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Un prétexte parmi d’autres donc, pour profiter de la vie, dans ce pays où les habitants sont si joviaux malgré la pauvreté évidente. <br></p><br><h4><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1519143042_kosovo28sur56.jpg">Les jeunes de la capitale sont très connectés. Sur ce point, aucune différence avec leurs homologues plus à l'ouest.<br></h4><p>«Dix ans d’indépendance? reprend l’Ambassadeur de Suisse au Kosovo Jean-Hubert Lebet, c’est une date importante. L’indépendance avait soulevé de grands espoirs en 2008. Mais, 10 ans après, beaucoup sont déçus. Il s’agit maintenant de tirer les leçons de cette première décade.» Faisons donc le bilan.</p><br><h4 style="text-align: center;"><img class="img-responsive img-center " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w600/1519143835_kosovob1sur10.jpg" width="485" height="727">L'Ambassadeur suisse au Kosovo, Jean-Hubert Lebet, estime que c'est bien <br>plus une gouvernance fonctionnelle qui manque à ce pays que de l'argent. </h4><h3 style="text-align: center;">
Le Kosovo indépendant, lustré pour l’occasion</h3><p>
Le 17 février 2008, le Kosovo déclarait l’indépendance. Par un temps glacial approchant les -20 degrés, une foule très dense s’était retrouvée dans les rues de la capitale pour fêter le début de ce qu’elle espérait être une nouvelle ère. Dix ans plus tard, la réussite et l’indépendance sont incarnées par la chanteuse Rita Ora, double nationale kosovare britannique: grande pop-star dans le milieu anglo-saxon. Une scène gigantesque, des écrans rediffusant le show dans toute la rue principale et des décibels à la limite de l’indécence. A en croire les répercussions médiatiques, le Kosovo indépendant brille. Mais les habitants ne sont pas naïfs. «C’est du tape à l’œil, nous dit un homme édenté devant l’ambassade suisse. Nous préférions que l’Etat mette tout cet argent dans les politiques publiques. Vous voyez tous ces gens devant? Ils sont là pour obtenir un visa pour l’Europe.» </p><br><h4><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1519142953_kosovo4sur56.jpg">De nombreuses personnes travaillant pour des sortes d'agences «touristiques» font le pied de grue devant l'ambassade suisse dans l'attente de clients qui auraient besoin d'aide pour la constitution de dossier de visas. La majorité parle très bien anglais; certains ont vécu en Australie ou dans d'autres pays.<br></h4><p>
En effet, cet homme n’est pas seul à attendre aux portes de la maison diplomatique. Des dizaines de personnes défilent pour un rendez-vous au <strong></strong>Centre consulaire régional abrité par l'Ambassade suisse et qui s’occupe des visas pour différents pays. «Il y a eu une augmentation de 17% en 2017 comparée au nombre de demandes déposées en 2016», commente l’Ambassadeur Jean-Hubert Lebet. Et cette administration a permis la mise en place d’un petit business bien huilé: des responsables d’agences «touristiques» tournent devant la bâtiment ocre afin de proposer leurs services: «Nous les aidons à remplir les formulaires, parfois en anglais, et à constituer leur dossier.» 20 €, c’est le coût pour avoir une demande faite propre en ordre. A cela s’ajoute 60 € pour l’administratif officiel. Une somme importante pour des gens qui gagnent en moyenne 250 € par mois, sachant que peu d’entre eux n’obtiennent le sésame, même pour une simple visite touristique.
</p><h3 style="text-align: center;">«Je ne suis pas raciste, mais…»
</h3><p>L’indépendance du Kosovo, c’est aussi et surtout l’autonomie par rapport à la Serbie pour la communauté majoritaire albanaise du Kosovo (plus de 90%). Un nœud important et encore douloureux de l’histoire contemporaine, qui fait suite à la dissolution de la Yougoslavie. Un très grand nombre d'entre eux verraient d’ailleurs d’un très bon œil le ralliement de leur pays à leur voisin du Sud: le Premier ministre albanais Edi Rama l’a bien compris ce weekend, lorsqu’il a évoqué une possible unification entre les deux pays.</p><br><h4><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1519143078_kosovo39sur56.jpg">Il est difficile de comprendre le conflit entre les Albanais et les Serbes du Kosovo sans observer le côté «ethnique». En effet, il ne s'agit pas uniquement d'un problème de langue – même si elles diffèrent effectivement –, mais bien d'une question plus générale. Aujourd'hui, les panneaux de circulation sont d'ailleurs écrits en albanais et en serbe et les documents officiels peuvent être demandés dans les deux langues.</h4><br><p>Seules quelques régions sont restées serbes (ou «kosovares-serbes» devrions-nous dire pour être politiquement correct) après la guerre du Kosovo. «Nous n’avons plus de problèmes avec eux, nous assure la nouvelle génération. Nous voulons regarder vers l’avenir, pas vers le passé». Pourtant, lorsqu’on leur demande s’ils ont des amis kosovars-serbes, la réponse est toujours la même: «Désolé, mais non je n'en connais pas vraiment.»</p><br><h4><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1519151220_kos2.jpg">Les autorités ont installé de nombreux cœurs bleus et jaunes or à l'occasion de la fête de l'indépendance et organisé nombre d'animations pour les enfants.<br></h4><br><p>Si à Pristina, peu parlent d’un ralliement avec l’Albanie, cet aspect du conflit interne est rappelé par le drapeau albanais, omniprésent. «Pourquoi on en a un dans le couloir? répète après moi la jeune réceptionniste de l’hôtel, Oh… on l’avait accroché pour le jour de l’indépendance de l’Albanie en novembre dernier et on l’a laissé.» Une fête qui avait encore été plus grosse que celle de ce weekend dit-elle, comme si cela paraissait normal. <br></p><br><h4><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1519143127_kosovo54sur56.jpg">Les étoiles du drapeau kosovar, de même taille, donnent une place égales aux six communautés ethniques vivant dans le pays. Cela n'est certainement pas un hasard qu'il soit par ailleurs composé de certains éléments européens: le bleu et les étoiles.</h4><br><br><h4 style="text-align: center;"><img class="img-responsive img-center " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w600/1519143858_kosovob10sur10.jpg" width="481" height="721">Nombre de personnes ne reconnaissent pas le drapeau kosovar comme <br>symbole officiel. Dans des discussions – même non-politiques –, il n'est <br>pas rare d'entendre les gens s'appeler eux-même des «Albanais».</h4><br><p>Aujourd’hui donc, trois mois après, le drapeau est encore là. Il ne s’agit visiblement pas d’un simple oubli ni d’un acte isolé. En effet, les rues sont couvertes de l’aigle à deux têtes sur fond rouge tandis que le drapeau kosovar, bleu avec 6 étoiles qui représentent toutes les ethnies habitant sur le territoire peine à faire le poids. Malgré la volonté d’imposer ce symbole au peuple kosovar, cela ne prend pas: le drapeau est parfois décroché, d’autre fois même brûlé, y compris pendant cette période où le sentiment national (kosovar) devrait primer. <br></p><br><h4><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1519143049_kosovo30sur56.jpg">Les marchands de drapeaux étaient nombreux sur l'Avenue Mère Teresa (la grande rue piétonne de Pristina). Certains n'offraient que des drapeaux kosovars ou albanais, d'autres, favorisaient également les symboles internationaux ou de l'armée indépendantiste UÇK. Aucun ne s'est permis de vendre des drapeaux serbes.<br></h4><h3 style="text-align: center;"><strong>Des éoliennes à l’abandon </strong></h3><p style="text-align: left;">Et financièrement, le Kosovo, indépendant? Non, certainement pas. La population sur place vit en grande partie grâce à l’argent de la diaspora qui comble les salaires trop bas pour vivre ou fait office d’assurance chômage pour les 30% de la population qui n’ont pas de travail. Les investissements ne s’arrêtent par ailleurs pas à une aide familiale. La grande cathédrale Mère Teresa par exemple, érigée au centre de la ville, au milieu des minarets, symbole d’une acceptation (déclarée en tous cas) de toutes les religions a d’ailleurs été en grande partie financée par des dons de kosovars catholiques émigrés en Suisse. «Tous mes amis chrétiens en Suisse ont donné des sommes importantes», nous dit le pasteur Artur Krasniqi, proche du premier Président pacifiste, Ibrahim Rugova, élu avant 2008. <br></p><br><h4 style="text-align: center;"><img class="img-responsive img-center " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w600/1519141754_kosovo42sur56.jpg" width="478" height="584">Le pasteur Artur Krasniqi raconte: «J’ai toujours habité à Pristina, mais j’ai eu <br>quatre passeports différents: yougoslave, serbe, de l’ONU et kosovar.» <br></h4><h4 style="text-align: center;"><img class="img-responsive img-center " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w600/1519143841_kosovob3sur10.jpg" width="481" height="721">Ibrahim Rugova a été le premier président du Kosovo avant son indépendance <br>en 2008. Il est parfois surnommé le «Gandhi des Balkans» en raison de sa <br>lutte non-violente. Emporté en 2006 par un cancer, il n'aura jamais connu <br>l'indépendance de son pays.<br></h4><br><br><p>Des investissements étrangers, on en voit un peu partout au Kosovo: à différents degrés de réussites d’ailleurs. En voiture, direction la campagne, des entreprises aux noms italiens, allemands ou suisses s’alignent. A côté de Pristina, des éoliennes à moitié construites tombent en ruines: ce sont les vestiges d’un investissement, allemand semblerait-il, qui n’a jamais pu être mené à bien. <br></p><br><h4><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1519143026_kosovo22sur56.jpg">Les grues hantent la ville de Pristina. Beaucoup de bâtiments semblent pourtant en «stand by», dans l'attente de financement? d'autorisation? de pot-de-vin?</h4><br><h4><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1519143132_kosovo56sur56.jpg">Pas de McDonald à l'horizon. En revanche, l'influence des cultures étrangères est bien présente, qu'elle soit américaine ou italienne.<br></h4><br><p>Si les investissements privés étrangers sont donc parfois des échecs et peinent à décoller, la communauté internationale, elle, persiste à alimenter la perfusion kosovare. La Suisse, à elle seule, a prévu un budget de 78 millions de francs pour la coopération internationale (budget 2017-2020 selon l’évaluation de la direction du développement de la coopération, DDC, en collaboration avec le secrétariat à l’économie, SECO). Au travers de cette aide, elle soutient l’effort international en matière de gouvernance, contribue à des projets favorisant l’économie, et est active dans le domaine de la santé. En ce qui concerne les infrastructures, le Kosovo doit d’ailleurs une grande partie de son système d’eau potable aux investissements helvétiques. </p><h3 style="text-align: center;"> Un produit des Nations unies </h3><p>La Suisse a toujours eu un lien bien particulier avec le Kosovo en raison notamment des 200'000 ressortissants kosovars sur son territoire (environ 10% de la population du Kosovo). Elle n’est pourtant pas la seule à être présente sur place. Les rues de Pristina sont couvertes de drapeaux étrangers, suisses, italiens, européens et surtout américains. «Le Kosovo est un produit des Nations unies, explique le pasteur, Artur Krasniqi. La ratification de constitution a été suivie de près par l’ONU, et les principes fondamentaux ont été proclamés: les principes de paix, de démocratie, d’égalité (entre les ethnies), la primauté du droit, etc. C’est une construction.» <br></p><br><h4><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1519143033_kosovo25sur56.jpg">Au Kosovo, environ 50% de la population a moins de 25 ans. Et la moitié est au chômage. Beaucoup rêvent donc de partir. «Que fais-tu au Kosovo?!, m'a demandé une caissière. Moi je pourrais tuer pour venir en Suisse...»<br></h4><p> Les jeunes de la capitale se retrouvent en grande partie dans cette définition très libérale au sens politique, du pays. Ils ne sont pourtant pas dupes quant à l’application réelle de ces règles. «Nous sommes un pays avec des lois très progressistes, mais la mentalité ne suit pas du tout. Par exemple: le mariage homosexuel est permis dans la constitution et pourtant la majorité des gens ici n'est pas prête à l’accepter. C’est l’une des nombreuses contradictions.» Il ajoute: «Du jour au lendemain, il y avait des règles édictées par des puissances étrangères au nom du nouveau gouvernement kosovar. Les plaques de voitures par exemple devaient être changées et homologuées. Personne ne l’a fait, et il n’y avait aucune autorité réelle pour appliquer cette règle. Encore aujourd’hui, c’est pareil. Nous avons de très bonnes règles très libérales, mais personne pour les mettre en œuvre.» <br></p><br><h4><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1519143044_kosovo29sur56.jpg">Si la minorité serbe se sent parfois en danger ou exclue de la société albanaise du Kosovo, elle peut néanmoins toujours compter sur la Serbie pour la soutenir. Ce n'est pas le cas des Roms, l'une des communautés les plus pauvres de l'un des pays les plus pauvres d'Europe.</h4><h3 style="text-align: center;"> Les mafieux ne sont pas à Pristina </h3><p>Si les autorités et la police n’arrivent pas à mettre de l’ordre pour de simples questions de plaques d’immatriculation, devrait-on alors avoir peur de la criminalité au Kosovo, alors que les rues paraissent si sûres, même tard le soir? Artur Krasniqi ironise: «Non pas du tout. C’est vrai qu’il y a de la criminalité et surtout, beaucoup de corruption chez nous. Mais il ne faut pas avoir peur: tous les grands chefs de la mafia kosovare sont en Suisse ou en Europe, pas à Pristina!». </p><br><h4><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1519143028_kosovo23sur56.jpg">Une odeur de gaz d'échappement imprègne les habits aussitôt dans la rue. Il y a quelques semaines, la ville était tellement polluée que certains piétons portaient des masques. Le pays est principalement chauffé grâce à une usine de charbon juste à côté de Pristina.</h4><br><p>En effet, toutes les castes politiques semblent touchées par la corruption, certaines plus que d’autres: le président au pouvoir, Hashim Thaçi, comme le chef de l’opposition Albin Kulti (leader de Vetëvendosje) ainsi que les organisations internationales. «Beaucoup de gens ont un intérêt à garder le système dysfonctionnel comme il l’est maintenant, y compris les Nations unies ou l’Europe.» Il ajoute: «Vous savez, le Kosovo est comme un cadavre que l’on trouverait dans une rue. On a beau sentir que son pouls est à l’arrêt, il faut attendre le médecin pour constater le décès. Le problème ici, c’est qu’il n’y a personne pour prendre la responsabilité de cette catastrophe. Alors on préfère le statu quo.» <br></p><br><h4><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1519142945_kosovo1sur56.jpg">De longues allées d'immeubles style soviétique s'étendent le long des rues de Pristina, héritage de la période yougoslave. Les loyers du centre-ville sont pourtant chers: plus de 200 € pour un 2 pièces, selon un habitant de l'un d'eux.</h4><br><p></p><hr style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><p></p><h2 style="text-align: center;">Brève histoire du Kosovo</h2><h4 style="text-align: justify;"></h4><h4 style="text-align: justify;">Après la Seconde Guerre mondiale, le Kosovo intègre la Yougoslavie. Cette fédération de plusieurs pays (la Slovénie, la Croatie, la Bosnie, la Serbie, le Monténégro et la Macédoine) est menée par le communiste Josip Broz Tito. Les habitants de ce petit pays sont majoritairement albanais et musulmans.</h4><h4 style="text-align: justify;"><strong>1974</strong><br>Le Kosovo devient par la suite «province autonome» de la Serbie notamment parce que cette-dernière considère qu’il est le berceau de leur identité et de leur religion.<br><br><strong>1989</strong><br>Slobodan Milosevic restreint considérablement l’autonomie du Kosovo, provoquant des réactions violentes. Ibrahim Rugova tente de rendre l’indépendance au Kosovo de manière diplomatique en créant un gouvernement parallèle. Celui-là n’est alors pas reconnu au-delà des frontières. <br><br><strong>Années 90</strong><br>Le conflit entre Serbes et Kosovars s’accentue encore lorsque la Yougoslavie s’effrite au début des années 90. La guerre du Kosovo se déroule entre 1998 et 1999. Elle oppose les forces serbes et les séparatistes albanais (connus sous l’acronyme UÇK, dont le Président du Kosovo actuel Hashim Thaçi a fait partie). On parle d’environ 13'000 morts et près d’un million de réfugiés avant que l’OTAN bombarde la Serbie, acte mettant fin à la guerre.<br><br><strong>1999</strong><br>Le Kosovo est mis sous protection de l’ONU et de l’OTAN. A cette époque, même si la situation n’est pas comparable à celle vécue pendant la dernière décennie, les tensions entre Serbes et Albanais sont palpables.<br></h4><h4><strong>2008</strong><br>L’indépendance est proclamée et reconnue rapidement par les Etats-Unis et la Suisse, notamment. Aujourd’hui, de nombreux pays ne reconnaissent encore pas le Kosovo. Parmi eux: la Serbie, la Russie ou l’Espagne. </h4><h4 style="text-align: justify;"></h4><h3><hr></h3><h3 style="text-align: center;"><a href="https://bonpourlatete.com/actuel/abonnez-vous">Ce reportage vous a plu? Bon pour la tête a besoin <br>de votre soutien, de vous lecteurs, notre seul éditeur. </a></h3><h3 style="text-align: center;"><a href="https://bonpourlatete.com/actuel/abonnez-vous"><br>S'abonner, c'est s'engager à nos côtés!</a></h3><br><p></p><hr><p></p><h2>Les reportages Bon pour la tête au Kosovo<br></h2><p>(2) <a href="https://bonpourlatete.com/actuel/lukas-vaic-tabea-bruno-quelle-est-exactement-votre-mission-au-kosovo">Swisscoy: Lukas, Vaïc, Tabea, Bruno, quelle est votre mission exactement au Kosovo?</a>, par Diana Alice Ramsauer et Luc Chessex (photos)<br></p><p>(3) <a href="https://bonpourlatete.com/actuel/le-kosovo-pion-de-la-turquie">Le Kosovo, pion de la Turquie</a>, par Diana Alice Ramsauer et Luc Chessex (photos)<br></p>',
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Un prétexte parmi d’autres donc, pour profiter de la vie, dans ce pays où les habitants sont si joviaux malgré la pauvreté évidente. <br></p><br><h4><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1519143042_kosovo28sur56.jpg">Les jeunes de la capitale sont très connectés. Sur ce point, aucune différence avec leurs homologues plus à l'ouest.<br></h4><p>«Dix ans d’indépendance? reprend l’Ambassadeur de Suisse au Kosovo Jean-Hubert Lebet, c’est une date importante. L’indépendance avait soulevé de grands espoirs en 2008. Mais, 10 ans après, beaucoup sont déçus. Il s’agit maintenant de tirer les leçons de cette première décade.» Faisons donc le bilan.</p><br><h4 style="text-align: center;"><img class="img-responsive img-center " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w600/1519143835_kosovob1sur10.jpg" width="485" height="727">L'Ambassadeur suisse au Kosovo, Jean-Hubert Lebet, estime que c'est bien <br>plus une gouvernance fonctionnelle qui manque à ce pays que de l'argent. </h4><h3 style="text-align: center;">
Le Kosovo indépendant, lustré pour l’occasion</h3><p>
Le 17 février 2008, le Kosovo déclarait l’indépendance. Par un temps glacial approchant les -20 degrés, une foule très dense s’était retrouvée dans les rues de la capitale pour fêter le début de ce qu’elle espérait être une nouvelle ère. Dix ans plus tard, la réussite et l’indépendance sont incarnées par la chanteuse Rita Ora, double nationale kosovare britannique: grande pop-star dans le milieu anglo-saxon. Une scène gigantesque, des écrans rediffusant le show dans toute la rue principale et des décibels à la limite de l’indécence. A en croire les répercussions médiatiques, le Kosovo indépendant brille. Mais les habitants ne sont pas naïfs. «C’est du tape à l’œil, nous dit un homme édenté devant l’ambassade suisse. Nous préférions que l’Etat mette tout cet argent dans les politiques publiques. Vous voyez tous ces gens devant? Ils sont là pour obtenir un visa pour l’Europe.» </p><br><h4><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1519142953_kosovo4sur56.jpg">De nombreuses personnes travaillant pour des sortes d'agences «touristiques» font le pied de grue devant l'ambassade suisse dans l'attente de clients qui auraient besoin d'aide pour la constitution de dossier de visas. La majorité parle très bien anglais; certains ont vécu en Australie ou dans d'autres pays.<br></h4><p>
En effet, cet homme n’est pas seul à attendre aux portes de la maison diplomatique. Des dizaines de personnes défilent pour un rendez-vous au <strong></strong>Centre consulaire régional abrité par l'Ambassade suisse et qui s’occupe des visas pour différents pays. «Il y a eu une augmentation de 17% en 2017 comparée au nombre de demandes déposées en 2016», commente l’Ambassadeur Jean-Hubert Lebet. Et cette administration a permis la mise en place d’un petit business bien huilé: des responsables d’agences «touristiques» tournent devant la bâtiment ocre afin de proposer leurs services: «Nous les aidons à remplir les formulaires, parfois en anglais, et à constituer leur dossier.» 20 €, c’est le coût pour avoir une demande faite propre en ordre. A cela s’ajoute 60 € pour l’administratif officiel. Une somme importante pour des gens qui gagnent en moyenne 250 € par mois, sachant que peu d’entre eux n’obtiennent le sésame, même pour une simple visite touristique.
</p><h3 style="text-align: center;">«Je ne suis pas raciste, mais…»
</h3><p>L’indépendance du Kosovo, c’est aussi et surtout l’autonomie par rapport à la Serbie pour la communauté majoritaire albanaise du Kosovo (plus de 90%). Un nœud important et encore douloureux de l’histoire contemporaine, qui fait suite à la dissolution de la Yougoslavie. Un très grand nombre d'entre eux verraient d’ailleurs d’un très bon œil le ralliement de leur pays à leur voisin du Sud: le Premier ministre albanais Edi Rama l’a bien compris ce weekend, lorsqu’il a évoqué une possible unification entre les deux pays.</p><br><h4><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1519143078_kosovo39sur56.jpg">Il est difficile de comprendre le conflit entre les Albanais et les Serbes du Kosovo sans observer le côté «ethnique». En effet, il ne s'agit pas uniquement d'un problème de langue – même si elles diffèrent effectivement –, mais bien d'une question plus générale. Aujourd'hui, les panneaux de circulation sont d'ailleurs écrits en albanais et en serbe et les documents officiels peuvent être demandés dans les deux langues.</h4><br><p>Seules quelques régions sont restées serbes (ou «kosovares-serbes» devrions-nous dire pour être politiquement correct) après la guerre du Kosovo. «Nous n’avons plus de problèmes avec eux, nous assure la nouvelle génération. Nous voulons regarder vers l’avenir, pas vers le passé». Pourtant, lorsqu’on leur demande s’ils ont des amis kosovars-serbes, la réponse est toujours la même: «Désolé, mais non je n'en connais pas vraiment.»</p><br><h4><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1519151220_kos2.jpg">Les autorités ont installé de nombreux cœurs bleus et jaunes or à l'occasion de la fête de l'indépendance et organisé nombre d'animations pour les enfants.<br></h4><br><p>Si à Pristina, peu parlent d’un ralliement avec l’Albanie, cet aspect du conflit interne est rappelé par le drapeau albanais, omniprésent. «Pourquoi on en a un dans le couloir? répète après moi la jeune réceptionniste de l’hôtel, Oh… on l’avait accroché pour le jour de l’indépendance de l’Albanie en novembre dernier et on l’a laissé.» Une fête qui avait encore été plus grosse que celle de ce weekend dit-elle, comme si cela paraissait normal. <br></p><br><h4><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1519143127_kosovo54sur56.jpg">Les étoiles du drapeau kosovar, de même taille, donnent une place égales aux six communautés ethniques vivant dans le pays. Cela n'est certainement pas un hasard qu'il soit par ailleurs composé de certains éléments européens: le bleu et les étoiles.</h4><br><br><h4 style="text-align: center;"><img class="img-responsive img-center " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w600/1519143858_kosovob10sur10.jpg" width="481" height="721">Nombre de personnes ne reconnaissent pas le drapeau kosovar comme <br>symbole officiel. Dans des discussions – même non-politiques –, il n'est <br>pas rare d'entendre les gens s'appeler eux-même des «Albanais».</h4><br><p>Aujourd’hui donc, trois mois après, le drapeau est encore là. Il ne s’agit visiblement pas d’un simple oubli ni d’un acte isolé. En effet, les rues sont couvertes de l’aigle à deux têtes sur fond rouge tandis que le drapeau kosovar, bleu avec 6 étoiles qui représentent toutes les ethnies habitant sur le territoire peine à faire le poids. Malgré la volonté d’imposer ce symbole au peuple kosovar, cela ne prend pas: le drapeau est parfois décroché, d’autre fois même brûlé, y compris pendant cette période où le sentiment national (kosovar) devrait primer. <br></p><br><h4><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1519143049_kosovo30sur56.jpg">Les marchands de drapeaux étaient nombreux sur l'Avenue Mère Teresa (la grande rue piétonne de Pristina). Certains n'offraient que des drapeaux kosovars ou albanais, d'autres, favorisaient également les symboles internationaux ou de l'armée indépendantiste UÇK. Aucun ne s'est permis de vendre des drapeaux serbes.<br></h4><h3 style="text-align: center;"><strong>Des éoliennes à l’abandon </strong></h3><p style="text-align: left;">Et financièrement, le Kosovo, indépendant? Non, certainement pas. La population sur place vit en grande partie grâce à l’argent de la diaspora qui comble les salaires trop bas pour vivre ou fait office d’assurance chômage pour les 30% de la population qui n’ont pas de travail. Les investissements ne s’arrêtent par ailleurs pas à une aide familiale. La grande cathédrale Mère Teresa par exemple, érigée au centre de la ville, au milieu des minarets, symbole d’une acceptation (déclarée en tous cas) de toutes les religions a d’ailleurs été en grande partie financée par des dons de kosovars catholiques émigrés en Suisse. «Tous mes amis chrétiens en Suisse ont donné des sommes importantes», nous dit le pasteur Artur Krasniqi, proche du premier Président pacifiste, Ibrahim Rugova, élu avant 2008. <br></p><br><h4 style="text-align: center;"><img class="img-responsive img-center " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w600/1519141754_kosovo42sur56.jpg" width="478" height="584">Le pasteur Artur Krasniqi raconte: «J’ai toujours habité à Pristina, mais j’ai eu <br>quatre passeports différents: yougoslave, serbe, de l’ONU et kosovar.» <br></h4><h4 style="text-align: center;"><img class="img-responsive img-center " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w600/1519143841_kosovob3sur10.jpg" width="481" height="721">Ibrahim Rugova a été le premier président du Kosovo avant son indépendance <br>en 2008. Il est parfois surnommé le «Gandhi des Balkans» en raison de sa <br>lutte non-violente. Emporté en 2006 par un cancer, il n'aura jamais connu <br>l'indépendance de son pays.<br></h4><br><br><p>Des investissements étrangers, on en voit un peu partout au Kosovo: à différents degrés de réussites d’ailleurs. En voiture, direction la campagne, des entreprises aux noms italiens, allemands ou suisses s’alignent. A côté de Pristina, des éoliennes à moitié construites tombent en ruines: ce sont les vestiges d’un investissement, allemand semblerait-il, qui n’a jamais pu être mené à bien. <br></p><br><h4><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1519143026_kosovo22sur56.jpg">Les grues hantent la ville de Pristina. Beaucoup de bâtiments semblent pourtant en «stand by», dans l'attente de financement? d'autorisation? de pot-de-vin?</h4><br><h4><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1519143132_kosovo56sur56.jpg">Pas de McDonald à l'horizon. En revanche, l'influence des cultures étrangères est bien présente, qu'elle soit américaine ou italienne.<br></h4><br><p>Si les investissements privés étrangers sont donc parfois des échecs et peinent à décoller, la communauté internationale, elle, persiste à alimenter la perfusion kosovare. La Suisse, à elle seule, a prévu un budget de 78 millions de francs pour la coopération internationale (budget 2017-2020 selon l’évaluation de la direction du développement de la coopération, DDC, en collaboration avec le secrétariat à l’économie, SECO). Au travers de cette aide, elle soutient l’effort international en matière de gouvernance, contribue à des projets favorisant l’économie, et est active dans le domaine de la santé. En ce qui concerne les infrastructures, le Kosovo doit d’ailleurs une grande partie de son système d’eau potable aux investissements helvétiques. </p><h3 style="text-align: center;"> Un produit des Nations unies </h3><p>La Suisse a toujours eu un lien bien particulier avec le Kosovo en raison notamment des 200'000 ressortissants kosovars sur son territoire (environ 10% de la population du Kosovo). Elle n’est pourtant pas la seule à être présente sur place. Les rues de Pristina sont couvertes de drapeaux étrangers, suisses, italiens, européens et surtout américains. «Le Kosovo est un produit des Nations unies, explique le pasteur, Artur Krasniqi. La ratification de constitution a été suivie de près par l’ONU, et les principes fondamentaux ont été proclamés: les principes de paix, de démocratie, d’égalité (entre les ethnies), la primauté du droit, etc. C’est une construction.» <br></p><br><h4><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1519143033_kosovo25sur56.jpg">Au Kosovo, environ 50% de la population a moins de 25 ans. Et la moitié est au chômage. Beaucoup rêvent donc de partir. «Que fais-tu au Kosovo?!, m'a demandé une caissière. Moi je pourrais tuer pour venir en Suisse...»<br></h4><p> Les jeunes de la capitale se retrouvent en grande partie dans cette définition très libérale au sens politique, du pays. Ils ne sont pourtant pas dupes quant à l’application réelle de ces règles. «Nous sommes un pays avec des lois très progressistes, mais la mentalité ne suit pas du tout. Par exemple: le mariage homosexuel est permis dans la constitution et pourtant la majorité des gens ici n'est pas prête à l’accepter. C’est l’une des nombreuses contradictions.» Il ajoute: «Du jour au lendemain, il y avait des règles édictées par des puissances étrangères au nom du nouveau gouvernement kosovar. Les plaques de voitures par exemple devaient être changées et homologuées. Personne ne l’a fait, et il n’y avait aucune autorité réelle pour appliquer cette règle. Encore aujourd’hui, c’est pareil. Nous avons de très bonnes règles très libérales, mais personne pour les mettre en œuvre.» <br></p><br><h4><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1519143044_kosovo29sur56.jpg">Si la minorité serbe se sent parfois en danger ou exclue de la société albanaise du Kosovo, elle peut néanmoins toujours compter sur la Serbie pour la soutenir. Ce n'est pas le cas des Roms, l'une des communautés les plus pauvres de l'un des pays les plus pauvres d'Europe.</h4><h3 style="text-align: center;"> Les mafieux ne sont pas à Pristina </h3><p>Si les autorités et la police n’arrivent pas à mettre de l’ordre pour de simples questions de plaques d’immatriculation, devrait-on alors avoir peur de la criminalité au Kosovo, alors que les rues paraissent si sûres, même tard le soir? Artur Krasniqi ironise: «Non pas du tout. C’est vrai qu’il y a de la criminalité et surtout, beaucoup de corruption chez nous. Mais il ne faut pas avoir peur: tous les grands chefs de la mafia kosovare sont en Suisse ou en Europe, pas à Pristina!». </p><br><h4><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1519143028_kosovo23sur56.jpg">Une odeur de gaz d'échappement imprègne les habits aussitôt dans la rue. Il y a quelques semaines, la ville était tellement polluée que certains piétons portaient des masques. Le pays est principalement chauffé grâce à une usine de charbon juste à côté de Pristina.</h4><br><p>En effet, toutes les castes politiques semblent touchées par la corruption, certaines plus que d’autres: le président au pouvoir, Hashim Thaçi, comme le chef de l’opposition Albin Kulti (leader de Vetëvendosje) ainsi que les organisations internationales. «Beaucoup de gens ont un intérêt à garder le système dysfonctionnel comme il l’est maintenant, y compris les Nations unies ou l’Europe.» Il ajoute: «Vous savez, le Kosovo est comme un cadavre que l’on trouverait dans une rue. On a beau sentir que son pouls est à l’arrêt, il faut attendre le médecin pour constater le décès. Le problème ici, c’est qu’il n’y a personne pour prendre la responsabilité de cette catastrophe. Alors on préfère le statu quo.» <br></p><br><h4><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1519142945_kosovo1sur56.jpg">De longues allées d'immeubles style soviétique s'étendent le long des rues de Pristina, héritage de la période yougoslave. Les loyers du centre-ville sont pourtant chers: plus de 200 € pour un 2 pièces, selon un habitant de l'un d'eux.</h4><br><p></p><hr style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><p></p><h2 style="text-align: center;">Brève histoire du Kosovo</h2><h4 style="text-align: justify;"></h4><h4 style="text-align: justify;">Après la Seconde Guerre mondiale, le Kosovo intègre la Yougoslavie. Cette fédération de plusieurs pays (la Slovénie, la Croatie, la Bosnie, la Serbie, le Monténégro et la Macédoine) est menée par le communiste Josip Broz Tito. Les habitants de ce petit pays sont majoritairement albanais et musulmans.</h4><h4 style="text-align: justify;"><strong>1974</strong><br>Le Kosovo devient par la suite «province autonome» de la Serbie notamment parce que cette-dernière considère qu’il est le berceau de leur identité et de leur religion.<br><br><strong>1989</strong><br>Slobodan Milosevic restreint considérablement l’autonomie du Kosovo, provoquant des réactions violentes. Ibrahim Rugova tente de rendre l’indépendance au Kosovo de manière diplomatique en créant un gouvernement parallèle. Celui-là n’est alors pas reconnu au-delà des frontières. <br><br><strong>Années 90</strong><br>Le conflit entre Serbes et Kosovars s’accentue encore lorsque la Yougoslavie s’effrite au début des années 90. La guerre du Kosovo se déroule entre 1998 et 1999. Elle oppose les forces serbes et les séparatistes albanais (connus sous l’acronyme UÇK, dont le Président du Kosovo actuel Hashim Thaçi a fait partie). On parle d’environ 13'000 morts et près d’un million de réfugiés avant que l’OTAN bombarde la Serbie, acte mettant fin à la guerre.<br><br><strong>1999</strong><br>Le Kosovo est mis sous protection de l’ONU et de l’OTAN. A cette époque, même si la situation n’est pas comparable à celle vécue pendant la dernière décennie, les tensions entre Serbes et Albanais sont palpables.<br></h4><h4><strong>2008</strong><br>L’indépendance est proclamée et reconnue rapidement par les Etats-Unis et la Suisse, notamment. Aujourd’hui, de nombreux pays ne reconnaissent encore pas le Kosovo. Parmi eux: la Serbie, la Russie ou l’Espagne. </h4><h4 style="text-align: justify;"></h4><h3><hr></h3><h3 style="text-align: center;"><a href="https://bonpourlatete.com/actuel/abonnez-vous">Ce reportage vous a plu? Bon pour la tête a besoin <br>de votre soutien, de vous lecteurs, notre seul éditeur. </a></h3><h3 style="text-align: center;"><a href="https://bonpourlatete.com/actuel/abonnez-vous"><br>S'abonner, c'est s'engager à nos côtés!</a></h3><br><p></p><hr><p></p><h2>Les reportages Bon pour la tête au Kosovo<br></h2><p>(2) <a href="https://bonpourlatete.com/actuel/lukas-vaic-tabea-bruno-quelle-est-exactement-votre-mission-au-kosovo">Swisscoy: Lukas, Vaïc, Tabea, Bruno, quelle est votre mission exactement au Kosovo?</a>, par Diana Alice Ramsauer et Luc Chessex (photos)<br></p><p>(3) <a href="https://bonpourlatete.com/actuel/le-kosovo-pion-de-la-turquie">Le Kosovo, pion de la Turquie</a>, par Diana Alice Ramsauer et Luc Chessex (photos)<br></p>',
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<p>Si Alexeï Navalny et son parti Russie du futur n’a jamais semblé être une alternative appétissante pour les habitantes et habitants de ce pays – qui ne se réduit pas aux deux villes Moscou et Saint-Pétersbourg – l’opposant numéro 1 (du moins vu comme tel depuis l’Occident), aura pourtant apporté une solution à cette femme dès 2018. A la question «Qui»? Navalny répond simplement: tous sauf Russie unie. En développant son «vote intelligent» et l’infrastructure qui va avec, l’opposant, désormais emprisonné, a compensé l’incapacité des partis d’opposition russes à former des coalitions, selon les chercheurs en science politique de l’Université européenne de Saint-Petersbourg Mickhaïl Turchenko et Grigorii Golosov qui publient les <a href="https://www.ridl.io/en/the-impact-of-smart-voting-on-the-2020-elections/" target="_blank" rel="noopener">résultats de leur étude sur ridl.io</a>. </p>
<p>Rappelons le principe de ce «vote intelligent» ou «vote malin». Il consiste à inscrire sur son bulletin les candidates et candidats d’opposition, tous partis confondus, qui auraient le plus de chance de l’emporter contre Russie unie – qui détient trois quarts des sièges du parlement. Mais l’équipe de Navalny ne s’est pas contentée de donner ce mot d’ordre, elle a également développé toute une artillerie de ressources en ligne pour définir lesdites candidatures. Chaque électrice et chaque électeur a ainsi toutes les clefs en main pour centraliser son opposition sur la personne la plus «utile» dans sa circonscription.</p>
<h3>Une augmentation du résultat des candidatures du «vote intelligent» en 2020</h3>
<p>En 2020, cette stratégie a fonctionné. Il ne s’agit pas d’une révolution, mais les chercheurs estiment une augmentation des résultats pour les candidates et candidats du vote intelligent à près de 5%. Ce qui peut faire une différence, sachant que le système électoral courant est celui de la majorité relative; dans certaines régions, un parti obtenant 30%, 20% voire seulement 15% peut déjà peser dans le jeu électoral si les autres partis sont divisés. Ce mode de scrutin explique en partie pourquoi Russie unie détient encore autant de sièges alors que le parti n’a le soutien, selon l’institut Levada, que d’une personne sur trois.</p>
<p><a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2021/03/RICHARD/62870" target="_blank" rel="noopener">Selon le <i>Monde diplomatique</i></a>, les principaux bénéficiaires de cette stratégie de «cheval de Troie» sont le Parti communiste de la Fédération de Russie (le KPRF, considéré comme le premier parti d’opposition et héritier du parti communiste soviétique et des bolcheviks) et le Parti libéral-démocrate de Russie (le LDPR, conservateur, nationaliste et basé sur des idées de reconquête de la «Grande Russie»). Si le risque, assumé, est également de faire élire des candidates et candidats issus de formations dociles face à Russie unie, voire en désaccord avec ses propres idées, pour les deux politologues, ce vote intelligent a permis de «surmonter un sentiment d’isolement, d’apathie et d’impuissance en donnant à la population l’occasion de participer à un effort politique collectif» (traduction libre). </p>
<p>Les chercheurs concluent que cette stratégie a ainsi permis d’offrir aux candidates et candidats d’opposition les meilleurs résultats depuis le début des années 2000. C’est donc bien pour cela que le parti au pouvoir voit ce vote intelligent comme une réelle menace et saccage méticuleusement la campagne. Le tribunal de Moscou a ainsi interdit à Google et Yandex de renvoyer les recherches vers les projets du vote intelligent. Les bases de données centralisant les candidatures d’opposition ont été piratées, sans compter les nombreux risques de fraude liés au vote électronique ou à l’urne.</p>
<p>Si Alexeï Navalny n’a donc jamais vraiment réussi à infléchir la tendance politique russe – à cause d’un trop gros soutien américain et européen, lui donnant une image d’émissaire de l’étranger? – sa stratégie pourrait néanmoins apporter un certain pluralisme politique à l’avenir. Si cela devait être le cas, le Gouvernement ne pourrait ainsi pas invoquer l’ingérence des pays étrangers: un premier pas vers la légitimation des résultats.</p>',
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<p style="text-align: center;">Cet article est paru le 1er août sur <a href="https://leregardlibre.com/forum/feux-dartifice-pourvu-que-le-covid-se-prolonge/#more-35164" target="_blank" rel="noopener"><em>Le Regard Libre</em></a></p>
<hr />
<p>«Par ce que c’est joli», diront certaines et certains. Joli… vraiment? Des lumières de couleurs qui explosent dans le ciel accompagnées de gros bruits. Joli? Tenez-vous devant les néons d’un cabaret vétuste quelques instants et admirez l’effet, votre 1<sup>er</sup> août se terminera peut-être également avec des papillons dans le ventre.</p>
<p>«Ahhh mademoiselle, ce n’est pas parce que les feux d’artifice ne sont pas utiles qu’ils n’ont pas leur place.» Vous avez raison. Je suis même une fervente défenseuse des choses inutiles. Je vous invite volontiers à rester prostré quelques instants devant ma bibliothèque pour observer l’étendue de mon inutilité. On pourra même boire ensemble un verre de vin inutilement bon, en tenant des théories inutilement longues. Mais pour que le futile ait du sens, il faut encore qu’il soit bien réalisé. Et chers artificiers, on peut parfois se demander dans quelle direction vous avez projeté votre conscience professionnelle.</p>
<p>Justement, à votre tour messieurs-dames les professionnels de la pyrotechnie. Oui, vous vous plaignez d’une baisse drastique des commandes pour cette fête nationale. Les principaux feux ont été annulés un peu partout. Votre chiffre d’affaires a chuté d’environ 80% en Suisse cette année. Ayons s’il vous plaît une seconde réflexive: au plus profond du confinement, un certain nombre d’activités professionnelles ou de loisir avaient été citées comme irremplaçables, bénéfiques à notre société, souhaitables même. Faites la liste. Elle était longue, si je me souviens bien. Que les personnes qui auraient nommé «les feux d’artifice» dans leur choix personnel m’écrivent. Vraiment. «Les feux d’artifice.» Et pas de mauvaise foi rétrospective: j’aimerais bien profiter de quelques activités inutiles ces prochains jours sans répondre à vos mails.</p>
<p>«Les enfants adorent.» Ils adorent aussi taper sur leur petite sœur, sucer leur pouce, miauler lorsqu’ils ont faim, sont fatigués, ont envie de faire pipi, veulent regarder une vidéo pseudo-éducative sur l’iPad de papa ou acheter le même pantalon qu’Angèle. Ce n’est pas pour autant que l’Etat finance leurs caprices. Bien heureusement, certains ont grandi et se rendent compte que le Vésuve est un volcan en Italie et les fusées, un joujou nord-coréen et non une prestation sociale. Et ne me lancez pas sur ces apprentis sorciers qui dépensent leur futur treizième salaire pour épater les copains et les copines entre les noix de cajou-wasabi et la salade d’avocat.</p>
<p>Alors oui, on espère tous garder notre âme d’enfant (l’insouciance qui va avec, la peau douce aussi et les bonbons aux anniversaires). D’ailleurs, maintenant que vous me le dites… c’est vrai, moi aussi ça m’est arrivé d’apprécier un feu d’artifice. Une fois. Je m’en rappelle. C’était un 14 juillet.</p>',
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'content' => '<p>Non, l’humain n’a pas toujours «jeté». Ce geste quotidien est même très récent en réalité. C’est ce qu’explique Baptiste Monsaingeon dans son éclairant ouvrage <em>Homo Detritus</em>, à lire ou à relire en ces temps tumultueux de préoccupation climatique. Bien longtemps, nous cohabitions avec ce que nous appelons aujourd’hui des déchets: il s’agissait de ressources ou d’éléments accompagnant notre vie. «Il n’y a pas d’'en soi' du déchet», écrit le chercheur. Le rebut n’est rien d’autre que «le produit d’un geste».
</p><h3>«Tout-au-trou», «tout-à-l’égout»
</h3><p>Si l’humain a de tout temps agencé sa vie selon diverses règles de vivre-ensemble, la tendance à l’ordre, à la catégorisation et à l’organisation sociale s’accentue autour du 19<sup>e</sup> siècle, notamment avec l’ère industrielle. «La saleté est une offense contre l’ordre. En l’éliminant, nous n’accomplissons pas un geste négatif; au contraire, nous nous efforçons, positivement, d’organiser notre milieu. Autrement dit, le nettoiement est un acte de fabrication du social, plus qu’une réaction au danger symbolique qu’il représente», précise le chercheur. Définir ce qui est «déchet» et ce qui ne l’est pas devient ainsi un acte fondateur de nos sociétés, au-delà des questions de santé publique.
</p><p>Les politiques publiques convergent toutes vers un objectif: éliminer et cacher le rebut. Les excréments dans les égouts hors de vue; les ordures dans les poubelles (le nom vient d’ailleurs d’un préfet parisien hygiéniste du 19<sup>e</sup> siècle); nos résidus métalliques, plastiques, en verre moderne dans de grandes fosses; les surplus de ce que l’on ne veut plus, qui a été utilisé, dont on ne sait plus quoi faire, dans les océans, en attendant que le temps fasse son effet. «C’est comme si nous préférions rester aveugles à ces ombres incommodantes de la civilisation», écrit Monsaingeon. Mettre à la poubelle, fermer le couvercle et ne plus y penser.
</p><h3>Prise de conscience ratée: l’écologisation de l’économie
</h3><p>Coup de théâtre au milieu du siècle dernier. Les scientifiques découvrent avec stupéfaction l’ampleur de la situation. Repousser ce que l’on ne veut plus «hors de nous», loin de nos lieux sociaux comporte des limites. Nous sommes d’ores et déjà submergés. Certains postulent alors un changement radical de philosophie, mais ceux qui l’emportent sont les «environnementalistes». Pour eux, les déchets doivent être vus comme une chose à organiser, à gérer, à «manager». Ainsi, au lieu de créer une «écologisation de l’économie», c’est-à-dire remettre en cause la conception et la production du déchet, les autorités appliquent une stratégie de «mise en économie de l’environnement» que l’on peut résumer par «la bonne gestion des déchets et aussi celle qui est rentable». Et c’est là que le citoyen responsable (et culpabilisé) entre en scène.</p><h3>Le déchet ou le cheval de Troie du «waste managment»
</h3><p>«Pour le valeureux soldat de l’armée verte, pour l’écocitoyen, il reste possible, moralement acceptable, d’acheter une bouteille d’eau minérale, car si elle est bien jetée, elle sera recyclée.» Cette réflexion a été intégrée par bon nombre de gens dans nos sociétés occidentales. Ainsi, «sous couvert d’un argumentaire orienté vers la protection de l’environnement, bien jeter est devenu un moyen pour pouvoir continuer à (mieux) consommer.»
</p><p>Illustration du propos. Le groupe Coca-Cola s’est par exemple engagé à un monde sans déchets d’ici 2030. Pourtant, selon les découvertes de<em> Cash investigation </em>en 2018, dans la pratique, seul 7% du plastique contenu dans les bouteilles en PET provient du recyclage. Trier est donc un geste louable, mais il permet surtout à la marque de continuer à vendre ses produits sous couvert de bonne conscience.
</p><p>Deuxième exemple: les campagnes de ramassages d’ordure sur les bords de lacs ou de mer, dans les montagnes, dans les forêts. Bon nombre d’entre elles ont été instiguées à la base par des consortiums liés aux industries de boissons ou d’emballages à usage unique, comme Keep Amercia Beautiful, fondé en 1953. La logique derrière? Rejeter, mine de rien, la responsabilité de la pollution sur le dos des citoyennes et citoyens. Une campagne marketing plus que réussie puisqu’aujourd’hui des écoles et des ONG organisent également ce genre d’action.
</p><h3>Consommer & jeter: du programme économique à l’art de vivre
</h3><p>«L’incorporation par les usagers de la réforme environnementale du geste de mise au rebut est emblématique de la façon dont s’est construit un déni des racines profondes de la crise écologique mettant en cause les fondements de l’industrialisation productive, du capitalisme mondialisé, et d’une façon générale d’un mode de vie 'moderne'», postule l’auteur de <em>Homo Detritus</em>. Bien jeter a créé une sorte de «rituel contemporain de dénégation.» Nous «faisons notre part» en triant, en recyclant et en inculquant ces valeurs à nos enfants. Jusqu’à dire que c’est la manipulation à large échelle, il n’y a qu’un pas.
</p><p>«La naissance [il y a 50 ans] de la sensibilité écologique en France comme dans d’autres pays industrialisés aurait pu être l’occasion d’une révolution du quotidien qui n’est pas advenue», cite Monsaingeon. Aujourd’hui, alors que de nombreuses manifestations de jeunes éclatent dans toute l’Europe – manifestations que l’on peut d’ailleurs critiquer– les politiciennes et politiciens avancent timidement quelques solutions. «Économie circulaire»: tente une partie de la gauche. «Responsabilité et innovation» essayent quelques partis de droite. Toutes ces réponses sont pourtant empreintes d’«environnementalisme». Le déni est général, même chez beaucoup d’écologistes. Car il ne suffit plus de «manager» les déchets – qui reviendront toujours en plus grand nombre – mais bel et bien de remettre en cause le système productiviste. Et cela ne peut passer que par des politiques globales. Malheureusement, il serait illusoire de penser que trier les partis politiques en ne mettant que les bons dans l’urne – dans une logique du «bien voter» ressemblant au «bien jeter» – ne nous permette d’agir sur les réels impacts de nos modes de vie. Mais en attendant, trions et «faisons notre part», c’est toujours ça de pris.
</p><p><hr></p><p><br><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w175/1556096692_515j071wtl._sx195_.jpg"></p><h4>Baptiste Monsaingeon, <em>Homo Detritus</em>, Ed. Seuil, 2017.</h4><p><hr></p><h2>Retrouvez d'autres articles sur le même thème dans notre <a href="https://bonpourlatete.com/serie/dossier-special-decroissance">dossier spécial Décroissance</a>.</h2>',
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'subtitle' => 'Une envie de parler à sa génération et une certaine résignation à l’encontre du mode de consommation de l’actualité d’aujourd’hui: c’est ce que je retiendrai de ma rencontre avec Antoine Multone, rédacteur en chef du bureau veveysan de Konbini: un média qui réussit à captiver les jeunes, réputés se détourner de la presse. La recette? Beaucoup de pragmatisme face à l’omniprésence des réseaux sociaux et un cocktail controversé entre journalisme et publireportage.',
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'content' => '<p>A ses origines, le site <em>Konbini</em> est un média de pop culture. Avec son design coloré, ses sujets «pop» et le ton résolument «jeune», ce sont les 16-30 ans qui sont ciblés. Basé sur des «verticaux» (le nom donné aux «rubriques»), le média touche les «consommateurs et consommatrices» majoritairement au travers des réseaux sociaux: la page Konbini «move it move it» s’intéresse par exemple au sport, celle qui se nomme «biiinge» aux séries ou encore «cheese» à la photographie. </p><p>En 2017, le concept évolue pourtant. L’actualité fait son apparition sous le label <em>Konbini news</em>. Pendant la campagne présidentielle française, le site se lance dans le traitement de sujets société et surtout politiques. Toujours à sa façon, en tentant d’intéresser la catégorie qui semble le moins se préoccuper de ces thèmes grâce à des formats nouveaux, dynamiques, courts. Les vidéos «speech» (une prise de parole de quelques minutes face caméra de personnalités politiques ou non <a href="https://www.youtube.com/watch?v=bWvcmQVQEQA">ici par exemple de Jean Ziegler</a>) voient le jour. L’arrivée de la nouvelle star du journalisme Hugo Clément achève la transformation. Connu majoritairement pour ses sujets au <em>Petit Journal</em> puis à <em>Quotidien</em>, <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/l-instant-m/l-instant-m-18-decembre-2017">il annonce </a>vouloir «faire du reportage incarné, traiter de l’actualité (…) et faire du vrai journalisme».</p><h3>Sextoys, cannabis, gaming (et élections fédérales)</h3><p>Aujourd’hui, <em>Konbini</em> se targue d’avoir <a href="https://www.cominmag.ch/konbini-si-les-contenus-sont-de-qualite-les-gens-se-fichent-quils-soient-sponsorises/">150 millions de visiteurs uniques par année</a> sur le Web et les réseaux sociaux. Des chiffres dus à la présence accrue du média sur différentes plateformes de diffusion (nouvellement aussi sur Snapchat) et à l’ouverture de rédactions à l’international: en Angleterre, aux Etats-Unis, au Mexique, au Nigeria et en Suisse. </p><p>Le bureau de Vevey, où j’ai rencontré Antoine Multone, actuel rédacteur en chef, traite de la Suisse, sous toutes les coutures. La «verticale» helvète, créée en juillet 2017 démarre gentiment: «On peut compter environ à 3 millions d’utilisateurs non uniques en une année», annonce le trentenaire qui s’est formé à la RTS. Ce jour-là, les trois derniers articles publiés parlaient de l’ouverture de la Migros à la vente de sextoys, de l’utilisation du cannabis dans des EMS et d’un jeu dissimulé dans l’application des CFF. On est plus du côté de «infotainment» que de l’info pure.</p><p><em>Konbini</em> Suisse va-t-il aussi s’intéresser aux grands thèmes politiques 2019? «Certainement, répond Antoine Multone, mais il s’agit de trouver des angles qui touchent les jeunes.» Pour les élections fédérales, la petite rédaction veveysane compte se concentrer sur la pauvreté, le climat et les questions de genre, de sexualité et plus généralement des minorités. L’enjeu sera ensuite de trouver des «formats spécifiques» à <em>Konbini</em> qui permettront de montrer la diversité d’opinions dans une Suisse fédéraliste aux acteurs nombreux.</p><h3>Une dépendance aux réseaux sociaux</h3><p>Si la manière de présenter l’information est très variée chez <em>Konbini</em> (vidéos, textes, reportages, interviews, humour, etc.) le critère prioritaire est l’adaptation 1) à son public 2) à son canal de diffusion. Ce ne sont plus les lecteurs et lectrices qui s’adaptent au média, c’est le média qui doit coller au public et à sa manière de «consommer l’actu». Selon la formule bien connue des analystes, le véritable rédacteur en chef, c’est le clic: Antoine Multone assume cette nouvelle réalité.</p><p>Concrètement, ce qui fait les frais de cette nouvelle donne, c’est la surprise. Dans un journal traditionnel (papier ou Web), les lecteurs et lectrices se promènent dans le titre au gré des pages et des rubriques. Ils et elles peuvent ainsi être confrontés à des articles qui les sortent de leur zone de confort.</p><p>Les algorithmes des réseaux sociaux et des moteurs de recherches proposent une tout autre logique: au travers des clics ou des «likes» répétés sur un média le système de calcul informatique guide systématiquement les lecteurs et lectrices vers des articles «qui pourraient leur plaire»: c’est-à-dire, au bout du compte, vers ce qui leur a déjà plu dans le passé. Les conséquences de ce mécanisme sont souvent résumées sous l’appellation de «bulle filtrante» des réseaux sociaux. <br></p><h3>«La nouvelle diversité de la presse, c’est la diversité des algorithmes»</h3><p><em>Konbini</em> a bien un site internet. Mais il très peu fréquenté, car l’essentiel se passe ailleurs: la majorité de ses consommateurs et consommatrices sont sur les réseaux sociaux, le média joue à fond le jeu des plateformes qui utilisent les algorithmes. </p><p>Antoine Multone ne ménage pas ses critiques face aux réseaux sociaux. Non, il ne soutient pas les logiques de ce monde-là. Mais en même temps, il s’y résigne: si c’est la seule manière de parler à sa génération, il veut bien appréhender cette collaboration «tout au plus comme une contrainte» et non comme une perte de liberté. <em><strong><br></strong></em></p><blockquote><p><em><strong>«L’humain est paresseux, </strong></em>analyse-t-il, un peu fataliste.<em><strong> Il aime qu’on lui montre ce qu’il veut voir. Oui, c’est parfois frustrant. Mais dans tous les cas, on ne peut pas le forcer à porter de l’attention sur ce qui ne l’intéresse pas. Ce qu’il nous reste à faire, c’est diversifier les plateformes. Utiliser Facebook, Instagram, Twitter, Snapchat, mais aussi les agrégateurs d’informations Google Actu, Apple News ou encore Flipboard.» </strong></em></p></blockquote><p>En d’autres termes, la nouvelle diversité de la presse, c’est la diversité des algorithmes? Le rédacteur en chef acquiesce d’un sourire crispé.</p><h3>Si c’est gratuit, c’est vous le produit </h3><p><em>Konbini</em> affiche toutes les apparences du succès. Antoine Multone affirme que le média est dans les chiffres noirs. Néanmoins l’opacité sur les résultats financiers est une pratique habituelle dans la presse. A <em>Konbini</em> Paris, on n’a d’ailleurs pas daigné me répondre sur l’état des comptes.</p><p>Aborder le sujet financement n’enthousiasme pas particulièrement le chef de la «verticale suisse». Il s’en occupe peu: «Les décisions sont prises à Paris», m’explique-t-il. Le site est gratuit et tire ses revenus de la publicité, du «brand content» et des «natives advertising». En bon français: de la publicité et du publireportage sous forme numérique. Le mélange de contenu rédactionnel et publicitaire, une pratique qui fait bondir les consœurs et confrères soucieux d’éthique, mais qui se répand depuis quelques années jusque dans les titres les plus prestigieux. </p><p>Dans le cas précis de <em>Konbini</em>, il est certain que les revenus publicitaires sont liés au fort trafic que génèrent les publications du média. Plus il y aura de personnes touchées par le contenu éditorial, mais également par la mise en valeur de certaines marques – et le bât blesse lorsqu’il n’y a pas une différenciation claire des deux – plus les entreprises seront intéressées à investir dans du contenu <em>brandé</em>. </p><p>La question est donc primordiale: le rapport d’interdépendance entre le média, son canal de diffusion (majoritairement les réseaux sociaux) et les marques permet-il réellement de faire du «vrai journalisme», comme le déclarait Hugo Clément en 2017? Ou n’est-ce pas précisément au prix de l’indépendance journalistique que le succès se construit dans les médias émergents de type <em>Konbini</em>? Mais peut-être l’heure est-elle à la résignation et le véritable choix est le suivant: un journalisme du clic plutôt que pas de journalisme du tout.</p><br>',
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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
4 Commentaires
@Rolbes 21.02.2018 | 10h44
«Bonjour,
Nouvel abonné de votre journal, j'apprécie cet article à la fois pour son honnêteté vis à vis de la situation du Kosovo ainsi que pour la mise en perspective historique de cette région de l'ex-Yougoslavie !
R. Besse, Lutry»
@hh24 21.02.2018 | 11h00
«Et qui rappelle les bombardements de la Serbie par M. Clinton etc.? Le Kosovo n'est-il pas le pur fruit d'un nationalisme d'antan? Quelle belle métaphore de "berceau" dans ce contexte.»
@Chriscriss 21.02.2018 | 11h22
«Excellent reportage, bravo! Textes, photos, tout est à la fois parlant et nuancé... Je transmets à mes amis kosovars de Suisse!»
@DorisE 23.02.2018 | 23h10
«Très intéressant pour rattraper l’histoire récente du Kosovo et la situation actuelle. Si vous n’aviez pas écrit cet article, je n’aurais pas pris le temps pour me renseigner sur ce petit pays. Heureuse d’être abonnée a Bon pour la tête .»