Lettre à la langue kurde

Actuel / Lettre à la langue kurde

26 juin 2018

Fatma Sahindal: «Chère langue de mon père, On s'est vues, on s'est aimées, on a eu le plaisir de faire connaissance l'une de l'autre, on a parcouru des chemins douloureux ensemble.» © DR

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La langue n’est pas qu’un outil de communication. Elle est un moyen de se représenter et d’interpréter le monde, d’accéder à des connaissances et à des cultures, de tisser ou de rompre des liens. Elle est au cœur de nos émotions et de nos identités. Apprendre ou enseigner une langue ne se résume donc jamais à apprendre ou enseigner une langue. L’appropriation de la grammaire et du vocabulaire ne sont que des parcelles d’un sinueux parcours, pour trouver sa voix, pour ouvrir des voies. Fatma Sahindal, de langue paternelle kurde, a pris conscience de tout cela en travaillant, à l’École de français langue étrangère (UNIL) à Lausanne, avec une enseignante atypique, Hélène Pfersich, qui accompagne les étudiants dans une démarche créative. Dans le cadre de son cours «De l’improvisation théâtrale à l’écriture», Fatma a écrit des «Lettres à ses langues». Voici celle qu’elle adresse à sa langue perdue, langue du père mort, langue interdite. Suivie d’une conversation entre l’étudiante et la prof.

Fatma Sahindal

Chère langue de mon père*,

C'est à ma table que je t'écris cette lettre. A droite, il y a ma bibliothèque, remplie de livres. Des livres dans toutes les langues que j'ai dû apprendre. Turc, allemand, anglais, français. Avant de t'écrire cette lettre, je me suis rendu compte que je n'avais aucune trace de toi dans ma bibliothèque. Aucun livre dans ma première langue, ma langue maternelle, la langue que j'ai apprise. Et pourtant, je pense qu'une bibliothèque reflète d'une manière assez explicite la personne qui la possède. Tu sais que quand je suis invitée quelque part, la première chose que je fais, c'est de fouiller si possible, sinon je jette un coup d’œil dans la bibliothèque de la personne pour repérer, peut-être, des points communs avec moi. Découvrir ce qu'elle aime. Trouver des sujets de discussion. Je pense que le choix de livres qu'on fait dit beaucoup de nous. En écrivant cela, je fais le constat affligeant de ne pas y avoir une seule trace de toi.

Ce que je vais dire me fait mal, mais tu n'auras pas de place dans mon futur. Sache que tu es la gardienne éternelle de mon passé.

Cela fait trente ans que je réside en ce monde. Ce monde que j'ai commencé à nommer en toi. Et à l'heure actuelle, le même monde m'est devenu étranger en toi. Excuse-moi. Je n'y suis pour rien. A l'époque, j'étais inconsciente de tout, de toute la misère que notre monde peut créer. On s'est vues, on s'est aimées, on a eu le plaisir de faire connaissance l'une de l'autre, on a parcouru des chemins douloureux ensemble. On me dit que tu es ma langue maternelle. J'ai envie de dire non! Toi, tu n'es ni la langue de ma mère ni la mienne. Je te prie de m'en excuser, mais ma mère et moi nous partageons nos conversations entre toi et le turc. Autrement, il nous est impossible de mener une discussion. Parfois je conjugue tes verbes en turc. Je prends tes racines et je mets les suffixes des verbes turcs. Crois-moi, je ne le fais pas exprès. C'est juste que mon âme est habitée par d'autres langues, d'autres langues dites étrangères. Ma mémoire ne se souvient plus de toi. Ce que je vais dire me fait mal, mais tu n'auras pas de place dans mon futur. Sache que tu es la gardienne éternelle de mon passé. Je suis emprisonnée dans ce passé dont je m'éloigne de plus en plus. En ce temps-là, je ne savais pas que tu étais interdite. Pourquoi interdit-on une langue? Celui qui parlait en toi était nommé terroriste. Je ne voulais pas être terroriste. Je ne comprenais pas, mais on m'avait bien expliqué de ne pas te parler en dehors de la maison. Un jour, quand Sati est arrivée à la maison en pleurant, j’ai compris ce que cela voulait dire, l’interdiction. A l’école, elle a parlé en toi. Le directeur l’a prise par les cheveux et l’a mise dehors. Elle pleurait. Elle disait qu'elle ne voulait rien savoir de l'école. Parce que les autres ne la comprenaient pas. La pauvre, elle a souffert tout au long de sa vie. Moi, je voulais être comprise à l'école. Ce directeur me faisait peur. Sans le savoir, ma sœur s'est sacrifiée pour moi. Elle était l‘exemple de ce que je ne voulais pas être. J'ai bien joué le jeu. Le directeur ne m'a jamais mise dehors. J'ai appris à mentir. A voiler «Fadé» en Fatma. Je me présentais à mes camarades sous différentes identités. A ta maison j'étais Fadé, alévie et kurde, à l'école Fatma, turc et musulmane. Oui, il y avait aussi cette sorcière, qui croyait être enseignante. Elle me compliquait la vie. Je ne sais pas si elle m'humiliait parce que j'étais alévie, en raison de ma langue maternelle ou tout simplement à cause de ma classe sociale. Elle savait d'où je venais et où j'habitais. Il ne fallait surtout pas pleurer! Ah non, je n'ai jamais pleuré quand elle m'a fait nettoyer les murs de la classe, peu avant que le «müffetiş» n'arrive pour faire des contrôles.

En même temps que tu m'as quittée, que je t'ai quittée, il m'a quittée, encore une fois. Mon père est mort deux fois.

Tu sais, chère langue de mon enfance que je ne rêve plus de mon père à cause de toi. Ce père que j'ai perdu à l'âge de cinq ans. Après sa mort, il me rendait visite dans mes rêves parfois quand j'avais envie de me souvenir de sa voix, de son visage et surtout de son sourire. Jusqu'à il y trois ans. Cette fois-là, il y avait un mur entre lui et moi. Un mur de silence. On ne se parlait pas. Mon père avec qui je ne parlais qu'en toi, à l'époque où tu étais encore le seul maître de mon âme. En même temps que tu m'as quittée, que je t'ai quittée, il m'a quittée, encore une fois. Mon père est mort deux fois. La première fois, en 1992. Alors que j'étais inconsciente de ce que voulait dire la mort, j'ai compris que mourir faisait mal. Comme enfant, nommer la perte d'un être cher, avant même de savoir nommer le monde, fait mal. Cette mort a été la cause de la mort de mon enfance. J'ai enterré mon enfance avec mon père. Et la deuxième fois, c'était dans mes pensées, dans mes rêves. Je n'arrive plus à y accéder. A cause de toi, et de moi. Non, pas à cause de nous. A cause de qui alors? Qui est le coupable de cet éloignement? Non, crois-moi, je n'y suis pour rien. Ce n'est pas moi qui ai choisi cette vie ni ce pays qui m'a interdit de te parler. Je me suis construit un monde entre temps. Je ne peux plus nommer ce monde en toi. Tu ne réponds plus à mes pensées. Les ponts que j'ai construits sont si éloignés que je prends congé de toi.

Excuse-moi,

Fadé

*Lettre extraite de: «Quand le silence prend la parole. Lettres à mes langues», travail approfondi (en culture) par Fatma Sahindal, sous la direction de Hélène Pfersich, École de français langue étrangère, Faculté des Lettres, Université de Lausanne, session de juin 2017.

2^e partie: «On ne peut pas toucher à la langue sans toucher à la personne»

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<p>Fadé   
</p>
<p></p><hr><p></p><h4>*Lettre extraite de: «Quand le silence prend la parole. Lettres à mes langues», travail approfondi (en culture) par Fatma Sahindal, sous la direction de Hélène Pfersich, École de français langue étrangère, Faculté des Lettres, Université de Lausanne, session de juin 2017.</h4><p></p><hr><a href="https://bonpourlatete.com/actuel/on-ne-peut-pas-toucher-a-la-langue-sans-toucher-a-la-personne"><hr xmlns="http://www.w3.org/1999/xhtml"><h3 xmlns="http://www.w3.org/1999/xhtml">2<sup>e</sup> partie: «On ne peut pas toucher à la langue sans toucher à la personne»</h3></a><p></p><h3></h3>',
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<hr />
<p>Dans dix jours c&rsquo;est No&euml;l mais ce qui tous les ans est une r&eacute;jouissance pour moi pourrait bien cette ann&eacute;e devenir un cauchemar. A cause de mon mari.</p>
<p>Pierre m&rsquo;est fid&egrave;le, j&rsquo;en suis certaine, m&ecirc;me s&rsquo;il a eu, comme moi, quelques aventures extraconjugales. Il n&rsquo;y a pas de quoi en faire tout un plat. La fid&eacute;lit&eacute; absolue est un concept &eacute;cul&eacute; et hypocrite qui a pour but principal que les hommes soient certains que les enfants qui sortent des ventres de leur &eacute;pouse soient bien le produit de leurs spermatozo&iuml;des &agrave; eux. Transmettre ses g&egrave;nes est un r&eacute;flexe tr&egrave;s animal, si Sapiens est vraiment un &ecirc;tre sup&eacute;rieur, il devrait se d&eacute;tendre sur cette question. En plus, Pierre et moi n&rsquo;avons pas fait d&rsquo;enfants, trop concentr&eacute;s sur nous-m&ecirc;mes et nos vies &agrave; r&eacute;ussir. Marie, ma s&oelig;ur, pr&eacute;tend que pour les femmes, l&rsquo;importance de la fid&eacute;lit&eacute; n&rsquo;a pas pour but la perp&eacute;tuation de l&rsquo;esp&egrave;ce mais plut&ocirc;t la conservation &agrave; leur c&ocirc;t&eacute; du m&acirc;le qui assure leur protection. Elle se trompe. Si Pierre et moi sommes toujours ensemble apr&egrave;s trente-cinq ans de mariage, c&rsquo;est justement parce que nous nous laissons la libert&eacute; d&rsquo;aller de temps en temps voir ailleurs. Marie, elle, ne souhaitait plus de rapports sexuels tout en mena&ccedil;ant son mari de le quitter s&rsquo;il la trompait. C&rsquo;est lui qui est parti avec la premi&egrave;re ma&icirc;tresse qu&rsquo;il s&rsquo;est autoris&eacute;e.</p>
<p>Mais Pierre a chang&eacute;.</p>
<p>Nous nous sommes connus dans une manifestation contre le racisme alors que nous avions vingt-sept ans. Il &eacute;tait graphiste tandis que moi j&rsquo;enseignais le fran&ccedil;ais &agrave; des r&eacute;fugi&eacute;s dans un centre g&eacute;r&eacute; par l&rsquo;Eglise protestante. Je l&rsquo;avais d&eacute;j&agrave; remarqu&eacute; &agrave; d&rsquo;autres occasions au fil des ans &ndash; Lausanne est une petite ville &ndash; notamment lors d&rsquo;une soir&eacute;e chez Jean-Luc, lequel a &eacute;t&eacute; mon amant lorsque j&rsquo;avais vingt ans et que j&rsquo;h&eacute;sitais entre le trotskisme et l&rsquo;&eacute;cologie politique. Lorsque Jean-Luc, figure de proue des trotskistes locaux, m&rsquo;avait quitt&eacute;e pour une camarade d&rsquo;origine kurde plus valorisante pour lui, j&rsquo;avais renonc&eacute; aux principes de la Quatri&egrave;me Internationale et milit&eacute; pour la sauvegarde de la plan&egrave;te, jusqu&rsquo;&agrave; ma rencontre avec un zapatiste belge avec qui je suis partie au Mexique o&ugrave; j&rsquo;ai attrap&eacute; une infection sexuellement transmissible. De retour en Suisse, j&rsquo;ai soign&eacute; ma salpingite et termin&eacute; mes &eacute;tudes de lettres. Entre deux amants de passage, je traversais de longues p&eacute;riodes d&rsquo;abstinence sexuelle sans que cela me co&ucirc;te. A la manif, j&rsquo;ai trouv&eacute; Pierre tr&egrave;s beau avec sa moustache et sa barbe de cinq jours. Et je l&rsquo;ai trouv&eacute; irr&eacute;sistible lorsqu&rsquo;il a jet&eacute; une bouteille vide en direction des forces de l&rsquo;ordre qui voulaient nous emp&ecirc;cher d&rsquo;acc&eacute;der &agrave; la salle o&ugrave; se d&eacute;roulait une assembl&eacute;e de l&rsquo;UDC, ce parti d&rsquo;extr&ecirc;me droite honni par nous. Pierre s&rsquo;est fait r&eacute;primander par les camarades communistes qui assuraient le service d&rsquo;ordre et il a fini par en venir aux mains avec eux. J&rsquo;ai spontan&eacute;ment pris sa d&eacute;fense, nous nous sommes faits bousculer et avons quitt&eacute; la manifestation, lui avec une arcade sourcili&egrave;re fendue, moi avec un fort d&eacute;sir pour lui. Je l&rsquo;ai emmen&eacute; chez moi pour soigner sa blessure et nous avons fait l&rsquo;amour toute la nuit. Deux semaines plus tard nous emm&eacute;nagions ensemble; nous ne nous sommes plus quitt&eacute;s.</p>
<p>L&rsquo;autre soir, alors que nous avions des invit&eacute;s &agrave; la maison, il m&rsquo;a sembl&eacute; reconna&icirc;tre chez Pierre les signes d&rsquo;une tension extr&ecirc;me. Depuis le temps, je le connais bien. Serge et Mireille, nos invit&eacute;s, l&rsquo;ont eux aussi sentie, cette tension. Ce sont tout &agrave; la fois des amis et des clients. Des amis parce que comme nous ils sont de centre gauche, des clients car ils font appel &agrave; notre agence de communication pour promouvoir leur commerce. Apr&egrave;s avoir &eacute;t&eacute; de grands voyageurs, Serge et Mireille vendent aujourd&rsquo;hui des produits venus d&rsquo;Asie, principalement d&rsquo;Inde mais aussi de Birmanie et du Cambodge. Ils s&eacute;lectionnent avec soins les artisans, privil&eacute;giant les structures coop&eacute;ratives respectueuses de l&rsquo;environnement et du bien-&ecirc;tre des populations locales. Nous g&eacute;rons leur site internet et leur publicit&eacute;, et tournons m&ecirc;me pour eux des clips promotionnels. Pierre est devenu agressif avec Mireille lorsque celle-ci a d&eacute;clar&eacute; que les n&eacute;o-f&eacute;ministes exag&eacute;raient et que #MeToo d&eacute;courageait toute tentative de s&eacute;duction de la part des hommes. &laquo;Je n&rsquo;ai pas peur de le dire, j&rsquo;aime bien que l&rsquo;on me tienne la porte et que les hommes me fassent sentir qu&rsquo;ils me d&eacute;sirent&hellip;&raquo; Pierre lui a r&eacute;torqu&eacute; que le patriarcat &eacute;tait une forme de fascisme et qu&rsquo;en tant que progressiste nous devions tout faire pour l&rsquo;abattre. J&rsquo;ai essay&eacute; de d&eacute;vier la conversation sur la nourriture bio mais tr&egrave;s vite c&rsquo;est l&rsquo;&eacute;criture inclusive qui a fait s&rsquo;&eacute;chauffer les esprits. Serge, qui se pique d&rsquo;aimer la litt&eacute;rature, a d&eacute;clar&eacute; que le fran&ccedil;ais &eacute;tait en danger, qu&rsquo;il fallait le sauver des points m&eacute;dians et des r&eacute;formes de l&rsquo;orthographe. Pierre a r&eacute;torqu&eacute; que pour rester vivantes les langues devaient changer, que les normes les &eacute;touffaient, que les r&egrave;gles orthographiques avaient &eacute;t&eacute; invent&eacute;es pour emp&ecirc;cher les pauvres d&rsquo;acc&eacute;der aux &eacute;tudes. &laquo;Etes-vous all&eacute;s r&eacute;cemment au cin&eacute;ma?&raquo; ai-je incidemment demand&eacute; &agrave; Mireille?</p>
<p>Le lendemain, elle m&rsquo;a appel&eacute;e. &laquo;Avec Serge, on se demande si Pierre n&rsquo;est pas en train devenir woke&hellip;&raquo; Mon sang s&rsquo;est fig&eacute; dans mes veines, une sourde angoisse est mont&eacute;e de mon estomac jusque dans ma gorge. &laquo;Non, non&hellip; Vous vous trompez&hellip; Vous avez bien vu, il continue de manger de la viande&raquo;, ai-je rassur&eacute; Mireille. Mais le doute s&rsquo;&eacute;tait instill&eacute; en moi, je me suis mise &agrave; mieux observer Pierre et, pour la premi&egrave;re fois, j&rsquo;ai fouill&eacute; dans ses poches et ses agendas, m&ecirc;me dans son ordinateur. Ce que j&rsquo;ai d&eacute;couvert est effrayant&hellip;</p>
<p style="text-align: right;"><em>Suite la semaine prochaine</em></p>
<hr />
<h4>Pierre Ronpipal est l&rsquo;auteur de<br /><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1734002707_damned01.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="149" height="206" /><br />&laquo;A moi de choisir ceux qui vont mourir&raquo;<br /><span>et de<br /></span><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1734002742_cover20242.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="154" height="207" /><br />&laquo;Le vert &eacute;tait rouge &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur&raquo;<br />aux <a href="https://nouvelleseditionshumus.ch/" target="_blank" rel="noopener">Nouvelles Editions Humus</a></h4>',
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<div><hr />
<p>A Busan, en Cor&eacute;e du Sud, les discussions sur le trait&eacute; mondial sur la pollution plastique, qui se tenaient du 25&nbsp;novembre au 1<sup>er</sup>&nbsp;d&eacute;cembre, se sont sold&eacute;es par un <a href="https://www.rts.ch/info/sciences-tech/environnement/2024/article/echec-des-negociations-du-traite-sur-le-plastique-a-la-session-busan-28713049.html">&eacute;chec</a>. Les n&eacute;gociations devraient reprendre &agrave; une date ult&eacute;rieure.</p>
<p>En r&eacute;alit&eacute;, les n&eacute;gociations sont surtout sont le th&eacute;&acirc;tre de r&eacute;cits concurrents qui s&rsquo;affrontent. En jeu, rien de moins que les causes de la crise de la pollution plastique et les solutions appropri&eacute;es pour y rem&eacute;dier.</p>
<ul>
<li>
<p>D&rsquo;un c&ocirc;t&eacute;, la <a href="https://hactoendplasticpollution.org/fr/">Coalition de haute ambition</a> (HAC), les activistes du &laquo;z&eacute;ro d&eacute;chet&raquo; et de <a href="https://theconversation.com/traite-mondial-contre-la-pollution-plastique-en-coulisses-le-regard-des-scientifiques-francais-presents-234046">nombreux scientifiques</a> insistent sur la n&eacute;cessit&eacute; d&rsquo;une <a href="https://hactoendplasticpollution.org/hac-member-states-ministerial-joint-statement-for-inc-5/">approche globale portant sur l&rsquo;ensemble du cycle de vie des plastiques</a>, y compris leur production.</p>
</li>
<li>
<p>De l&rsquo;autre c&ocirc;t&eacute;, une <a href="https://medium.com/points-of-order/spoiler-alert-f737a24292e6">petite minorit&eacute; d&rsquo;Etats</a> ainsi que l&rsquo;industrie p&eacute;trochimique ont &agrave; de nombreuses reprises d&eacute;tourn&eacute; l&rsquo;attention de cette question de la production des plastiques. Au lieu de cela, ils accusent des <a href="https://psmag.com/environment/the-epa-blames-six-asian-nations-that-the-u-s-exports-plastic-waste-to-for-ocean-pollution/">syst&egrave;mes de recyclage inad&eacute;quats et une mauvaise gestion des d&eacute;chets</a>.</p>
</li>
</ul>
<p>L&rsquo;attention port&eacute;e au recyclage des plastiques et &agrave; la gestion des d&eacute;chets touche en r&eacute;alit&eacute; des millions de personnes en Asie, en Am&eacute;rique du Sud et en Afrique. Il s&rsquo;agit des travailleurs qui r&eacute;cup&egrave;rent, r&eacute;utilisent ou revendent les plastiques, les textiles, l&rsquo;aluminium et d&rsquo;autres mat&eacute;riaux pr&eacute;cieux issus des d&eacute;chets.</p>
<p>Dans le cadre du trait&eacute; sur les plastiques, pour que ces travailleurs informels soient reconnus, que leurs conditions de travail puissent &ecirc;tre am&eacute;lior&eacute;es et qu&rsquo;ils puissent b&eacute;n&eacute;ficient d&rsquo;une transition &eacute;cologique plus &eacute;quitable, les solutions politiques doivent aller au-del&agrave; des m&eacute;canismes &eacute;conomiques bas&eacute;s sur le seul march&eacute; et des strat&eacute;gies ax&eacute;es sur le profit.</p>
<p>Si ce n&rsquo;est pas le cas, les efforts en faveur d&rsquo;un recyclage plus inclusif et du d&eacute;veloppement de l&rsquo;&eacute;conomie circulaire risquent de renforcer les injustices m&ecirc;mes qu&rsquo;ils pr&eacute;tendent combattre.</p>
<h3>Qui sont les ramasseurs informels de d&eacute;chets?</h3>
<p>Les collecteurs de d&eacute;chets &ndash; et les autres personnes travaillant avec eux dans un cadre informel et coop&eacute;ratif &ndash; effectuent une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921344924001824#sec0021">grande partie du travail de recyclage &agrave; l&rsquo;&eacute;chelle mondiale</a>. Ils r&eacute;duisent de mani&egrave;re significative la quantit&eacute; de plastique qui se retrouve dans les oc&eacute;ans.</p>
<p>Malgr&eacute; cela, et parce qu&rsquo;ils font un travail salissant et vivent dans des endroits sales, ils sont souvent tenus pour responsables du probl&egrave;me de la pollution plastique. Dans les discours politiques des villes et des Etats, leur travail a longtemps &eacute;t&eacute; <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0956247816657302">tourn&eacute; en d&eacute;rision, consid&eacute;r&eacute; comme non qualifi&eacute; et inefficace</a>. <a href="https://www.undp.org/blog/unsung-heroes-four-things-policymakers-can-do-empower-informal-waste-workers">L&rsquo;absence de reconnaissance officielle</a> de leur travail rend leurs revenus particuli&egrave;rement instables et pr&eacute;caires. Les r&eacute;glementations environnementales peuvent <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/ac6b49">aggraver ces menaces</a> en acc&eacute;l&eacute;rant la privatisation du traitement des d&eacute;chets.</p>
<p>Alors que les efforts de lutte contre la pollution plastique gagnent du terrain, les ramasseurs informels sont soumis &agrave; une double pression:</p>
<ul>
<li>
<p>Ils doivent prot&eacute;ger leur acc&egrave;s aux d&eacute;chets, car c&rsquo;est l&rsquo;un des rares moyens de subsistance dont ils disposent.</p>
</li>
<li>
<p>En m&ecirc;me temps, ils cherchent &agrave; am&eacute;liorer leurs conditions de vie et de travail.</p>
</li>
</ul>
<p>Un groupe de ramasseurs de d&eacute;chets a donc profit&eacute; de l&rsquo;ouverture des n&eacute;gociations pour <a href="https://globalrec.org/document/just-transition-waste-pickers-un-plastics-treaty/">plaider en faveur de la reconnaissance de leur travail</a>. Il a &eacute;t&eacute; demand&eacute; que leurs contributions historiques &agrave; la r&eacute;duction de la pollution plastique soient explicitement reconnues, et qu&rsquo;un objectif explicite de transition juste soit int&eacute;gr&eacute; au trait&eacute; sur les plastiques.</p>
<h3>Avec l&rsquo;&eacute;conomie circulaire, tout le monde est gagnant?</h3>
<p>La <a href="https://theconversation.com/quatre-idees-recues-sur-la-transition-juste-227569">transition juste</a> est un principe d&eacute;fendu par les groupes de travailleurs et les d&eacute;fenseurs de la justice sociale afin de garantir que les politiques de transition &eacute;cologique prot&egrave;gent, am&eacute;liorent et compensent &eacute;quitablement les moyens de subsistance des travailleurs et des communaut&eacute;s affect&eacute;s par l&rsquo;environnement.</p>
<p>Les ramasseurs de d&eacute;chets ont utilis&eacute; ce terme pour r&eacute;clamer que le trait&eacute; comprenne des dispositions pour am&eacute;liorer leurs conditions de travail et de s&eacute;curit&eacute;. Mais &eacute;galement pour que le trait&eacute; int&egrave;gre davantage les travailleurs informels aux syst&egrave;mes de gestion des d&eacute;chets, et pour exiger que les syst&egrave;mes de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/responsabilite-elargie-du-producteur-67766">responsabilit&eacute; &eacute;largie des producteurs</a> (REP) soutiennent aussi les travailleurs du secteur des d&eacute;chets, en particulier les <a href="https://www.wiego.org/gender-waste-project">femmes et d&rsquo;autres groupes vuln&eacute;rables</a>.</p>
<p>Etonnamment, ces demandes ont obtenu le soutien d&rsquo;un large &eacute;ventail de parties prenantes puissantes. Par exemple la <a href="https://www.businessforplasticstreaty.org/vision-statement#Key-elements">Business Coalition for a Plastics Treaty</a>, les <a href="https://news.un.org/en/story/2024/10/1156301">dirigeants des Nations unies</a> et m&ecirc;me <a href="https://resolutions.unep.org/resolutions/uploads/american_chemistry_council.pdf">l&rsquo;industrie p&eacute;trochimique</a>.</p>
<p>Certaines de ces demandes ont &eacute;t&eacute; int&eacute;gr&eacute;es aux projets de trait&eacute; sur les plastiques discut&eacute;s au cours des n&eacute;gociations, ce qui repr&eacute;sente une victoire majeure pour les travailleurs du secteur informel des d&eacute;chets.</p>
<p>Un consensus se d&eacute;gage sur le fait qu&rsquo;une &eacute;conomie circulaire inclusive peut &ecirc;tre b&eacute;n&eacute;fique &agrave; la fois pour l&rsquo;environnement, l&rsquo;&eacute;conomie et les travailleurs en am&eacute;liorant la gestion de la pollution, les moyens de subsistance et les opportunit&eacute;s de croissance &eacute;conomique pour les entreprises.</p>
<p>Ces promesses demandent toutefois &agrave; &ecirc;tre v&eacute;rifi&eacute;es sur le terrain. Et c&rsquo;est l&agrave; que les choses se compliquent.</p>
<h3>&laquo;&nbsp;Gagnant-gagnant&nbsp;&raquo;, mais la victoire de qui&nbsp;?</h3>
<p>Dans mon livre <a href="https://mitpress.mit.edu/9780262546973/recycling-class/"><em>Recycling Class</em></a>, j&rsquo;examine comment les efforts de recyclage inclusif ont &eacute;t&eacute; mis en &oelig;uvre &agrave; Bengaluru, l&rsquo;une des plus grandes villes de l&rsquo;Inde.</p>
<figure><a href="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&amp;q=45&amp;auto=format&amp;w=1000&amp;fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&amp;q=45&amp;auto=format&amp;w=237&amp;fit=clip" alt="" /></a>
<figcaption><span></span></figcaption>
</figure>
<p>Dans cet ouvrage, je d&eacute;fends que l&rsquo;int&eacute;gration dans des programmes d&rsquo;&eacute;conomie circulaire bas&eacute;s sur le march&eacute; n&rsquo;est pas une solution miracle aux injustices ancr&eacute;es dans les syst&egrave;mes de production, de consommation et de production des d&eacute;chets.</p>
<p>La plupart des politiques d&rsquo;&eacute;conomie circulaire et de recyclage inclusif reposent sur des m&eacute;canismes de march&eacute;, partant du principe que la cr&eacute;ation de march&eacute;s pour les d&eacute;chets incitera les acteurs du march&eacute; &agrave; r&eacute;cup&eacute;rer efficacement les d&eacute;chets et &agrave; les convertir en ressources.</p>
<p>Pour remplir leurs obligations en mati&egrave;re de <a href="https://theconversation.com/faire-payer-plus-les-entreprises-pour-quelles-reduisent-les-emballages-130073">responsabilit&eacute; &eacute;largie des producteurs</a> (REP), les marques peuvent alors s&rsquo;engager &agrave; acheter des plastiques recycl&eacute;s et &agrave; financer la collecte des d&eacute;chets en achetant des <a href="https://www.worldbank.org/en/programs/problue/publication/unlocking-financing-to-combat-the-plastics-crisis">cr&eacute;dits plastique</a>.</p>
<p>Cette approche vise &agrave; am&eacute;liorer le prix des d&eacute;chets, &agrave; augmenter les salaires et &agrave; encourager les efforts de collecte, tout en attirant des investissements pour financer l&rsquo;am&eacute;lioration des infrastructures et des technologies.</p>
<p>Cependant, les m&eacute;canismes fond&eacute;s sur le march&eacute; aggravent les in&eacute;galit&eacute;s existantes en mati&egrave;re d&rsquo;acc&egrave;s au march&eacute;. Les efforts visant &agrave; donner la priorit&eacute; &agrave; la tra&ccedil;abilit&eacute; et &agrave; la transparence &ndash; dans le but d&rsquo;am&eacute;liorer l&rsquo;efficacit&eacute; du march&eacute; et le respect de la r&eacute;glementation &ndash; d&eacute;savantagent souvent les travailleurs informels.</p>
<p>Ces derniers ne disposent pas des ressources et des capacit&eacute;s techniques n&eacute;cessaires pour adopter des syst&egrave;mes de suivi complexes bas&eacute;s sur les SIG ou la blockchain, et se retrouvent exclus des processus formalis&eacute;s. Les start-up financ&eacute;es par le capital-risque et les grandes entreprises s&rsquo;emparent alors du secteur du recyclage.</p>
<p>Les multinationales pr&eacute;f&egrave;rent d&rsquo;ailleurs les partenariats avec des start-up technologiques qui offrent des services &agrave; &laquo;valeur ajout&eacute;e&raquo; tels que des indicateurs et des tableaux de bord environnementaux, permettant aux entreprises de mettre en sc&egrave;ne leur propre r&eacute;cit sur le d&eacute;veloppement durable. Souvent issus de milieux &eacute;duqu&eacute;s et privil&eacute;gi&eacute;s, les employ&eacute;s de ces firmes <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S001671852300057X">concurrencent les travailleurs informels existants, les subordonnant au passage</a>.</p>
<p>A l&rsquo;inverse, les femmes et les membres des minorit&eacute;s ethno-raciales et religieuses, qui constituent la majorit&eacute; des travailleurs des &eacute;conomies informelles des d&eacute;chets, sont confront&eacute;s &agrave; des obstacles suppl&eacute;mentaires. Notamment des <a href="https://mouvements.info/recuperateurs-de-dechets/">stigmates sociaux bien ancr&eacute;s</a> qui limitent leur capacit&eacute; &agrave; participer sur un pied d&rsquo;&eacute;galit&eacute; &agrave; ces march&eacute;s &eacute;mergents. Ils restent toujours rel&eacute;gu&eacute;s aux m&ecirc;mes t&acirc;ches manuelles et difficiles, m&ecirc;me si leurs conditions de travail en ressortent l&eacute;g&egrave;rement am&eacute;lior&eacute;es.</p>
<h3>L&rsquo;industrie du plastique maintient le <em>statu quo</em></h3>
<p>Malgr&eacute; les bonnes intentions de d&eacute;part, des termes tels que &laquo;&eacute;conomie circulaire inclusive&raquo; sont donc trop souvent utilis&eacute;s &agrave; des fins de <em>green washing</em> et m&ecirc;me de <em>justice washing</em>, tandis que les travailleurs continuent &agrave; endurer des conditions difficiles. Une &eacute;tude de <a href="https://www.circle-economy.com/resources/decent-work-in-the-circular-economy">Circle Economy</a> souligne que la plupart des emplois du secteur de l&rsquo;&eacute;conomie circulaire restent ad-hoc et informels et ne b&eacute;n&eacute;ficient pas des garanties d&rsquo;un emploi d&eacute;cent.</p>
<p>En fin de compte, les travailleurs informels sont confront&eacute;s &agrave; un choix difficile: soit ils acceptent d&rsquo;&ecirc;tre exploit&eacute;s au sein des circuits de traitements des d&eacute;chets en tant que simples ressources, soit ils risquent de perdre compl&egrave;tement leurs moyens de subsistance.</p>
<p>Les syst&egrave;mes actuels de production et de consommation du plastique d&eacute;placent donc la charge des d&eacute;chets sur des communaut&eacute;s autochtones ou ethniques marginalis&eacute;es, cr&eacute;ant ainsi des <a href="https://www.dukeupress.edu/pollution-is-colonialism">zones sacrifi&eacute;es</a>. Ce d&eacute;placement permet de maintenir la rentabilit&eacute;, tout en perp&eacute;tuant les atteintes &agrave; l&rsquo;environnement et les in&eacute;galit&eacute;s sociales.</p>
<p>En promouvant des technologies de <a href="https://www.bbc.com/afrique/monde-57087908">recyclage chimique</a> non &eacute;prouv&eacute;es et en &eacute;tendant les march&eacute;s du plastique, les entreprises <a href="https://theconversation.com/comment-lindustrie-fossile-influence-les-negociations-mondiales-sur-le-plastique-222112">p&eacute;trochimiques</a> et de mati&egrave;res plastiques <a href="https://direct.mit.edu/glep/article/21/2/121/97367/Future-Proofing-Capitalism-The-Paradox-of-the">s&rsquo;approprient le langage de l&rsquo;&eacute;conomie circulaire</a>. Cela leur permet de donner un vernis &eacute;cologique &agrave; leurs propositions, tout en maintenant le <em>statu quo</em> sur les in&eacute;galit&eacute;s.</p>
<p>Pendant ce temps, la HAC, plusieurs ONG et m&ecirc;me certains ramasseurs de d&eacute;chets invoquent &eacute;galement l&rsquo;&eacute;conomie circulaire comme solution &agrave; la crise du plastique, en mettant l&rsquo;accent sur le r&eacute;emploi et le recyclage inclusif.</p>
<h3>Demander des comptes aux pollueurs plut&ocirc;t que compter sur l&rsquo;efficacit&eacute; du march&eacute;</h3>
<p>Pour que l&rsquo;&eacute;conomie circulaire aille au-del&agrave; de la simple protection du capitalisme fossile, elle doit prendre en compte les collecteurs de d&eacute;chets et recycleurs informels dans le Sud et reconna&icirc;tre les limites des m&eacute;canismes bas&eacute;s sur le march&eacute;. C&rsquo;est vrai aussi bien pour le trait&eacute; international sur la pollution plastique que pour d&rsquo;autres d&eacute;marches r&eacute;gionales comme le <a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/ATAG/2021/679066/EPRS_ATA(2021)679066_FR.pdf">plan d&rsquo;action de l&rsquo;UE pour l&rsquo;&eacute;conomie circulaire</a>.</p>
<p>En effet, toute strat&eacute;gie de lutte contre la pollution plastique bas&eacute;e sur le march&eacute; et ax&eacute;e sur le profit est susceptible de reproduire ces sch&eacute;mas d&rsquo;in&eacute;galit&eacute;. Et par la m&ecirc;me occasion, de p&eacute;renniser les injustices syst&eacute;miques qui soutiennent le statu quo. Pour une transition vraiment juste, la lutte contre la pollution plastique ne doit donc pas devenir une opportunit&eacute; de croissance &eacute;conomique ou de profit.</p>
<p>Au contraire, nous avons besoin d&rsquo;une approche centr&eacute;e sur la r&eacute;paration. Il faut d&rsquo;abord, pour cela, reconna&icirc;tre les contributions historiques des collecteurs informels du plastique ainsi que les pr&eacute;judices qu&rsquo;ils subissent. Puis redistribuer les ressources aux personnes les plus touch&eacute;es et cr&eacute;er des syst&egrave;mes qui donnent la priorit&eacute; &agrave; la restauration de l&rsquo;environnement et &agrave; la justice sociale plut&ocirc;t qu&rsquo;au profit des entreprises.</p>
<p>Une &eacute;conomie circulaire bien financ&eacute;e devrait d&rsquo;abord renforcer le pouvoir des travailleurs, puis am&eacute;liorer les capacit&eacute;s des infrastructures et r&eacute;duire la concentration de ces d&eacute;chets en produits chimiques toxiques, plut&ocirc;t que de s&rsquo;appuyer sur des solutions bas&eacute;es sur le march&eacute; qui aggravent les in&eacute;galit&eacute;s.</p>
<p>Les vraies solutions consistent &agrave; demander des comptes aux pollueurs et &agrave; adopter des approches circulaires fond&eacute;es sur la sobri&eacute;t&eacute; et la r&eacute;paration, et non sur l&rsquo;efficacit&eacute; du march&eacute;.<img src="https://counter.theconversation.com/content/244065/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p>
<hr />
<h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/manisha-anantharaman-1526162">Manisha Anantharaman</a>, Assistant Professor, Center for the Sociology of Organisations, CNRS/Sciences Po, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/sciences-po-2196">Sciences Po </a></em></span></h4>
<h4>Cet article est republi&eacute; &agrave; partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l&rsquo;<a href="https://theconversation.com/les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique-244065">article original</a>.</h4>
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		'content' => '<p style="text-align: center;"><strong>Urs P. Gasche</strong>, article publi&eacute; sur&nbsp;<a href="https://www.infosperber.ch/medien/medienkritik/die-usa-finanzieren-internationales-journalisten-kollektiv/" target="_blank" rel="noopener"><em>Infosperber</em></a> le 5 d&eacute;cembre 2024, traduit par <em>Bon Pour La T&ecirc;te</em></p>
<hr />
<p>Parmi de nombreux autres m&eacute;dias, la <em>NZZ</em> et le <em>Tages-Anzeiger</em> ont diffus&eacute; &agrave; plusieurs reprises des r&eacute;v&eacute;lations du r&eacute;seau international de journalistes Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP). Ce faisant, ils n'ont pas rendu transparent le fait que les services gouvernementaux am&eacute;ricains paient la moiti&eacute; du budget de l'OCCRP. L'UE et les Etats membres de l'UE financent les 20 % restants.</p>
<p>Avec un budget annuel de 20 millions d'euros et plus de 150 journalistes sur tous les continents, l'<a href="https://www.occrp.org/en">OCCRP</a>&nbsp;&minus; en partie en collaboration avec le&nbsp;<a href="https://www.icij.org/">R&eacute;seau international des journalistes d'investigation</a>&nbsp;ICIJ &minus; a lanc&eacute; les plus grands projets internationaux de journalisme d'investigation de ces derni&egrave;res ann&eacute;es. Parmi eux,&nbsp;<a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Panama_Papers"><em>The Panama Papers</em></a><em>,&nbsp;</em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Pandora_Papers"><em>Pandora Papers</em></a><em>,&nbsp;</em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Suisse_Secrets"><em>Suisse Secrets</em></a><em>,&nbsp;</em><a href="https://www.occrp.org/en/project/narcofiles-the-new-criminal-order"><em>Narco Files</em></a><em>,&nbsp;</em><a href="https://www.occrp.org/en/project/the-pegasus-project/about-the-project"><em>Pegasus Project</em></a><em>,&nbsp;</em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Cyprus_Confidential"><em>Cyprus Confidential&nbsp;</em></a>et la s&eacute;rie&nbsp;<a href="https://de.wikipedia.org/wiki/Die_Geldw%C3%A4scherei"><em>Laundromat</em></a>, qui a r&eacute;v&eacute;l&eacute; les syst&egrave;mes de blanchiment d'argent des &eacute;lites dirigeantes en Azerba&iuml;djan et en Russie.</p>
<h3><strong>Non sans conditions</strong></h3>
<p>Les agences gouvernementales am&eacute;ricaines ne financent pas l'OCCRP sans contrepartie: l'<a href="https://www.usaid.gov/">&nbsp;U.S. Agency for International Development</a>&nbsp;dispose d'un droit de veto sur la nomination des dirigeants de l'OCCRP. De plus, l'agence gouvernementale am&eacute;ricaine interdit d'utiliser son argent pour mettre au jour la corruption aux Etats-Unis.</p>
<p>Certaines subventions &eacute;taient m&ecirc;me affect&eacute;es &agrave; un but pr&eacute;cis: le Department of State, par exemple, a vers&eacute; 173 000 dollars &agrave; l'OCCRP pour &laquo;d&eacute;tecter et combattre la corruption au Venezuela&raquo;. Ou l'<a href="https://www.usaid.gov/">Agence pour le d&eacute;veloppement international (USAID)</a>&nbsp;a vers&eacute; plus de deux millions de dollars dans le but de &laquo;mettre au jour la criminalit&eacute; et la corruption &agrave; Malte et &agrave; Chypre&raquo;.</p>
<p>Le journal en ligne fran&ccedil;ais ind&eacute;pendant&nbsp;<a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">&laquo; Mediapart &raquo;</a>&nbsp;en a parl&eacute; le 2 d&eacute;cembre 2024&nbsp;<a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">.</a></p>
<p>Le fondateur de l'OCCRP est un ancien employ&eacute;&nbsp;<a href="https://www.rockwellautomation.com/de-ch.html">de Rockwell</a>&nbsp;devenu journaliste:&nbsp;<a href="https://www.occrp.org/en/staff/drew-sullivan">Drew Sullivan</a>. L'OCCRP a &eacute;t&eacute; cr&eacute;&eacute; &agrave; l'instigation de fonctionnaires du gouvernement am&eacute;ricain. Selon Mediapart, Sullivan a re&ccedil;u pour cela, en 2008, un financement de d&eacute;part de 1,7 million de dollars du&nbsp;<a href="https://www.state.gov/bureaus-offices/under-secretary-for-civilian-security-democracy-and-human-rights/bureau-of-international-narcotics-and-law-enforcement-affairs/">Bureau of International Narcotics and Law Enforcement Affairs</a>(INL). Il s'agit d'une agence d'application de la loi du D&eacute;partement d'Etat am&eacute;ricain.</p>
<p>L'OCCRP s'appuie souvent sur des documents divulgu&eacute;s provenant de sources non identifi&eacute;es. La qualit&eacute; des recherches et des r&eacute;v&eacute;lations de l'OCCRP n'est pas mise en doute. L'orientation unilat&eacute;rale des recherches et le manque de transparence des informations sur le financement donnent lieu &agrave; des critiques.</p>
<p>L'ampleur des liens personnels et financiers de l'OCCRP avec le gouvernement am&eacute;ricain va &agrave; l'encontre de &laquo;tous les principes de l'&eacute;thique journalistique&raquo;. C'est ce qu'a d&eacute;clar&eacute; Leonard Novy, directeur de l'Institut allemand des m&eacute;dias et de la politique de communication, &agrave; la cha&icirc;ne NDR. Cela laisse supposer que les journalistes peuvent &ecirc;tre utilis&eacute;s ou instrumentalis&eacute;s &agrave; des fins politiques.</p>
<p>Sullivan et l'OCCRP ont &eacute;galement laiss&eacute; les m&eacute;dias partenaires et leurs lecteurs dans l'ignorance de leur proximit&eacute; avec le gouvernement am&eacute;ricain. Selon Leonard Novy, l'organisation a ainsi d&eacute;pass&eacute; les limites.</p>
<h3><strong>Sullivan n'a pas voulu parler clairement aujourd'hui encore</strong></h3>
<p>Sullivan a d'abord affirm&eacute; &agrave; la cha&icirc;ne NDR que l'OCCRP avait &laquo;un groupe de donateurs largement r&eacute;pandu&raquo;, parmi lesquels &laquo;aucun donateur individuel ne domine&raquo;. Il a ajout&eacute; que &laquo;le gouvernement am&eacute;ricain [...] est l'un des plus grands donateurs, mais ce n'est pas un pourcentage &eacute;norme&raquo;. Confront&eacute; aux derni&egrave;res d&eacute;couvertes, il a finalement reconnu l'importance du financement de Washington: &laquo;C'est le plus grand bailleur de fonds de l'OCCRP, oui, et ce depuis presque le d&eacute;but de notre histoire. [...] Je suis tr&egrave;s reconnaissant au gouvernement am&eacute;ricain.&raquo;</p>
<p>Par &eacute;crit, Sullivan a rench&eacute;ri: &laquo;Nous avons d&ucirc; d&eacute;cider si nous voulions accepter de l'argent du gouvernement ou ne pas exister.&raquo; Sur le site web de l'OCCRP, les montants des sponsors ne sont pas indiqu&eacute;s.</p>
<h3><strong>Conditions pos&eacute;es</strong></h3>
<p>Sullivan a confirm&eacute; &agrave; la NDR le pouvoir d'influence des autorit&eacute;s am&eacute;ricaines: &laquo;Dans le cadre d'accords de coop&eacute;ration que nous n'aimons pas conclure, ils ont un droit de regard sur le choix des personnes [...] Ils peuvent mettre leur veto sur quelqu'un [...] Ils n'ont jamais mis leur veto sur quelqu'un.&raquo;</p>
<p>L'OCCRP ne peut pas enqu&ecirc;ter sur des affaires am&eacute;ricaines avec l'argent fourni par Washington. &laquo;Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent&raquo;, a d&eacute;clar&eacute; Sullivan &agrave; la NDR. &laquo;Je pense que le gouvernement am&eacute;ricain ne le permet pas. Mais m&ecirc;me dans d'autres pays o&ugrave; ces dispositions n'existent pas, nous ne le faisons pas parce que cela vous place dans une situation de conflit d'int&eacute;r&ecirc;ts et que vous pr&eacute;f&eacute;rez rester &agrave; l'&eacute;cart de telles situations.&raquo;</p>
<p>Ainsi, le paradis fiscal am&eacute;ricain du Delaware n'a jamais fait l'objet de toutes les recherches sur l'&eacute;vasion fiscale et l'argent de la corruption.</p>
<p>L'OCCRP a tout de m&ecirc;me effectu&eacute; des recherches isol&eacute;es aux Etats-Unis: par exemple sur les&nbsp;<a href="https://www.occrp.org/en/investigation/meet-the-florida-duo-helping-giuliani-investigate-for-trump-in-ukraine">hommes d'affaires</a>&nbsp;qui avaient soutenu l'avocat de Donald Trump pour nuire &agrave; Joe Biden, ou sur la mani&egrave;re dont le Pentagone a d&eacute;pens&eacute; des sommes &eacute;normes pour&nbsp;<a href="https://www.occrp.org/en/project/making-a-killing/revealed-the-pentagon-is-spending-up-to-22-billion-on-soviet-style-arms-for-syrian-rebels">fournir des armes</a>&nbsp;&agrave; des groupes rebelles en Syrie, ou encore sur un&nbsp;<a href="https://www.occrp.org/en/investigation/flight-of-the-monarch-us-govt-contracted-airline-once-owned-by-criminals-with-ties-to-russian-mob">contrat</a>&nbsp;entre le gouvernement am&eacute;ricain et une compagnie a&eacute;rienne dont les propri&eacute;taires sont li&eacute;s au crime organis&eacute; en Russie.</p>
<p>Ces recherches ont manifestement respect&eacute; une autre condition impos&eacute;e par les autorit&eacute;s am&eacute;ricaines &agrave; l'OCCRP: l'activit&eacute; doit &ecirc;tre &laquo;en accord avec la politique &eacute;trang&egrave;re et les int&eacute;r&ecirc;ts &eacute;conomiques des Etats-Unis et les promouvoir.&raquo; (<a href="https://www.govinfo.gov/content/pkg/COMPS-1071/pdf/COMPS-1071.pdf">US Foreign Assistance Act</a>).</p>
<h3><strong>Voici comment la &laquo;NZZ&raquo; et Tamedia ont pr&eacute;sent&eacute; la source OCCRP</strong></h3>
<p><strong>&laquo;NZZ&raquo; du 19 juillet 2023</strong></p>
<p>&laquo;L'Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) est un r&eacute;seau d'organisations journalistiques fond&eacute; en 2006, bas&eacute; dans de nombreux pays diff&eacute;rents et fonctionnant sous cette forme en tant que filiale du Journalism Development Network &agrave; but non lucratif, dont le si&egrave;ge est dans le Maryland.&raquo;</p>
<p><strong>&laquo;Tages-Anzeiger&raquo; du 21 juin 2023</strong></p>
<p>&laquo;Gr&acirc;ce &agrave; l'organisation OCCRP, des journalistes femmes de plusieurs pays ont pu &eacute;tudier ces donn&eacute;es, dont <em>Der Standard</em> en Autriche et <em>Der Spiegel</em> en Allemagne. Pour la Suisse, le bureau de recherche de Tamedia et Paper Trail Media &eacute;tait de la partie.&raquo;</p>
<h3><strong>Informations compl&eacute;mentaires</strong></h3>
<p><strong>22 d&eacute;cembre 2022</strong>&nbsp;<a href="https://www.infosperber.ch/politik/welt/twitter-diente-jahrelang-als-gehilfe-des-pentagons/">Twitter a servi pendant des ann&eacute;es d'auxiliaire au Pentagone</a>. Elon Musk a partiellement r&eacute;v&eacute;l&eacute; les outils internes de Twitter. Ils prouvent des services d'hommes de main pour la propagande de l'arm&eacute;e am&eacute;ricaine &agrave; l'&eacute;tranger.</p>
<p><strong>12 f&eacute;vrier 2009</strong>&nbsp;<a href="https://www.tagesanzeiger.ch/27-000-pr-berater-polieren-image-der-usa-631302390683">27 000 conseillers en relations publiques polissent l'image des Etats-Unis</a>. Des faits presque incroyables sur le travail de relations publiques du Pentagone.</p>
<p><strong>20 avril 2008</strong>&nbsp;<a href="https://www.spiegel.de/kultur/gesellschaft/gekaufte-meinung-pentagon-beschaeftigt-pr-armee-fuer-us-tv-a-548519.html">Le Pentagone emploie une arm&eacute;e de RP pour la t&eacute;l&eacute;vision am&eacute;ricaine</a>. Avec une gigantesque troupe de RP, le gouvernement Bush a tromp&eacute; l'opinion publique am&eacute;ricaine pendant des ann&eacute;es.</p>',
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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

1 Commentaire

@Rhusansbarbe 28.06.2018 | 08h13

«Merci Fatma pour ce beau texte si sensible et si sincère... Votre langue "paternelle" reste gravée en vous, même si vous ne prononcez plus ses mots, c'est la langue des opprimés et , le goût de la liberté, même muette , vous a été offerte par votre père...»

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Le coup d’Etat en Roumanie et la dérive de l’UE

Rencontre avec la banquière férue de poésie qui fait durer la guerre de Poutine

Syrie: surprises, surprises

Média indocile – nouvelle formule

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Actuel / Lettre à la langue kurde

*Lettre extraite de: «Quand le silence prend la parole. Lettres à mes langues», travail approfondi (en culture) par Fatma Sahindal, sous la direction de Hélène Pfersich, École de français langue étrangère, Faculté des Lettres, Université de Lausanne, session de juin 2017.

2^e partie: «On ne peut pas toucher à la langue sans toucher à la personne»

1 Commentaire

@Rhusansbarbe 28.06.2018 | 08h13

Culture / Un bien cruel conte de Noël (1)

Actuel / Les ramasseurs de déchets, grands perdants du récit dominant sur la pollution plastique

Actuel / Les Etats-Unis financent un collectif international de journalistes

Actuel / Faites un cadeau de Noël indocile, offrez un abonnement à Bon pour la tête!

Actuel

Actuel / Lettre à la langue kurde

*Lettre extraite de: «Quand le silence prend la parole. Lettres à mes langues», travail approfondi (en culture) par Fatma Sahindal, sous la direction de Hélène Pfersich, École de français langue étrangère, Faculté des Lettres, Université de Lausanne, session de juin 2017.

2e partie: «On ne peut pas toucher à la langue sans toucher à la personne»

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1 Commentaire

@Rhusansbarbe 28.06.2018 | 08h13

Culture / Un bien cruel conte de Noël (1)

Actuel / Les ramasseurs de déchets, grands perdants du récit dominant sur la pollution plastique

Actuel / Les Etats-Unis financent un collectif international de journalistes

Actuel / Faites un cadeau de Noël indocile, offrez un abonnement à Bon pour la tête!

2^e partie: «On ne peut pas toucher à la langue sans toucher à la personne»