Actuel / Le jeunisme politique préconisé par Peter Knoepfel
«Un pays qui vote à de si nombreuses reprises au cours d’une année peut montrer l’exemple d’un renouveau démocratique.» © EYP Switzerland
Dans un petit texte de proposition publié en janvier, le professeur d’université Peter Knoepfel préconise un droit de véto des jeunes. Pour tous les sujets fédéraux, une nouvelle majorité devrait être atteinte en plus des règles déjà existantes: la majorité des Suisses de moins de 45 ans. Nous l’avons appelé pour en savoir plus sur sa démarche et avons été sidérés par son vide argumentatif.
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Nous posons la question au professeur, qui semble sûr de sa réponse: «La pensée matérialiste est plus présente chez les personnes âgées que chez les jeunes. De même, le court terme prévaut. Avec l’âge, on n’est moins concerné de facto.» </p><p>Suivons cette logique, somme toute intéressante. En tant que Valaisan d’origine, j’ai pu entendre à plusieurs reprises qu’il y avait quelque chose d’illogique à ce que les rats des villes décident comment les rats des champs doivent aménager leur territoire. Faudrait-il donc prendre au sérieux cette question et faire en sorte que les personnes concernées par un scrutin soient des votants VIP? On voit bien le problème: il faudrait dès lors juger au cas par cas quelle partie de la population est touchée par telle votation et donner par exemple une double voix aux homosexuels quand on se prononce sur le mariage gay, ou aux femmes quand l’objet du vote est le remboursement de l’avortement. Peter Knoepfel nous répond: </p><p>«Une génération, ce n’est pas une communauté close. Chacun, normalement, passe par ces deux tranches d’âge au cours de sa vie. En étendant cette logique à d’autres groupes de la société, comme les femmes, les campagnards, les LGBT, etc., nous arriverions à une forme de corporatisme. Ce que ma proposition créée, ce ne sont pas des sous-groupes. Le seul grand groupe que je prends en considération, à savoir les moins de 45 ans, c’est pour une raison de justice intergénérationnelle. D’ailleurs, je n’étends pas cet outil aux seuls domaines qui concernent cette tranche d’âge, mais bien à tous les sujets de votation fédéraux.» </p><p>Ce que propose le professeur serait-il alors une extension de la démocratie? Une prise de conscience de la nécessité de viser la durabilité? Comme nous le dit Peter Knoepfel, «il est intéressant de constater que les jeunes manifestants, par exemple, ne parlent même pas d’eux, mais de 'leurs enfants'». C’est pourquoi l’universitaire, qui ne cache pas le côté engagé de sa démarche, considère que la Suisse a une carte à jouer avec cette question. «Un pays qui vote à de si nombreuses reprises au cours d’une année peut montrer l’exemple d’un renouveau démocratique.» </p><h3>L’abstentionnisme des jeunes </h3><p>Si la proposition entend aller dans le sens de la durabilité, elle se heurte cependant à une réalité bien connue en Suisse: les jeunes de 18 à 25 ans sont très peu à voter. Selon les informations de Barry Lopez, porte-parole romand d’easyvote, seuls 30% des jeunes de cette tranche d’âge en moyenne participent aux votations à l’échelon fédéral. N’est-ce pas un cadeau paradoxal d’offrir une double voix, y compris à des citoyens qui sont nombreux à ne pas exercer leur droit politique le plus élémentaire? «Le taux de votation très faible auprès des 18-25 ans en Suisse est un problème général auquel il faut trouver des solutions. 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Nous parlons de la censure d’opinions et de crachats au visage d’intellectuels français venus simplement présenter leur livre à un petit public curieux de se confronter à un avis nuancé sur les débats qui secouent actuellement la notion de genre. Les psychanalystes Céline Masson et Caroline Elliachef étaient venues le 29 avril parler de leurs critiques à l’égard de la médicalisation précoce des enfants qui désirent changer de sexe; le philosophe Eric Marty était quant à lui venu le 17 mai parler de la différence entre l’approche anglo-saxonne et l’approche européenne du genre dans l’histoire des idées. Traitées de «transphobes», ces personnalités – situées à gauche! – ont été violemment contraintes d’annuler leur prise de parole sur le sol helvétique.</p> <p>Sur cette indéfendable affaire se superpose un deuxième scandale: mise sous pression par la CUAE – la «Conférence Universitaire des Associations d’Etudiant.e.x.s» – l’Université de Genève (UniGE) a abandonné son dépôt de plainte contre les transactivistes ayant fait preuve de violence. Le rectorat a négocié avec la faîtière d’étudiants un accord commun – incluant tous les étudiants et collaborateurs de l’université – portant sur la défense de valeurs fondamentales telles que la liberté académique, la liberté d’expression, le refus de la violence, etc. Mais le <a href="https://www.unige.ch/communication/communiques/2022/luniversite-et-ses-etudiant-es-reaffirment-les-valeurs-de-linstitution">communiqué de l’université</a> souffre d’une certaine ambiguïté:</p> <p>«Par cette déclaration commune, le rectorat et les étudiant-es replacent (…) le débat dans son contexte académique et souhaitent rappeler des principes essentiels: le respect dû aux personnes passant par la lutte contre toute forme de discrimination, notamment de genre, d’origine ou de classe; le refus de la violence sous toutes ses formes; le respect de la liberté académique dans la recherche et l’enseignement, <em>encadrée par les valeurs précitées</em><sup><strong>1</strong></sup>. 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Qui sont ces groupes désormais puissants dans les rapports de force idéologiques qui parcourent l’université et la société de manière générale (pour vous en convaincre, songez au fait qu’à Neuchâtel, les représentants des étudiants avaient réussi à ne faire comptabiliser que les réussites d’examens, et pas les échecs, en période de Covid)? Nous n’avons malheureusement pas réussi à contacter la CUAE, mais les informations à disposition de tous et les contacts pris auprès d’autres faîtières suffisent à répondre aux besoins de cet article.</p> <p>De manière générale, toutes les faîtières d’associations étudiantes nichées dans les universités romandes poursuivent les mêmes objectifs: mettre en réseau la communauté estudiantine, défendre ses intérêts auprès du rectorat et auprès du canton, favoriser l’égalité des chances, financer des événements ou des activités d’associations d’étudiants, etc. Bref, soutenir les étudiants.</p> <p>Pour être membre de la CUAE, il suffit de s’affilier à l’une des associations étudiantes de l’Université de Genève, qui elles-mêmes composent la CUAE. Une contribution de 5 CHF est alors prélevée dans les taxes universitaires que paient de toute manière les étudiants. Mais il est aussi possible de s’engager pour la CUAE à titre individuel. Par comparaison, «l’Association Générale des Etudiant·e·s de l’Université de Fribourg» (AGEF) vit grâce à une cotisation obligatoire de 20 CHF pour tout étudiant, dont une bonne partie repart dans les sections de la faîtière (une section par département ou faculté). C’est à peu près la même chose à Neuchâtel, où tous les étudiants sont <em>de facto</em> membres de la «Fédération des étudiant·e·s neuchâtelois·e·s» (FEN) et paient ainsi une cotisation de 15 CHF, comprise dans la taxe d’étude. Si quelqu’un ne souhaite pas la payer, il doit démissionner par écrit de la faîtière.</p> <p>On part alors du principe que les faîtières en question doivent se sentir responsables de leur caractère représentatif vis-à-vis des étudiants qu’elles fédèrent. Mais pas besoin de trop gratter pour se rendre compte qu’il ne s’agit pas vraiment du genre de la maison. La CUAE se définit sur son site comme «association faîtière et syndicat des étudiant.e.x.s de l’Université de Genève, et leur porte-parole auprès des autorités universitaires et politiques». Déjà, même s’il s’agit d’une volonté des individus qui composent la CUAE, son statut de syndicat pose question, dans la mesure où il reflète une certaine culture politique: n’y a-t-il pas incompatibilité entre cette nature de syndicat (unique en Suisse parmi les universités) et le fait de devoir représenter les étudiants dans leur diversité (y compris politique, diversité qu’on oublie souvent)?</p> <h3>Revendications politiques «si ça concerne les étudiants»</h3> <p>En partant de cette interrogation, on peut tirer un fil logique pour questionner les types de revendications portées par la CUAE et par leurs émules romandes. Si les représentants de toutes les autres faîtières estudiantines nous ont déclaré qu’ils condamnaient les moyens violents utilisés par les manifestants genevois pour faire entendre leur cause, ils sont également unanimes sur la limite que leurs associations se fixent concernant leurs revendications politiques. En effet, toutes les faîtières se donnent la compétence de prendre publiquement position «quand le sujet concerne les étudiants». Voici comment par exemple Guillaume Haas détaille le cas de l’AGEF, qu’il co-préside:</p> <p>«Notre grande différence avec la CUAE (Genève) est que l’AGEF (Fribourg) est représentée à tous les niveaux de l’université de Fribourg. Et quand je dis à tous les niveaux, c’est à tous les niveaux: au Sénat, qui est l’organe suprême de l’université, mais aussi dans la moindre des petites commissions. L’UniFR est l’une des universités les plus démocratiques d’Europe. C’est ce qui explique que l’AGEF ait peu de coups d’éclat, contrairement à nos camarades de la CUAE. Je ne leur en fait pas le reproche: c’est leur seul moyen de se faire entendre. Sur le plan des idées politiques, j’observe qu’il y a des personnes de tous bords à l’AGEF. Il y a des sensibilités différentes qui s’expriment lors de discussions sur les budgets et l’allocation des fonds, par exemple. Mais l’AGEF est apolitique: nous ne fonctionnons pas avec un système de représentants par partis. On ne parle que de politique quand le sujet concerne les étudiants.»</p> <p>Or, cela devient plus difficile à appliquer dans des exemples concrets. C’est que cette ligne de conduite a priori juste et inoffensive est on ne peut plus floue. A partir de combien d’étudiants concernés une affaire est censée «concerner les étudiants»? Outre l’intégration des étudiants transgenres dans la forme des statuts de l’Union des étudiant-e-s de Suisse (UNES), les délégués de cette «faîtière des faîtières» ont par exemple traité d’une initiative populaire en assemblées des délégués, parce que la votation faisait courir un risque au programme ERASMUS, même si les étudiants n’étaient pas cités dans le texte. Rebelote avec la question de l’accord-cadre et HORIZON2020. Un ancien responsable de la FEN, la faîtière neuchâteloise, confie:</p> <p>«Peu de personnes s’engagent dans ces structures. Il y a eu des assemblées générales de la FEN où nous étions dix. Le fait que trop peu de gens s’y engagent ouvre la porte au fait que des activistes de groupes très virulents, qui ont l’habitude de participer et de mobiliser leurs "troupes" pour une cause, ramènent tous leurs amis.»</p> <p>Notre source explique avoir été prise de cours avec le reste du comité il y a quelques années: certains cercles militants qui connaissaient bien le système de la fédération ont requis une AG extraordinaire et ont pu avancer leurs pions en quasi-unanimité. A Genève, la CUAE indique elle-même sur son site que «l’association adopte la ligne et l’opinion de la majorité des gens qui s’y engagent». Les absents ont donc toujours tort, comme en démocratie. D’un certain point de vue, cela coule de source. Et il est vrai que si des étudiants ne se sentent pas représentés, ils ont intérêt à s’y engager.</p> <h3>Effet d'entre-soi</h3> <p>Mais d’un autre point de vue, comment en vouloir à des étudiants, qui n’adhèrent pas à la tendance «woke» ou «intersectionnelle» souvent représentée par ces associations qui raffolent d’écriture inclusive, de ne pas venir s’y impliquer? Un fait psychologique simple: quand la Fédération des Associations d’Etudiant-e-s-x (Lausanne) convoque une assemblée «ouverte à tou-x-te-s», un étudiant qui trouve cette graphie laide, contestable sur le fond, ridicule ou les trois à la fois se dira peut-être que le comité n’est sans doute pas si ouvert que cela à tout le monde, du moins pas aux idées qu’il défendrait s’il venait y parler en toute honnêteté.</p> <p>C’est un fait et non un commentaire, ni même une analyse: une idéologie radicale de gauche identitaire suinte du vocabulaire, du propos et des actions de la CUAE, comme de bien d’autres associations, y compris, mais dans une moindre mesure, les faîtières d’étudiants des autres universités. Et quand on se réunit autour de croyances sur les ressorts cachés du «système» et de la «société», par exemple leurs soi-disants ressorts «racistes» ou «transphobes», tout en excluant ou en méprisant – ne serait-ce que par un regard – toute autre approche, cela ressemble plus à une secte qu’à une association d’étudiants.</p> <p>Nous nous permettrons alors cette remarque personnelle: face à ce constat, au lieu de traquer les manifestations d’idéologie là où elles apparaîtront forcément à un moment donné, l’être humain étant ce qu’il est, ne vaudrait-il par mieux porter haut la valeur du pluralisme? Et se donner les moyens – pourquoi pas inventifs – de garantir cette diversité d’idées? Fait amusant, dans la Berne fédérale, l’association des étudiants s’organise autour… de représentants de partis. Cette solution a le mérite d’assumer la dimension politique de la démarche, tout en lui garantissant un certain équilibre. 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Mais il est parfois utile de jeter un coup d’œil plus affuté sur les représentants que nous avons encore actuellement à Berne. Car la composition d’un législatif dit quelque chose de la sociologie politique d’un pays. Deux prismes sont choisis ici: la diversité d’idées parmi les élus de chaque parti ainsi que leur profil socio-professionnel. Deux entrées a priori indépendantes mais qui touchent néanmoins à un thème commun: le pluralisme, garant, selon beaucoup de théories, d’une certaine représentativité de la société dans sa diversité.</p> <h3>Le pluralisme des idées, un gros mot à gauche?</h3> <p>On parle toujours de «l’avis des partis» sur tel ou tel sujet. Certes, les diverses formations politiques, par les votes de leurs délégués lors des assemblées, adoptent des résolutions, des prises de position, etc. Mais on oublie souvent que les partis sont composés de personnes, dont les plus importantes politiquement, dans une démocratie représentative, sont les élus. 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Il constate en revanche un écart entre le discours de gauche et la réalité de son corps d’élus: «La pluralité et la tolérance, brandies si souvent par le PS et les Verts, sont bien plus présentes chez leurs adversaires dans les faits. On le constate aussi dans des débats de société actuels, avec par exemple le courant woke de la gauche qui souhaite restreindre la liberté d’expression, censurer des œuvres, interdire certaines discussions, etc.»</p> <h3>La diversité des profils socio-professionnels, un atout? </h3> <p>La discussion devient encore plus intéressante quand on se penche sur un autre schéma: celui de l’observatoire des élites suisses (OBELIS), de l’Université de Lausanne, représentant le profil socio-professionnel des politiciens actuellement sous la Coupole. Ceux-ci sont répertoriés selon la distinction «ayant suivi des hautes études - n’ayant pas suivi de hautes études». 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Une extension de la démocratie?
Quels sont ses arguments? Dans son texte, Peter Knoepfel est clair sur sa motivation principale: «les scrutins contiennent de plus en plus de réponses à des problèmes décisifs, dont la solution n'interviendra que dans un avenir plus ou moins lointain, ce qui affecte en tout cas beaucoup moins les plus de 45 ans que les jeunes électeurs. La politique énergétique, la réforme des retraites et la politique climatique en sont des exemples récents.» N’est-ce pas là estimer d’une façon très pessimiste que les votants pensent à leur nombril avant de penser au bien commun? Nous posons la question au professeur, qui semble sûr de sa réponse: «La pensée matérialiste est plus présente chez les personnes âgées que chez les jeunes. De même, le court terme prévaut. Avec l’âge, on n’est moins concerné de facto.»
Suivons cette logique, somme toute intéressante. En tant que Valaisan d’origine, j’ai pu entendre à plusieurs reprises qu’il y avait quelque chose d’illogique à ce que les rats des villes décident comment les rats des champs doivent aménager leur territoire. Faudrait-il donc prendre au sérieux cette question et faire en sorte que les personnes concernées par un scrutin soient des votants VIP? On voit bien le problème: il faudrait dès lors juger au cas par cas quelle partie de la population est touchée par telle votation et donner par exemple une double voix aux homosexuels quand on se prononce sur le mariage gay, ou aux femmes quand l’objet du vote est le remboursement de l’avortement. Peter Knoepfel nous répond:
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L’abstentionnisme des jeunes
Si la proposition entend aller dans le sens de la durabilité, elle se heurte cependant à une réalité bien connue en Suisse: les jeunes de 18 à 25 ans sont très peu à voter. Selon les informations de Barry Lopez, porte-parole romand d’easyvote, seuls 30% des jeunes de cette tranche d’âge en moyenne participent aux votations à l’échelon fédéral. N’est-ce pas un cadeau paradoxal d’offrir une double voix, y compris à des citoyens qui sont nombreux à ne pas exercer leur droit politique le plus élémentaire? «Le taux de votation très faible auprès des 18-25 ans en Suisse est un problème général auquel il faut trouver des solutions. Cependant, il ne reflète pas la politisation des jeunes suisses dans son ensemble.»
C’est en effet dans les manifestions pour le climat, notamment, que le professeur voit un phénomène réjouissant pour l’évolution politique de notre pays. «Je pense qu’il faudra attendre une vingtaine d’années pour que des propositions comme la mienne trouvent leur écho. Les manifestations pour le climat ne font que commencer et participent d’une nouvelle façon de penser la politique.» Un nouveau système politique, c’est le cas de le dire. Car le modèle suisse repose sur une chose qui peut sembler un peu ringarde à certains et sentant le vieux radicalisme de 1848: la démocratie. Les institutions helvétiques, il est utile de le rappeler, reposent sur le principe démocratique «un individu, une voix» et le principe fédéraliste de la majorité des cantons. Pas sûr que la proposition de Peter Knoepfel participe du même esprit.
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Cependant, il ne reflète pas la politisation des jeunes suisses dans son ensemble.» </p><p>C’est en effet dans les manifestions pour le climat, notamment, que le professeur voit un phénomène réjouissant pour l’évolution politique de notre pays. «Je pense qu’il faudra attendre une vingtaine d’années pour que des propositions comme la mienne trouvent leur écho. Les manifestations pour le climat ne font que commencer et participent d’une nouvelle façon de penser la politique.» Un nouveau système politique, c’est le cas de le dire. Car le modèle suisse repose sur une chose qui peut sembler un peu ringarde à certains et sentant le vieux radicalisme de 1848: la démocratie. Les institutions helvétiques, il est utile de le rappeler, reposent sur le principe démocratique «un individu, une voix» et le principe fédéraliste de la majorité des cantons. 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Qui sont ces groupes désormais puissants dans les rapports de force idéologiques qui parcourent l’université et la société de manière générale (pour vous en convaincre, songez au fait qu’à Neuchâtel, les représentants des étudiants avaient réussi à ne faire comptabiliser que les réussites d’examens, et pas les échecs, en période de Covid)? 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Par comparaison, «l’Association Générale des Etudiant·e·s de l’Université de Fribourg» (AGEF) vit grâce à une cotisation obligatoire de 20 CHF pour tout étudiant, dont une bonne partie repart dans les sections de la faîtière (une section par département ou faculté). C’est à peu près la même chose à Neuchâtel, où tous les étudiants sont <em>de facto</em> membres de la «Fédération des étudiant·e·s neuchâtelois·e·s» (FEN) et paient ainsi une cotisation de 15 CHF, comprise dans la taxe d’étude. Si quelqu’un ne souhaite pas la payer, il doit démissionner par écrit de la faîtière.</p> <p>On part alors du principe que les faîtières en question doivent se sentir responsables de leur caractère représentatif vis-à-vis des étudiants qu’elles fédèrent. Mais pas besoin de trop gratter pour se rendre compte qu’il ne s’agit pas vraiment du genre de la maison. La CUAE se définit sur son site comme «association faîtière et syndicat des étudiant.e.x.s de l’Université de Genève, et leur porte-parole auprès des autorités universitaires et politiques». Déjà, même s’il s’agit d’une volonté des individus qui composent la CUAE, son statut de syndicat pose question, dans la mesure où il reflète une certaine culture politique: n’y a-t-il pas incompatibilité entre cette nature de syndicat (unique en Suisse parmi les universités) et le fait de devoir représenter les étudiants dans leur diversité (y compris politique, diversité qu’on oublie souvent)?</p> <h3>Revendications politiques «si ça concerne les étudiants»</h3> <p>En partant de cette interrogation, on peut tirer un fil logique pour questionner les types de revendications portées par la CUAE et par leurs émules romandes. Si les représentants de toutes les autres faîtières estudiantines nous ont déclaré qu’ils condamnaient les moyens violents utilisés par les manifestants genevois pour faire entendre leur cause, ils sont également unanimes sur la limite que leurs associations se fixent concernant leurs revendications politiques. En effet, toutes les faîtières se donnent la compétence de prendre publiquement position «quand le sujet concerne les étudiants». Voici comment par exemple Guillaume Haas détaille le cas de l’AGEF, qu’il co-préside:</p> <p>«Notre grande différence avec la CUAE (Genève) est que l’AGEF (Fribourg) est représentée à tous les niveaux de l’université de Fribourg. Et quand je dis à tous les niveaux, c’est à tous les niveaux: au Sénat, qui est l’organe suprême de l’université, mais aussi dans la moindre des petites commissions. L’UniFR est l’une des universités les plus démocratiques d’Europe. 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Outre l’intégration des étudiants transgenres dans la forme des statuts de l’Union des étudiant-e-s de Suisse (UNES), les délégués de cette «faîtière des faîtières» ont par exemple traité d’une initiative populaire en assemblées des délégués, parce que la votation faisait courir un risque au programme ERASMUS, même si les étudiants n’étaient pas cités dans le texte. Rebelote avec la question de l’accord-cadre et HORIZON2020. Un ancien responsable de la FEN, la faîtière neuchâteloise, confie:</p> <p>«Peu de personnes s’engagent dans ces structures. Il y a eu des assemblées générales de la FEN où nous étions dix. 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Et il est vrai que si des étudiants ne se sentent pas représentés, ils ont intérêt à s’y engager.</p> <h3>Effet d'entre-soi</h3> <p>Mais d’un autre point de vue, comment en vouloir à des étudiants, qui n’adhèrent pas à la tendance «woke» ou «intersectionnelle» souvent représentée par ces associations qui raffolent d’écriture inclusive, de ne pas venir s’y impliquer? Un fait psychologique simple: quand la Fédération des Associations d’Etudiant-e-s-x (Lausanne) convoque une assemblée «ouverte à tou-x-te-s», un étudiant qui trouve cette graphie laide, contestable sur le fond, ridicule ou les trois à la fois se dira peut-être que le comité n’est sans doute pas si ouvert que cela à tout le monde, du moins pas aux idées qu’il défendrait s’il venait y parler en toute honnêteté.</p> <p>C’est un fait et non un commentaire, ni même une analyse: une idéologie radicale de gauche identitaire suinte du vocabulaire, du propos et des actions de la CUAE, comme de bien d’autres associations, y compris, mais dans une moindre mesure, les faîtières d’étudiants des autres universités. 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En s’intéressant aux parlementaires fédéraux, on remarque que les écologistes et les socialistes semblent beaucoup plus «unis» dans leurs idées que leurs collègues du centre et de droite. 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Sur la base des réponses, ces candidats sont classés selon un axe des abscisses «gauche-droite» et un axe des ordonnées «libéral-conservateur». Les résultats servent ensuite à générer des recommandations de vote pour tout citoyen qui participe à son tour au sondage.</p> <p>La première conclusion que l’on peut tirer des graphiques ci-dessus, c’est qu’il semble régner, au sein de l’Assemblée fédérale actuelle, un plus grand écart d’idées politiques au sein d’un parti de droite ou du centre qu’au sein d’un parti de gauche. On pourrait objecter, avec raison, que les critères «libéral» versus «conservateur» sont moins pertinents à gauche qu’à droite, et que l’écart observé verticalement sur le graphique est donc biaisé. Or, on remarque également une plus grande distance sur l’axe <i>horizontal</i> entre les points les plus éloignés d’un même parti de droite que ceux d’un même parti de gauche. Ce qui signifie bien qu’il y a plus de différences entre les ailes gauche et droite d’un parti de droite (ou du centre) qu’entre les ailes gauche et droite d’un parti de gauche. Fait éclairant, le constat peut être vérifié avec d’autres élections sur le site de Smartvote, par exemple l’actuel scrutin vaudois.</p> <p>Interrogé sur ces données, l’historien et juriste Olivier Meuwly, membre du PLR, prêche d’abord pour sa paroisse: «Le pluralisme des idées est une vertu sur le plan intellectuel». Mais il nuance aussitôt: «Cela peut être aussi un facteur de confusion ou de division sur le plan électoral.» Historiquement, les libéraux-radicaux ont toujours eu cette caractéristique, explique le spécialiste. Une caractéristique qu’il juge donc neutre: les partis de droite n’en ressortent pas plus légitimes. Il constate en revanche un écart entre le discours de gauche et la réalité de son corps d’élus: «La pluralité et la tolérance, brandies si souvent par le PS et les Verts, sont bien plus présentes chez leurs adversaires dans les faits. On le constate aussi dans des débats de société actuels, avec par exemple le courant woke de la gauche qui souhaite restreindre la liberté d’expression, censurer des œuvres, interdire certaines discussions, etc.»</p> <h3>La diversité des profils socio-professionnels, un atout? </h3> <p>La discussion devient encore plus intéressante quand on se penche sur un autre schéma: celui de l’observatoire des élites suisses (OBELIS), de l’Université de Lausanne, représentant le profil socio-professionnel des politiciens actuellement sous la Coupole. Ceux-ci sont répertoriés selon la distinction «ayant suivi des hautes études - n’ayant pas suivi de hautes études». Le résultat semble comme calqué sur les graphiques précédents (pluralisme des idées):</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1648117695_capturedcran2022032411.27.09.png" class="img-responsive img-fluid center " width="555" height="386" /></p> <h4><em>Observatoire des élites suisses (Obelis) de l’Université de Lausanne, graphique publié dans <i>Le Temps</i> le 24 octobre 2019.</em></h4> <p>Là encore, Olivier Meuwly sourit: «Il y a une contradiction évidente entre le fait de se proclamer le parti des prolétaires et de ne plus l’être depuis longtemps au niveau de ses représentants, comme d’une partie de ses électeurs d’ailleurs.» Il n’empêche, en théorie, rien ne défend à un professeur d’université de s’intéresser à la condition des ouvriers. Mais il faut noter toutes les fois où la gauche, dans notre pays, place au premier plan de ses revendications l’égalité des chances, la dignité de chaque individu, le fait que chacun puisse et doive s’engager en politique ou dans un conseil d’administration, etc. Il y a donc un paradoxe évident entre la forte présence de ces thèmes au niveau de la posture de la gauche et la réalité des origines socio-professionnelles au niveau de ses représentants.</p> <p>Encore une fois, il n’a pas été question ici d’évaluer positivement ou négativement une homogénéité d’opinions ou de parcours. Mais de pointer des faits et de les mettre en perspective avec le langage de la gauche. Cette famille de pensée, incontournable dans la vie politique suisse, devrait davantage se pencher sur ses paradoxes. «C’est une des conditions pour que la social-démocratie, prise dans ses contradictions internes, ne subisse pas une dégringolade à la française – moins violente, mais quand même. 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Le deuxième tour dans le Canton de Vaud sera un bon test», conclut Olivier Meuwly, pour qui rien n’est encore écrit.</p>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'les-partis-de-droite-sont-plus-diversifies-que-les-partis-de-gauche', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 554, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 8, 'person_id' => (int) 2374, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' } ] $embeds = [] $images = [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) { 'id' => (int) 5355, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => '© EYP Switzerland2.jpg', 'type' => 'image', 'subtype' => 'jpeg', 'size' => (int) 209302, 'md5' => 'cb0398ab460b3780ab2b59d8df191f3a', 'width' => (int) 2048, 'height' => (int) 1365, 'date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'title' => '', 'description' => '«Un pays qui vote à de si nombreuses reprises au cours d’une année peut montrer l’exemple d’un renouveau démocratique.»', 'author' => '', 'copyright' => '© EYP Switzerland', 'path' => '1554033869_eypswitzerland2.jpg', 'embed' => null, 'profile' => 'default', '_joinData' => object(Cake\ORM\Entity) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Attachments' } ] $audios = [] $comments = [] $author = 'Jonas Follonier' $description = 'Dans un petit texte de proposition publié en janvier, le professeur d’université Peter Knoepfel préconise un droit de véto des jeunes. 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