plus personne ne se fait d'illusions à ce sujet.</p>
<p>Cependant, la multipolarité va à l'encontre de la vision du monde américaine, qui est basée sur le concept d'hégémonie inconditionnelle des Etats-Unis. L’ordre mondial «basé sur des règles» préconisé par les Etats-Unis et ses satellites a de fortes réminiscences coloniales. En fait, Washington essaie de préserver les éléments de l'ancien ordre mondial qui répondent à ses propres intérêts, ignorant souvent ses obligations en vertu du droit international. L'émergence de nouveaux centres d'influence politique capables de mener une politique étrangère indépendante et d'établir entre eux une coopération multiforme ne correspond pas à l'image du monde centrée sur les Etats-Unis et est donc considérée comme une menace pour la domination de Washington. </p>
<p>La Russie a toujours prôné la construction d'un ordre mondial véritablement multipolaire, où tous les acteurs de la politique internationale démontrent leur ferme attachement aux principes énoncés dans la Charte des Nations Unies, y compris l'égalité souveraine et la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats, et d'autres normes juridiques internationales fondamentales. La formation d'une architecture mondiale plus juste s'inscrit pleinement dans les tendances modernes caractérisées par l'émergence de nouveaux centres de pouvoir économiques et politiques parmi les pays en développement qui revendiquent à juste titre un rôle plus important dans les affaires internationales.</p>
<p><strong>A quelles conditions pensez-vous qu'il est possible de recréer des liens diplomatiques et des relations normales avec les pays «inamicaux», comme la Suisse?</strong></p>
<p>Tout d'abord, je voudrais souligner que les relations diplomatiques entre la Russie et la Suisse n'ont jamais été rompues. Dans le même temps, la Confédération suisse a sérieusement compliqué nos relations en soutenant tous les trains de sanctions antirusses de l'UE, en fermant son espace aérien, en annulant le régime d'exemption de visa pour les titulaires de passeports diplomatiques et de délégations officielles et en votant en faveur de la Résolution contre la Russie à l'Assemblée générale des Nations Unies. </p>
<p>Nous notons avec regret que le statut de neutralité de la Suisse a commencé à se fracturer et que cette tendance se poursuit. L'un des derniers exemples en date est la récente décision de la Suisse d'autoriser les livraisons de pièces de rechange et d'accessoires aux fabricants d'armes étrangers dont les produits finis pourraient ensuite être expédiés en Ukraine. </p>
<p>Le statut de neutralité de la Confédération suisse, dont elle s'est longtemps flattée et dont elle est fière à juste titre, devient de plus en plus une fiction et une chose du passé. Malheureusement, les évaluations et les approches actuelles de Berne pour régler le conflit en Ukraine ne peuvent en aucun cas être qualifiées de neutres ou bien réfléchies. Naturellement, la Russie en tient compte dans son dialogue avec Berne sur l'agenda tant bilatéral qu'international. </p>
<p>Espérons que la Suisse reviendra à ses fondements traditionnels d’une neutralité «permanente, armée et complète». Cela aiderait la Confédération à reconstruire sa réputation «d’honnête courtier international» qui n’existe malheureusement plus.</p>
<p><strong>Alors que la Finlande et la Suède veulent devenir membres de l'OTAN, comment y faire face? Quelle pourrait être la nouvelle architecture d'un futur accord européen de sécurité incluant la Russie?</strong></p>
<p>Nous considérons que la décision de la Finlande et de la Suède d'adhérer à l'OTAN est une erreur, car il n'y a aucune menace pour leur sécurité. Le mythe de la menace militaire russe a été imposé à ces pays par l'Alliance de l'Atlantique Nord et certains de ses membres, en premier lieu les Etats-Unis et le Royaume-Uni, pour faire avancer davantage le bloc militaire jusqu'à la frontière de la Fédération de Russie. </p>
<p>Comme nous l'avons dit à plusieurs reprises, le choix d'assurer la sécurité nationale est un droit souverain de chaque Etat mais ces décisions ne doivent pas créer une menace pour la sécurité des autres pays. </p>
<p>Les contre-mesures de la Russie à la suite de l'adhésion de la Finlande et de la Suède à l'OTAN – y compris des mesures militaires et techniques - dépendront des conditions de leur adhésion à l'Alliance de l'Atlantique Nord, tels que le déploiement de bases militaires étrangères et de systèmes d'armes offensifs sur leur territoire. </p>
<p>L'adhésion de la Finlande et de la Suède à l'OTAN, malgré les déclarations bruyantes, portera un préjudice irréparable à la sécurité européenne. Cela ne renforcera pas leur prestige international mais privera Helsinki et Stockholm de l'opportunité de jouer un rôle de leader dans les initiatives de paix, tout en risquant d’entraîner une militarisation de la région baltique et une escalade des tensions dans l'Arctique. </p>
<p>L'histoire montre que l'OTAN est une organisation agressive plutôt que défensive. Son expansion incessante a fondamentalement changé l'architecture de la sécurité européenne; le bombardement de la Yougoslavie et l'opération honteuse en Libye ont plongé ces pays dans le chaos. L'Alliance a dévasté l'Afghanistan et déverse maintenant des armes en Ukraine.</p>
<p>Depuis la fin de la guerre froide et surtout au cours des dernières années, nous avons mis en garde contre les menaces posées par l'élargissement de l'OTAN et indiqué la nécessité de traiter la Russie comme un partenaire égal et de respecter nos intérêts vitaux. Nous avons déployé des efforts actifs pour construire une architecture fiable de sécurité européenne égale et indivisible. Nous avons proposé aux pays occidentaux d'adopter des accords pertinents, notamment le Traité de sécurité européen (2009), l'Accord sur les principes de base régissant les relations entre la Russie et les Etats membres du Conseil de l'OTAN dans le domaine de la sécurité (2009), le Traité entre les Etats-Unis d'Amérique et la Fédération de Russie sur les garanties de sécurité et l'Accord sur les mesures visant à assurer la sécurité de la Fédération de Russie et des Etats membres de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (2021). </p>
<p>L'Occident a décliné toutes nos initiatives. Le futur accord sur la sécurité européenne est impossible sans les principes proposés dans ces documents: indivisibilité de la sécurité européenne et obligation de ne pas renforcer sa sécurité au détriment de la sécurité des autres. Concrètement, cela comprendrait des garanties de non-expansion de l'OTAN, de non-déploiement de systèmes d'armes offensifs près de nos frontières et le retour de la configuration des forces de l'Alliance à l'Etat qui existait au moment de la signature du Pacte Russie-OTAN en 1997.</p>',
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'subtitle' => 'Après presque quatre mois de combats en Ukraine, la parole n'a été que rarement, ou très partiellement, donnée à la partie russe, présentée dans les médias occidentaux comme l'agresseur et l'unique responsable du conflit. Alors que les opérations militaires se poursuivent sur le terrain et que les négociations apparaissent à nouveau comme un moyen possible d'arrêter la guerre, il semble important de comprendre pourquoi la Russie a pris le risque de lancer son «opération militaire spéciale».',
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'content' => '<p>Quels sont ses véritables objectifs, à quelles conditions les hostilités pourraient être arrêtées et comment ce conflit remodèle l'ordre mondial d'un point de vue russe..? Comprendre n'est pas justifier mais c'est une condition préalable pour reconstruire la paix et la confiance. </p>
<p>Au terme d’un entretien de 90 minutes avec Mme Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, tenu à la veille du Forum économique international de Saint-Pétersbourg (du 15 au 18 juin 2022), nous publions la synthèse de ces échanges dans la version raccourcie ci-dessous.</p>
<p><strong>Guy Mettan: Pourriez-vous résumer et expliquer à nouveau les causes principales des opérations militaires actuelles en Ukraine?</strong></p>
<p><strong>Maria Zakharova</strong>: Permettez-moi alors de commencer par le début. En février 2014, un coup d'Etat anticonstitutionnel directement soutenu par l'Occident a propulsé au pouvoir des nationalistes violents, qui ont entamé une politique dirigée contre leur propre peuple et visant une ukrainisation coercitive et la destruction de tout ce qui est russe. Pendant huit ans, le régime de Kiev a violé de manière flagrante les droits de l'Homme, bafoué la liberté d'expression et des médias, lutté contre la langue russe, qui est la langue maternelle de dizaines de millions d'Ukrainiens, et contre la culture russe, tout en exterminant les opposants politiques. </p>
<p>Une guerre civile a été déclenchée dans le Donbass et le plan de paix convenu et approuvé par le Conseil de sécurité de l'ONU, qui était le Paquet de mesures pour mettre en œuvre les accords de Minsk, a été complètement ignoré par Kiev. L'Occident a fermé les yeux sur tout cela pour faire plaisir à ses protégés ukrainiens et, parfois, en les stimulant.</p>
<p>Encouragée par leur soutien, Kiev n’a jamais sérieusement envisagé une solution diplomatique au conflit dans l'est du pays. Au lieu de cela, elle a imposé un blocus des transports et de l’économie contre le Donbass et a cessé de payer les pensions et les prestations sociales. Pendant toutes ces années, les habitants des Républiques populaires de Donetsk et de Lougansk ont été soumis à des tirs d'artillerie et de mortier par les forces armées ukrainiennes et les unités nationalistes. Des milliers d'innocents, dont des enfants, ont été tués et des dizaines de milliers blessés, comme l'ont confirmé les rapports officiels de l'OSCE et des Nations Unies. Pourquoi cela, si ce n’est pour anéantir les populations du Donbass?</p>
<p>Apparemment, Washington et ses alliés ont préparé l'Ukraine en vue de représailles dans le Donbass à partir de 2014. Selon des responsables du Pentagone, les Etats-Unis ont fourni à l'Ukraine 2,7 milliards de dollars d'aide militaire entre 2014 et le début de l'opération militaire spéciale. De plus, les militaires de l'OTAN ont fait un usage intensif du territoire ukrainien. Des instructeurs occidentaux ont activement formé les soldats ukrainiens, y compris de vrais néonazis. Le nombre d'exercices militaires impliquant des pays de l'OTAN en Ukraine n'a cessé d'augmenter. Sept exercices ont été menés en 2021 et neuf étaient prévus en 2022. Leur ampleur a également augmenté. Si l'année dernière 21'000 militaires ukrainiens ont participé à des exercices multilatéraux, le nombre devait être porté à 40'000 cette année. Le nombre de représentants de l'OTAN devait grimper à 22'000 contre 11'000 l'an dernier tandis que les équipements militaires devaient s’élever à 240 avions et hélicoptères contre 37 l'an dernier, et à 160 navires de guerre contre 26 en 2021. </p>
<p>Ceci en dépit du fait que la présence de forces armées étrangères en Ukraine contredisait directement le paragraphe 10 du Paquet de mesures de Minsk. Cela ne peut être appelé autre chose qu'une intervention, et cela se passait à proximité immédiate de nos frontières. </p>
<p>Le renforcement militaire de l'OTAN près de nos frontières en mer Noire n'a fait qu'aggraver la situation. Les forces de l'Alliance y étaient littéralement en service de combat. Les navires de guerre des puissances non régionales, principalement les Etats-Unis, n'ont jamais quitté ces eaux. Plusieurs pays de l'OTAN ont mené des exercices imprévus sous le commandement de la Sixième flotte américaine au cours de la première quinzaine de novembre 2021. En fait, les Etats-Unis ont ouvert la voie à la création d'un groupement multinational des forces armées de l'OTAN en Ukraine et déstabilisé la situation dans la région. Les aspirations de Kiev à obtenir des armes nucléaires, que Vladimir Zelensky a publiquement exprimées en février de cette année, ont également posé un grave risque pour la sécurité internationale. </p>
<p>Tout cela pris ensemble a abouti à la reconnaissance par la Russie de la DNR et de la LNR en tant qu'Etats souverains et indépendants le 21 février 2022. Le président de la Russie a alors pris la décision de lancer une opération militaire spéciale (SMO) en Ukraine le 24 février conformément à l’Article 51 de la Charte des Nations Unies, avec l'autorisation du Conseil de la Fédération et du Parlement de la Fédération de Russie et à la demande des dirigeants du DNR et du LNR. Nous n'avions pas d'autre choix. </p>
<p>Nos principaux buts et objectifs sont la démilitarisation et la dénazification de l'Ukraine, la protection des civils du Donbass contre le génocide et l'élimination des menaces contre la Russie depuis le territoire ukrainien en raison de son exploitation par les pays de l'OTAN.</p>
<p><strong>Quels sont les principaux objectifs que la Russie essaie actuellement d'atteindre en Ukraine? J'ai retenu trois objectifs principaux: «la dénazification, la démilitarisation et la neutralisation». Qu’entendez-vous exactement par ces mots?</strong></p>
<p>Pour commencer, je voudrais apporter une correction fondamentale. Vous avez mentionné ce qu'on appelle la neutralisation comme l'un des objectifs de l’opération militaire spéciale. Ce n'est pas le bon terme. Ce que nous voulons, c'est restaurer le statut de l'Ukraine en tant qu'Etat neutre, non aligné et non nucléaire, c'est-à-dire le retour du pays aux origines de son statut d'Etat, tel qu'énoncé dans sa déclaration de 1990 sur la souveraineté de l'Etat. </p>
<p>Concernant la dénazification, je voudrais vous rappeler qu'en 2014, lorsque les nationalistes radicaux ont usurpé le pouvoir en Ukraine à la suite du coup d'Etat anticonstitutionnel, la glorification des collaborateurs nazis de l'Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN) et de l'Armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA) – qui ont ouvertement assassiné des Juifs, des Roms, des Polonais, des Russes et des représentants d'autres groupes ethniques, ainsi que les «mauvais» Ukrainiens pendant la Seconde guerre mondiale – a commencé au niveau de l'Etat. </p>
<p>Au cours des huit années suivantes, les atrocités des combattants de l'OUN-UPA, qui ont tué des milliers de civils, ont été présentées comme une lutte pour la liberté. Les rues et les stades ont été nommés d'après les complices d'Hitler tels que Stepan Bandera et Roman Shukhevych. Les unités nazies – le Secteur Droit, C14, Trizub, Azov, Donbass, Aidar, etc. – ont opéré ouvertement dans le pays. Des processions aux flambeaux ont eu lieu, terrifiant les civils. Certaines de ces unités ont ensuite été intégrées dans les forces armées ukrainiennes. Pendant huit ans, elles ont bombardé les communautés et les infrastructures civiles dans le Donbass; elles ont pillé, violé et tué. Il y a du sang de civils, nos contemporains, sur leurs mains. Ces débordements nazis devaient être stoppés. </p>
<p>C'est pourquoi le président Vladimir Poutine a déclaré la dénazification – l'éradication du nazisme et des nazis - comme l'un des objectifs de l'opération militaire spéciale. La Russie n'a pas l'intention de diviser ou de détruire la nation ukrainienne, comme la propagande occidentale essaie de le montrer, mais elle essaie de la protéger en débarrassant enfin les peuples d'Ukraine, de Russie et du reste de l'Europe de la peste brune du nazisme et du fascisme qui a relevé la tête en Ukraine. Les terribles leçons de la Seconde guerre mondiale ont amplement montré la nécessité de le faire. </p>
<p>La démilitarisation de l'Ukraine est en cours. Les forces armées russes, en collaboration avec les milices populaires de la RPD et de la RPL, détruisent constamment la quantité massive d'armes et de matériels aux mains des forces armées ukrainiennes, y compris ceux fournis de l'étranger. A l'avenir, nous pensons que l'Ukraine – je le répète – sera un Etat neutre, dénucléarisé et non aligné, et que son territoire cessera d'être un terrain d'entraînement militaire de l'OTAN pour la dissuasion et la confrontation avec la Russie.</p>
<p><strong>Fin mars dernier à Istanbul, des avancées significatives dans les négociations de paix ont été annoncées de part et d'autre. Mais ensuite les négociations se sont arrêtées. Pourquoi? Quelles étaient les causes de cette interruption?</strong></p>
<p>Oui, nous avons réussi à nous mettre d'accord sur les paramètres d'un éventuel accord lors de la réunion du 29 mars à Istanbul. Les représentants du régime de Kiev ont alors affirmé avoir entamé des consultations avec les pays occidentaux, qui pourraient être les garants potentiels d'un futur accord. Après cela, les négociations ont commencé à stagner et à la mi-avril, elles se sont arrêtées. Nous n'avons reçu aucune réponse à la série de propositions que nous avons faites le 15 avril. Les décideurs occidentaux ont manifestement interdit à Vladimir Zelensky de poursuivre les négociations, ce qui les aurait empêchés de pomper des armes en Ukraine et de poursuivre une guerre par procuration avec la Russie «jusqu'au dernier Ukrainien».</p>
<p><strong>A quelles conditions la Russie pourrait-elle accepter de relancer les négociations avec la partie ukrainienne? Ou quels pourraient être les critères d'un tel redémarrage?</strong></p>
<p>Nous avons répété à plusieurs reprises que nous n'avions pas rompu les pourparlers et que nous ne refusions pas de négocier avec Kiev. Nos priorités sont que l'Ukraine soit un Etat neutre, non aligné et non nucléaire, reconnaisse la réalité territoriale post-2014, y compris la souveraineté russe sur la Crimée et l'indépendance de la DNR et de la LNR, et s'engage à la démilitarisation, à la dénazification et à la non-discrimination de la population russophone, ainsi qu'au rétablissement du statut de la langue russe. </p>
<p>Quant à une réunion au plus haut niveau, nous avons souligné à maintes reprises qu'elle doit être minutieusement préparée afin qu'elle ait un ordre du jour significatif et facilite la signature d'accords spécifiques. Nous n'avons pas besoin d'une réunion pour le plaisir d'une réunion.</p>
<p><strong>Quel pourrait être l'avenir d'une nouvelle Ukraine pacifique et comment l'obtenir? Avec quelles garanties de sécurité pour les populations du Donbass comme pour les populations de l'ouest de l'Ukraine, ainsi que pour la Russie dans une perspective stratégique plus globale?</strong></p>
<p>La décision finale sur toutes les questions concernant l'avenir du pays et l'autodétermination de ses régions appartient uniquement aux peuples de l'Ukraine actuelle. Ils doivent avoir la possibilité de choisir librement le type d'avenir qu'ils souhaitent pour eux-mêmes et leurs enfants. Nous constatons qu'il y a beaucoup de gens dans les territoires abandonnés par les néo-nazis, par exemple dans les régions de Kherson, Zaporozhye et Kharkov, qui ne veulent pas que le régime de Kiev revienne. </p>
<p><strong>Les réactions de l'Occident en termes de sanctions économiques contre la Russie, d'assistance militaire et économique à l'Ukraine, de livraison massive d'armes, ont été assez fortes, rapides et coordonnées. Etait-ce une surprise pour vous?</strong></p>
<p>L'imposition de restrictions économiques unilatérales par certains pays contre d'autres Etats est une violation flagrante du droit international et de la Charte des Nations Unies. Les restrictions introduites en contournant le Conseil de sécurité de l'ONU ne sont rien d'autre qu'une ingérence dans les affaires intérieures d'Etats souverains. Les instruments utilisés à cette fin se développent rapidement. L'Occident collectif les utilise ouvertement pour faire basculer la situation politique interne, provoquer un étranglement économique et imposer son propre ordre mondial – incontestable et incontesté, basé sur et soumis à ses propres règles et normes. </p>
<p>Des pressions sans précédent sont exercées sur nos principales institutions financières, les secteurs de la technologie, du pétrole et du gaz, des mines, des transports et d'autres secteurs économiques. Les réserves d'or et de devises de la Russie à l'étranger ont été gelées, ce qui est une violation flagrante du droit international et une insulte au bon sens. </p>
<p>Après avoir fait l'objet d'une campagne massive de sanctions contre notre pays, nous nous concentrons sur l'intensification de la coopération globale avec nos partenaires. Cette coopération vise à étudier de nouvelles opportunités de substitution des importations dans les secteurs sensibles, à renforcer notre souveraineté technologique et à réorienter les chaînes de production et d'approvisionnement vers nos infrastructures nationales. </p>
<p>La Russie affronte avec confiance les défis extérieurs grâce à sa politique macroéconomique responsable de ces dernières années et à des solutions systémiques pour renforcer son économie et sécurité technologique et alimentaire. Les marchés monétaires et financiers se sont stabilisés. Il n'y a pas eu de forte baisse de la production, ni de croissance considérable du chômage. Nous avons réussi à éviter les pénuries de matières premières et la vague d'achats de panique est passée. L'inflation ralentit progressivement. Notre politique de réduction du rôle du dollar et de l'euro dans les échanges et le passage à des règlements mutuels en devises non occidentales se sont avérés efficaces. </p>
<p>L'Occident collectif a commis des erreurs de calcul majeures dans sa politique financière, économique, énergétique et alimentaire. Elles ont conduit à une croissance rapide des prix et à l'émergence d'une menace pour la sécurité alimentaire mondiale. Les sanctions antirusses ont jeté plus d'huile sur le feu et ont considérablement compliqué la logistique et les accords contractuels pour les produits agricoles et les engrais russes.</p>
<p>Nous sommes très conscients de l'importance de l'approvisionnement russe en biens socialement importants, y compris les denrées alimentaires, pour les pays d'Asie, d'Afrique, d'Amérique latine et du Moyen-Orient. Ils sont essentiels pour la sécurité alimentaire et réaliser les Objectifs de développement durable des Nations Unies. La Russie est prête à coopérer avec ses partenaires en vue d'assurer un approvisionnement sûr en produits alimentaires et en engrais russes sur les marchés extérieurs. </p>
<p>Nous tenons aussi à souligner qu'en dépit des problèmes de transport et de logistique, la Fédération de Russie reste un acteur de bonne foi sur le marché mondial. Nous avons l'intention de continuer à respecter nos engagements dans le cadre de contrats internationaux sur l'exportation de produits agricoles et industriels, d'engrais, d'énergie et d'autres produits vitaux. </p>
<p>Tout cela équivaut à une guerre économique contre notre pays. Les Occidentaux veulent porter le plus grand préjudice possible à l'économie russe, à son potentiel industriel et technologique, déstabiliser la situation socio-économique de la Russie et l'isoler sur la scène mondiale. </p>
<p>Rien de tout cela n'a surpris la Russie. L'Occident dirigé par les Etats-Unis poursuit depuis longtemps la politique d'endiguement de la Russie, et la pression n'a cessé de s'intensifier. Nous savions que de nouvelles sanctions seraient introduites dans tous les cas – il s’agissait juste de trouver un prétexte. L'échelle des sanctions et leur caractère détaillé montrent qu'elles ont été rédigées il y a longtemps. La Russie s’y attendait et a mis en œuvre des programmes de substitution des importations et crée ses propres compétences pour renforcer sa souveraineté économique.</p>
<p><strong>Ces réactions sont-elles vraiment efficaces? Comment analysez-vous les réactions européennes?</strong></p>
<p>Les tentatives occidentales d'utiliser les sanctions pour influencer notre politique étrangère se sont avérées totalement futiles. Il semble que de plus en plus d'Occidentaux se rendent compte que ces sanctions produisent un résultat nul ou ont même un effet inverse. Nous assistons déjà à une vague croissante de problèmes dans les pays européens, qui a été déclenchée par les actions irresponsables des stratèges bruxellois: une croissance rapide de l'inflation et une flambée des prix des denrées alimentaires, des produits de première nécessité, de l'électricité et du pétrole. </p>
<p>De plus, Bruxelles tente ouvertement d'impliquer des pays tiers dans sa politique illégale, recourant parfois au chantage. Nous avons le regret de dire que la Suisse, qui était considérée jusqu'à récemment comme un rempart et un modèle de neutralité, a ainsi abandonné ses principes de politique étrangère et a pleinement soutenu les sanctions de l'UE contre la Russie. Mais les Etats-Unis sont allés encore plus loin et ont miraculeusement contraint la Finlande, l'Autriche et la Suède à renoncer d'un coup à leur traditionnelle neutralité qu'ils avaient tant chérie jusqu'à récemment.</p>
<p>En entraînant les Européens dans cette aventure anti-russe, Washington semble les avoir poussés à supporter le poids des pertes de cette confrontation insensée avec nous. L'objectif est évident: affaiblir l'UE en tant que rival en la poussant dans l'affrontement destructeur avec la Russie, et en même temps renforcer sa propre présence militaire, financière et énergétique dans le Vieux Monde. </p>
<p>Passons maintenant à l'aide américaine à l'Ukraine. Permettez-moi de vous rappeler qu'au printemps, l'administration Joseph Biden a alloué 13,6 milliards de dollars à l'Ukraine sous forme d'aide militaire et économique (respectivement 6,5 milliards et 6,7 milliards). Récemment, elle a décidé de donner à l'Ukraine 40,1 milliards de dollars supplémentaires, dont 25 milliards de dollars à des fins militaires. </p>
<p>Nous ne sommes pas surpris par cet énorme soutien car les Etats-Unis ont investi des milliards dans leur projet ukrainien pendant de nombreuses années avant l'opération militaire spéciale. L'ampleur de cet investissement anti-russe montre certainement à quel point les enjeux pour Washington sont élevés. De toute évidence, les événements en Ukraine posent un défi existentiel aux Etats-Unis eux-mêmes et à l'idéologie néolibérale mondiale. </p>
<p><strong>De l'autre côté, de nombreux pays comme la Chine, l'Inde et d'autres, ont été réticents à prendre des sanctions contre la Russie. Pensez-vous que ce front est solide et conduira au monde multipolaire que vous prônez?</strong></p>
<p>Il est évident qu'un ordre mondial multipolaire démocratique est en train d'émerger. L'ensemble du système des relations internationales est en profonde transformation. Le monde unipolaire est devenu une chose du passé, et cela s'est produit bien avant les événements en Ukraine. De nouveaux centres de pouvoir en Asie, en Afrique, en Amérique latine et au Moyen-Orient, jouent un rôle de plus en plus important dans l'élaboration de l'agenda mondial et se montrent prêts à défendre leurs intérêts, exigeant le respect de leur propre voie de développement. </p>
<p>Sommes-nous proches d’une majorité de pays maintenant? Il est important de comprendre une chose: nous <i>sommes</i> majoritaires. Je pense que nos collègues chinois ont représenté en plaisantant sur une carte la «communauté internationale» au nom de laquelle les dirigeants et les médias occidentaux parlent constamment. L'Occident parle au nom d'une minorité. Plus personne ne se fait d'illusions à ce sujet.</p>
<p>Cependant, la multipolarité va à l'encontre de la vision du monde américaine, qui est basée sur le concept d'hégémonie inconditionnelle des Etats-Unis. L’ordre mondial «basé sur des règles» préconisé par les Etats-Unis et ses satellites a de fortes réminiscences coloniales. En fait, Washington essaie de préserver les éléments de l'ancien ordre mondial qui répondent à ses propres intérêts, ignorant souvent ses obligations en vertu du droit international. L'émergence de nouveaux centres d'influence politique capables de mener une politique étrangère indépendante et d'établir entre eux une coopération multiforme ne correspond pas à l'image du monde centrée sur les Etats-Unis et est donc considérée comme une menace pour la domination de Washington. </p>
<p>La Russie a toujours prôné la construction d'un ordre mondial véritablement multipolaire, où tous les acteurs de la politique internationale démontrent leur ferme attachement aux principes énoncés dans la Charte des Nations Unies, y compris l'égalité souveraine et la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats, et d'autres normes juridiques internationales fondamentales. La formation d'une architecture mondiale plus juste s'inscrit pleinement dans les tendances modernes caractérisées par l'émergence de nouveaux centres de pouvoir économiques et politiques parmi les pays en développement qui revendiquent à juste titre un rôle plus important dans les affaires internationales.</p>
<p><strong>A quelles conditions pensez-vous qu'il est possible de recréer des liens diplomatiques et des relations normales avec les pays «inamicaux», comme la Suisse?</strong></p>
<p>Tout d'abord, je voudrais souligner que les relations diplomatiques entre la Russie et la Suisse n'ont jamais été rompues. Dans le même temps, la Confédération suisse a sérieusement compliqué nos relations en soutenant tous les trains de sanctions antirusses de l'UE, en fermant son espace aérien, en annulant le régime d'exemption de visa pour les titulaires de passeports diplomatiques et de délégations officielles et en votant en faveur de la Résolution contre la Russie à l'Assemblée générale des Nations Unies. </p>
<p>Nous notons avec regret que le statut de neutralité de la Suisse a commencé à se fracturer et que cette tendance se poursuit. L'un des derniers exemples en date est la récente décision de la Suisse d'autoriser les livraisons de pièces de rechange et d'accessoires aux fabricants d'armes étrangers dont les produits finis pourraient ensuite être expédiés en Ukraine. </p>
<p>Le statut de neutralité de la Confédération suisse, dont elle s'est longtemps flattée et dont elle est fière à juste titre, devient de plus en plus une fiction et une chose du passé. Malheureusement, les évaluations et les approches actuelles de Berne pour régler le conflit en Ukraine ne peuvent en aucun cas être qualifiées de neutres ou bien réfléchies. Naturellement, la Russie en tient compte dans son dialogue avec Berne sur l'agenda tant bilatéral qu'international. </p>
<p>Espérons que la Suisse reviendra à ses fondements traditionnels d’une neutralité «permanente, armée et complète». Cela aiderait la Confédération à reconstruire sa réputation «d’honnête courtier international» qui n’existe malheureusement plus.</p>
<p><strong>Alors que la Finlande et la Suède veulent devenir membres de l'OTAN, comment y faire face? Quelle pourrait être la nouvelle architecture d'un futur accord européen de sécurité incluant la Russie?</strong></p>
<p>Nous considérons que la décision de la Finlande et de la Suède d'adhérer à l'OTAN est une erreur, car il n'y a aucune menace pour leur sécurité. Le mythe de la menace militaire russe a été imposé à ces pays par l'Alliance de l'Atlantique Nord et certains de ses membres, en premier lieu les Etats-Unis et le Royaume-Uni, pour faire avancer davantage le bloc militaire jusqu'à la frontière de la Fédération de Russie. </p>
<p>Comme nous l'avons dit à plusieurs reprises, le choix d'assurer la sécurité nationale est un droit souverain de chaque Etat mais ces décisions ne doivent pas créer une menace pour la sécurité des autres pays. </p>
<p>Les contre-mesures de la Russie à la suite de l'adhésion de la Finlande et de la Suède à l'OTAN – y compris des mesures militaires et techniques - dépendront des conditions de leur adhésion à l'Alliance de l'Atlantique Nord, tels que le déploiement de bases militaires étrangères et de systèmes d'armes offensifs sur leur territoire. </p>
<p>L'adhésion de la Finlande et de la Suède à l'OTAN, malgré les déclarations bruyantes, portera un préjudice irréparable à la sécurité européenne. Cela ne renforcera pas leur prestige international mais privera Helsinki et Stockholm de l'opportunité de jouer un rôle de leader dans les initiatives de paix, tout en risquant d’entraîner une militarisation de la région baltique et une escalade des tensions dans l'Arctique. </p>
<p>L'histoire montre que l'OTAN est une organisation agressive plutôt que défensive. Son expansion incessante a fondamentalement changé l'architecture de la sécurité européenne; le bombardement de la Yougoslavie et l'opération honteuse en Libye ont plongé ces pays dans le chaos. L'Alliance a dévasté l'Afghanistan et déverse maintenant des armes en Ukraine.</p>
<p>Depuis la fin de la guerre froide et surtout au cours des dernières années, nous avons mis en garde contre les menaces posées par l'élargissement de l'OTAN et indiqué la nécessité de traiter la Russie comme un partenaire égal et de respecter nos intérêts vitaux. Nous avons déployé des efforts actifs pour construire une architecture fiable de sécurité européenne égale et indivisible. Nous avons proposé aux pays occidentaux d'adopter des accords pertinents, notamment le Traité de sécurité européen (2009), l'Accord sur les principes de base régissant les relations entre la Russie et les Etats membres du Conseil de l'OTAN dans le domaine de la sécurité (2009), le Traité entre les Etats-Unis d'Amérique et la Fédération de Russie sur les garanties de sécurité et l'Accord sur les mesures visant à assurer la sécurité de la Fédération de Russie et des Etats membres de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (2021). </p>
<p>L'Occident a décliné toutes nos initiatives. Le futur accord sur la sécurité européenne est impossible sans les principes proposés dans ces documents: indivisibilité de la sécurité européenne et obligation de ne pas renforcer sa sécurité au détriment de la sécurité des autres. Concrètement, cela comprendrait des garanties de non-expansion de l'OTAN, de non-déploiement de systèmes d'armes offensifs près de nos frontières et le retour de la configuration des forces de l'Alliance à l'Etat qui existait au moment de la signature du Pacte Russie-OTAN en 1997.</p>',
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<hr />
<p>En Europe de l'Est, dans les pays baltes et en Ukraine en particulier, on déboulonne à tout va les statues historiques et les monuments aux morts de la Deuxième guerre mondiale pour ériger des stèles à la gloire des victimes des Soviétiques et des nationalistes qui ont combattu aux côtés des nazis et massacré les Juifs, tels que Stepan Bandera, Iaroslav Stetsko ou Roman Choukhevitch. On fait semblant d'oublier que le camp de la mort de Treblinka était dirigé par une vingtaine de SS allemands et que l'extermination y était assurée par une centaine de gardiens ukrainiens et lituaniens.</p>
<p>La célébration de l'Holodomor, du nom que les Ukrainiens donnent à la famine déclenchée par Staline contre la paysannerie en 1932, est un exemple typique de ces omissions volontaires. Elle attribue ce massacre par la disette aux seuls Russes et fait des Ukrainiens ses uniques victimes alors qu'il a aussi touché le sud de la Russie et le Kazakhstan et qu'il a été orchestré par un Géorgien, Staline, et exécuté par un Polonais, Kossior, qui dirigeait l'Ukraine à cette époque.</p>
<p>Tous les jours des monuments sont abattus et d'autres édifiés à leur place, en catimini, dans le silence des médias occidentaux. Cette réécriture de l'histoire et cette guerre mémorielle n'ont pas échappé aux gens du Donbass, qui, fidèles à leur devise «Ne jamais oublier, ne jamais pardonner», réagissent en redoublant de foi commémorative et de monuments aux héros tombés sur le champ d'honneur.</p>
<p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1713950996_capturedcran2024042411.28.54.png" class="img-responsive img-fluid center " width="529" height="716" /></p>
<h4 style="text-align: center;"><em>«Ne jamais oublier, ne jamais pardonner». Monument commémorant le massacre de la communauté juive de Lugansk. © G.M.</em></h4>
<p>Le mémorial le plus troublant est sans doute celui du Puits de Mine 4/4 Bis à Donetsk. Je n'en avais jamais entendu parler et vous non plus je présume. Il ne figure dans aucun de nos livres d'histoire et il est introuvable sur Wikipedia. Or on estime que 75'000 à 102'000 personnes y ont été massacrées entre fin 1941 et 1943, soit deux fois à trois fois plus qu'à Babi Yar. L'ensemble de la communauté juive de la ville (appelée Stalino à l'époque) a été jetée dans cette fosse, ainsi que des dizaines de milliers de civils. Ce mémorial, ignoré par le gouvernement de Kiev après 1991 parce qu'il dérangeait le récit officiel et ne concernait que les russophones de l'est du pays, est en voie de réhabilitation depuis l'an dernier. Il suffit de se rendre sur ce site pour comprendre pourquoi les habitants du Donbass se sont soulevés en avril 2014 lorsque le régime issu de Maidan a voulu bannir leur langue et a envoyé les héritiers de leurs bourreaux pour les réprimer. </p>
<p>On peut détruire les monuments mais pas le souvenir.</p>
<p>A 70 kilomètres de Donetsk, dans la province de Horlivka, le monumental cénotaphe de Savur-Mohila est un autre témoignage des batailles du dernier siècle, érigé au sommet de la colline la plus haute du Donbass, sur l'emplacement de l'un des grands chocs de la Seconde guerre mondiale, qui eut lieu en juillet-août 1943, en même temps que la fameuse bataille de chars de Koursk qui devait briser la Wehrmacht. Une allée d'escaliers avec une immense flèche y avait été édifiée en 1963. 70 ans plus tard, en août 2014, la colline a fait l'objet d'une âpre bataille de position entre séparatistes et soldats kiéviens, avant d'être définitivement reprise par les républicains de Donetsk emmenés par leur prestigieux chef Alexandre Zakhartchenko. Les combats l'avaient saccagée. Après 2022, Poutine l'a fait reconstruire pour commémorer les deux guerres, la Grande Guerre patriotique de 1941-1945 et celle de la libération du Donbass de 2014-2022. De chaque côté de l'allée, de grandes stèles sculptées célèbrent les héros morts pour la liberté du Donbass entre 1941 et 2022.</p>
<p>Mais c'est sans doute à Lougansk que ce choc mémoriel est le plus intense. J'y suis accueilli par Anna Soroka, historienne et combattante dans les régiments de la République dès 2014. Le premier monument commémore les 67 enfants tués par les miliciens ukrainiens des bataillons néonazis Kraken et Aïdar qui ont tenté de prendre la ville en 2014 et l'ont bombardée jusqu'en 2022. Il a été construit au milieu d'un parc qui sert de jardin d'enfants. Plusieurs gosses y ont été tués par un bombardement ciblé des Ukrainiens, les bâtiments avoisinants n'ayant pas été touchés. </p>
<p>Les enfants sont en effet l'objet d'une guerre de l'information sans merci dans les deux camps. Les Ukrainiens ont déposé plainte pour crime de guerre contre les Russes et la Cour pénale internationale a inculpé Vladimir Poutine et la responsable russe de l'enfance pour kidnapping d'enfants ukrainiens. La propagande occidentale reprend en boucle ces accusations, au cinéma – le documentaire <em>ad hoc</em> vient de recevoir un Oscar – et dans les médias. Lesquels oublient naturellement de répercuter le point de vue des habitants du Donbass, pour lesquels ce sont les Ukrainiens qui prennent les enfants en otage. Il existe en effet en Ukraine une organisation de volontaires, appelés les Anges Blancs, calquée sur le modèle des fameux Casques Blancs syriens qui, on s'en souvient, étaient loin d'être des secouristes neutres et agissaient en fait pour le compte des groupes djihadistes. </p>
<p>Ces détachements d'Anges Blancs (White Angels) ont été formés dès février 2022 par un certain Rustam Lukomsky. La presse anglo-saxonne les a mentionnés à quelques reprises. Pour ceux du Donbass, leur but consiste à forcer les parents des zones du front à se séparer de leurs enfants sous prétexte de les protéger. Les enfants sont donc isolés de leurs parents et «mis en sécurité» à l'arrière, où ils sont dès lors utilisés comme moyens de chantage contre leurs familles. Celles-ci se trouvent déchirées entre deux choix aussi insupportables l'un que l'autre: soit elles abandonnent leurs foyers pour rejoindre leurs enfants, soit elles y restent en se voyant forcées de collaborer avec l'armée ukrainienne qui les invite à dénoncer ou à saboter les mouvements de l'armée russe. On imagine la détresse des parents confrontés à un tel chantage. Des témoignages, comme ceux d'Olga V. Zubtsova de Bakhmut et d'Igor Litvinov d'Avdievka, confirment cette version des choses. Enfin, d'innombrables rumeurs circulent sur les réseaux sociaux, qui accusent ces prétendus Anges Blancs d'alimenter les réseaux de pédo-criminalité et le trafic d'enfants. Mais cela reste à prouver.</p>
<p>Le deuxième monument se trouve dans un bois à la sortie de Lugansk. Comme le Puits de mine No 4 de Donetsk, il commémore le lieu du massacre de la communauté juive de Lugansk (environ 3'000 femmes et enfants essentiellement juifs) et de 8'000 adultes de diverses confessions pendant l'occupation nazie. «On ne peut pas comprendre pourquoi, aujourd'hui, Kiev honore les descendants de ceux qui ont tué tant des nôtres pendant la Deuxième Guerre mondiale», dit Anna Soroka. Abandonné aux ronces depuis 1991, le site a fait l'objet d'une restauration récente. Il ne figure pas sur nos applications de recherche. </p>
<p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1713950577_img_4160.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p>
<h4><em><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1713950703_img_4161.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></em></h4>
<h4 style="text-align: center;"><em>Monument en hommage aux victimes du massacre du Puits de Mine 4/4 Bis à Donetsk. © G.M.</em></h4>
<p>Un peu plus loin, de l'autre côté de la route, les autorités de la république ont érigé un vaste mémorial en l'honneur des combattants et des civils tués par la guerre de 2014-2022. Près de 400 tombes sont alignées de part et d'autre de l'allée qui mène de la statue inspirée de Rodin près de l'entrée, à la flèche centrale et à la chapelle ardente. On s'arrête près de la tombe d'Ivan Selikhov. Anna a personnellement connu la plupart des personnes enterrées ici. Le 5 mai 2014, Ivan a été sorti de sa maison et exécuté pour l'exemple d'une balle dans la tête par les milices, parce que son fils s'était engagé auprès des républicains. Ses voisins avaient d'abord dû l'inhumer dans son jardin. Le site se trouve sur les lieux mêmes de la bataille et rend hommage aux 397 «victimes de l'agression ukrainienne» de cet été-là, ouvriers, creuseurs de tranchées, instituteurs, écoliers, médecins, infirmières, patients frappés par le bombardement de leur école et de leur hôpital (169 morts).</p>
<p>En revenant en ville, nous passons devant le grand monument aux soldats soviétiques qui ont libéré la ville en 1943 et devant un char ukrainien décoré de fleurs posé sur un socle de béton en bordure de l'autoroute: les habitants du quartier l'ont posé là pour rappeler que ce char avait bombardé leurs maisons il y a dix ans. En contrebas, un champ toujours jonché de mines est fortement déconseillé aux promeneurs.</p>
<p>Le dernier monument de ce tour de ville funèbre est sans doute le plus emblématique du destin tragique du Donbass durant ces dernières cent années. Il s'agit du mémorial de Hostra Mohyla posé sur une petite colline au sud-est de la ville. Plusieurs monuments de facture diverse y rappellent le souvenir des diverses communautés rayées de la carte au fil des décennies. Mais le plus grand, qui coiffe le sommet du complexe, donne la clé de la psychologie des habitants de la région. Il présente quatre statues géantes de soldats, héros en armes des quatre guerres qui marquent la conscience collective du Donbass: un combattant de la guerre civile, un soldat soviétique de la Grande Guerre patriotique, un militant de la résistance anti-kiévienne de 2014-2018, et enfin un combattant de la guerre de libération de l'oblast de 2022 à nos jours.</p>
<p>Pour ce site comme pour les autres, malgré sa popularité auprès des habitants, on ne trouve absolument aucune information sur les moteurs de recherche occidentaux. Google et Wikipedia ignorent ou ont banni ces sites de leur répertoire. Seule la Stiftung Denkmal für die ermordeten Juden Europas fournit quelques éléments sur les victimes juives.</p>
<p>On comprend dès lors mieux pourquoi la Russie, et ses nouveaux citoyens des provinces de l'est ukrainien, n'abandonneront jamais leur combat contre Kiev et contre l'Occident sans l'avoir gagné. La rage sourde qui les saisit à l'idée que nous voulions, par Ukrainiens interposés, les effacer de la surface de la terre, au sens propre et au sens figuré, ne disparaitra qu'avec ce qu'ils considéreront comme leur victoire.</p>',
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'content' => '<p>Pendant une semaine, j'ai pu sillonner les deux provinces dans tous les sens, visiter les villes détruites et en voie de reconstruction, rencontrer des réfugiés, discuter avec les gens. Je ne doute pas que ce récit offusquera nombre de gens accoutumés à voir le monde en noir et blanc. A ceux-là je répondrai ce que John Steinbeck et Robert Capa ont lancé à leurs détracteurs lorsqu'ils ont visité la Russie de Staline en 1947, au début de la guerre froide: je me contente de témoigner, de rapporter ce que j'ai vu et entendu de l'autre côté du front. A chacun, ensuite, de se faire son opinion.</p>
<p>Tout a commencé de façon très russe, par un enchainement improbable de circonstances. Il y a neuf ans à Dushambe, j'avais rencontré un entrepreneur tadjik de Moscou qui mariait sa fille. Il ne parlait pas un mot d'anglais et, sans faire de cas de mon russe misérable, il avait invité toute notre délégation à la noce. J'avais fait un petit discours de circonstance en l'honneur de la mariée et de ses parents. Depuis lors, Umar Ikromovitch est devenu un ami pour la vie, que ni la distance ni la fracture linguistique ne sauraient séparer. Une ou deux fois par an, aux fêtes importantes, il m'envoie des messages Telegram. En février, surprise, il me propose de me joindre à lui pour visiter ses réalisations dans le Donbass, dans lequel il n'était encore jamais allé. Umar emploie en effet quelques centaines d'ouvriers dans la région de Moscou et quelques dizaines dans la reconstruction du Donbass.</p>
<p>Le 3 avril à trois heures du matin, il m'attendait donc avec Nikita, un de ses amis du ministère de la Défense, à la sortie de l'aéroport de Vnukovo, à Moscou, pour m'embarquer dans le Donbass. Nikita avait préparé le programme et fourni les autorisations nécessaires ainsi qu'un chauffeur aguerri, Volodia. Pendant dix heures d'affilée, avec une courte pause-café dans une station-service qui venait d'ouvrir, nous avons descendu à tombeau ouvert les 1'060 kilomètres de l'autoroute Prigogine qui relie Moscou à Rostov-sur-le-Don, celle-là même que le chef défunt de Wagner avait voulu remonter avec ses chars en juillet dernier.</p>
<p>Rien n'est plus simple qu'une autoroute russe. C'est toujours tout droit, il n'y a pas un virage jusqu'à Rostov. Et comme celle-ci est impeccable, à part cinquante kilomètres de travaux peu avant Rostov, le trajet fut rapide et indolore, nous permettant de passer en quelques heures des dernières neiges moscovites aux douceurs du printemps de la mer d'Azov. En chemin, des norias de camions, quelques convois militaires, mais assez peu en fin de compte.</p>
<p>A Rostov, port animé et capitale embouteillée du sud russe, nous avons à peine pu poser nos bagages et faire trois pas que nous voilà partis pour notre première visite: une énorme station de pompage-turbinage des eaux du Don située à l'embouchure du fleuve, à une vingtaine de kilomètres de la ville. Des ouvriers s'activent encore à terminer les aménagements extérieurs. Deux gigantesques tuyaux, des dizaines de citernes de 20'000m<sup>3</sup> et huit stations de pompage de onze turbines chacune acheminent désormais l'eau douce de Rostov à Donetsk, située à deux cents kilomètres de là et privée d'eau potable à cause de l'embargo ukrainien. Tout est automatisé. Les 3'700 ouvriers ont commencé et terminé l'immense chantier ainsi que la construction de la ligne à haute tension destinée à alimenter les turbines en six mois, entre novembre 2022, aussitôt après la réintégration des républiques dans la mère-patrie, et avril dernier.</p>
<p>Première conclusion: après des investissements aussi rapides et colossaux, la volonté russe me semble inébranlable et il me paraît exclu que la Russie accepte à nouveau, un jour, de se séparer du Donbass. Ce territoire est désormais russe, point final.</p>
<p>A la nuit tombante, nous voici enfin assis à la table d'une brasserie manifestement très prisée de Rostov, face au Don paisible. La nuit sera calme et le sommeil de plomb. La suivante, avec quarante missiles ukrainiens tirés sur la base aérienne voisine de Morozovsk, sera plus animée. </p>
<p>Le lendemain matin, départ pour Marioupol, à 180 kilomètres et trois heures de route. Après Taganrog, la route longe la mer d'Azov et est encombrée par les convois de camions qui vont et viennent du Donbass. Elle est en plein travaux d'élargissement. Les véhicules militaires arborent un V ou un Z bien visibles. Checkpoints et contrôles divers se succèdent avant et après la frontière de la République de Donetsk. Sur les bas-côtés, de longues colonnes attendent la fouille. Grâce à nos laissez-passer, nous voici bientôt en territoire ex-ukrainien. Evgueni, un Russe de Vladivostok engagé volontaire auprès de la République de Donetsk, prend le relais. Il nous servira de guide et d'interprète tout au long de notre séjour. </p>
<p>Peu avant midi, nous atteignons les faubourgs de Marioupol et entrons sur le territoire d'Azovstal, totalement dévasté. L'usine n'est plus que cheminées rouillées, entrelacs de tuyaux éventrés et de ferrailles tordues. Une vision d'apocalypse qui évoque immédiatement Stalingrad, l'usine de tracteurs, Vassili Grossmann et le <em>Voyage en Russie</em> de Steinbeck et Capa. Aucune des maisons et des immeubles d'habitation alentour n'a survécu. </p>
<p>Le centre-ville a en revanche beaucoup mieux résisté, avec un taux de destruction qu'on peut estimer à cinquante pourcents à première vue. Il est en pleine rénovation. Sur la place centrale, la reconstruction du fameux théâtre – bombardé ou dynamité on ne sait trop – doit être achevée à la fin de l'année. Umar est content: les enfants et les jeunes mères se sont déjà emparés du parc et du terrain de jeux que son entreprise vient d'achever. Les lignes de bus, offerts par la ville de Saint-Pétersbourg, ont été rétablies. Les terrasses de café ont rouvert.</p>
<p>Puis nous repartons pour l'ouest de la ville, qui offre un paysage très différent. Tout y est neuf. Les quartiers anciens ont déjà été rénovés et de nouveaux quartiers, des bouquets d'immeubles, une école, une crèche, un hôpital, y ont jailli de terre en moins d'une année. Une dame qui promène son chien nous explique qu'elle vient d'emménager dans son appartement tout neuf il y a quinze jours, après avoir vécu pendant des mois dans un taudis sans eau courante. </p>
<p>Supervisés par une société publique du ministère de la Défense avec l'aide des villes et des provinces russes, les chantiers s'activent jour et nuit. Dix mille habitants ont déjà été relogés et la ville a retrouvé les deux tiers de sa population d'avant-guerre, soit 300'000 habitants. Durant l'après-midi, nous visiterons un second hôpital de 60 lits, entièrement neuf et démontable, très bien équipé et dirigé par des médecins volontaires provenant des différentes régions de Russie.</p>
<p>Les constructions les plus spectaculaires concernent toutefois les écoles. En bordure de mer, une nouvelle académie de la marine accueillera sa première volée de cadets à la rentrée de septembre. Salles de cours, internat, salles de sports, salles d'entrainement, quatre immeubles de verre et d'acier rutilants sont sortis de terre en dix mois. Prévus pour 560 élèves en uniforme de 11 à 17 ans, ils accueilleront principalement des orphelins des deux guerres du Donbass, celle de 2014-2022 et celle de 2022-2024, me dit-on. Six jours d'enseignement par semaine à raison de huit à dix heures par jour, on n'aura guère le temps de s'y ennuyer. A la fin du cursus, les élèves pourront soit parfaire leur formation dans la marine soit entrer dans une université civile.</p>
<p>La seconde école est plus classique mais encore plus spectaculaire. C'est un collège expérimental comme on n'en encore jamais vu en Russie (ni en Suisse à ma connaissance). Le design, remarquable, est très étudié. Les salles de classe sont équipées avec les dernières technologies, ordinateurs, robots, cyber et nanotechnologies, intelligence artificielle. Plus classiques, les salles de dessins, de couture, de cuisine, de peinture, de langues, de ballet, de théâtre, de chimie, physique, de biologie, d'anatomie et mathématiques. Il existe même une salle équipée de cabines pour apprendre à conduire et à piloter.</p>
<p>Commencée fin 2022, terminée en septembre 2023, elle a accueilli sa première volée de 500 élèves l'an dernier et en attend 500 de plus à la rentrée de septembre. La pédagogie est à l'avenant, sans minauderies pédagogistes: les cours durent douze heures par jour. Ils commencent à 8h et se terminent à 20h à raison de six heures de matières «dures» le matin, et de six heures de matières plus récréatives ou complémentaires l'après-midi. La cantine assure trois repas par jour. Seule difficulté, assure la directrice, celle de trouver des enseignants qui veuillent bien accepter de s'installer à Marioupol. Mais elle n'a pas l'air d'être du genre à s'effrayer devant la tâche.</p>
<p>En fin d'après-midi, nous nous engageons sur l'autoroute toute neuve qui relie Marioupol à Donetsk, à 120 kilomètres, en faisant un petit arrêt dans la petite ville de Volnovakha, dont le palais de la culture a subi une frappe de HIMARS en novembre dernier. Le toit s'est écroulé et des échafaudages encombrent ce qui reste de la scène et de la salle. Par chance, la salve n'a fait ni mort ni blessé, le spectacle programmé ce jour-là ayant été déplacé à la dernière minute. Pour les habitants, pas de doute, les Ukrainiens cherchaient à tuer le plus de civils possibles. Mon guide m'explique qu'ils tirent toujours les HIMARS par groupe de trois: une première roquette pour percer le toit et les structures, une deuxième pour liquider les occupants et, vingt à vingt-cinq minutes plus tard, une troisième frappe pour tuer le maximum de pompiers, secouristes, parents, policiers, amis, voisins venus secourir les victimes. Ce récit me sera répété plusieurs fois.</p>
<p>Donetsk est une grande ville d'un million d'habitants, très étendue, très animée, avec une circulation dense. On n'y voit que peu d'immeubles ou de façades détruites. En revanche, la ville vit au son du canon. Je n'y avais pas prêté attention à mon arrivée, à cause de la fatigue et des émotions de la journée. Mais en me réveillant à trois heures du matin, j'ai soudain été frappé par le son du canon. Toutes les deux à trois minutes, un coup part, faisant trembler les vitres et illuminant le ciel d'une lueur orangée: ce sont les artilleurs russes qui tirent sur les positions ukrainiennes, à quelques de kilomètres du centre-ville. Les Ukrainiens ripostent avec des missiles, des drones ou des roquettes HIMARS, ce qui enclenche les tirs de contre-batterie russes, à raison d'un ou deux par heure me semble-t-il.</p>
<p>Le lendemain matin, on m'apprendra à distinguer les uns des autres. Les HIMARS sont silencieux jusqu'à l'explosion finale, les missiles SCALP français et Storm Shadow britanniques font un bourdonnement d'avion, de même que les missiles anti-missiles russes, tandis que les obus ordinaires tombent en sifflant. De toute façon, je n'ai aucun souci à me faire, m'assurent mes nouveaux amis. Ils m'ont logé dans le seul hôtel de la ville encore en mains américaines et jamais les Ukrainiens n'oseraient tirer sur une cible américaine. Il n'en reste pas moins que les tirs ukrainiens continuent à faire des blessés et un mort par semaine en moyenne. Tous des civils, car il n'y a absolument aucun soldat, véhicule ou installation militaire en ville. En quatre jours, je n'y ai pas croisé un seul uniforme.</p>
<p>Nous commençons la journée par une visite à l'Allée des Anges, qui se trouve au milieu d'un beau parc urbain. C'est le nom qu'on a donné au monument funéraire érigé en mémoire des enfants tués par les bombardements ukrainiens depuis 2014. 160 noms ont déjà été inscrits sur le marbre. Mais la liste en comprend plus de 200 à ce jour. Des dizaines de bouquets de fleurs, de jouets, de photos d'enfants s'amoncellent sous l'arche de fer forgé. C'est bouleversant.</p>
<p>Au retour, nous rendons visite aux confrères de la télévision et de la radio OPLOT, en bordure de la place centrale. Leur immeuble est régulièrement visé par des HIMARS. On n'a pas encore pu réparer les derniers studios frappés mais on les retape à la fortune du pot et les cinq chaines TV et radio diffusent leurs programmes sans interruption. La direction et l'équipe sont à 90% féminines, les quelques hommes étant chargés de la couverture du front, à dix kilomètres de là. Un petit jardin d'enfant - une grande crèche attirerait l'attention des HIMARS ukrainiens - accueille les enfants des employés. Il en va ainsi dans toute la ville, les crèches publiques ayant dû fermer pour éviter les frappes. Au début, en 2014, il avait été difficile de recruter des journalistes à cause des risques d'attentat mais ce n'est plus le cas aujourd'hui, assure la rédactrice en chef Nina Anatoleva. L'intervention russe de 2022 a beaucoup renforcé la sécurité. Mais ils ont perdu en audience. Leurs chaines, qui diffusaient largement dans la partie russophone de l'Ukraine, ont été coupées et ne sont plus visibles que sur internet ou sur le réseau local.</p>
<p>L'après-midi, nous nous rendons dans le village de Yassinouvata, proche d'Avdeevka, et donc tout près du front. Le village, très exposé aux tirs d'obus ukrainiens, abrite une école transformée en centre d'accueil pour les réfugiés des villages récemment libérés. Aussitôt sortis de Donetsk, la proximité du front se fait sentir. La route est défoncée par les tirs d'obus et jonchée de débris de ponts écroulés. Sur notre gauche deux hélicoptères Ka-50 Alligators et un MI-8 reviennent du front en rase-mottes. A notre droite des tranchées et trois rangées de dents de dragons, équivalents de nos Toblerone suisses, forment une des lignes de la défense russe. Des engins militaires la longent régulièrement. </p>
<p>Notre véhicule est parfaitement anonyme. Pas de convoi, d'insignes de presse, de gilets pare-balles ou de casques qui pourraient attirer l'attention des drones de surveillance ukrainiens. Les GPS de nos portables sont désactivés depuis longtemps. Il s'agit d’être le plus banal possible. La route est de plus en plus défoncée et la circulation quasi inexistante. Le chauffeur, le guide et Umar sont parfaitement impavides.</p>
<p>La directrice de l'école, ex-professeure de mathématiques devenue directrice du centre d'accueil, nous accueille. La libération d'Avdeevka et des villages voisins fin février a fait sortir les habitants survivants des caves. Ils sont logés ici, dans les salles de classe, en attendant de retrouver leur logement ou d'en trouver un nouveau. Sur les 160 personnes hébergées, certaines ont déjà pu regagner Avdeevka. Aujourd'hui, c'est au tour de Nina Timofeevna, 85 ans et toute sa verve, de regagner son logis. Elle a vécu dans sa cave pendant deux ans en faisant du feu à même la rue. «Les soldats ukrainiens ne nous ont pas aidés du tout», assure-t-elle, tandis que l'armée russe a réparé son toit et les vitres de sa maison, si bien qu'elle peut y retourner, encadrée par deux soldats de la police militaire qui lui portent son barda. «Ce n'est pas une guerre, mais un massacre de civils. Ils veulent nous détruire.»</p>
<p>Dans les couloirs, des bénévoles de l'Eglise orthodoxe déballent des cartons de vêtements, des bouteilles d'eau et de la nourriture. Dans les autres salles, des couples avec un beau chat aux yeux bleus, des vieillards. Une famille avec un jeune garçon de quatre ans. Elle s'est fait souffler son appartement par une roquette alors qu'elle essayait de trouver de la nourriture à l'extérieur. Le père était ouvrier et la mère comptable à la cokerie d'Avdeevka. Ils ont échappé à la mort par miracle et n'en reviennent pas encore d'avoir survécu... </p>
<p>Sur le chemin du retour à Donetsk, la discussion porte sur la vie pendant la guerre et Evgueni m'apprend qu'à Marioupol le bataillon néonazi Azov avait ouvert dès 2014 une prison secrète dans un bâtiment de l'aéroport, appelée la «Bibliotheka», la Bibliothèque, parce que les victimes y étaient désignées comme des «livres», à l'image des nazis qui appelaient leurs victimes des «Stück». Selon les témoignages, des dizaines de personnes y ont été torturées et tuées pendant les huit années durant lesquelles les nationalistes tatoués de symboles nazis du bataillon ont fait la loi à Marioupol tandis que la police locale regardait ailleurs. Des investigations sont en cours pour identifier les victimes et la visite des locaux est suspendue. La presse russe en a parlé mais les médias occidentaux ont gardé le silence, de peur d'écorner le narratif des gentils Ukrainiens et des méchants russes.</p>
<p>Deuxième constat: le Donbass fête en ce début avril le 10ème anniversaire de son soulèvement contre le régime de Kiev qui avait décrété la guerre au terrorisme contre lui. Des milliers de personnes, enfants, civils et combattants, ont été tuées. Donetsk a pris le surnom de «ville des héros». Après tant de sacrifices, les trois millions d'habitants de l'oblast se battront jusqu'au bout pour défendre leur république, quel qu'en soit le prix et quoi qu'on puisse penser d'eux en Occident.</p>
<p style="text-align: right;"><strong><em>(Suite et fin la semaine prochaine.)</em></strong></p>
<hr />
<h4>Lire aussi prochainement sur <a href="http://www.antipresse.net" target="_blank" rel="noopener">Antipresse</a> l'interview de Denis Pouchiline, chef de la République de Donetsk. </h4>',
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'subtitle' => 'Shymbulak, Alatau, Amirsoy, Karakol? Ces noms vous parlent sans doute moins que Verbier, Courchevel, Zermatt ou Val Gardena. Et pourtant ils pourraient bientôt s'inscrire dans la liste des stations de ski à la mode. Proches de nous, Sotchi et l'Elbrouz en Russie, Erzurum/Palandöken en Turquie figuraient déjà sur les cartes des amateurs éclairés de sports de glisse aux portes de l'Asie. Mais la poussée vers l'Orient gagne de nouvelles contrées, encore plus à l'est. ',
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'content' => '<p>Rentré d'une semaine de ski sur les pentes kazakhes, le moment est venu de faire un petit tour d'horizon du potentiel hivernal de l'Asie centrale, sur les traces d'Ella Maillart qui a arpenté ces montagnes en 1932 et raconté ses aventures dans <em>Des Monts célestes aux sables rouges</em> (1936, Payot 1986).</p>
<p>Shymbulak est la plus ancienne de toutes. Créée en 1954, juste après la mort de Staline, sur les montagnes qui surplombent la ville d'Almaty, elle fête ses 70 ans cette année. A 1'200 mètres, ses vastes installations ont longtemps servi de base d'entrainement aux athlètes soviétiques, notamment pour le patinage, le hockey et le biathlon. De là, on accède à la station de ski alpin située à 2'200 mètres, grâce à une longue télécabine. Les pistes montent jusqu'à 3'200 mètres et mènent au belvédère qui permet d'embrasser les sommets des Monts célestes qui culminent à 5'000 mètres.</p>
<p>Un bon dénivelé, une neige dure mais pas glacée, du soleil en quantité, pas de queue, des abonnements abordables (une vingtaine de francs pour la journée), les conditions de ce début mars étaient bonnes, et même très bonnes. Sur les pistes et dans les restaurants, beaucoup de jeunes surfeurs kazakhs et des Russes de la Sibérie voisine, quelques Chinois et des Indiens venus en curieux ou en voyage de motivation payé par leur entreprise.</p>
<p>A une trentaine de kilomètres d'Almaty, la région du parc naturel d'Alatau offre aussi des équipements très complets, sur des pentes plus boisées qui descendent jusqu'aux fameux vergers de pommiers kazakhs. Il faut savoir que l'ancien nom russe d'Alma-Ata signifie «père des pommes» et qu'Almaty veut dire «pleine de pommes» en langue turcique. Cette région du Turkestan s'honore en effet d'être le berceau géographique et historique du pommier, dont elle possède des dizaines de variétés, de la plus sauvage à la plus domestiquée. Mais comme partout ailleurs, le réchauffement climatique menace la survie de la souche sauvage du <i>malus seviersii</i>.</p>
<p>Avec ses deux millions d'habitants, Almaty offre toutes les ressources d'une grande ville, avec ses hôtels, ses restaurants, sa gastronomie et, depuis peu, des vins qui surprennent en bien. Seul l'aéroport international laisse à désirer. L'actuel rappelle fâcheusement l'époque soviétique, tant au niveau du service que de l'infrastructure, alors que le nouveau se fait attendre depuis des années. Petite condition pour apprécier son séjour, aimer la viande de cheval, les brochettes de mouton et le lait de jument. Mais avec des produits garantis naturels, sans additifs et issus de la vaste steppe, cette contrainte est vite oubliée.</p>
<p>A une journée de voiture et 800 kilomètres de là, Tachkent, capitale de l'Ouzbékistan, mène en deux heures de route à la station toute neuve d'Amirsoy, la plus récente de la région. Construite de zéro, la station a été inaugurée en décembre 2019 et offre une vingtaine de kilomètres de pistes entre 1'600 et 2'300 mètres d'altitude, dans un décor semi-désertique. C'est encore plus exotique que Shymbulak. Mais je l'ai visitée en automne et n'ai pas encore pu tester la qualité de la neige.</p>
<p>Dans tous les cas, la cuisine ouzbèke vaut amplement le détour – sans parler évidemment des trésors culturels qui font la renommée de l'Ouzbékistan, à savoir les villes-oasis-caravansérails de la Route de la Soie, Samarcande, Boukhara et Khiva ainsi que la surprenante capitale du Karakalpakstan, Noukous, qui fut l'ancien grand port de la mer d'Aral jusqu’à son assèchement et qui abrite la plus fantastique et la plus improbable collection de peintures soviétiques au monde. Mais cela nous mènerait trop à l'ouest. </p>
<p>Quoiqu'il en soit, si les vertiges de la poudreuse ouzbèke et la poussière des sables du désert ne vous ont pas découragé, il vous reste à découvrir le plat national, le plof, qui est un mélange de riz, de raisins secs, de carottes et de viandes diverses, et à déguster quelques cognacs locaux aux herbes digestives. Un mot encore, sur les légumes et les fruits: ce pays est, avec son voisin caspien l'Azerbaïdjan, le champion toutes catégories du fruit et du légume goûteux. Mûris naturellement au soleil, avec peu d'eau et sans intrants ni pesticides inutiles, les herbes aromatiques, les fruits secs, les grenades juteuses, les oignons crus, les tomates et les aulx marinés, sont, avec les fromages fumés de toutes formes et de toutes tailles, en particulier ceux qui ressemblent à des filaments, des régals inconnus sous nos latitudes de tomates hors sol et insipides. Un conseil donc, ne pas lésiner sur les entrées et les zakouskis. </p>
<p>Au Kirghizstan en revanche, on fera bonne place aux chachliks, brochettes et viandes de toutes obédiences, la viande étant moins chère dans ce pays de hauts plateaux froids que les légumes. Retour à l'est donc pour se rendre à Bichkek, capitale du Kirghizstan, qui n'est qu'à trois heures de voiture d'Almaty. De là une assez bonne route mène en cinq heures à Karakol, petite bourgade située à l'extrême est du pays, près de la frontière du Sinkiang chinois. Nous sommes toujours sur la branche nord des Monts célestes, qui forment un fer à cheval autour du lac salé d'Issyk-Koul, le plus vaste et le plus haut du monde (1600 mètres d'altitude) après le Titicaca. Ses eaux sont froides mais on peut s'y baigner à toutes saisons, ou presque. </p>
<p>Karakol est l'une des vingt-trois stations de ski kirghizes. Située à 1'760 mètres d'altitude, elle est peuplée de quelque 70'000 habitants et d'autant de chevaux. </p>
<p>Les Kirghizes sont les rois du cheval, à qui ils peuvent faire faire à peu près n'importe quoi. Un ancien Président kirghize a en effet fondé les Jeux Mondiaux Nomades, qui rassemblent tous les deux ans les peuples de la steppe autour des sports équestres, du tir à l'arc et de diverses joutes qui rappellent nos très suisses luttes à la culotte. Y assister une fois dans sa vie est une obligation, comme la visite du Louvre. J'avais participé à ceux de Cholpon-Ata, pas loin de Karakol justement, en septembre 2018. Après la Turquie, les prochains se dérouleront à Astana du 8 au 14 septembre prochain. Au menu, 44 épreuves, 3'000 concurrents et plus de cent pays attendus. </p>
<p>Je vous fais grâce de la description des vingt-deux autres stations de ski nationales. Le Kirghizstan est le pays le plus richement doté d'Asie centrale grâce à ses hautes montagnes. Les pistes de Karakol culminent à 3'500 mètres et le plus haut sommet à 7'439 mètres (Pic Pobeda ou Jengish Chokosu). Mais il est très dangereux et je vous recommande plutôt le Pic Lénine qui, malgré son nom, est très accessible et vous hissera quand même à 7'134 mètres.</p>
<p>Dernière curiosité de Karakol, son musée municipal qui a la particularité d'abriter depuis 2016 une salle entièrement dédiée à 125 photos réalisées par Ella Maillart durant son voyage et qui a pu être réalisée grâce aux apports du Musée de l'Elysée et de l'ambassade suisse. </p>
<p>Voilà, j'espère que ce petit tour hivernal des Monts célestes (monts Tian Shan en chinois, Monts Tengri en turcique) vous aura fait envie, que nous aurons l'occasion de nous y croiser prochainement sur l'une ou l'autre piste avant d'allumer une bougie et de cracher par terre quelques gouttes de vodka en hommage aux âmes supérieures du tengrisme, ce chamanisme mâtiné de bouddhisme tibétain et de taoïsme chinois dont ces montagnes sont le berceau… </p>',
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'content' => '<p>Un banal accident vasculaire, et non la suite de «l'empoisonnement de Poutine» que les roquets et les perroquets les plus serviles de l'OTAN répétaient en boucle (<a href="https://www.kyivpost.com/post/28630" target="_blank" rel="noopener">lire ici</a>).</p>
<p>Au même moment, les proches de Navalny annonçaient <em>urbi et orbi</em> que leur protégé aurait dû faire l'objet d'un échange avec un espion russe détenu en Allemagne, espion que «Poutine souhaitait à tout prix libérer» selon les mêmes médias occidentaux.</p>
<p>Cette seconde annonce conforte la première. Un échange aurait permis au président russe de faire d'une pierre deux coups, en se débarrassant d'un détenu encombrant tout en récupérant un espion ardemment désiré…</p>
<p>Toutes deux démolissent en tout cas la thèse suivant laquelle le président russe aurait voulu éliminer son adversaire. Elles nous permettent aussi de comprendre pourquoi la mort de Navalny a été instrumentalisée si vite et si bruyamment: il s'agissait de faire avaler au plus vite aux opinions publiques occidentales interloquées de nouvelles sanctions contre la Russie (adoptées par les Etats-Unis sitôt après la visite de la veuve Navalny à Washington), et de nouvelles mesures de guerre par l'Union européenne (décidées lors du dernier sommet pour l'Ukraine à Paris), mesures qui portaient sur la livraison de missiles à longue et moyenne portée et la possible intervention directe de soldats de l'OTAN sur le sol ukrainien (lancée par le président Macron, dans une déclaration aussi inquiétante qu'insensée sur le plan de ses conséquences militaires).</p>
<p>Cerises sur le gâteau, la mort inopinée de Navalny est aussi tombée à pic pour escamoter la chute d'Avdiivka et les revers de l'armée ukrainienne et pour tenter de relancer la mécanique enrayée des aides militaires américaines à l'Ukraine et le vote de nouveaux milliards européens alors qu'on les refuse aux paysans appauvris par la crise et par la hausse des prix de l'énergie consécutive à l'interruption des importations de gaz russe (le parlement européen vient de voter 50 milliards d'aide à Kiev).</p>
<p>S'il est un domaine où l'on ne contestera pas le génie de l'Occident. C'est bien celui de la propagande et de la manipulation de l'opinion. Comme dans l'affaire de Boutcha, du MH17 ou des Skripal, la mort de Navalny a donc servi de prétexte à une escalade des tensions et du bellicisme. En un mot: à une amplification de la guerre, au détriment des partisans des négociations, d'une désescalade ou d'un cessez-le-feu.</p>
<p>Mais les révélations bizarres ne s'arrêtent pas là. Coup sur coup, le <i>New York Times, </i>toujours selon des informations du même Budonov<i>,</i> nous apprenait que la CIA avait ouvert pas moins de douze centres d'espionnage en Ukraine, et cela avant même le coup d'Etat de Maidan de février 2014. Pourquoi faire? Pour repérer les meilleurs coins à champignons? C'est peu probable. </p>
<p>Voilà qui confirme que l'Ukraine était déjà sous contrôle américain depuis au moins 2013 et que l'escalade antirusse était programmée depuis des lustres. </p>
<p>De son côté, Zelensky confessait que les plans de la contre-offensive ukrainienne de l'été dernier avaient été transmis aux Russes avant qu'elle ne commence, ce qui expliquerait son échec.</p>
<p>Pourquoi ces informations sortent à ce moment? Qui visent-elles? Que cherche-ton à nous dire? Pourquoi les officiels ukrainiens se mettent-ils à démonter des thèses véhiculées par leurs amis occidentaux? Il n'y a jamais de hasard dans ce genre de communications, qui semblent erratiques à première vue, mais qui sont en réalité soigneusement calibrées.</p>
<p>A ce stade, trois explications sont possibles. Il peut s'agir de règlements de comptes internes, Kiev cherchant à discréditer des adversaires politiques (par exemple le clan du général limogé Zaloujny), soit d'une tentative pour faire monter la pression contre leurs alliés pour arracher davantage de soutien, soit de contre-feux destinés à désamorcer de futures révélations très embarrassantes pour la campagne électorale de Joe Biden. L'article du <em>Temps</em> de mercredi 28 février, qui relance la thèse d'une ingérence de la Russie dans la campagne présidentielle, malgré le flop du Russiagate en 2017-2019, en s'appuyant sur les «révélations» d'un mystérieux groupe de hackers, conforte cette thèse. Il s'agit de blinder, par un tir préventif, la campagne des démocrates.</p>
<p>Les trois thèses ne s'excluent d'ailleurs pas. On ne devrait pas tarder à en savoir plus.</p>
<p>En attendant, au milieu de ces emballements médiatiques échevelés, on peut se demander si l'être humain le plus sensé n'est pas cet employé du renseignement de l'armée de l'air américaine, Aaron Bushnell, qui s'est immolé par le feu lundi dernier devant la Maison-Blanche en appelant à «libérer la Palestine», en signe de protestation contre le massacre des Palestiniens par les Israéliens. Un fait délibérément ignoré par les médias européens, mais qui rappelle étrangement le sacrifice du moine bouddhiste Thich Quang Duc, qui s'était immolé par le feu sur la place de Saigon en 1963 pour protester contre le gouvernement Diem (voir <a href="https://consortiumnews.com/2024/02/26/caitlin-johnstone-he-burned-himself-alive-to-tur-eyes-to-gaza/?eType=EmailBlastContent&eId=61aa601e-0bc0-43d1-b6e3-1ce9a9f5eea8">Caitlin Johnstone: <em>He Burned Himself Alive to Turn Eyes to Gaza</em> (consortiumnews.com))</a>.</p>
<p>L'histoire semble bégayer à nouveau. Dans tous les cas, cet acte désespéré, qui n'est que la répétition d'une cascade de suicides du même genre, révèle le profond malaise psychique qui frappe les soldats lorsqu'on leur fait accomplir des missions dénuées de tout sens moral.</p>',
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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
2 Commentaires
@Chan clear 04.07.2022 | 19h43
«C’est à ce demander comment il estpossible que les USA puissent donner 40 milliard de dollars à l’Ukraine alors que l’on voit bien la misère qui peut régner en Amérique!»
@Gassigassou 22.07.2022 | 18h35
«Un tissu de propagande digne de l’époque Staliniste. La Russie est totalement corrompue, son gouvernement n’est véritablement pas fiable. Mme Zhakarova aura un 10 pour répéter le discours de son chef… jusqu’au jour où???»