Actuel / Le véganisme, idiot utile de la société de consommation?
Produits véganes dans un supermarché autrichien. Tischbeinahe, CC BY
Si le capitalisme s’accommode bien du véganisme, c’est parce que celui-ci s’affirme comme un style de vie particulier participant à la construction identitaire et relevant également d’un courant, voire parfois d’une mode. Le véganisme comporte de ce fait une dimension ontologique importante, «végane» est un attribut du sujet, on «est» végane.
Jérôme Segal, Sorbonne Université
On peut être végane pour diverses raisons : pour la planète, pour sa santé ou par souci du bien-être animal. Le véganisme peut aussi être mis en avant en lien avec diverses ambitions et par de multiples moyens. Ainsi le véganisme se retrouve-t-il lié au développement de l’IA ou à la vente d’automobiles sans cuir animal. On parlera alors de « veganwashing » lorsque le véganisme est instrumentalisé. C’est l’objet du dernier livre de l’historien Jérôme Segal, qui publie aux éditions Lux « Veganwashing, l’instrumentalisation politique du véganisme ». Il y explique comment les véganes, alors même qu’ils représentent moins de 1 % de la population mondiale, font l’objet d’instrumentalisations politiques ou économiques grandissantes. Morceaux choisis où l’auteur interroge le positionnement des véganes face au développement de produits industriels véganes.
Dans un article sur les « opérations de veganwashing » et leur impact sur la lutte pour la cause animale en Italie, le chercheur en sciences politiques Niccolò Bertuzzi explique que le véganisme est historiquement anticapitaliste, mais que cette influence a aujourd’hui tendance à s’estomper pour des raisons pragmatiques :
« Les défenseurs des animaux ont réagi (et réagissent encore) de différentes manières aux opérations de veganwashing lancées de plus en plus fréquemment par les grandes compagnies et, plus généralement, par le capitalisme contemporain. Il est rare qu’ils […] revendiquent la nature historiquement antagoniste et contre-hégémonique du véganisme. Au contraire, la priorité accordée à l’amélioration des conditions de vie des animaux non humains, la considération d’une diminution immédiate du nombre de leurs morts, ou même une plus grande possibilité de choix pour les consommateurs humains, ont incité d’autres acteurs de l’arène à évaluer des positions conciliantes (ou même un soutien explicite) envers des acteurs fortement caractérisés par leur nature capitaliste (hégémonique). »
Lorsqu’on interroge les militants de la cause animale sur leurs positions par rapport aux grandes multinationales qui offrent des gammes de produits véganes, les réactions sont aussi variées qu’instructives.
Jérémy Dubois est cofondateur de Mission Sentience, une association qui sensibilise les jeunes à ce concept, et il anime des formations au militantisme animaliste. Pour lui, toute offre végane est bonne à prendre, car la nourriture a ceci de particulier que sa consommation est limitée par la satiété. « Tout steak végétal acheté est un steak animal en moins, car les gens n’en mangent pas deux en même temps », explique-t-il. Selon cette logique, l’accusation de veganwashing à l’encontre des industries serait un des effets collatéraux d’une action somme toute efficace.
Autrice d’un livre sur les manifestations linguistiques du spécisme, Marie-Claude Marsolier ne s’inquiète pas, elle non plus, de l’augmentation de l’offre en produits véganes proposés par l’industrie alimentaire. Elle y voit même des avantages qui pourraient s’avérer décisifs à long terme :
« Les multinationales de l’industrie de la viande, en développant des gammes de produits véganes, adoptent bien sûr une stratégie de diversification afin d’anticiper le potentiel développement du marché végétalien, donc sans que cela soit vraisemblablement motivé par des considérations éthiques. Cependant, en le faisant, elles apportent, d’une part, leur caution à des produits véganes, toujours suspects d’insuffisance sur le plan gustatif ou nutritionnel, et, d’autre part, elles réduisent le “fossé ontologique” entre produits carnés et végétaux (“D’accord, c’est pas du ‘vrai’ saucisson, mais c’est toujours fabriqué par la société X”). Enfin c’est aussi une assurance que ces compagnies ne lutteront pas activement contre le véganisme puisqu’elles sont à même de profiter d’un changement du marché en sa faveur. »
D’autres se réjouissent des prises de conscience que l’achat de ces produits peut susciter. Responsable de l’antenne française de Generation Vegan, Flavien Bascoul précise par exemple qu’« il ne faut pas s’imaginer que des gens qui se trouveraient conduits vers le véganisme pour des raisons x ou y, ne seraient pas capables d’en venir par la suite à réaliser que l’enjeu vis-à-vis des animaux est fondamental, dans une démarche végane ». De la même façon, Tobias Leenaert affirme que les changements d’avis sur certaines questions morales découlent parfois d’un changement de comportement au lieu de le provoquer :
« L’importance et le poids des arguments moraux en tant que moteur de changement sont relatifs. Nous voulons que les gens deviennent végétaliens parce qu’ils se soucient des animaux, et nous devons élever la conscience morale des gens si nous voulons obtenir un changement durable. Mais cette préoccupation pour les animaux peut résulter d’un changement de comportement pour d’autres raisons. C’est une voie plus indirecte, mais si elle fonctionne, nous devons l’utiliser. »
Flavien Bascoul, de son côté, propose en outre une expérience de pensée intéressante : « Imaginons le cas inverse : si une grande entreprise qui ne faisait que des produits véganes se mettait demain à diversifier son offre en vendant de la viande. Je ne pense pas que les lobbyistes pro-viande se questionneraient pour savoir si oui ou non ça va dans le sens de leurs intérêts… »
Dans l’ensemble, c’est plutôt le pragmatisme qui l’emporte. Laurent, un militant alsacien engagé dans les actions de terrain, est conscient de la prépondérance du capitalisme dans la société et fait le constat suivant :
« Bien sûr que c’est le capitalisme qui est derrière ces produits, mais je pense qu’il faut utiliser le système tel qu’il est, à notre avantage. Tout ce que ces grands groupes veulent, c’est faire des profits, et le végétal va prendre des parts de marché. Du coup, la part des produits d’origine animale va se réduire, moins d’animaux vont mourir. […] Fin 2021, Danone a décidé de transformer une usine dans le Gers qui utilisait du lait de vache pour en faire une usine de produits alternatifs végétaux, c’est une bonne chose ! Utilisons le capitalisme ! Je respecte les positions anarchistes ou anticapitalistes mais il faut être pragmatique. »
Tom Bry-Chevalier, doctorant de la Chaire Économie du Climat de l’université de Lorraine et spécialiste des viandes alternatives, va dans le même sens et estime que l’offre d’alternatives industrielles à la viande « participe à normaliser la nourriture végétale et à la rendre accessible. Sans être naïf sur les intentions des grandes marques (qui ne font probablement pas ça par pur altruisme), je vois mal comment on peut considérer que cela ne va pas dans le bon sens ».
Un des premiers militants et penseurs de la cause animale en France a une position plus nuancée à ce sujet, mais souhaite tout de même garder l’anonymat. Selon lui, les alternatives proposées par les grandes compagnies doivent être encouragées, mais elles ne changeront pas grand-chose :
« Je pense qu’il s’agit d’une excellente chose. C’est une façon d’intégrer le véganisme dans une certaine normalité, de le faire sortir de son ghetto végane, et c’est ainsi que la consommation de produits d’origine animale devrait baisser dans les prochaines années. On sait désormais pertinemment (c’est ce qu’indiquent les tendances actuelles et les prospectives) que cette consommation ne baissera pas parce que les véganes seront de plus en plus nombreux, mais plutôt parce que le reste de la population mangera de plus en plus de produits végés et véganes, sans cesser pour autant de manger également des produits animaux, mais en quantité progressivement moindre. Le rêve de véganiser le monde en convainquant chaque personne de devenir végane ne se réalisera pas. Pas comme ça, en tout cas. »
La polarisation des véganes de part et d’autre d’un purisme du porte-monnaie (soucieux de ne pas financer telle compagnie en achetant ses saucisses végés, parce qu’elle produit aussi des saucisses de cadavres de cochons) est à mon avis un effet de leur crispation identitaire en tant que véganes ; si on veut réduire l’exploitation animale, alors les saucisses végés (même non véganes) de Herta sont une excellente chose, une bonne nouvelle, et il est logique d’encourager leur vente, si tant est que ce soit nécessaire.
Je pense cependant que ce n’est pas l’augmentation de la consommation de produits végés qui changera les choses pour les animaux, mais bien plus la lutte culturelle et politique pour changer notre rapport aux animaux et les lois qui les concernent – une lutte culturelle et politique un peu freinée par l’engouement pour la stratégie végane, qui a tendance à être hégémonique.
Mathilde Sapin, du collectif Anonymous for the Voiceless qui installe des écrans de télévision dans les rues piétonnes pour montrer des films sur l’exploitation animale, ajoute une dimension comparatiste :
« Je suis pour banaliser l’offre végétale, tout faire pour éviter qu’elle reste marginale […]. C’est une étape nécessaire, mais pas une fin en soi. Végétaliser les supermarchés ne sera pas suffisant sans éthique. Les Allemands, qui sont en avance sur l’offre végétale, consomment à peu près tout autant d’animaux terrestres que les Français chaque année (79 kg par personne) »
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De la même façon, comme on l’a vu, malgré sa forte proportion de véganes et l’abondance de son offre végétale [et près de 4 % de sa population qui se déclare végane], Israël a une consommation de viande qui monte à 99 kilos par personne et par an. L’offre végane n’entraîne donc pas forcément une réduction de la souffrance animale.
Cet extrait est issu de « Veganwashing, l’instrumentalisation politique du véganisme », de Jérôme Segal, Lux éditeur, 168 pages. Lux, Fourni par l'auteur
Parmi les personnes interrogées, d’autres encore se demandent si ces gammes véganes des grands groupes ne se vendent pas au détriment de marques 100 % véganes qui, elles, intègrent la cause animale dans leur communication. De plus, on peut penser que les véganes gagneraient tout de même, sur le plan des idées, à dénoncer toutes les compagnies qui participent à l’exploitation animale, y compris celles qui végétalisent leur offre pour verdir leur image. Autrement dit, la question du veganwashing demeure et ne pourra être résolue tant qu’on réduira le véganisme à un simple boycott.
Jérôme Segal, Histoire, sociologie, Sorbonne Université
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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Autrement dit, la question du <em>veganwashing</em> demeure et ne pourra être résolue tant qu’on réduira le véganisme à un simple boycott.<img src="https://counter.theconversation.com/content/230992/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <p> </p> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/jerome-segal-1535536">Jérôme Segal</a>, Histoire, sociologie, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/sorbonne-universite-2467">Sorbonne Université</a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. 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Morceaux choisis où l’auteur interroge le positionnement des véganes face au développement de produits industriels véganes.</em></p> <hr /> <p>Dans un <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/1469540520926234">article</a> sur les « opérations de <em>veganwashing</em> » et leur impact sur la lutte pour la cause animale en Italie, le chercheur en sciences politiques Niccolò Bertuzzi explique que le véganisme est historiquement anticapitaliste, mais que cette influence a aujourd’hui tendance à s’estomper pour des raisons pragmatiques :</p> <blockquote> <p>« Les défenseurs des animaux ont réagi (et réagissent encore) de différentes manières aux opérations de <em>veganwashing</em> lancées de plus en plus fréquemment par les grandes compagnies et, plus généralement, par le capitalisme contemporain. Il est rare qu’ils […] revendiquent la nature historiquement antagoniste et contre-hégémonique du véganisme. Au contraire, la priorité accordée à l’amélioration des conditions de vie des animaux non humains, la considération d’une diminution immédiate du nombre de leurs morts, ou même une plus grande possibilité de choix pour les consommateurs humains, ont incité d’autres acteurs de l’arène à évaluer des positions conciliantes (ou même un soutien explicite) envers des acteurs fortement caractérisés par leur nature capitaliste (hégémonique). »</p> </blockquote> <p>Lorsqu’on interroge les militants de la cause animale sur leurs positions par rapport aux grandes multinationales qui offrent des gammes de produits véganes, les réactions sont aussi variées qu’instructives.</p> <p>Jérémy Dubois est cofondateur de <a href="https://www.missionsentience.org/">Mission Sentience</a>, une association qui sensibilise les jeunes à ce concept, et il anime des formations au militantisme animaliste. Pour lui, toute offre végane est bonne à prendre, car la nourriture a ceci de particulier que sa consommation est limitée par la satiété. « Tout steak végétal acheté est un steak animal en moins, car les gens n’en mangent pas deux en même temps », explique-t-il. Selon cette logique, l’accusation de <em>veganwashing</em> à l’encontre des industries serait un des effets collatéraux d’une action somme toute efficace.</p> <p>Autrice d’un <a href="https://www.cairn.info/revue-langage-et-societe-2023-2-page-232.htm">livre</a> sur les manifestations linguistiques du spécisme, Marie-Claude Marsolier ne s’inquiète pas, elle non plus, de l’augmentation de l’offre en produits véganes proposés par l’industrie alimentaire. Elle y voit même des avantages qui pourraient s’avérer décisifs à long terme :</p> <blockquote> <p>« Les multinationales de l’industrie de la viande, en développant des gammes de produits véganes, adoptent bien sûr une stratégie de diversification afin d’anticiper le potentiel développement du marché végétalien, donc sans que cela soit vraisemblablement motivé par des considérations éthiques. Cependant, en le faisant, elles apportent, d’une part, leur caution à des produits véganes, toujours suspects d’insuffisance sur le plan gustatif ou nutritionnel, et, d’autre part, elles réduisent le “fossé ontologique” entre produits carnés et végétaux (“D’accord, c’est pas du ‘vrai’ saucisson, mais c’est toujours fabriqué par la société X”). Enfin c’est aussi une assurance que ces compagnies ne lutteront pas activement contre le véganisme puisqu’elles sont à même de profiter d’un changement du marché en sa faveur. »</p> </blockquote> <p>D’autres se réjouissent des prises de conscience que l’achat de ces produits peut susciter. Responsable de l’antenne française de <a href="https://genv.org/fr/">Generation Vegan</a>, Flavien Bascoul précise par exemple qu’« il ne faut pas s’imaginer que des gens qui se trouveraient conduits vers le véganisme pour des raisons x ou y, ne seraient pas capables d’en venir par la suite à réaliser que l’enjeu vis-à-vis des animaux est fondamental, dans une démarche végane ». De la même façon, <a href="https://www.lagedhomme.com/ouvrages/tobias+leenaert/vers+un+monde+vegane/4541">Tobias Leenaert</a> affirme que les changements d’avis sur certaines questions morales découlent parfois d’un changement de comportement au lieu de le provoquer :</p> <blockquote> <p>« L’importance et le poids des arguments moraux en tant que moteur de changement sont relatifs. Nous voulons que les gens deviennent végétaliens parce qu’ils se soucient des animaux, et nous devons élever la conscience morale des gens si nous voulons obtenir un changement durable. Mais cette préoccupation pour les animaux peut résulter d’un changement de comportement pour d’autres raisons. C’est une voie plus indirecte, mais si elle fonctionne, nous devons l’utiliser. »</p> </blockquote> <p>Flavien Bascoul, de son côté, propose en outre une expérience de pensée intéressante : « Imaginons le cas inverse : si une grande entreprise qui ne faisait que des produits véganes se mettait demain à diversifier son offre en vendant de la viande. Je ne pense pas que les lobbyistes pro-viande se questionneraient pour savoir si oui ou non ça va dans le sens de leurs intérêts… »</p> <p>Dans l’ensemble, c’est plutôt le pragmatisme qui l’emporte. Laurent, un militant alsacien engagé dans les actions de terrain, est conscient de la prépondérance du capitalisme dans la société et fait le constat suivant :</p> <blockquote> <p>« Bien sûr que c’est le capitalisme qui est derrière ces produits, mais je pense qu’il faut utiliser le système tel qu’il est, à notre avantage. Tout ce que ces grands groupes veulent, c’est faire des profits, et le végétal va prendre des parts de marché. Du coup, la part des produits d’origine animale va se réduire, moins d’animaux vont mourir. […] Fin 2021, Danone a décidé de transformer une usine dans le Gers qui utilisait du lait de vache pour en faire une usine de produits alternatifs végétaux, c’est une bonne chose ! Utilisons le capitalisme ! Je respecte les positions anarchistes ou anticapitalistes mais il faut être pragmatique. »</p> </blockquote> <p><a href="https://theconversation.com/profiles/tom-bry-chevalier-1341901">Tom Bry-Chevalier</a>, doctorant de la Chaire Économie du Climat de l’université de Lorraine et spécialiste des viandes alternatives, va dans le même sens et estime que l’offre d’alternatives industrielles à la viande « participe à normaliser la nourriture végétale et à la rendre accessible. Sans être naïf sur les intentions des grandes marques (qui ne font probablement pas ça par pur altruisme), je vois mal comment on peut considérer que cela ne va pas dans le bon sens ».</p> <p>Un des premiers militants et penseurs de la cause animale en France a une position plus nuancée à ce sujet, mais souhaite tout de même garder l’anonymat. Selon lui, les alternatives proposées par les grandes compagnies doivent être encouragées, mais elles ne changeront pas grand-chose :</p> <blockquote> <p>« Je pense qu’il s’agit d’une excellente chose. C’est une façon d’intégrer le véganisme dans une certaine normalité, de le faire sortir de son ghetto végane, et c’est ainsi que la consommation de produits d’origine animale devrait baisser dans les prochaines années. On sait désormais pertinemment (c’est ce qu’indiquent les tendances actuelles et les prospectives) que cette consommation ne baissera pas parce que les véganes seront de plus en plus nombreux, mais plutôt parce que le reste de la population mangera de plus en plus de produits végés et véganes, sans cesser pour autant de manger également des produits animaux, mais en quantité progressivement moindre. Le rêve de véganiser le monde en convainquant chaque personne de devenir végane ne se réalisera pas. Pas comme ça, en tout cas. »</p> </blockquote> <p>La polarisation des véganes de part et d’autre d’un purisme du porte-monnaie (soucieux de ne pas financer telle compagnie en achetant ses saucisses végés, parce qu’elle produit aussi des saucisses de cadavres de cochons) est à mon avis un effet de leur crispation identitaire en tant que véganes ; si on veut réduire l’exploitation animale, alors les saucisses végés (même non véganes) de Herta sont une excellente chose, une bonne nouvelle, et il est logique d’encourager leur vente, si tant est que ce soit nécessaire.</p> <p>Je pense cependant que ce n’est pas l’augmentation de la consommation de produits végés qui changera les choses pour les animaux, mais bien plus la lutte culturelle et politique pour changer notre rapport aux animaux et les lois qui les concernent – une lutte culturelle et politique un peu freinée par l’engouement pour la stratégie végane, qui a tendance à être hégémonique.</p> <p>Mathilde Sapin, du collectif <a href="https://www.anonymousforthevoiceless.org/">Anonymous for the Voiceless</a> qui installe des écrans de télévision dans les rues piétonnes pour montrer des films sur l’exploitation animale, ajoute une dimension comparatiste :</p> <blockquote> <p>« Je suis pour banaliser l’offre végétale, tout faire pour éviter qu’elle reste marginale […]. C’est une étape nécessaire, mais pas une fin en soi. Végétaliser les supermarchés ne sera pas suffisant sans éthique. Les Allemands, qui sont en avance sur l’offre végétale, consomment à peu près tout autant d’animaux terrestres que les Français chaque année (79 kg par personne) »</p> </blockquote> <p>[<em>Déjà plus de 120 000 abonnements aux newsletters</em> The Conversation. <em>Et vous ? <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/subscribe/?promoted=la-newsletter-quotidienne-5">Abonnez-vous aujourd’hui</a> pour mieux comprendre les grands enjeux du monde.</em>]</p> <p>De la même façon, comme on l’a vu, malgré sa forte proportion de véganes et l’abondance de son offre végétale [et près de 4 % de sa population qui se déclare végane], Israël a une consommation de viande qui monte à 99 kilos par personne et par an. L’offre végane n’entraîne donc pas forcément une réduction de la souffrance animale.</p> <h4 style="text-align: center;"><img src="https://images.theconversation.com/files/596536/original/file-20240527-17-hcb4bm.jpeg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></h4> <h4 style="text-align: center;"><em><span>Cet extrait est issu de « Veganwashing, l’instrumentalisation politique du véganisme », de Jérôme Segal, Lux éditeur, 168 pages.</span> <span><span>Lux</span>, <span>Fourni par l'auteur</span></span></em></h4> <p>Parmi les personnes interrogées, d’autres encore se demandent si ces gammes véganes des grands groupes ne se vendent pas au détriment de marques 100 % véganes qui, elles, intègrent la cause animale dans leur communication. De plus, on peut penser que les véganes gagneraient tout de même, sur le plan des idées, à dénoncer toutes les compagnies qui participent à l’exploitation animale, y compris celles qui végétalisent leur offre pour verdir leur image. Autrement dit, la question du <em>veganwashing</em> demeure et ne pourra être résolue tant qu’on réduira le véganisme à un simple boycott.<img src="https://counter.theconversation.com/content/230992/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <p> </p> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/jerome-segal-1535536">Jérôme Segal</a>, Histoire, sociologie, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/sorbonne-universite-2467">Sorbonne Université</a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. 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La fidélité absolue est un concept éculé et hypocrite qui a pour but principal que les hommes soient certains que les enfants qui sortent des ventres de leur épouse soient bien le produit de leurs spermatozoïdes à eux. Transmettre ses gènes est un réflexe très animal, si Sapiens est vraiment un être supérieur, il devrait se détendre sur cette question. En plus, Pierre et moi n’avons pas fait d’enfants, trop concentrés sur nous-mêmes et nos vies à réussir. Marie, ma sœur, prétend que pour les femmes, l’importance de la fidélité n’a pas pour but la perpétuation de l’espèce mais plutôt la conservation à leur côté du mâle qui assure leur protection. Elle se trompe. Si Pierre et moi sommes toujours ensemble après trente-cinq ans de mariage, c’est justement parce que nous nous laissons la liberté d’aller de temps en temps voir ailleurs. Marie, elle, ne souhaitait plus de rapports sexuels tout en menaçant son mari de le quitter s’il la trompait. 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De retour en Suisse, j’ai soigné ma salpingite et terminé mes études de lettres. Entre deux amants de passage, je traversais de longues périodes d’abstinence sexuelle sans que cela me coûte. A la manif, j’ai trouvé Pierre très beau avec sa moustache et sa barbe de cinq jours. Et je l’ai trouvé irrésistible lorsqu’il a jeté une bouteille vide en direction des forces de l’ordre qui voulaient nous empêcher d’accéder à la salle où se déroulait une assemblée de l’UDC, ce parti d’extrême droite honni par nous. Pierre s’est fait réprimander par les camarades communistes qui assuraient le service d’ordre et il a fini par en venir aux mains avec eux. J’ai spontanément pris sa défense, nous nous sommes faits bousculer et avons quitté la manifestation, lui avec une arcade sourcilière fendue, moi avec un fort désir pour lui. Je l’ai emmené chez moi pour soigner sa blessure et nous avons fait l’amour toute la nuit. Deux semaines plus tard nous emménagions ensemble; nous ne nous sommes plus quittés.</p> <p>L’autre soir, alors que nous avions des invités à la maison, il m’a semblé reconnaître chez Pierre les signes d’une tension extrême. Depuis le temps, je le connais bien. Serge et Mireille, nos invités, l’ont eux aussi sentie, cette tension. Ce sont tout à la fois des amis et des clients. Des amis parce que comme nous ils sont de centre gauche, des clients car ils font appel à notre agence de communication pour promouvoir leur commerce. Après avoir été de grands voyageurs, Serge et Mireille vendent aujourd’hui des produits venus d’Asie, principalement d’Inde mais aussi de Birmanie et du Cambodge. Ils sélectionnent avec soins les artisans, privilégiant les structures coopératives respectueuses de l’environnement et du bien-être des populations locales. Nous gérons leur site internet et leur publicité, et tournons même pour eux des clips promotionnels. Pierre est devenu agressif avec Mireille lorsque celle-ci a déclaré que les néo-féministes exagéraient et que #MeToo décourageait toute tentative de séduction de la part des hommes. «Je n’ai pas peur de le dire, j’aime bien que l’on me tienne la porte et que les hommes me fassent sentir qu’ils me désirent…» Pierre lui a rétorqué que le patriarcat était une forme de fascisme et qu’en tant que progressiste nous devions tout faire pour l’abattre. J’ai essayé de dévier la conversation sur la nourriture bio mais très vite c’est l’écriture inclusive qui a fait s’échauffer les esprits. Serge, qui se pique d’aimer la littérature, a déclaré que le français était en danger, qu’il fallait le sauver des points médians et des réformes de l’orthographe. Pierre a rétorqué que pour rester vivantes les langues devaient changer, que les normes les étouffaient, que les règles orthographiques avaient été inventées pour empêcher les pauvres d’accéder aux études. «Etes-vous allés récemment au cinéma?» ai-je incidemment demandé à Mireille?</p> <p>Le lendemain, elle m’a appelée. «Avec Serge, on se demande si Pierre n’est pas en train devenir woke…» Mon sang s’est figé dans mes veines, une sourde angoisse est montée de mon estomac jusque dans ma gorge. «Non, non… Vous vous trompez… Vous avez bien vu, il continue de manger de la viande», ai-je rassuré Mireille. Mais le doute s’était instillé en moi, je me suis mise à mieux observer Pierre et, pour la première fois, j’ai fouillé dans ses poches et ses agendas, même dans son ordinateur. Ce que j’ai découvert est effrayant…</p> <p style="text-align: right;"><em>Suite la semaine prochaine</em></p> <hr /> <h4>Pierre Ronpipal est l’auteur de<br /><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1734002707_damned01.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="149" height="206" /><br />«A moi de choisir ceux qui vont mourir»<br /><span>et de<br /></span><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1734002742_cover20242.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="154" height="207" /><br />«Le vert était rouge à l’intérieur»<br />aux <a href="https://nouvelleseditionshumus.ch/" target="_blank" rel="noopener">Nouvelles Editions Humus</a></h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'un-bien-cruel-conte-de-noel-1', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 39, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5284, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Les ramasseurs de déchets, grands perdants du récit dominant sur la pollution plastique', 'subtitle' => 'A Busan, en Corée du Sud, les discussions sur le traité mondial sur la pollution plastique, qui se tenaient du 25 novembre au 1er décembre, se sont soldées par un échec. 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Il s’agit des travailleurs qui récupèrent, réutilisent ou revendent les plastiques, les textiles, l’aluminium et d’autres matériaux précieux issus des déchets.</p> <p>Dans le cadre du traité sur les plastiques, pour que ces travailleurs informels soient reconnus, que leurs conditions de travail puissent être améliorées et qu’ils puissent bénéficient d’une transition écologique plus équitable, les solutions politiques doivent aller au-delà des mécanismes économiques basés sur le seul marché et des stratégies axées sur le profit.</p> <p>Si ce n’est pas le cas, les efforts en faveur d’un recyclage plus inclusif et du développement de l’économie circulaire risquent de renforcer les injustices mêmes qu’ils prétendent combattre.</p> <h3>Qui sont les ramasseurs informels de déchets?</h3> <p>Les collecteurs de déchets – et les autres personnes travaillant avec eux dans un cadre informel et coopératif – effectuent une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921344924001824#sec0021">grande partie du travail de recyclage à l’échelle mondiale</a>. Ils réduisent de manière significative la quantité de plastique qui se retrouve dans les océans.</p> <p>Malgré cela, et parce qu’ils font un travail salissant et vivent dans des endroits sales, ils sont souvent tenus pour responsables du problème de la pollution plastique. Dans les discours politiques des villes et des Etats, leur travail a longtemps été <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0956247816657302">tourné en dérision, considéré comme non qualifié et inefficace</a>. <a href="https://www.undp.org/blog/unsung-heroes-four-things-policymakers-can-do-empower-informal-waste-workers">L’absence de reconnaissance officielle</a> de leur travail rend leurs revenus particulièrement instables et précaires. Les réglementations environnementales peuvent <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/ac6b49">aggraver ces menaces</a> en accélérant la privatisation du traitement des déchets.</p> <p>Alors que les efforts de lutte contre la pollution plastique gagnent du terrain, les ramasseurs informels sont soumis à une double pression:</p> <ul> <li> <p>Ils doivent protéger leur accès aux déchets, car c’est l’un des rares moyens de subsistance dont ils disposent.</p> </li> <li> <p>En même temps, ils cherchent à améliorer leurs conditions de vie et de travail.</p> </li> </ul> <p>Un groupe de ramasseurs de déchets a donc profité de l’ouverture des négociations pour <a href="https://globalrec.org/document/just-transition-waste-pickers-un-plastics-treaty/">plaider en faveur de la reconnaissance de leur travail</a>. Il a été demandé que leurs contributions historiques à la réduction de la pollution plastique soient explicitement reconnues, et qu’un objectif explicite de transition juste soit intégré au traité sur les plastiques.</p> <h3>Avec l’économie circulaire, tout le monde est gagnant?</h3> <p>La <a href="https://theconversation.com/quatre-idees-recues-sur-la-transition-juste-227569">transition juste</a> est un principe défendu par les groupes de travailleurs et les défenseurs de la justice sociale afin de garantir que les politiques de transition écologique protègent, améliorent et compensent équitablement les moyens de subsistance des travailleurs et des communautés affectés par l’environnement.</p> <p>Les ramasseurs de déchets ont utilisé ce terme pour réclamer que le traité comprenne des dispositions pour améliorer leurs conditions de travail et de sécurité. Mais également pour que le traité intègre davantage les travailleurs informels aux systèmes de gestion des déchets, et pour exiger que les systèmes de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/responsabilite-elargie-du-producteur-67766">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP) soutiennent aussi les travailleurs du secteur des déchets, en particulier les <a href="https://www.wiego.org/gender-waste-project">femmes et d’autres groupes vulnérables</a>.</p> <p>Etonnamment, ces demandes ont obtenu le soutien d’un large éventail de parties prenantes puissantes. Par exemple la <a href="https://www.businessforplasticstreaty.org/vision-statement#Key-elements">Business Coalition for a Plastics Treaty</a>, les <a href="https://news.un.org/en/story/2024/10/1156301">dirigeants des Nations unies</a> et même <a href="https://resolutions.unep.org/resolutions/uploads/american_chemistry_council.pdf">l’industrie pétrochimique</a>.</p> <p>Certaines de ces demandes ont été intégrées aux projets de traité sur les plastiques discutés au cours des négociations, ce qui représente une victoire majeure pour les travailleurs du secteur informel des déchets.</p> <p>Un consensus se dégage sur le fait qu’une économie circulaire inclusive peut être bénéfique à la fois pour l’environnement, l’économie et les travailleurs en améliorant la gestion de la pollution, les moyens de subsistance et les opportunités de croissance économique pour les entreprises.</p> <p>Ces promesses demandent toutefois à être vérifiées sur le terrain. Et c’est là que les choses se compliquent.</p> <h3>« Gagnant-gagnant », mais la victoire de qui ?</h3> <p>Dans mon livre <a href="https://mitpress.mit.edu/9780262546973/recycling-class/"><em>Recycling Class</em></a>, j’examine comment les efforts de recyclage inclusif ont été mis en œuvre à Bengaluru, l’une des plus grandes villes de l’Inde.</p> <figure><a href="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a> <figcaption><span></span></figcaption> </figure> <p>Dans cet ouvrage, je défends que l’intégration dans des programmes d’économie circulaire basés sur le marché n’est pas une solution miracle aux injustices ancrées dans les systèmes de production, de consommation et de production des déchets.</p> <p>La plupart des politiques d’économie circulaire et de recyclage inclusif reposent sur des mécanismes de marché, partant du principe que la création de marchés pour les déchets incitera les acteurs du marché à récupérer efficacement les déchets et à les convertir en ressources.</p> <p>Pour remplir leurs obligations en matière de <a href="https://theconversation.com/faire-payer-plus-les-entreprises-pour-quelles-reduisent-les-emballages-130073">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP), les marques peuvent alors s’engager à acheter des plastiques recyclés et à financer la collecte des déchets en achetant des <a href="https://www.worldbank.org/en/programs/problue/publication/unlocking-financing-to-combat-the-plastics-crisis">crédits plastique</a>.</p> <p>Cette approche vise à améliorer le prix des déchets, à augmenter les salaires et à encourager les efforts de collecte, tout en attirant des investissements pour financer l’amélioration des infrastructures et des technologies.</p> <p>Cependant, les mécanismes fondés sur le marché aggravent les inégalités existantes en matière d’accès au marché. Les efforts visant à donner la priorité à la traçabilité et à la transparence – dans le but d’améliorer l’efficacité du marché et le respect de la réglementation – désavantagent souvent les travailleurs informels.</p> <p>Ces derniers ne disposent pas des ressources et des capacités techniques nécessaires pour adopter des systèmes de suivi complexes basés sur les SIG ou la blockchain, et se retrouvent exclus des processus formalisés. Les start-up financées par le capital-risque et les grandes entreprises s’emparent alors du secteur du recyclage.</p> <p>Les multinationales préfèrent d’ailleurs les partenariats avec des start-up technologiques qui offrent des services à «valeur ajoutée» tels que des indicateurs et des tableaux de bord environnementaux, permettant aux entreprises de mettre en scène leur propre récit sur le développement durable. Souvent issus de milieux éduqués et privilégiés, les employés de ces firmes <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S001671852300057X">concurrencent les travailleurs informels existants, les subordonnant au passage</a>.</p> <p>A l’inverse, les femmes et les membres des minorités ethno-raciales et religieuses, qui constituent la majorité des travailleurs des économies informelles des déchets, sont confrontés à des obstacles supplémentaires. Notamment des <a href="https://mouvements.info/recuperateurs-de-dechets/">stigmates sociaux bien ancrés</a> qui limitent leur capacité à participer sur un pied d’égalité à ces marchés émergents. Ils restent toujours relégués aux mêmes tâches manuelles et difficiles, même si leurs conditions de travail en ressortent légèrement améliorées.</p> <h3>L’industrie du plastique maintient le <em>statu quo</em></h3> <p>Malgré les bonnes intentions de départ, des termes tels que «économie circulaire inclusive» sont donc trop souvent utilisés à des fins de <em>green washing</em> et même de <em>justice washing</em>, tandis que les travailleurs continuent à endurer des conditions difficiles. Une étude de <a href="https://www.circle-economy.com/resources/decent-work-in-the-circular-economy">Circle Economy</a> souligne que la plupart des emplois du secteur de l’économie circulaire restent ad-hoc et informels et ne bénéficient pas des garanties d’un emploi décent.</p> <p>En fin de compte, les travailleurs informels sont confrontés à un choix difficile: soit ils acceptent d’être exploités au sein des circuits de traitements des déchets en tant que simples ressources, soit ils risquent de perdre complètement leurs moyens de subsistance.</p> <p>Les systèmes actuels de production et de consommation du plastique déplacent donc la charge des déchets sur des communautés autochtones ou ethniques marginalisées, créant ainsi des <a href="https://www.dukeupress.edu/pollution-is-colonialism">zones sacrifiées</a>. Ce déplacement permet de maintenir la rentabilité, tout en perpétuant les atteintes à l’environnement et les inégalités sociales.</p> <p>En promouvant des technologies de <a href="https://www.bbc.com/afrique/monde-57087908">recyclage chimique</a> non éprouvées et en étendant les marchés du plastique, les entreprises <a href="https://theconversation.com/comment-lindustrie-fossile-influence-les-negociations-mondiales-sur-le-plastique-222112">pétrochimiques</a> et de matières plastiques <a href="https://direct.mit.edu/glep/article/21/2/121/97367/Future-Proofing-Capitalism-The-Paradox-of-the">s’approprient le langage de l’économie circulaire</a>. Cela leur permet de donner un vernis écologique à leurs propositions, tout en maintenant le <em>statu quo</em> sur les inégalités.</p> <p>Pendant ce temps, la HAC, plusieurs ONG et même certains ramasseurs de déchets invoquent également l’économie circulaire comme solution à la crise du plastique, en mettant l’accent sur le réemploi et le recyclage inclusif.</p> <h3>Demander des comptes aux pollueurs plutôt que compter sur l’efficacité du marché</h3> <p>Pour que l’économie circulaire aille au-delà de la simple protection du capitalisme fossile, elle doit prendre en compte les collecteurs de déchets et recycleurs informels dans le Sud et reconnaître les limites des mécanismes basés sur le marché. C’est vrai aussi bien pour le traité international sur la pollution plastique que pour d’autres démarches régionales comme le <a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/ATAG/2021/679066/EPRS_ATA(2021)679066_FR.pdf">plan d’action de l’UE pour l’économie circulaire</a>.</p> <p>En effet, toute stratégie de lutte contre la pollution plastique basée sur le marché et axée sur le profit est susceptible de reproduire ces schémas d’inégalité. Et par la même occasion, de pérenniser les injustices systémiques qui soutiennent le statu quo. Pour une transition vraiment juste, la lutte contre la pollution plastique ne doit donc pas devenir une opportunité de croissance économique ou de profit.</p> <p>Au contraire, nous avons besoin d’une approche centrée sur la réparation. Il faut d’abord, pour cela, reconnaître les contributions historiques des collecteurs informels du plastique ainsi que les préjudices qu’ils subissent. Puis redistribuer les ressources aux personnes les plus touchées et créer des systèmes qui donnent la priorité à la restauration de l’environnement et à la justice sociale plutôt qu’au profit des entreprises.</p> <p>Une économie circulaire bien financée devrait d’abord renforcer le pouvoir des travailleurs, puis améliorer les capacités des infrastructures et réduire la concentration de ces déchets en produits chimiques toxiques, plutôt que de s’appuyer sur des solutions basées sur le marché qui aggravent les inégalités.</p> <p>Les vraies solutions consistent à demander des comptes aux pollueurs et à adopter des approches circulaires fondées sur la sobriété et la réparation, et non sur l’efficacité du marché.<img src="https://counter.theconversation.com/content/244065/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/manisha-anantharaman-1526162">Manisha Anantharaman</a>, Assistant Professor, Center for the Sociology of Organisations, CNRS/Sciences Po, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/sciences-po-2196">Sciences Po </a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique-244065">article original</a>.</h4> </div>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 42, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5283, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Les Etats-Unis financent un collectif international de journalistes', 'subtitle' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'subtitle_edition' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'content' => '<p style="text-align: center;"><strong>Urs P. Gasche</strong>, article publié sur <a href="https://www.infosperber.ch/medien/medienkritik/die-usa-finanzieren-internationales-journalisten-kollektiv/" target="_blank" rel="noopener"><em>Infosperber</em></a> le 5 décembre 2024, traduit par <em>Bon Pour La Tête</em></p> <hr /> <p>Parmi de nombreux autres médias, la <em>NZZ</em> et le <em>Tages-Anzeiger</em> ont diffusé à plusieurs reprises des révélations du réseau international de journalistes Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP). Ce faisant, ils n'ont pas rendu transparent le fait que les services gouvernementaux américains paient la moitié du budget de l'OCCRP. 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De plus, l'agence gouvernementale américaine interdit d'utiliser son argent pour mettre au jour la corruption aux Etats-Unis.</p> <p>Certaines subventions étaient même affectées à un but précis: le Department of State, par exemple, a versé 173 000 dollars à l'OCCRP pour «détecter et combattre la corruption au Venezuela». Ou l'<a href="https://www.usaid.gov/">Agence pour le développement international (USAID)</a> a versé plus de deux millions de dollars dans le but de «mettre au jour la criminalité et la corruption à Malte et à Chypre».</p> <p>Le journal en ligne français indépendant <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">« Mediapart »</a> en a parlé le 2 décembre 2024 <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">.</a></p> <p>Le fondateur de l'OCCRP est un ancien employé <a href="https://www.rockwellautomation.com/de-ch.html">de Rockwell</a> devenu journaliste: <a href="https://www.occrp.org/en/staff/drew-sullivan">Drew Sullivan</a>. L'OCCRP a été créé à l'instigation de fonctionnaires du gouvernement américain. Selon Mediapart, Sullivan a reçu pour cela, en 2008, un financement de départ de 1,7 million de dollars du <a href="https://www.state.gov/bureaus-offices/under-secretary-for-civilian-security-democracy-and-human-rights/bureau-of-international-narcotics-and-law-enforcement-affairs/">Bureau of International Narcotics and Law Enforcement Affairs</a>(INL). Il s'agit d'une agence d'application de la loi du Département d'Etat américain.</p> <p>L'OCCRP s'appuie souvent sur des documents divulgués provenant de sources non identifiées. La qualité des recherches et des révélations de l'OCCRP n'est pas mise en doute. L'orientation unilatérale des recherches et le manque de transparence des informations sur le financement donnent lieu à des critiques.</p> <p>L'ampleur des liens personnels et financiers de l'OCCRP avec le gouvernement américain va à l'encontre de «tous les principes de l'éthique journalistique». C'est ce qu'a déclaré Leonard Novy, directeur de l'Institut allemand des médias et de la politique de communication, à la chaîne NDR. Cela laisse supposer que les journalistes peuvent être utilisés ou instrumentalisés à des fins politiques.</p> <p>Sullivan et l'OCCRP ont également laissé les médias partenaires et leurs lecteurs dans l'ignorance de leur proximité avec le gouvernement américain. Selon Leonard Novy, l'organisation a ainsi dépassé les limites.</p> <h3><strong>Sullivan n'a pas voulu parler clairement aujourd'hui encore</strong></h3> <p>Sullivan a d'abord affirmé à la chaîne NDR que l'OCCRP avait «un groupe de donateurs largement répandu», parmi lesquels «aucun donateur individuel ne domine». Il a ajouté que «le gouvernement américain [...] est l'un des plus grands donateurs, mais ce n'est pas un pourcentage énorme». Confronté aux dernières découvertes, il a finalement reconnu l'importance du financement de Washington: «C'est le plus grand bailleur de fonds de l'OCCRP, oui, et ce depuis presque le début de notre histoire. [...] Je suis très reconnaissant au gouvernement américain.»</p> <p>Par écrit, Sullivan a renchéri: «Nous avons dû décider si nous voulions accepter de l'argent du gouvernement ou ne pas exister.» Sur le site web de l'OCCRP, les montants des sponsors ne sont pas indiqués.</p> <h3><strong>Conditions posées</strong></h3> <p>Sullivan a confirmé à la NDR le pouvoir d'influence des autorités américaines: «Dans le cadre d'accords de coopération que nous n'aimons pas conclure, ils ont un droit de regard sur le choix des personnes [...] Ils peuvent mettre leur veto sur quelqu'un [...] Ils n'ont jamais mis leur veto sur quelqu'un.»</p> <p>L'OCCRP ne peut pas enquêter sur des affaires américaines avec l'argent fourni par Washington. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Sullivan à la NDR. «Je pense que le gouvernement américain ne le permet pas. 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Des faits presque incroyables sur le travail de relations publiques du Pentagone.</p> <p><strong>20 avril 2008</strong> <a href="https://www.spiegel.de/kultur/gesellschaft/gekaufte-meinung-pentagon-beschaeftigt-pr-armee-fuer-us-tv-a-548519.html">Le Pentagone emploie une armée de RP pour la télévision américaine</a>. 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