Actuel / L'offensive anti-LGBT illustre un incroyable renversement de valeurs
La pride du 20 juillet à Bialystok, à l'est de la Pologne a donné lieu à des violences. © Jerzy Baliski / AFP
Anna C. Zielinska, Université de Lorraine
L’un des journaux d’extrême droite polonais, Gazeta Polska, a annoncé le 17 juillet 2019 l’ajout d'un bonus à son édition du 24 juillet: un autocollant imprimé d'un arc-en-ciel barré où on peut lire «zone libre de LGBT». Ce «cadeau» aux lecteurs est tout particulièrement prévu pour être distribué et collé sur les devantures des commerces de proximité et s'inscrit dans une campagne qui touche également une trentaine d'entités territoriales depuis début juillet.
Newsweek a proposé, en collaboration avec la Campagne contre l’homophobie (KPH), une série d'autocollants marqués «zone libre de haine».
En écho avec les déclarations choquées qui ont émergé un peu partout dans le monde occidental, les autocollants «zone libre de haine» en couleurs d’arc-en-ciel ont été distribués par l’organisation Campagne contre homophobie, et d’autres, avec le même texte mais en couleurs du drapeaux polonais, ont été joints à l’édition de Newsweek Polska (28 juillet 2019).
Difficile cependant de ne pas établir un lien entre ces autocollants et les sombres affichettes «Nur für Deutsche» qui ont orné les établissements publics polonais il y a plus de 70 ans, lorsque l'accès à certains lieux était interdit aux non-Aryens pendant l'occupation allemande.
L’analogie avec l’occupation nazie peut paraître exagérée. Certes, les personnes LGBT ne seront pas systématiquement interdites d'entrer dans des commerces qui afficheront l’autocollant incriminé.
Cependant, ces autocollants et les discours qui les accompagnent participent d'un même terreau haineux, propice au rejet, social et physique, des personnes LGBT et de leurs alliés dans un pays où les ultra-conservateurs sont particulièrement puissants.
Ces derniers présentent désormais les personnes LGBT et les militants défendant leurs droits comme des êtres complètement étrangers au corps social polonais, des agents représentant des intérêts «gauchistes» issus d'un lobby mondial et complotant à l'encontre de la culture polonaise.
Or, ce discours porte déjà ses fruits, comme peuvent en témoigner les participants de la première marche des fiertés à Bialystok le 20 juillet 2019, qui ont du faire face à près de soixante contre-manifestations et marcher sous les huées, les prises à partie, la peur. Comment comprendre ce déferlement de violences à l'encontre des droits des minorités sexuelles en Pologne?
Liberté versus non-discrimination
Le contexte est d’abord juridique. En 2016, un imprimeur de Lodz refuse de réaliser une commande passée par une organisation LGBT locale, sous prétexte que la demande allait à l’encontre de ses convictions chrétiennes.
Le client, la fondation LGBT Business Forum, porte plainte. L'imprimeur perd le procès à trois reprises pour «refus de service sans justification» (Code des délits, art. 138). La Cour Suprême statue même que la règle de non discrimination est plus importante que la liberté économique ou d’opinion postulée par la défense de l’imprimeur. Toutefois, à la demande du ministre de la justice Zbigniew Ziobro, la Cour constitutionnelle se saisit de l’affaire. Le 14 juin 2019, dans une jurisprudence étonnante, elle annule les décisions précédentes, donnant ainsi raison au commerçant.
Une certaine conception de la liberté a donc gagné, celle de refuser de prendre en compte l’autre dans sa diversité, en vertu d'une moralité définie par la majorité absolue, dans le pur mépris du respect du droit des minorités.
Un cas similaire s'est d'ailleurs produit aux États-Unis en 2012. La Cour suprême a ainsi jugé en juin 2018, qu’un pâtissier américain ayant refusé un gâteau à un couple homosexuel était dans son droit, en vertu de la liberté d’exercer ses droits religieux. Le cas a fait école encore plus récemment, comme au Texas, où une proposition de loi permettant aux entreprises de refuser des services au nom de la croyance religieuse a été entendue et participe d'un phénomène plus général.
Une croisade contre «l'idéologie LGBT»
En Pologne, l'affaire fait d'autant plus de bruit que les médias proches du gouvernement (et critiqués pour leurs positions) se sont fait les défenseurs d'un employé d'Ikea, licencié pour avoir cité sur le forum internet de son employeur des passages de la Bible interprétés comme homophobes (Lévitique 20:13 et Mat. 18:6).
Ce licenciement a été aussitôt dénoncé dans un document suprenant, émis par le Conseil de la Conférence épiscopale polonaise sur l'apostolat séculier, consacré à «l’imposition des idéologies LGBT».
Ce document illustre en grande partie ce qui est entendu par «LGBT» dans le discours officiel, à la fois celui du gouvernement, de l'Eglise catholique et des médias, et compris par de nombreux Polonais au quotidien.
On y lit dans cette déclaration épiscopale notamment que, si les personnes LGBT méritent le respect, elles doivent surtout respecter les autres, et être, elles aussi, tolérantes et moins agressives. D'après leurs détracteurs, leur «propagande» limiterait même la liberté de conscience des parents.
Un pseudo appel à la tolérance
Pourtant, ce document ne définit pas ce qu'il nomme «l’idéologie LGBT» ni ne précise en quoi elle affecte la société. Celle-ci est simplement pointée du doigt comme une menace, un épouvantail, un slogan encore plus insaisissable que celui de «la fin de la civilisation chrétienne» avancé avec fracas par le hongrois Victor Orban et repris par de nombreux Polonais.
Par ailleurs, les injonctions de la Conférence épiscopale polonaise sont paradoxales, car de facto elles mettent sur le même plan l’appel au meurtre (les deux citations de la Bible) et l’appel à l’acceptation des personnes LGBT (postulats des militants). Les deux appels sont présentés comme égaux au nom de la simple expression d’une «opinion».
Ce pseudo appel à la tolérance, issu par les milieux conservateurs et s'adressant à des milieux LGBT, reprend donc à son compte le texte biblique selon lequel l’homosexualité est «une chose abominable», punissable de mort.
L’épiscopat, au lieu de rappeler que la lecture de la Bible ne peut pas se contenter du texte, mais doit passer par des interprétations savantes apportées par la tradition, encourage une lecture littérale et contraire à l’esprit et à la lettre de ce qui est proposé actuellement par le Vatican.
Le fantasme LGBT
L'affaire des autocollants reprend tous les éléments de ces discours: le fantasme d'une idéologie LGBT unifiée, venant d'une Europe de l'ouest et déshumanisée dont les représentants sont forcément des ennemis de la culture polonaise et catholique.
La notion de liberté se retrouve ainsi instrumentalisée par des organes tels que la fondation «Maman et Papa». La fondation a notamment publié un rapport très commenté depuis 2010, intitulé: «Contre la liberté et la démocratie. Stratégie politique du lobby LGTB en Pologne et dans le monde: objectifs, outils, conséquences».
Selon ce rapport, les objectifs de ce «lobby» qu'est le mouvement LGBT mondial seraient de «pénaliser le soi-disant discours de haine en raison de son orientation sexuelle», introduire une «éducation sexuelle» dans les écoles orientée par les militants LGBT, donner aux couples homosexuels l’accès au mariage, à l’adoption.
Cet agenda politique ainsi «révélé» par les défenseurs de la «civilisation chrétienne» surprend. En effet, la plupart de ces propositions, attribuées au «lobby» ont été ouvertement défendues et implantées dans différents pays, par le biais de politiques publiques profitant également à la majorité.
D'une opinion à l'autre
Paradoxalement, ce que reprochent les néo-conservateurs polonais ou américains aux personnes LGBT et à leurs alliés c'est leur intolérance à l’égard des opinions majoritaires.
C’est bien cette notion qui est aujourd’hui reprise par Tomasz Sakiewicz, le rédacteur en chef de Gazeta Polska. Selon lui, l’autocollant proposé par son journal est «une réponse à des milliers de demandes de nos lecteurs de s'opposer enfin à attaquer quiconque pense différemment des idéologues LGBT»
Pour Sakiewicz et ses lecteurs, il ne s'agirait que d'une opinion désormais sujette à une nouvelle forme de totalitarisme.
«Le symbole LGBT est aujourd'hui associé à la faucille, au marteau et à la croix gammée», dit le journaliste, en précisant: «peut-être il y a là des bonnes intentions, tout comme il y en avait dans l’idéologie communiste. Mais il faut l’arrêter, avant qu’on n’aille trop loin dans le déni de la diversité» (sic).
Le discours victimaire de la majorité hégémonique
La majorité hégémonique réussit aujourd'hui à se présenter comme victime, exploit désormais récurrent à en croire les discours de dirigeants populistes et leurs soutiens, de Donald Trump à Jair Bolsonaro, de Matteo Salvini à Narendra Modi.
Il s’agit là donc plus d’une stratégie populiste particulièrement cruelle et aveugle, dans un pays où, comme partout en Europe, le nombre de tentatives de suicide et de suicides des adolescents LGBT est bien plus élevé que celui des adolescents cis et hétérosexuels.
Or, cette stratégie trouve aujourd'hui un auditoire important en Pologne, où le pays se prépare aux élections parlementaires, prévues pour l'automne.
En 2015, le parti Droit et Justice (PiS) avait été élu sur un discours fondé essentiellement sur l'idée de cohésion nationale, faisant rempart à une «immigration incontrôlée» incarné par une Angela Merkel vilipendée par l'ultra-droite polonaise. En 2019, le parti fait déjà recette sur la défense contre l’«offensive LGBT».
Suite à une action en justice commune d’un organisateur de la Marche de l’Égalité à Lublin et de l’organisation «Tribunaux libres», le tribunal de première instance à Varsovie a interdit, le 25 juillet, la distribution des autocollants Cette interdiction n’a pas été suivie des faits très concrets, le rédacteur en chef de Gazeta Polska l'a ignoré tout en appelant à la solidarité dans la lutte contre l’offensive LGBT.
Tout au long de la semaine qui a suivi les violences contre les manifestants de la Marche de l’Egalité à Bialystok, de nouveaux comptes-rendus ont émergé. Notamment celui de l’écrivain Jacek Dehnel, qui a décrit les menaces de mort émanant d’adolescents et de personnes âgées, des gens donc qui ne peuvent pas être considérés comme appartenant à une frange radicalisée de la société. Un autre écrivain et journaliste, Przemysław Witkowski, a lui été gravement battu à Wroclaw, le 25 juillet 2019, pour s’être opposé à des graffitis anti-LGBT.
Le 27 et le 28 juillet, plusieurs manifestations de solidarité ont eu lieu en Pologne et à l’étranger – ainsi que devant l’Ambassade de Pologne à Paris.
(Mise à jour le 28 juillet 2019).
Anna C. Zielinska, MCF en philosophie morale, philosophie politique et philosophie du droit, Université de Lorraine
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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Ce «cadeau» aux lecteurs est tout particulièrement prévu pour être distribué et collé sur les devantures des commerces de proximité et s'inscrit dans une campagne qui <a href="https://www.lapresse.ca/international/europe/201907/10/01-5233413-pologne-une-trentaine-dentites-se-declarent-libres-de-lgbt.php">touche également une trentaine d'entités territoriales depuis début juillet</a>.</p> <p><em>Newsweek</em> a proposé, en collaboration avec la Campagne contre l’homophobie (KPH), une série d'autocollants marqués <a href="https://kph.org.pl/naklejka-strefa-wolna-od-nienawisci-moze-byc-twoja/">«zone libre de haine»</a>.</p> <p>En écho avec les <a href="https://plus.lesoir.be/237506/article/2019-07-19/pologne-le-sticker-de-la-honte-qui-choque-au-dela-des-lgbt">déclarations choquées</a> qui ont émergé un peu partout dans le monde occidental, les autocollants «zone libre de haine» en couleurs d’arc-en-ciel ont été distribués par <a href="https://kph.org.pl/naklejka-strefa-wolna-od-nienawisci-moze-byc-twoja">l’organisation Campagne contre homophobie</a>, et d’autres, avec le même texte mais en couleurs du drapeaux polonais, ont été joints à l’édition de <em>Newsweek Polska</em> <a href="https://www.facebook.com/NewsweekPolska/photos/a.134803169892383/2477843268921683/?type=3&theater">(28 juillet 2019)</a>.</p> <p>Difficile cependant de ne pas établir un lien entre ces autocollants et les sombres affichettes «Nur für Deutsche» qui ont orné les établissements publics polonais il y a plus de 70 ans, lorsque l'accès à certains lieux était interdit aux non-Aryens pendant l'occupation allemande.<br /><br /></p> <figure style="text-align: center;"><img src="https://images.theconversation.com/files/285137/original/file-20190722-11339-v9a38e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /> <figcaption><span>«Réservé aux passagers allemands uniquement» peut-on lire sur ce tram de la route 8, wagon n. 94 à Cracovie sous l'occupation nazie.</span> <span><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Nur_f%C3%BCr_Deutsche">Theuergarten Ewald - Narodowe Archiwum Cyfrowe <small>©</small> 2-7934/ Wikimedia</a><br /><br /></span></figcaption> </figure> <p>L’analogie avec l’occupation nazie peut paraître exagérée. Certes, les personnes LGBT ne seront pas systématiquement interdites d'entrer dans des commerces qui afficheront l’autocollant incriminé.</p> <p>Cependant, ces autocollants et les discours qui les accompagnent participent d'un même terreau haineux, propice au rejet, social et physique, des personnes LGBT et de leurs alliés dans un pays où les ultra-conservateurs sont <a href="https://www.bastamag.net/En-Pologne-le-gouvernement-attaque-sans-relache-les-droits-des-femmes">particulièrement puissants</a>.</p> <p>Ces derniers présentent désormais les personnes LGBT et les militants défendant leurs droits comme des êtres complètement étrangers au corps social polonais, des agents représentant des intérêts «gauchistes» issus d'un lobby mondial et complotant à l'encontre de la culture polonaise.</p> <p>Or, ce discours porte déjà ses fruits, comme peuvent en témoigner les participants de la première marche des fiertés à Bialystok <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/07/22/a-bialystok-une-marche-de-l-egalite-sous-le-signe-de-la-peur_5491954_3210.htm">le 20 juillet 2019,</a> qui ont du faire face à près de soixante contre-manifestations et marcher sous les huées, les prises à partie, la peur. Comment comprendre ce déferlement de violences à l'encontre des droits des minorités sexuelles en Pologne?<br /><br /></p> <h2>Liberté versus non-discrimination</h2> <p>Le contexte est d’abord juridique. En 2016, un imprimeur de Lodz refuse de réaliser une commande passée par une organisation LGBT locale, sous prétexte que <a href="https://kph.org.pl/sprawa-drukarza-z-lodzi-od-drukarni-do-trybunalu-konstytucyjnego">la demande allait à l’encontre de ses convictions chrétiennes</a>.</p> <p>Le client, la fondation LGBT Business Forum, porte plainte. L'imprimeur perd le procès à trois reprises pour «refus de service sans justification» (Code des délits, art. 138). La Cour Suprême statue même que la règle de non discrimination est plus importante que la liberté économique ou d’opinion postulée par la défense de l’imprimeur. Toutefois, à la demande du ministre de la justice Zbigniew Ziobro, la Cour constitutionnelle se saisit de l’affaire. Le 14 juin 2019, dans une jurisprudence étonnante, elle <a href="https://www.courrierinternational.com/une/discriminations-en-pologne-les-commercants-peuvent-refuser-les-clients-homosexuels">annule les décisions précédentes, donnant ainsi raison au commerçant</a>.</p> <p>Une certaine conception de la liberté a donc gagné, celle de refuser de prendre en compte l’autre dans sa diversité, en vertu d'une moralité définie par la majorité absolue, dans le pur mépris du respect du droit des minorités.</p> <p>Un cas similaire s'est d'ailleurs produit aux États-Unis en 2012. La Cour suprême a ainsi jugé en juin 2018, qu’un pâtissier américain ayant refusé un gâteau à un couple homosexuel était dans son droit, <a href="https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2018/06/04/victoire-judiciaire-pour-un-patissier-americain-ayant-refuse-un-gateau-a-un-couple-homosexuel_5309550_3222.html">en vertu de la liberté d’exercer ses droits religieux</a>. Le cas <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/ablj.12135">a fait école </a> encore plus récemment, comme au Texas, où une proposition de loi permettant aux entreprises de refuser des services au nom de la croyance religieuse a été <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2019/apr/05/texas-sb17-lgbt-discrimination-religious-freedom">entendue</a> et participe d'un <a href="https://www.theguardian.com/world/2018/jun/04/project-blitz-the-legislative-assault-by-christian-nationalists-to-reshape-america">phénomène</a> plus général.<br /><br /></p> <h2>Une croisade contre «l'idéologie LGBT»</h2> <p>En Pologne, l'affaire fait d'autant plus de bruit que les médias proches du gouvernement (et critiqués <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/pologne-le-combat-continue-apres-le-meurtre-du-maire-de-gdansk_3219623.html">pour leurs positions</a>) se sont fait les défenseurs d'un employé d'Ikea, licencié pour avoir cité sur le forum internet de son employeur des passages de la Bible interprétés comme homophobes (<a href="https://www.catholicworld.info/paroissechinoise/bible/Bible/Bible_jr/bdj/levitique.html">Lévitique 20:13 et Mat. 18:6</a>).</p> <p>Ce licenciement a été aussitôt dénoncé dans un <a href="https://episkopat.pl/oswiadczenie-rady-konferencji-episkopatu-polski-ds-apostolstwa-swieckich-w-sprawie-narzucania-ideologii-lgbt">document suprenant</a>, émis par le Conseil de la Conférence épiscopale polonaise sur l'apostolat séculier, consacré à «<a href="https://www.ladepeche.fr/2019/07/07/les-eveques-de-pologne-denoncent-lendoctrinement-lgbt-exerce-par-ikea,8300454.php">l’imposition des idéologies LGBT</a>».</p> <p>Ce document illustre en grande partie ce qui est entendu par «LGBT» dans le discours officiel, à la fois celui du gouvernement, de l'Eglise catholique et des médias, et compris par de nombreux Polonais au quotidien.</p> <p>On y lit dans cette déclaration épiscopale notamment que, si les personnes LGBT méritent le respect, elles doivent surtout respecter les autres, et être, elles aussi, tolérantes et moins agressives. D'après leurs détracteurs, leur «propagande» limiterait même la liberté de conscience des parents.<br /><br /></p> <h2>Un pseudo appel à la tolérance</h2> <p>Pourtant, ce document ne définit pas ce qu'il nomme «l’idéologie LGBT» ni ne précise en quoi elle affecte la société. Celle-ci est simplement pointée du doigt comme une menace, un épouvantail, un slogan encore plus insaisissable que celui de «la fin de la civilisation chrétienne» avancé avec fracas par <a href="http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2015/09/03/97001-20150903FILWWW00260-migrants-l-identite-chretienne-menacee-selon-viktor-orban">le hongrois Victor Orban</a> et repris par de nombreux Polonais.</p> <p>Par ailleurs, les injonctions de la Conférence épiscopale polonaise sont paradoxales, car <em>de facto</em> elles mettent sur le même plan l’appel au meurtre (les deux citations de la Bible) et l’appel à l’acceptation des personnes LGBT (postulats des militants). Les deux appels sont présentés comme égaux au nom de la simple expression d’une «opinion».</p> <p>Ce pseudo appel à la tolérance, issu par les milieux conservateurs et s'adressant à des milieux LGBT, reprend donc à son compte le texte biblique selon lequel l’homosexualité est «une chose abominable», punissable de mort.</p> <p>L’épiscopat, au lieu de rappeler que la lecture de la Bible ne peut pas se contenter du texte, mais doit passer par des interprétations savantes apportées par la tradition, encourage une lecture littérale et contraire à l’esprit et à la lettre de <a href="https://www.revue-etudes.com/article/qui-suis-je-pour-juger-16391">ce qui est proposé actuellement</a> par le Vatican.<br /><br /></p> <h2>Le fantasme LGBT</h2> <p>L'affaire des autocollants reprend tous les éléments de ces discours: le fantasme d'une idéologie LGBT unifiée, venant d'une Europe de l'ouest et déshumanisée dont les représentants sont forcément des ennemis de la culture polonaise et catholique.</p> <p>La notion de liberté se retrouve ainsi <a href="https://www.cairn.info/revue-raisons-politiques-2013-1-page-119.htm">instrumentalisée</a> par des organes tels que <a href="http://www.mamaitata.org.pl/raporty/przeciw-wolnosci-i-demokracji">la fondation «Maman et Papa»</a>. La fondation a notamment publié un rapport très commenté depuis 2010, intitulé: «Contre la liberté et la démocratie. Stratégie politique du lobby LGTB en Pologne et dans le monde: objectifs, outils, conséquences».</p> <p>Selon ce rapport, les objectifs de ce «lobby» qu'est le mouvement LGBT mondial seraient de «pénaliser le soi-disant discours de haine en raison de son orientation sexuelle», introduire une «éducation sexuelle» dans les écoles orientée par les militants LGBT, donner aux couples homosexuels l’accès au mariage, à l’adoption.</p> <p>Cet agenda politique ainsi «révélé» par les défenseurs de la «civilisation chrétienne» surprend. En effet, la plupart de ces propositions, attribuées au «lobby» ont été ouvertement défendues et implantées dans différents pays, par le biais de politiques publiques profitant également à la majorité.<br /><br /></p> <h2>D'une opinion à l'autre</h2> <p>Paradoxalement, ce que reprochent les néo-conservateurs polonais ou américains aux personnes LGBT et à leurs alliés c'est leur intolérance à l’égard des opinions majoritaires.</p> <p>C’est bien cette notion qui est aujourd’hui reprise par Tomasz Sakiewicz, le rédacteur en chef de <em>Gazeta Polska</em>. Selon lui, l’autocollant proposé par son journal est «une réponse à des milliers de demandes de nos lecteurs de s'opposer enfin à attaquer quiconque pense différemment des idéologues LGBT»</p> <p>Pour Sakiewicz et ses lecteurs, il ne s'agirait que d'une opinion désormais sujette à une nouvelle forme de totalitarisme.</p> <p>«Le symbole LGBT est aujourd'hui associé à la faucille, au marteau et à la croix gammée», dit <a href="https://niezalezna.pl/280592-sakiewicz-wyjasnia-sens-akcji-strefawolnaodlgbt-naklejki-sprzeciwiaja-sie-nietolerancji">le journaliste</a>, en précisant: «peut-être il y a là des bonnes intentions, tout comme il y en avait dans l’idéologie communiste. Mais il faut l’arrêter, avant qu’on n’aille trop loin dans le déni de la diversité» (sic).<br /><br /></p> <h2>Le discours victimaire de la majorité hégémonique</h2> <p>La majorité hégémonique réussit aujourd'hui à se présenter comme victime, exploit désormais récurrent à en croire <a href="https://www.washingtonpost.com/blogs/plum-line/wp/2018/10/29/how-trump-and-republicans-wield-the-politics-of-victimhood">les discours de dirigeants populistes</a> et leurs soutiens, de Donald Trump à Jair Bolsonaro, de Matteo Salvini à Narendra Modi.</p> <p>Il s’agit là donc plus d’une stratégie populiste particulièrement cruelle et aveugle, dans un pays où, comme partout en Europe, le nombre de tentatives de suicide et de suicides des adolescents LGBT est <a href="https://fra.europa.eu/sites/default/files/eu-lgbt-survey-results-at-a-glance_fr.pdf">bien plus élevé que celui des adolescents cis et hétérosexuels</a>.<br /><br /></p> <figure style="text-align: center;"><iframe frameborder="0" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/B6GOYVsOQy4?wmode=transparent&start=0" width="440"></iframe> <figcaption><span>Etude de l'agence de l'Union européenne pour les droits fondamentaux.<br /><br /></span></figcaption> </figure> <p>Or, cette stratégie trouve aujourd'hui un auditoire important en Pologne, où le pays se prépare aux élections parlementaires, prévues pour l'automne.</p> <p>En 2015, <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/pologne-retour-sur-10-mois-de-politique-ultra-conservatrice_3063595.html">le parti Droit et Justice (PiS) avait été élu</a> sur un discours fondé essentiellement sur l'idée de cohésion nationale, faisant rempart à une «immigration incontrôlée» incarné par une Angela Merkel vilipendée par l'ultra-droite polonaise. En 2019, le parti fait déjà recette sur la défense contre l’«offensive LGBT».</p> <p>Suite à une action en justice commune d’un organisateur de la Marche de l’Égalité à Lublin et de l’organisation «Tribunaux libres», le tribunal de première instance à Varsovie a interdit, le 25 juillet, <a href="https://www.rp.pl/Dobra-osobiste/307259947-Sad-Gazeta-Polska-nie-moze-rozpowszechniac-naklejek-przeciw-LGBT.html">la distribution des autocollants</a> Cette interdiction n’a pas été suivie des faits très concrets, le rédacteur en chef de <em>Gazeta Polska</em> l'a ignoré tout en appelant à la solidarité dans la lutte contre l’offensive LGBT.</p> <p>Tout au long de la semaine qui a suivi les violences contre les manifestants de la Marche de l’Egalité à Bialystok, de nouveaux comptes-rendus ont émergé. Notamment celui de l’écrivain Jacek Dehnel, <a href="https://oko.press/bialystok-dehnel-15-latka-patrzy-na-mnie-wsciekle-i-utrzymujac-kontakt-wzrokowy-powoli-przesuwa-palcem-po-szyi">qui a décrit</a> les menaces de mort émanant d’adolescents et de personnes âgées, des gens donc qui ne peuvent pas être considérés comme appartenant à une frange radicalisée de la société. Un autre écrivain et journaliste, Przemysław Witkowski, a lui été gravement battu à Wroclaw, le 25 juillet 2019, pour s’être opposé à des <a href="https://www.tvn24.pl/wroclaw,44/przemyslaw-witkowski-wykladowca-i-dziennikarz-pobity-we-wroclawiu-skrytykowal-homofobiczne-napisy,955952.html.">graffitis anti-LGBT</a>.</p> <p>Le 27 et le 28 juillet, plusieurs <a href="https://tvnwarszawa.tvn24.pl/informacje,news,warszawa-solidarna-z-bialymstokiem-manifestacja-przeciwko-przemocy,296069.html">manifestations de solidarité</a> ont eu lieu en Pologne et à l’étranger – ainsi que devant <a href="https://www.facebook.com/events/905305276488961/">l’Ambassade de Pologne à Paris</a>.</p> <p><em>(Mise à jour le 28 juillet 2019)</em>.</p> <hr /> <p><img src="https://counter.theconversation.com/content/120770/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/anna-c-zielinska-734906">Anna C. Zielinska</a>, MCF en philosophie morale, philosophie politique et philosophie du droit, <em><a href="http://theconversation.com/institutions/universite-de-lorraine-2158">Université de Lorraine</a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="http://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/en-pologne-loffensive-anti-lgbt-illustre-un-incroyable-renversement-de-valeurs-120770">article original</a>.</h4>', 'content_edition' => null, 'slug' => 'l-offensive-anti-lgbt-illustre-un-incroyable-renversement-de-valeurs', 'headline' => false, 'homepage' => 'col-md-6', 'like' => (int) 772, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1820, 'homepage_order' => (int) 2081, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'attachments' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, 'relatives' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) {}, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Post) {} ], 'embeds' => [], 'images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'audios' => [], 'comments' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Comment) {} ], 'author' => 'Bon pour la tête', 'description' => ' Anna C. 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Zielinska</a>, </strong><em><a href="http://theconversation.com/institutions/universite-de-lorraine-2158"><strong>Université de Lorraine</strong></a></em></span></p> <hr /> <p>L’un des journaux d’extrême droite polonais, <em>Gazeta Polska</em>, a annoncé le 17 juillet 2019 l’ajout d'un bonus à son édition du 24 juillet: un autocollant imprimé d'un arc-en-ciel barré où on peut lire «zone libre de LGBT». Ce «cadeau» aux lecteurs est tout particulièrement prévu pour être distribué et collé sur les devantures des commerces de proximité et s'inscrit dans une campagne qui <a href="https://www.lapresse.ca/international/europe/201907/10/01-5233413-pologne-une-trentaine-dentites-se-declarent-libres-de-lgbt.php">touche également une trentaine d'entités territoriales depuis début juillet</a>.</p> <p><em>Newsweek</em> a proposé, en collaboration avec la Campagne contre l’homophobie (KPH), une série d'autocollants marqués <a href="https://kph.org.pl/naklejka-strefa-wolna-od-nienawisci-moze-byc-twoja/">«zone libre de haine»</a>.</p> <p>En écho avec les <a href="https://plus.lesoir.be/237506/article/2019-07-19/pologne-le-sticker-de-la-honte-qui-choque-au-dela-des-lgbt">déclarations choquées</a> qui ont émergé un peu partout dans le monde occidental, les autocollants «zone libre de haine» en couleurs d’arc-en-ciel ont été distribués par <a href="https://kph.org.pl/naklejka-strefa-wolna-od-nienawisci-moze-byc-twoja">l’organisation Campagne contre homophobie</a>, et d’autres, avec le même texte mais en couleurs du drapeaux polonais, ont été joints à l’édition de <em>Newsweek Polska</em> <a href="https://www.facebook.com/NewsweekPolska/photos/a.134803169892383/2477843268921683/?type=3&theater">(28 juillet 2019)</a>.</p> <p>Difficile cependant de ne pas établir un lien entre ces autocollants et les sombres affichettes «Nur für Deutsche» qui ont orné les établissements publics polonais il y a plus de 70 ans, lorsque l'accès à certains lieux était interdit aux non-Aryens pendant l'occupation allemande.<br /><br /></p> <figure style="text-align: center;"><img src="https://images.theconversation.com/files/285137/original/file-20190722-11339-v9a38e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /> <figcaption><span>«Réservé aux passagers allemands uniquement» peut-on lire sur ce tram de la route 8, wagon n. 94 à Cracovie sous l'occupation nazie.</span> <span><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Nur_f%C3%BCr_Deutsche">Theuergarten Ewald - Narodowe Archiwum Cyfrowe <small>©</small> 2-7934/ Wikimedia</a><br /><br /></span></figcaption> </figure> <p>L’analogie avec l’occupation nazie peut paraître exagérée. 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Comment comprendre ce déferlement de violences à l'encontre des droits des minorités sexuelles en Pologne?<br /><br /></p> <h2>Liberté versus non-discrimination</h2> <p>Le contexte est d’abord juridique. En 2016, un imprimeur de Lodz refuse de réaliser une commande passée par une organisation LGBT locale, sous prétexte que <a href="https://kph.org.pl/sprawa-drukarza-z-lodzi-od-drukarni-do-trybunalu-konstytucyjnego">la demande allait à l’encontre de ses convictions chrétiennes</a>.</p> <p>Le client, la fondation LGBT Business Forum, porte plainte. L'imprimeur perd le procès à trois reprises pour «refus de service sans justification» (Code des délits, art. 138). La Cour Suprême statue même que la règle de non discrimination est plus importante que la liberté économique ou d’opinion postulée par la défense de l’imprimeur. Toutefois, à la demande du ministre de la justice Zbigniew Ziobro, la Cour constitutionnelle se saisit de l’affaire. Le 14 juin 2019, dans une jurisprudence étonnante, elle <a href="https://www.courrierinternational.com/une/discriminations-en-pologne-les-commercants-peuvent-refuser-les-clients-homosexuels">annule les décisions précédentes, donnant ainsi raison au commerçant</a>.</p> <p>Une certaine conception de la liberté a donc gagné, celle de refuser de prendre en compte l’autre dans sa diversité, en vertu d'une moralité définie par la majorité absolue, dans le pur mépris du respect du droit des minorités.</p> <p>Un cas similaire s'est d'ailleurs produit aux États-Unis en 2012. La Cour suprême a ainsi jugé en juin 2018, qu’un pâtissier américain ayant refusé un gâteau à un couple homosexuel était dans son droit, <a href="https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2018/06/04/victoire-judiciaire-pour-un-patissier-americain-ayant-refuse-un-gateau-a-un-couple-homosexuel_5309550_3222.html">en vertu de la liberté d’exercer ses droits religieux</a>. Le cas <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/ablj.12135">a fait école </a> encore plus récemment, comme au Texas, où une proposition de loi permettant aux entreprises de refuser des services au nom de la croyance religieuse a été <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2019/apr/05/texas-sb17-lgbt-discrimination-religious-freedom">entendue</a> et participe d'un <a href="https://www.theguardian.com/world/2018/jun/04/project-blitz-the-legislative-assault-by-christian-nationalists-to-reshape-america">phénomène</a> plus général.<br /><br /></p> <h2>Une croisade contre «l'idéologie LGBT»</h2> <p>En Pologne, l'affaire fait d'autant plus de bruit que les médias proches du gouvernement (et critiqués <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/pologne-le-combat-continue-apres-le-meurtre-du-maire-de-gdansk_3219623.html">pour leurs positions</a>) se sont fait les défenseurs d'un employé d'Ikea, licencié pour avoir cité sur le forum internet de son employeur des passages de la Bible interprétés comme homophobes (<a href="https://www.catholicworld.info/paroissechinoise/bible/Bible/Bible_jr/bdj/levitique.html">Lévitique 20:13 et Mat. 18:6</a>).</p> <p>Ce licenciement a été aussitôt dénoncé dans un <a href="https://episkopat.pl/oswiadczenie-rady-konferencji-episkopatu-polski-ds-apostolstwa-swieckich-w-sprawie-narzucania-ideologii-lgbt">document suprenant</a>, émis par le Conseil de la Conférence épiscopale polonaise sur l'apostolat séculier, consacré à «<a href="https://www.ladepeche.fr/2019/07/07/les-eveques-de-pologne-denoncent-lendoctrinement-lgbt-exerce-par-ikea,8300454.php">l’imposition des idéologies LGBT</a>».</p> <p>Ce document illustre en grande partie ce qui est entendu par «LGBT» dans le discours officiel, à la fois celui du gouvernement, de l'Eglise catholique et des médias, et compris par de nombreux Polonais au quotidien.</p> <p>On y lit dans cette déclaration épiscopale notamment que, si les personnes LGBT méritent le respect, elles doivent surtout respecter les autres, et être, elles aussi, tolérantes et moins agressives. D'après leurs détracteurs, leur «propagande» limiterait même la liberté de conscience des parents.<br /><br /></p> <h2>Un pseudo appel à la tolérance</h2> <p>Pourtant, ce document ne définit pas ce qu'il nomme «l’idéologie LGBT» ni ne précise en quoi elle affecte la société. Celle-ci est simplement pointée du doigt comme une menace, un épouvantail, un slogan encore plus insaisissable que celui de «la fin de la civilisation chrétienne» avancé avec fracas par <a href="http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2015/09/03/97001-20150903FILWWW00260-migrants-l-identite-chretienne-menacee-selon-viktor-orban">le hongrois Victor Orban</a> et repris par de nombreux Polonais.</p> <p>Par ailleurs, les injonctions de la Conférence épiscopale polonaise sont paradoxales, car <em>de facto</em> elles mettent sur le même plan l’appel au meurtre (les deux citations de la Bible) et l’appel à l’acceptation des personnes LGBT (postulats des militants). Les deux appels sont présentés comme égaux au nom de la simple expression d’une «opinion».</p> <p>Ce pseudo appel à la tolérance, issu par les milieux conservateurs et s'adressant à des milieux LGBT, reprend donc à son compte le texte biblique selon lequel l’homosexualité est «une chose abominable», punissable de mort.</p> <p>L’épiscopat, au lieu de rappeler que la lecture de la Bible ne peut pas se contenter du texte, mais doit passer par des interprétations savantes apportées par la tradition, encourage une lecture littérale et contraire à l’esprit et à la lettre de <a href="https://www.revue-etudes.com/article/qui-suis-je-pour-juger-16391">ce qui est proposé actuellement</a> par le Vatican.<br /><br /></p> <h2>Le fantasme LGBT</h2> <p>L'affaire des autocollants reprend tous les éléments de ces discours: le fantasme d'une idéologie LGBT unifiée, venant d'une Europe de l'ouest et déshumanisée dont les représentants sont forcément des ennemis de la culture polonaise et catholique.</p> <p>La notion de liberté se retrouve ainsi <a href="https://www.cairn.info/revue-raisons-politiques-2013-1-page-119.htm">instrumentalisée</a> par des organes tels que <a href="http://www.mamaitata.org.pl/raporty/przeciw-wolnosci-i-demokracji">la fondation «Maman et Papa»</a>. La fondation a notamment publié un rapport très commenté depuis 2010, intitulé: «Contre la liberté et la démocratie. Stratégie politique du lobby LGTB en Pologne et dans le monde: objectifs, outils, conséquences».</p> <p>Selon ce rapport, les objectifs de ce «lobby» qu'est le mouvement LGBT mondial seraient de «pénaliser le soi-disant discours de haine en raison de son orientation sexuelle», introduire une «éducation sexuelle» dans les écoles orientée par les militants LGBT, donner aux couples homosexuels l’accès au mariage, à l’adoption.</p> <p>Cet agenda politique ainsi «révélé» par les défenseurs de la «civilisation chrétienne» surprend. En effet, la plupart de ces propositions, attribuées au «lobby» ont été ouvertement défendues et implantées dans différents pays, par le biais de politiques publiques profitant également à la majorité.<br /><br /></p> <h2>D'une opinion à l'autre</h2> <p>Paradoxalement, ce que reprochent les néo-conservateurs polonais ou américains aux personnes LGBT et à leurs alliés c'est leur intolérance à l’égard des opinions majoritaires.</p> <p>C’est bien cette notion qui est aujourd’hui reprise par Tomasz Sakiewicz, le rédacteur en chef de <em>Gazeta Polska</em>. Selon lui, l’autocollant proposé par son journal est «une réponse à des milliers de demandes de nos lecteurs de s'opposer enfin à attaquer quiconque pense différemment des idéologues LGBT»</p> <p>Pour Sakiewicz et ses lecteurs, il ne s'agirait que d'une opinion désormais sujette à une nouvelle forme de totalitarisme.</p> <p>«Le symbole LGBT est aujourd'hui associé à la faucille, au marteau et à la croix gammée», dit <a href="https://niezalezna.pl/280592-sakiewicz-wyjasnia-sens-akcji-strefawolnaodlgbt-naklejki-sprzeciwiaja-sie-nietolerancji">le journaliste</a>, en précisant: «peut-être il y a là des bonnes intentions, tout comme il y en avait dans l’idéologie communiste. 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En 2019, le parti fait déjà recette sur la défense contre l’«offensive LGBT».</p> <p>Suite à une action en justice commune d’un organisateur de la Marche de l’Égalité à Lublin et de l’organisation «Tribunaux libres», le tribunal de première instance à Varsovie a interdit, le 25 juillet, <a href="https://www.rp.pl/Dobra-osobiste/307259947-Sad-Gazeta-Polska-nie-moze-rozpowszechniac-naklejek-przeciw-LGBT.html">la distribution des autocollants</a> Cette interdiction n’a pas été suivie des faits très concrets, le rédacteur en chef de <em>Gazeta Polska</em> l'a ignoré tout en appelant à la solidarité dans la lutte contre l’offensive LGBT.</p> <p>Tout au long de la semaine qui a suivi les violences contre les manifestants de la Marche de l’Egalité à Bialystok, de nouveaux comptes-rendus ont émergé. Notamment celui de l’écrivain Jacek Dehnel, <a href="https://oko.press/bialystok-dehnel-15-latka-patrzy-na-mnie-wsciekle-i-utrzymujac-kontakt-wzrokowy-powoli-przesuwa-palcem-po-szyi">qui a décrit</a> les menaces de mort émanant d’adolescents et de personnes âgées, des gens donc qui ne peuvent pas être considérés comme appartenant à une frange radicalisée de la société. Un autre écrivain et journaliste, Przemysław Witkowski, a lui été gravement battu à Wroclaw, le 25 juillet 2019, pour s’être opposé à des <a href="https://www.tvn24.pl/wroclaw,44/przemyslaw-witkowski-wykladowca-i-dziennikarz-pobity-we-wroclawiu-skrytykowal-homofobiczne-napisy,955952.html.">graffitis anti-LGBT</a>.</p> <p>Le 27 et le 28 juillet, plusieurs <a href="https://tvnwarszawa.tvn24.pl/informacje,news,warszawa-solidarna-z-bialymstokiem-manifestacja-przeciwko-przemocy,296069.html">manifestations de solidarité</a> ont eu lieu en Pologne et à l’étranger – ainsi que devant <a href="https://www.facebook.com/events/905305276488961/">l’Ambassade de Pologne à Paris</a>.</p> <p><em>(Mise à jour le 28 juillet 2019)</em>.</p> <hr /> <p><img src="https://counter.theconversation.com/content/120770/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/anna-c-zielinska-734906">Anna C. 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La fidélité absolue est un concept éculé et hypocrite qui a pour but principal que les hommes soient certains que les enfants qui sortent des ventres de leur épouse soient bien le produit de leurs spermatozoïdes à eux. Transmettre ses gènes est un réflexe très animal, si Sapiens est vraiment un être supérieur, il devrait se détendre sur cette question. En plus, Pierre et moi n’avons pas fait d’enfants, trop concentrés sur nous-mêmes et nos vies à réussir. Marie, ma sœur, prétend que pour les femmes, l’importance de la fidélité n’a pas pour but la perpétuation de l’espèce mais plutôt la conservation à leur côté du mâle qui assure leur protection. Elle se trompe. Si Pierre et moi sommes toujours ensemble après trente-cinq ans de mariage, c’est justement parce que nous nous laissons la liberté d’aller de temps en temps voir ailleurs. Marie, elle, ne souhaitait plus de rapports sexuels tout en menaçant son mari de le quitter s’il la trompait. C’est lui qui est parti avec la première maîtresse qu’il s’est autorisée.</p> <p>Mais Pierre a changé.</p> <p>Nous nous sommes connus dans une manifestation contre le racisme alors que nous avions vingt-sept ans. Il était graphiste tandis que moi j’enseignais le français à des réfugiés dans un centre géré par l’Eglise protestante. Je l’avais déjà remarqué à d’autres occasions au fil des ans – Lausanne est une petite ville – notamment lors d’une soirée chez Jean-Luc, lequel a été mon amant lorsque j’avais vingt ans et que j’hésitais entre le trotskisme et l’écologie politique. Lorsque Jean-Luc, figure de proue des trotskistes locaux, m’avait quittée pour une camarade d’origine kurde plus valorisante pour lui, j’avais renoncé aux principes de la Quatrième Internationale et milité pour la sauvegarde de la planète, jusqu’à ma rencontre avec un zapatiste belge avec qui je suis partie au Mexique où j’ai attrapé une infection sexuellement transmissible. De retour en Suisse, j’ai soigné ma salpingite et terminé mes études de lettres. Entre deux amants de passage, je traversais de longues périodes d’abstinence sexuelle sans que cela me coûte. A la manif, j’ai trouvé Pierre très beau avec sa moustache et sa barbe de cinq jours. Et je l’ai trouvé irrésistible lorsqu’il a jeté une bouteille vide en direction des forces de l’ordre qui voulaient nous empêcher d’accéder à la salle où se déroulait une assemblée de l’UDC, ce parti d’extrême droite honni par nous. Pierre s’est fait réprimander par les camarades communistes qui assuraient le service d’ordre et il a fini par en venir aux mains avec eux. J’ai spontanément pris sa défense, nous nous sommes faits bousculer et avons quitté la manifestation, lui avec une arcade sourcilière fendue, moi avec un fort désir pour lui. Je l’ai emmené chez moi pour soigner sa blessure et nous avons fait l’amour toute la nuit. Deux semaines plus tard nous emménagions ensemble; nous ne nous sommes plus quittés.</p> <p>L’autre soir, alors que nous avions des invités à la maison, il m’a semblé reconnaître chez Pierre les signes d’une tension extrême. Depuis le temps, je le connais bien. Serge et Mireille, nos invités, l’ont eux aussi sentie, cette tension. Ce sont tout à la fois des amis et des clients. Des amis parce que comme nous ils sont de centre gauche, des clients car ils font appel à notre agence de communication pour promouvoir leur commerce. Après avoir été de grands voyageurs, Serge et Mireille vendent aujourd’hui des produits venus d’Asie, principalement d’Inde mais aussi de Birmanie et du Cambodge. Ils sélectionnent avec soins les artisans, privilégiant les structures coopératives respectueuses de l’environnement et du bien-être des populations locales. Nous gérons leur site internet et leur publicité, et tournons même pour eux des clips promotionnels. Pierre est devenu agressif avec Mireille lorsque celle-ci a déclaré que les néo-féministes exagéraient et que #MeToo décourageait toute tentative de séduction de la part des hommes. «Je n’ai pas peur de le dire, j’aime bien que l’on me tienne la porte et que les hommes me fassent sentir qu’ils me désirent…» Pierre lui a rétorqué que le patriarcat était une forme de fascisme et qu’en tant que progressiste nous devions tout faire pour l’abattre. J’ai essayé de dévier la conversation sur la nourriture bio mais très vite c’est l’écriture inclusive qui a fait s’échauffer les esprits. Serge, qui se pique d’aimer la littérature, a déclaré que le français était en danger, qu’il fallait le sauver des points médians et des réformes de l’orthographe. Pierre a rétorqué que pour rester vivantes les langues devaient changer, que les normes les étouffaient, que les règles orthographiques avaient été inventées pour empêcher les pauvres d’accéder aux études. «Etes-vous allés récemment au cinéma?» ai-je incidemment demandé à Mireille?</p> <p>Le lendemain, elle m’a appelée. «Avec Serge, on se demande si Pierre n’est pas en train devenir woke…» Mon sang s’est figé dans mes veines, une sourde angoisse est montée de mon estomac jusque dans ma gorge. «Non, non… Vous vous trompez… Vous avez bien vu, il continue de manger de la viande», ai-je rassuré Mireille. Mais le doute s’était instillé en moi, je me suis mise à mieux observer Pierre et, pour la première fois, j’ai fouillé dans ses poches et ses agendas, même dans son ordinateur. 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En jeu, rien de moins que les causes de la crise de la pollution plastique et les solutions appropriées pour y remédier.</p> <ul> <li> <p>D’un côté, la <a href="https://hactoendplasticpollution.org/fr/">Coalition de haute ambition</a> (HAC), les activistes du «zéro déchet» et de <a href="https://theconversation.com/traite-mondial-contre-la-pollution-plastique-en-coulisses-le-regard-des-scientifiques-francais-presents-234046">nombreux scientifiques</a> insistent sur la nécessité d’une <a href="https://hactoendplasticpollution.org/hac-member-states-ministerial-joint-statement-for-inc-5/">approche globale portant sur l’ensemble du cycle de vie des plastiques</a>, y compris leur production.</p> </li> <li> <p>De l’autre côté, une <a href="https://medium.com/points-of-order/spoiler-alert-f737a24292e6">petite minorité d’Etats</a> ainsi que l’industrie pétrochimique ont à de nombreuses reprises détourné l’attention de cette question de la production des plastiques. 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Il s’agit des travailleurs qui récupèrent, réutilisent ou revendent les plastiques, les textiles, l’aluminium et d’autres matériaux précieux issus des déchets.</p> <p>Dans le cadre du traité sur les plastiques, pour que ces travailleurs informels soient reconnus, que leurs conditions de travail puissent être améliorées et qu’ils puissent bénéficient d’une transition écologique plus équitable, les solutions politiques doivent aller au-delà des mécanismes économiques basés sur le seul marché et des stratégies axées sur le profit.</p> <p>Si ce n’est pas le cas, les efforts en faveur d’un recyclage plus inclusif et du développement de l’économie circulaire risquent de renforcer les injustices mêmes qu’ils prétendent combattre.</p> <h3>Qui sont les ramasseurs informels de déchets?</h3> <p>Les collecteurs de déchets – et les autres personnes travaillant avec eux dans un cadre informel et coopératif – effectuent une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921344924001824#sec0021">grande partie du travail de recyclage à l’échelle mondiale</a>. Ils réduisent de manière significative la quantité de plastique qui se retrouve dans les océans.</p> <p>Malgré cela, et parce qu’ils font un travail salissant et vivent dans des endroits sales, ils sont souvent tenus pour responsables du problème de la pollution plastique. Dans les discours politiques des villes et des Etats, leur travail a longtemps été <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0956247816657302">tourné en dérision, considéré comme non qualifié et inefficace</a>. <a href="https://www.undp.org/blog/unsung-heroes-four-things-policymakers-can-do-empower-informal-waste-workers">L’absence de reconnaissance officielle</a> de leur travail rend leurs revenus particulièrement instables et précaires. 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Il a été demandé que leurs contributions historiques à la réduction de la pollution plastique soient explicitement reconnues, et qu’un objectif explicite de transition juste soit intégré au traité sur les plastiques.</p> <h3>Avec l’économie circulaire, tout le monde est gagnant?</h3> <p>La <a href="https://theconversation.com/quatre-idees-recues-sur-la-transition-juste-227569">transition juste</a> est un principe défendu par les groupes de travailleurs et les défenseurs de la justice sociale afin de garantir que les politiques de transition écologique protègent, améliorent et compensent équitablement les moyens de subsistance des travailleurs et des communautés affectés par l’environnement.</p> <p>Les ramasseurs de déchets ont utilisé ce terme pour réclamer que le traité comprenne des dispositions pour améliorer leurs conditions de travail et de sécurité. Mais également pour que le traité intègre davantage les travailleurs informels aux systèmes de gestion des déchets, et pour exiger que les systèmes de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/responsabilite-elargie-du-producteur-67766">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP) soutiennent aussi les travailleurs du secteur des déchets, en particulier les <a href="https://www.wiego.org/gender-waste-project">femmes et d’autres groupes vulnérables</a>.</p> <p>Etonnamment, ces demandes ont obtenu le soutien d’un large éventail de parties prenantes puissantes. Par exemple la <a href="https://www.businessforplasticstreaty.org/vision-statement#Key-elements">Business Coalition for a Plastics Treaty</a>, les <a href="https://news.un.org/en/story/2024/10/1156301">dirigeants des Nations unies</a> et même <a href="https://resolutions.unep.org/resolutions/uploads/american_chemistry_council.pdf">l’industrie pétrochimique</a>.</p> <p>Certaines de ces demandes ont été intégrées aux projets de traité sur les plastiques discutés au cours des négociations, ce qui représente une victoire majeure pour les travailleurs du secteur informel des déchets.</p> <p>Un consensus se dégage sur le fait qu’une économie circulaire inclusive peut être bénéfique à la fois pour l’environnement, l’économie et les travailleurs en améliorant la gestion de la pollution, les moyens de subsistance et les opportunités de croissance économique pour les entreprises.</p> <p>Ces promesses demandent toutefois à être vérifiées sur le terrain. Et c’est là que les choses se compliquent.</p> <h3>« Gagnant-gagnant », mais la victoire de qui ?</h3> <p>Dans mon livre <a href="https://mitpress.mit.edu/9780262546973/recycling-class/"><em>Recycling Class</em></a>, j’examine comment les efforts de recyclage inclusif ont été mis en œuvre à Bengaluru, l’une des plus grandes villes de l’Inde.</p> <figure><a href="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a> <figcaption><span></span></figcaption> </figure> <p>Dans cet ouvrage, je défends que l’intégration dans des programmes d’économie circulaire basés sur le marché n’est pas une solution miracle aux injustices ancrées dans les systèmes de production, de consommation et de production des déchets.</p> <p>La plupart des politiques d’économie circulaire et de recyclage inclusif reposent sur des mécanismes de marché, partant du principe que la création de marchés pour les déchets incitera les acteurs du marché à récupérer efficacement les déchets et à les convertir en ressources.</p> <p>Pour remplir leurs obligations en matière de <a href="https://theconversation.com/faire-payer-plus-les-entreprises-pour-quelles-reduisent-les-emballages-130073">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP), les marques peuvent alors s’engager à acheter des plastiques recyclés et à financer la collecte des déchets en achetant des <a href="https://www.worldbank.org/en/programs/problue/publication/unlocking-financing-to-combat-the-plastics-crisis">crédits plastique</a>.</p> <p>Cette approche vise à améliorer le prix des déchets, à augmenter les salaires et à encourager les efforts de collecte, tout en attirant des investissements pour financer l’amélioration des infrastructures et des technologies.</p> <p>Cependant, les mécanismes fondés sur le marché aggravent les inégalités existantes en matière d’accès au marché. 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Souvent issus de milieux éduqués et privilégiés, les employés de ces firmes <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S001671852300057X">concurrencent les travailleurs informels existants, les subordonnant au passage</a>.</p> <p>A l’inverse, les femmes et les membres des minorités ethno-raciales et religieuses, qui constituent la majorité des travailleurs des économies informelles des déchets, sont confrontés à des obstacles supplémentaires. Notamment des <a href="https://mouvements.info/recuperateurs-de-dechets/">stigmates sociaux bien ancrés</a> qui limitent leur capacité à participer sur un pied d’égalité à ces marchés émergents. 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Une étude de <a href="https://www.circle-economy.com/resources/decent-work-in-the-circular-economy">Circle Economy</a> souligne que la plupart des emplois du secteur de l’économie circulaire restent ad-hoc et informels et ne bénéficient pas des garanties d’un emploi décent.</p> <p>En fin de compte, les travailleurs informels sont confrontés à un choix difficile: soit ils acceptent d’être exploités au sein des circuits de traitements des déchets en tant que simples ressources, soit ils risquent de perdre complètement leurs moyens de subsistance.</p> <p>Les systèmes actuels de production et de consommation du plastique déplacent donc la charge des déchets sur des communautés autochtones ou ethniques marginalisées, créant ainsi des <a href="https://www.dukeupress.edu/pollution-is-colonialism">zones sacrifiées</a>. Ce déplacement permet de maintenir la rentabilité, tout en perpétuant les atteintes à l’environnement et les inégalités sociales.</p> <p>En promouvant des technologies de <a href="https://www.bbc.com/afrique/monde-57087908">recyclage chimique</a> non éprouvées et en étendant les marchés du plastique, les entreprises <a href="https://theconversation.com/comment-lindustrie-fossile-influence-les-negociations-mondiales-sur-le-plastique-222112">pétrochimiques</a> et de matières plastiques <a href="https://direct.mit.edu/glep/article/21/2/121/97367/Future-Proofing-Capitalism-The-Paradox-of-the">s’approprient le langage de l’économie circulaire</a>. Cela leur permet de donner un vernis écologique à leurs propositions, tout en maintenant le <em>statu quo</em> sur les inégalités.</p> <p>Pendant ce temps, la HAC, plusieurs ONG et même certains ramasseurs de déchets invoquent également l’économie circulaire comme solution à la crise du plastique, en mettant l’accent sur le réemploi et le recyclage inclusif.</p> <h3>Demander des comptes aux pollueurs plutôt que compter sur l’efficacité du marché</h3> <p>Pour que l’économie circulaire aille au-delà de la simple protection du capitalisme fossile, elle doit prendre en compte les collecteurs de déchets et recycleurs informels dans le Sud et reconnaître les limites des mécanismes basés sur le marché. C’est vrai aussi bien pour le traité international sur la pollution plastique que pour d’autres démarches régionales comme le <a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/ATAG/2021/679066/EPRS_ATA(2021)679066_FR.pdf">plan d’action de l’UE pour l’économie circulaire</a>.</p> <p>En effet, toute stratégie de lutte contre la pollution plastique basée sur le marché et axée sur le profit est susceptible de reproduire ces schémas d’inégalité. Et par la même occasion, de pérenniser les injustices systémiques qui soutiennent le statu quo. Pour une transition vraiment juste, la lutte contre la pollution plastique ne doit donc pas devenir une opportunité de croissance économique ou de profit.</p> <p>Au contraire, nous avons besoin d’une approche centrée sur la réparation. Il faut d’abord, pour cela, reconnaître les contributions historiques des collecteurs informels du plastique ainsi que les préjudices qu’ils subissent. Puis redistribuer les ressources aux personnes les plus touchées et créer des systèmes qui donnent la priorité à la restauration de l’environnement et à la justice sociale plutôt qu’au profit des entreprises.</p> <p>Une économie circulaire bien financée devrait d’abord renforcer le pouvoir des travailleurs, puis améliorer les capacités des infrastructures et réduire la concentration de ces déchets en produits chimiques toxiques, plutôt que de s’appuyer sur des solutions basées sur le marché qui aggravent les inégalités.</p> <p>Les vraies solutions consistent à demander des comptes aux pollueurs et à adopter des approches circulaires fondées sur la sobriété et la réparation, et non sur l’efficacité du marché.<img src="https://counter.theconversation.com/content/244065/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/manisha-anantharaman-1526162">Manisha Anantharaman</a>, Assistant Professor, Center for the Sociology of Organisations, CNRS/Sciences Po, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/sciences-po-2196">Sciences Po </a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique-244065">article original</a>.</h4> </div>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 42, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5283, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Les Etats-Unis financent un collectif international de journalistes', 'subtitle' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'subtitle_edition' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'content' => '<p style="text-align: center;"><strong>Urs P. 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Parmi eux, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Panama_Papers"><em>The Panama Papers</em></a><em>, </em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Pandora_Papers"><em>Pandora Papers</em></a><em>, </em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Suisse_Secrets"><em>Suisse Secrets</em></a><em>, </em><a href="https://www.occrp.org/en/project/narcofiles-the-new-criminal-order"><em>Narco Files</em></a><em>, </em><a href="https://www.occrp.org/en/project/the-pegasus-project/about-the-project"><em>Pegasus Project</em></a><em>, </em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Cyprus_Confidential"><em>Cyprus Confidential </em></a>et la série <a href="https://de.wikipedia.org/wiki/Die_Geldw%C3%A4scherei"><em>Laundromat</em></a>, qui a révélé les systèmes de blanchiment d'argent des élites dirigeantes en Azerbaïdjan et en Russie.</p> <h3><strong>Non sans conditions</strong></h3> <p>Les agences gouvernementales américaines ne financent pas l'OCCRP sans contrepartie: l'<a href="https://www.usaid.gov/"> U.S. Agency for International Development</a> dispose d'un droit de veto sur la nomination des dirigeants de l'OCCRP. De plus, l'agence gouvernementale américaine interdit d'utiliser son argent pour mettre au jour la corruption aux Etats-Unis.</p> <p>Certaines subventions étaient même affectées à un but précis: le Department of State, par exemple, a versé 173 000 dollars à l'OCCRP pour «détecter et combattre la corruption au Venezuela». Ou l'<a href="https://www.usaid.gov/">Agence pour le développement international (USAID)</a> a versé plus de deux millions de dollars dans le but de «mettre au jour la criminalité et la corruption à Malte et à Chypre».</p> <p>Le journal en ligne français indépendant <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">« Mediapart »</a> en a parlé le 2 décembre 2024 <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">.</a></p> <p>Le fondateur de l'OCCRP est un ancien employé <a href="https://www.rockwellautomation.com/de-ch.html">de Rockwell</a> devenu journaliste: <a href="https://www.occrp.org/en/staff/drew-sullivan">Drew Sullivan</a>. L'OCCRP a été créé à l'instigation de fonctionnaires du gouvernement américain. Selon Mediapart, Sullivan a reçu pour cela, en 2008, un financement de départ de 1,7 million de dollars du <a href="https://www.state.gov/bureaus-offices/under-secretary-for-civilian-security-democracy-and-human-rights/bureau-of-international-narcotics-and-law-enforcement-affairs/">Bureau of International Narcotics and Law Enforcement Affairs</a>(INL). Il s'agit d'une agence d'application de la loi du Département d'Etat américain.</p> <p>L'OCCRP s'appuie souvent sur des documents divulgués provenant de sources non identifiées. La qualité des recherches et des révélations de l'OCCRP n'est pas mise en doute. L'orientation unilatérale des recherches et le manque de transparence des informations sur le financement donnent lieu à des critiques.</p> <p>L'ampleur des liens personnels et financiers de l'OCCRP avec le gouvernement américain va à l'encontre de «tous les principes de l'éthique journalistique». C'est ce qu'a déclaré Leonard Novy, directeur de l'Institut allemand des médias et de la politique de communication, à la chaîne NDR. Cela laisse supposer que les journalistes peuvent être utilisés ou instrumentalisés à des fins politiques.</p> <p>Sullivan et l'OCCRP ont également laissé les médias partenaires et leurs lecteurs dans l'ignorance de leur proximité avec le gouvernement américain. Selon Leonard Novy, l'organisation a ainsi dépassé les limites.</p> <h3><strong>Sullivan n'a pas voulu parler clairement aujourd'hui encore</strong></h3> <p>Sullivan a d'abord affirmé à la chaîne NDR que l'OCCRP avait «un groupe de donateurs largement répandu», parmi lesquels «aucun donateur individuel ne domine». Il a ajouté que «le gouvernement américain [...] est l'un des plus grands donateurs, mais ce n'est pas un pourcentage énorme». Confronté aux dernières découvertes, il a finalement reconnu l'importance du financement de Washington: «C'est le plus grand bailleur de fonds de l'OCCRP, oui, et ce depuis presque le début de notre histoire. [...] Je suis très reconnaissant au gouvernement américain.»</p> <p>Par écrit, Sullivan a renchéri: «Nous avons dû décider si nous voulions accepter de l'argent du gouvernement ou ne pas exister.» Sur le site web de l'OCCRP, les montants des sponsors ne sont pas indiqués.</p> <h3><strong>Conditions posées</strong></h3> <p>Sullivan a confirmé à la NDR le pouvoir d'influence des autorités américaines: «Dans le cadre d'accords de coopération que nous n'aimons pas conclure, ils ont un droit de regard sur le choix des personnes [...] Ils peuvent mettre leur veto sur quelqu'un [...] Ils n'ont jamais mis leur veto sur quelqu'un.»</p> <p>L'OCCRP ne peut pas enquêter sur des affaires américaines avec l'argent fourni par Washington. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Sullivan à la NDR. «Je pense que le gouvernement américain ne le permet pas. Mais même dans d'autres pays où ces dispositions n'existent pas, nous ne le faisons pas parce que cela vous place dans une situation de conflit d'intérêts et que vous préférez rester à l'écart de telles situations.»</p> <p>Ainsi, le paradis fiscal américain du Delaware n'a jamais fait l'objet de toutes les recherches sur l'évasion fiscale et l'argent de la corruption.</p> <p>L'OCCRP a tout de même effectué des recherches isolées aux Etats-Unis: par exemple sur les <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/meet-the-florida-duo-helping-giuliani-investigate-for-trump-in-ukraine">hommes d'affaires</a> qui avaient soutenu l'avocat de Donald Trump pour nuire à Joe Biden, ou sur la manière dont le Pentagone a dépensé des sommes énormes pour <a href="https://www.occrp.org/en/project/making-a-killing/revealed-the-pentagon-is-spending-up-to-22-billion-on-soviet-style-arms-for-syrian-rebels">fournir des armes</a> à des groupes rebelles en Syrie, ou encore sur un <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/flight-of-the-monarch-us-govt-contracted-airline-once-owned-by-criminals-with-ties-to-russian-mob">contrat</a> entre le gouvernement américain et une compagnie aérienne dont les propriétaires sont liés au crime organisé en Russie.</p> <p>Ces recherches ont manifestement respecté une autre condition imposée par les autorités américaines à l'OCCRP: l'activité doit être «en accord avec la politique étrangère et les intérêts économiques des Etats-Unis et les promouvoir.» (<a href="https://www.govinfo.gov/content/pkg/COMPS-1071/pdf/COMPS-1071.pdf">US Foreign Assistance Act</a>).</p> <h3><strong>Voici comment la «NZZ» et Tamedia ont présenté la source OCCRP</strong></h3> <p><strong>«NZZ» du 19 juillet 2023</strong></p> <p>«L'Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) est un réseau d'organisations journalistiques fondé en 2006, basé dans de nombreux pays différents et fonctionnant sous cette forme en tant que filiale du Journalism Development Network à but non lucratif, dont le siège est dans le Maryland.»</p> <p><strong>«Tages-Anzeiger» du 21 juin 2023</strong></p> <p>«Grâce à l'organisation OCCRP, des journalistes femmes de plusieurs pays ont pu étudier ces données, dont <em>Der Standard</em> en Autriche et <em>Der Spiegel</em> en Allemagne. Pour la Suisse, le bureau de recherche de Tamedia et Paper Trail Media était de la partie.»</p> <h3><strong>Informations complémentaires</strong></h3> <p><strong>22 décembre 2022</strong> <a href="https://www.infosperber.ch/politik/welt/twitter-diente-jahrelang-als-gehilfe-des-pentagons/">Twitter a servi pendant des années d'auxiliaire au Pentagone</a>. Elon Musk a partiellement révélé les outils internes de Twitter. Ils prouvent des services d'hommes de main pour la propagande de l'armée américaine à l'étranger.</p> <p><strong>12 février 2009</strong> <a href="https://www.tagesanzeiger.ch/27-000-pr-berater-polieren-image-der-usa-631302390683">27 000 conseillers en relations publiques polissent l'image des Etats-Unis</a>. 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1 Commentaire
@Marta Z. 30.07.2019 | 09h53
«Depuis 2015, la Pologne retourne au Moyen-Âge... Triste, très triste. Les élections de cet automne montreront si elle sombrera encore plus bas. Si le PiS reste majoritaire, il sera difficile de garder un brin d'espoir. :(»