Actuel / «La décroissance est invendable parce que l’humain n’est pas prêt à renoncer à quoi que ce soit»
«Le progrès n’a fait qu’accroître l’ambition de l’homme et son besoin de contrôle». © Pierre Yves Lador
Pierre Yves Lador carbure aux livres: un par nuit pendant cinquante ans. Sans compter des milliers de BD. Et tous les ouvrages qu’il a écrits. Des dizaines dans des genres très divers, mais avec certains ingrédients récurrents: l’humour, l’ironie, l’érotisme, l’onirisme, la mélancolique jubilation et sans doute quelque visée initiatique. Lors de la remise du Prix des Ecrivains Vaudois qui lui fut attribué en 2013 pour l’ensemble de son oeuvre, cet ancien directeur de la Bibliothèque municipale de Lausanne, aujourd’hui éditeur chez Hélice Hélas, mais encore, toujours et surtout auteur s’est défini comme «le plus gros concurrent d’Easyjet: pour deux fois moins cher, mon livre vous emmène au cœur de vous-même, destination si lointaine qu’il est rare qu’on y arrive… »
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Les proches sont au premier front pour encaisser les jugements. Mais à la fondation Repère, j’ai aussi rencontré des gens très à l’aise avec l’idée d’avoir un proche derrière les barreaux, et très décomplexés.</p> <p><strong>Votre narratrice a parfois l’air plus adulte que ses parents. Est-elle parentalisée ou est-ce juste une impression due au fait que le lecteur n’a que son point de vue?</strong></p> <p>Un peu des deux. Quand j’avais encore trois points de vue, j’essayais de montrer comment chacun pense avoir raison. C’est intéressant de chercher l’angle d’interprétation à partir duquel les gens estiment faire ce qu’il faut. Oriane a ce rôle de grande sœur réconfortante.</p> <p><strong>Vous décrivez un lien très fort et très touchant entre la grande sœur et son petit frère. Est-ce que les circonstances les amènent à mettre de côté les disputes habituelles au sein d’une fratrie?</strong></p> <p>Non, je pense que leur relation serait la même en d’autres circonstances. 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Je pense que le théâtre est un outil de résilience, d’ailleurs, je viens de terminer une pièce qui réunit sur scène des migrants et des Fribourgeois dans l’idée qu’on peut avoir des histoires de vie très différentes et se retrouver autour d’un projet qui crée du lien. </p> <hr /> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1721306618_eh_231ecouvmarilourytz_md1200x2000.jpg" class="img-responsive img-fluid left " width="200" height="333" /></p> <h4>«Quand papa est tombé malade», Marilou Rytz, Editions de l’Hèbe, 288 pages.</h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'quand-papa-deale-et-maman-ment', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 108, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 2859, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5018, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Un tableau sociologique qui se déguste avec bonheur', 'subtitle' => 'L’autrice genevoise Marie Beer excelle dans l'art de camper des personnages hauts en couleur et de jouer sur les contrastes. 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Dans un format qui tranche avec ceux auxquels il nous avait habitués – et c’est peut-être là une illustration de son propos – l’écrivain prolifique Pierre Yves Lador propose, sous le titre Décroissance Développement, un petit livre rouge paru en 2013 aux éditions Hélice Hélas.
Pierre Yves Lador, qu’est-ce qui vous a incité à consacrer un petit livre à la décroissance?
Je l’ai écrit par esprit de contradiction. Parce que je me méfie des discours qui martèlent une vérité unique et peut-être par solidarité avec ceux qui pensent la décroissance nécessaire.
Vous considérez donc qu’on nous présente la croissance comme une absolue nécessité, la seule option possible?
C’est le discours prévalent. On nous matraque à longueur de temps des objectifs de croissance sans s’interroger sur leur nécessité. Inutile de mentionner les angoisses, la panique dès que la croissance économique est à 0,2%, presque arrêtée, pas l’économie, la croissance, car il semble que c’est seulement la croissance, l’accélération en somme qui compte, si tout le monde vivait bien, ce ne serait pas une réussite, il faut vivre mieux… La croissance est le seul modèle qu’on nous propose: les sportifs nous enseignent tous les jours qu’il faut aller plus fort, plus vite, plus loin.
Vous n’êtes pas de cet avis?
Le progrès est la croyance la plus répandue. Ce ne sont pas les religions, les intégrismes, les extrémismes qui sont l’opium du peuple, mais le progrès. Plus il se développe, plus l’insatisfaction potentielle augmente. La mesure du progrès, c’est l’accroissement du clivage entre la réalité et la représentation qu’on s’en fait. Le progrès n’a fait qu’accroître l’ambition de l’homme et son besoin de contrôle. Moins l’humain contrôle plus il veut contrôler et plus ça va mal, plus il veut agir.
Pourquoi ce dogme fait-il autant d’adeptes?
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En quoi le progrès est-il nuisible?
Le progrès est une fuite en avant. Il entraîne chaque fois des effets indésirables qu’on prétend résoudre avec d’autres progrès. À terme, le progrès tend à remplacer l’homme par la machine. Il aboutit à l’intelligence artificielle. Or, du point de vue de l’intelligence artificielle, l’humain est un parasite à éliminer. Le progrès génère aussi une accélération qui rend le recyclage impossible (obsolescence). L’amélioration se retourne ainsi en «empirement».
Vous affirmez que chaque progrès contient le germe de la catastrophe. Quels exemples illustrent le mieux cette idée?
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Je suis prêt à croire, intuitivement, que dix milliards d’humains pourraient vivre harmonieusement sur cette terre (…). Mais je suis convaincu, intuitivement, que cela n’arrivera pas (…) parce que l’humain est construit comme il l’est, il est un cheval dans une locomotive (…), son cerveau est si mal intégré qu’il ne peut inventer l’eau chaude sans flanquer le feu à la maison (…) La décroissance est invendable parce que l’humain n’est pas prêt à renoncer à quoi que ce soit. Le concept de diminution est contraire à la vie qui, à tous les niveaux, tend à la croissance et à la multiplication. Un individu peut sublimer son désir de conquête du monde en désir de l’infini, peut accepter ses limites, voire sa mort, mais pas l’humanité.
Mais, au fait, êtes-vous un adepte de la décroissance?
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Quelle solution prônez-vous?
Je ne prône rien, mais je tente de pratiquer la frugalité (peu de lumière, peu de déplacement en véhicule, bouger et marcher réchauffe, penser éclaire) et le développement spirituel (sourire davantage, saluer, contempler, méditer, rendre grâce).
Votre petit livre est donc résolument pessimiste?
Pessimiste, mais avant tout réaliste, non dénué d’humour. Et surtout je n’écris aucun livre sans une touche d’autodérision.
Pierre Yves Lador, Décroissance Développement, Hélice Hélas, 2013.
Retrouvez d'autres articles sur le même thème dans notre dossier spécial Décroissance.
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Lors de la remise du Prix des Ecrivains Vaudois qui lui fut attribué en 2013 pour l’ensemble de son oeuvre, cet ancien directeur de la Bibliothèque municipale de Lausanne, aujourd’hui éditeur chez Hélice Hélas, mais encore, toujours et surtout auteur s’est défini comme «le plus gros concurrent d’Easyjet: pour deux fois moins cher, mon livre vous emmène au cœur de vous-même, destination si lointaine qu’il est rare qu’on y arrive… »', 'subtitle_edition' => null, 'content' => '<p style="text-align: left;">Dans un format qui tranche avec ceux auxquels il nous avait habitués – et c’est peut-être là une illustration de son propos – l’écrivain prolifique Pierre Yves Lador propose, sous le titre <em>Décroissance Développement</em>, un petit livre rouge paru en 2013 aux éditions Hélice Hélas.</p> <p><strong>Pierre Yves Lador, qu’est-ce qui vous a incité à consacrer un petit livre à la décroissance? </strong></p> <p>Je l’ai écrit par esprit de contradiction. Parce que je me méfie des discours qui martèlent une vérité unique et peut-être par solidarité avec ceux qui pensent la décroissance nécessaire.</p> <p><strong>Vous considérez donc qu’on nous présente la croissance comme une absolue nécessité, la seule option possible? </strong></p> <p>C’est le discours prévalent. On nous matraque à longueur de temps des objectifs de croissance sans s’interroger sur leur nécessité. Inutile de mentionner les angoisses, la panique dès que la croissance économique est à 0,2%, presque arrêtée, pas l’économie, la croissance, car il semble que c’est seulement la croissance, l’accélération en somme qui compte, si tout le monde vivait bien, ce ne serait pas une réussite, il faut vivre mieux… La croissance est le seul modèle qu’on nous propose: les sportifs nous enseignent tous les jours qu’il faut aller plus fort, plus vite, plus loin.</p> <p><strong>Vous n’êtes pas de cet avis? </strong></p> <p>Le progrès est la croyance la plus répandue. Ce ne sont pas les religions, les intégrismes, les extrémismes qui sont l’opium du peuple, mais le progrès. Plus il se développe, plus l’insatisfaction potentielle augmente. La mesure du progrès, c’est l’accroissement du clivage entre la réalité et la représentation qu’on s’en fait. Le progrès n’a fait qu’accroître l’ambition de l’homme et son besoin de contrôle. Moins l’humain contrôle plus il veut contrôler et plus ça va mal, plus il veut agir.</p> <p><strong>Pourquoi ce dogme fait-il autant d’adeptes? </strong></p> <p>La croissance est une fatalité inhérente à la nature humaine, à la nature elle-même. L’homme ne veut pas le bien, mais le mieux. Il veut l’immortalité ou, à défaut, une longévité plus grande, ou en attendant tout tout de suite. Il est facile de manipuler une créature qui, non seulement désire tout cela, mais qui en outre, stupidement, pense la réalisation de ses désirs possible et souhaitable, voire indispensable. 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Un accident nucléaire implique des dizaines de milliers de morts, des centaines d’années de conséquences et des gènes modifiés, l’humanité abâtardie.</p> <p><strong>Vous comparez le nucléaire à l’alchimie</strong></p> <p>Oui, puisqu’on est dans la transmutation de la matière en énergie, mais par un apprenti sorcier et non un maître.</p> <p><strong>Croyez-vous à la possibilité d’une décroissance? </strong></p> <p>Je suis prêt à croire, intuitivement, que dix milliards d’humains pourraient vivre harmonieusement sur cette terre (…). Mais je suis convaincu, intuitivement, que cela n’arrivera pas (…) parce que l’humain est construit comme il l’est, il est un cheval dans une locomotive (…), son cerveau est si mal intégré qu’il ne peut inventer l’eau chaude sans flanquer le feu à la maison (…) La décroissance est invendable parce que l’humain n’est pas prêt à renoncer à quoi que ce soit. Le concept de diminution est contraire à la vie qui, à tous les niveaux, tend à la croissance et à la multiplication. Un individu peut sublimer son désir de conquête du monde en désir de l’infini, peut accepter ses limites, voire sa mort, mais pas l’humanité.</p> <p><strong>Mais, au fait, êtes-vous un adepte de la décroissance? </strong></p> <p>Seulement à l’échelle individuelle. Par son urgence et son besoin de généralisation, la décroissance s’inscrit dans la même dynamique que la croissance. Elle en est en quelque sorte l’avatar. On ne peut la vendre qu’en la présentant comme une possibilité de croissance (voiture électrique, avion solaire) jamais de renoncement, de diminution ou alors en mentant, en édulcorant (plus de congés, plus de confort) en oubliant que cela veut dire plus de consommation…</p> <p><strong>Cette notion d’édulcoration revient souvent dans votre discours. 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Il m’est finalement apparu que les autres personnages étaient plus intéressants en creux. Parce que c’est clairement autour d’un personnage que je construis ma narration pour un roman: en l’occurrence autour de Noah, dit le puceron, avec la problématique du mensonge et de la prison. La nouvelle en revanche s’articule plutôt autour d’une thématique, parce qu’on a moins de temps pour développer les personnages. Il faut les rendre très clairs en peu de lignes.</p> <p><strong>Qu’est-ce qui vous a inspiré l’envie de parler de la situation des proches de délinquants?</strong></p> <p>Une émission à la radio où Viviane Schekter de la fondation REPR (Relai Enfant Parents Romands) parlait des familles de détenus. La prison m’intéresse depuis longtemps, mais je n’avais jamais pensé à ce que la détention pouvait impliquer pour les familles. J’ai ensuite été bénévole pour Repère pendant des années au Bois-Mermet. 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Cet amour très fort et cet agacement ultime existent avant l’incarcération du père. S’y ajoutent ensuite l’inquiétude et le besoin de protéger le petit frère. Oriane en veut à ses parents de devoir porter leur mensonge.</p> <p><strong>Votre narratrice est gardienne de foot dans une équipe mixte: le prétexte pour ajouter une petite touche féministe à votre livre?</strong></p> <p>Oui clairement. Je me suis demandée ce qu’on faisait à cet âge comme activité extrascolaire. J’ai voulu choisir quelque chose d’éloigné de mes propres activités pour éviter qu’Oriane ne devienne une sorte d’alter ego. C’était un bon moyen de prendre de la distance.</p> <p><strong>Comment avez-vous réussi à restituer de façon aussi convaincante les tics de langage, l’attitude très entière propre à l’adolescence, mais aussi une forme de mal-être, de crainte du jugement sans doute exacerbée par ce qu’elle vit?</strong></p> <p>C’est venu très naturellement. 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Je pourrais imaginer un texte centré sur Léonore (la mère) qui montre la complexité du système social.</p> <p><strong>Y a-t-il là aussi une volonté militante de votre part, montrer par exemple que la pauvreté se transmet d’une génération à l’autre, puisque la fille exclut d’emblée la voie des études?</strong></p> <p>J’ai montré par petites touches que la situation économique cloisonne toute la famille, mais les enfants pourraient en pâtir beaucoup plus. Léonore fait parapluie et préserve sa fille. Je voulais creuser la manière dont un parent doit jongler pour faire face aux besoins de base des enfants et la frustration de devoir le priver. </p> <p><strong>L’art en général, le théâtre en l’occurrence a-t-il un effet rédempteur?</strong></p> <p>Oui, c’est là que Léonore retrouve une place et une famille. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
3 Commentaires
@Charles-Pascal GHIRINGHELLI 24.04.2019 | 11h44
«"Non qui parum habet, sed qui cupit, pauper est " Sénèque
Merci pour l'excellent article.
Bonne journée.
Charles-Pascal GHIRINGHELLI »
@Qovadis 24.04.2019 | 18h25
«Pour ceux à qui la décroissance a fait perdre leur latin, j’offre une traduction: Pauvre n’est pas celui qui a peu, mais celui qui veut trop.»
@Eggi 01.05.2019 | 16h17
«Merci pour la traduction, Sénèque plus ultra...»