Actuel / Jouer à pile ou face avec des cryptomonnaies?
Il y a un peu plus d’un an, la ville de Lugano a misé sur les cryptomonnaies avec son Plan B; B comme bitcoin. Il s’agit d’un projet unique en Suisse, fortement voulu par la municipalité, et qui prévoit: la promotion des cryptomonnaies comme moyen de paiement, un centre spécialisé autour des technologies blockchain, un programme de formation, et des conférences sectorielles. Pourquoi la mairie de la troisième place financière du pays a-t-elle choisi d’investir dans un moyen de paiement inventé pour permettre des transactions en ligne afin d’éviter les institutions bancaires? Nous proposons un bilan de l’opération.
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Lugano a lancé son Plan B le 3 mars 2022, en partenariat avec Tether Operations Limited, une entreprise basée à Zoug, qui gère un des plus grand actifs financiers digitaux au monde, le stablecoin Tether, dont la valeur est ancrée sur la valeur du dollar américain.</p> <p>Actuellement, la partie la plus visible du Plan B ce sont les adhésifs qui apparaissent sur les vitrines d’environ 350 commerces de la ville disant: «ici tu peux payer avec Bitcoin, LVGA et Tether». Cela représente déjà la plus grande densité en Europe de commerces qui acceptent le paiement en bitcoin. Des enseignes comme McDonald's ou Guess y participent, comme de nombreux restaurants, coiffeurs, et autres petits commerces. La grande distribution s’en est tenue à l’écart pour le moment. Les globalistes à la tête de Tether, dont certains habitent Lugano, disent ainsi vouloir contribuer au développement local. 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De même, en 2017 une association a lancé la Monnaie Léman, monnaie locale électronique qui vise à financer la transition sociale et écologique de l’arc lémanique. Lugano n’est donc pas pionnière en la matière. Elle se distingue pourtant par l’étendue de son projet.</p> <p>Celui-ci est le fruit d’un développement qui s’est fait par étapes, bien que non planifiées. Lugano a d’abord créé un franc numérique appelé LVGA Point, pour un programme de fidélisation des consommateurs luganais: les dépenses dans certains services ou magasins de la ville permettent de cumuler des points que l’on peut ensuite utiliser pour effectuer d’autres dépenses dans les services et magasins. Ceci a amené 10% de la population à avoir un porte-monnaie digital. Puis, la Ville a développé une blockchain pour gérer certains processus de son administration, et seulement ensuite elle a lancé le Plan B. Cette montée en puissance graduelle a permis que le projet soit bien accueilli par une grande partie de la population. Des critiques se demandent si le partenaire Tether est fiable, ce qui est difficile à dire. L’important est que la Ville ne soit pas mêlée à ses affaires, ce qui n'est pas le cas.</p> <p>D’autres voix craignent pour les commerçants et leurs clients. Ces derniers ne risquent rien. Au contraire, ils trouvent à Lugano une occasion rare pour utiliser leurs cryptomonnaies afin d’acheter des biens autres que financiers. Les commerces sont les acteurs qui semblent les plus défavorisés de tous, bien qu’ils ne courent pas de risques non plus. En effet, une douzaine d’heures après un achat en crypto, la somme correspondante en francs suisses leur est versée. Les cryptos sont changés en francs par un «tiers», un fournisseur de services financiers agréé. 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Vingt ans après la fusion qui a fait d’elle la neuvième ville suisse par sa population, Lugano cherche encore à se réinventer suite à la crise financière de 2008. Le Plan B apparaît alors comme un plan d’action parmi d’autres pour générer des retombées positives, en mobilisant un groupe d’acteurs présents sur son territoire afin d’en améliorer l’attractivité.</p> <p>Ainsi, l’association des commerçants de la via Nassa, connue des joueurs suisses de Monopoly, veut maintenant faire de leur rue la première rue du luxe au monde qui soit «crypto-friendly». Ceci pour soutenir la compétition avec les quartiers analogues de Milan et Zurich. D’un tout autre type est l’utilisation du Plan B par les promoteurs du Lugano Business Forum, qui s’est tenu les 11 et 12 mai. 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Le chômage à Gaza est de l’ordre de 85%, ainsi le fait que l’UNRWA donne du travail à de nombreux palestiniens est une source d’espoir, notamment pour les jeunes qui ont eu une formation avancée. Notre témoin, elle, considère avoir reçu une très bonne éducation: elle parle couramment l’anglais, et est actuellement inscrite à l’Université de Bâle, où elle suit les cours en allemand et s’est fait beaucoup d’amis et amies suisses. Lorsque quelqu’un lui demande s’il est vrai que dans les écoles de Gaza on prône l’antisémitisme, elle trouve la question ridicule car l’islam auquel elle a été formée s’inscrit dans la voie tracée par les traditions juive et chrétienne. «Nous croyons au judaïsme, dit-elle, nous ne faisons pas de différence entre les religions». Les autorités politiques palestiniennes sont absentes de son discours, elle semblent n’avoir joué aucun rôle important dans sa vie.</p> <p>Bien qu’émouvant, il ne s'agit là que d’un témoignage auquel on peut – si on veut – nier toute valeur objective ou probante. Il pointait néanmoins vers l’enracinement profond de l’agence onusienne dans la vie des Palestiniens de Gaza, qui est lui bien réel. Quelques chiffres suffisent pour appréhender la situation. L’UNRWA emploie une douzaine de milliers de personnes à Gaza, dont 99% sont des Palestiniens descendants de réfugiés. D’après un diplomate suisse, l’ONG ayant le plus grand nombre de personnes actives à Gaza, mis à part l’UNRWA, en compte 35! Comment peut-on donc imaginer sortir aujourd’hui l’UNRWA du jeu sans qu’il y ait encore plus de souffrance et de morts?</p> <h3>La livre de chair</h3> <p>Dans <em>Le Marchand de Venise</em> de Shakespeare, l’usurier Shylock demande une livre de chair comme garantie pour un prêt d’argent qu’il concède au marchand Antonio. Lorsque celui-ci ne peut pas rembourser sa dette, Shylock réclame son dû, malgré qu’un ami d’Antonio lui offre le double de la somme empruntée. L’usurier n’obtiendra pourtant pas ce à quoi il pensait avoir droit par contrat. En effet, un jeune «docteur de loi» (en réalité la femme d’un ami d’Antonio, déguisée) arrive à le convaincre qu’il sera en tort si, avec le prélèvement de la livre de chair, une seule goutte de sang était versée. Or on ne coupe pas la chair sans verser le sang. 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Le jour précédent recourrait le cinquantième anniversaire du début de la Guerre du Kippour. Surtout, la cruauté des actes perpétrés à cette occasion rappelle les razzia des tribus habitant la Péninsule arabe qui, en tuant et en violant, attaquaient les tribus adverses et repartaient en emportant les enfants. L’attaque du 7 octobre fut nommée en arabe par ses initiateurs le «Déluge d’al-Aqsa», qui invoque celui, envoyé par Allah, qui noya tous les mécréants. La référence au déluge souligne le caractère virtuose du massacre. En 628, Mahomet a lui-même mené une razzia contre les Juifs vivant dans l’oasis de Khaïbar, pendant laquelle les hommes furent torturés, passés au fil de l’épée, les femmes capturées et réparties dans les harems des vainqueurs, les enfants réduits en esclavage.</p> <p><strong>Comment s’expliquer qu’une telle opération ait pu réussir?</strong></p> <p>Le Premier ministre israélien Netanyahou est otage d’une minorité, qui occupe seulement 14 sièges sur 120 à la Knesset, mais qui a la capacité de dicter son agenda. Au centre de ce programme figure l’accélération de la colonisation en Cisjordanie. Ceci s’est traduit en une stratégie qui a amené à renforcer le Hamas afin d’affaiblir l’Autorité palestinienne. Ce faisant, Netanyahou a largement sous-estimé Sinwar, qu’il avait lui-même libéré en 2011 dans le cadre d’un échange de 1'027 prisonniers palestiniens contre le caporal Gilad Shalit. Jusqu’aux Printemps arabes, le Hamas était proche de la ligne des Frères musulmans, et suivait une stratégie que l’un pourrait dire gestionnaire: il vitupérait Israël, mais avait instauré un <i>modus vivendi</i> qui semblait s’accommoder de la situation. Ceci faisait le jeu d’Israël. Après 2011, le Hamas se radicalise et s’éloigne des Frères, en se rapprochant de l’Iran, grâce à l’unique voyage à l’étranger de Sinwar. Netanyahou continue de croire que «chien qui aboie, ne mord pas», et fait en sorte que chaque semaine passent par l’aéroport Ben Gurion 40 millions de dollars en cash, provenant du Qatar à destination de Gaza. Une partie de ces sommes servira à construire les tunnels dont maintenant tout le monde est au courant. L’aveuglement du gouvernement israélien a été absolument remarquable. En octobre 2023, le mandataire Sinwar a pris l’ascendant sur ses mandants iraniens, et a marqué un énorme coup symbolique, qui ne fait pas forcément les intérêts de l’Iran, ni peut-être même pas des Palestiniens, en tout cas à court-terme. On peut penser que les services de renseignement israéliens avaient idée de ce qui allait venir, mais ils n’ont pas été entendus par Netanyahou.</p> <p><strong>Vu que la razzia du Hamas a été menée en grande autonomie et que la riposte d’Israël n’avait pas été planifiée, n’est-il pas étonnant que ces actions aient été inscrites dans un affrontement Nord-Sud?</strong></p> <p>La razzia du 7 octobre a mis à mal un des fondements de la création de l’Etat d’Israël. Elle a remis en question le «plus jamais ça» référé aux exterminations subies par les Juifs à travers les âges. Or, la création de l’Etat juif et le déplacement de la population palestinienne sont une des conséquences de l’organisation du monde voulu par les vainqueurs de la Deuxième Guerre mondiale. La Guerre contre l’Occident est menée par les pays de ce qui est appelé Sud Global sur le front des valeurs morales. Il s’agit essentiellement des pays BRICS+: Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, Arabie Saoudite, Egypte, Emirats arabes unis, Ethiopie et Iran. D’après eux, la Shoah ne serait pas le pire qui soit arrivé: la colonisation est bien pire. De plus, la Shoah serait un «truc entre Blancs», qui a eu lieu il y a longtemps, et dont certains doutent même qu’elle ait eu lieu. Voilà le genre de position qui est soutenu par les leaders <i></i>de ces pays, et qui demandent maintenant aux colonisateurs de payer pour leurs méfaits. Je ne mets pas en doute la gravité de l’Apartheid, ni la posture morale d’un Mandela, mais je m’interroge sur le bien-fondé de telles revendications faites au nom de populations qui pour la plupart vivent sous des régimes autoritaires, et dont une grande partie n’a qu’une aspiration, à savoir émigrer vers le Nord tant vilipendé, qui semble donc encore fournir un espoir. C’est pourquoi je souligne l’inanité du clivage entre le Sud Global et le Nord occidental. Au nom de la morale on occulte la question démocratique, faisant ainsi le jeu de personnages comme Netanyahou ou Trump. Dans mon livre j’appelle l’Europe à mettre en avant ses valeurs démocratiques et sa capacité intégratrice, mais je constate avec dépit que l’idéologie et le clientélisme prennent de plus en plus de place, en se substituant à la recherche de la connaissance.</p> <hr /> <h4> <sup>1</sup>Dans sa longue carrière académique, le Professeur Gilles Kepel a formé des milliers d’étudiants à Sciences Po Paris, auprès de l’Ecole Normale Supérieure, et aux Etats-Unis aux universités Columbia et de New York. Il est l’auteur de nombreux ouvrages traduits dans une vingtaine de langues, où il élabore des éléments de pensée précieux pour analyser les enjeux d’événements qui ont secoué notre monde.</h4> <hr /> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1714565128_9782259319621ori.jpg" class="img-responsive img-fluid left " width="200" height="319" /></p> <h4>«Holocaustes. 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Vu que les paysans dépendent de manière importante de paiements directs, certains les considèrent comme des sortes de fonctionnaires à leur service. Ainsi, si ces citadins pensent qu’il faut faire place au loup dans les montagnes au loin, les paysans n’ont qu’à s’exécuter. D’autres considèrent les paysans comme des paysagistes, ou pensent qu’ils sont carrément inutiles vu que la Suisse aurait les moyens d’acheter à l’étranger ce dont sa population a besoin. Ceux qui ne les connaissent pas peuvent avoir été surpris ou dérangés par les manifestations que les paysans ont organisées depuis le début de l’année.</p> <p>Lorsqu’ils ont commencé à manifester ils ont simplement retourné des panneaux à l’entrée de villages, pour dire que le monde marche sur la tête. Plus tard ils se sont réunis autour de feux avec leurs tracteurs, et ont explicité leur appel, leur SOS. 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Mais c’est mal apprécier la situation, car une société ne fonctionne plus si sa population est malade.</p> <p>Actuellement, notre système d’assurance sociale se concentre, non plus sur le financement de soins, mais sur celui de prestations qui figurent dans un catalogue, et ceux qui détiennent les clés du catalogue n’ont pas intérêt à le faire évoluer ou accueillir d’autres prestataires dans le jeu. Le système est donc figé et le rôle de l’Etat malheureusement peu clair. La Confédération n’a pas de compétence générale en matière de santé, et n'est tentée d’intervenir que quand les autres acteurs ne s’entendent pas. Les Cantons, qui devraient en principe être souverains pour la gestion de leur système de santé, sont dans des rôles multiples: ils sont propriétaires d’hôpitaux, planificateurs, financeurs, et subventionneurs de primes, tout ceci dans un cadre LAMal fédéral auquel il ne peuvent déroger. 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Il faudrait inscrire dans la Constitution que la santé est une tâche publique et que l’Etat fédéral a une responsabilité en matière de santé. On ne peut pas uniquement prôner la responsabilité des individus et la liberté économique, comme c’est le cas actuellement. Seulement l’Etat peut espérer contrôler la teneur en sucre ou l’excès de graisses dans notre alimentation, de même que veiller sur la consommation de tabac et autres nuisibles pour la santé.</p> <p>La Confédération et les Cantons devraient aussi repenser la coordination de leurs actions, sans arriver pour autant à un pur fédéralisme d’exécution. La Confédération pourrait s’occuper de la planification hospitalière, des soins très spécialisés, de la convergence des systèmes d’information, ainsi que de la gestion des risques environnementaux comme la pollution. 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En parallèle, il faudrait créer une instance indépendante qui puisse disposer de toutes les données nécessaires pour informer le politique dans ses décisions. Pour terminer, il faudrait que les acteurs-clés du système et les parlementaires s’engagent à être force de proposition, et à être liés par une charte d’engagement. Nous devrions aussi changer notre imaginaire, en sortant par exemple de la toute-puissance de l’hôpital.</p> <p><strong>Qu’entendez-vous par toute-puissance de l’hôpital?</strong></p> <p>D’après mon expérience, pour la population et pour les administrations il y a l’hôpital et puis le reste. On le voit dans les batailles menées par les communes pour garder les hôpitaux sur leurs territoires. Ceci explique en partie le fait qu’il y a encore trop d’hospitalisations en Suisse. L’hôpital est important, mais ça devrait se jouer davantage dans la communauté, avec les soins à domicile, les EMS, la médecine de premier recours. 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Ce serait un vœu pieux de penser que sans une vision politique claire les acteurs-clés seraient capables de repenser le fonctionnement global du système, de réarticuler les besoins de promotion de santé et de soins, de réajuster les structures tarifaires au profit des généralistes et des soins infirmiers, et de revaloriser la Médecine humaniste. Surtout que cela va comporter la re-discussion de certains privilèges historiques. Réaliser un nouveau cadre légal pour la santé n’est pas étatiser. Mais la loi ne peut pas tout. Mon activité de médecin m’a enseigné la solidarité, le respect de l’humain, et la compassion. Il faut déconstruire le pouvoir médical tel qu’il s’est érigé et le ramener vers plus d’humilité. Il y a actuellement une perte de sens chez les professionnels. Les médecins et les soignants en général sont écartelés entre des contraintes administratives et le besoin de temps pour les soins. C’est criant en particulier dans les hôpitaux qui sont devenus des industries pénétrées par tout un vocabulaire économique. Il faudrait repenser l’éducation des soignants en soulignant la communauté de destin entre professionnels de santé et patient, pour que cette vision humaniste se réalise.</p> <p><strong>Quelles seront les prochaines étapes pour vous?</strong></p> <p>D’ici peu sortira un rapport de Unisanté réalisé sous mandat de l’Académie des sciences médicales, qui élabore les idées de réformes légales que j’ai exposées. Ce sera un travail scientifique. Puis en juin est attendue une prise de position plus offensive de l’Académie elle-même, qui contiendra notre rapport en annexe. Nous, experts, aurons alors fait notre part du travail. La population devrait revendiquer une prise de position de l’Etat démocratique: elle est attendue. Les politiques ont besoin d’un engagement citoyen. L’avenir de la santé et des soins est dans la communauté.</p> <hr /> <h4><sup>1</sup><i>Crise du système de santé: Cantons et Confédération, il est encore temps!</i> Kraft, n°2, Georg Editeur, 2023.</h4> <h4><sup>2</sup>Stéfanie Monod est Professeure titulaire à l’Université de Lausanne-Unisanté, où elle co-dirige, comme médecin cheffe, le Département épidémiologie et système de santé. Elle a travaillé une vingtaine d’années au CHUV, en gériatrie et au développement des soins des personnes âgées dans la communauté. 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Le bitcoin, inventé en 2009, est une actif financier digital pouvant être échangé sans intermédiaire et sans être dupliqué. Si on y pense ce n’est pas du tout banal: lorsqu’on envoie un fichier électronique classique, on en envoie une copie, et on garde l’original sur son ordinateur. Ce n’est pas le cas pour le bitcoin, pour lequel vaut le proverbe qu’il est impossible d’avoir le beurre et l’argent du beurre. Ceci grâce à la technologie blockchain, qui fournit les garanties normalement fournies par les banques.
Des monnaies sans tête
De fait, le bitcoin n’est pas juste un moyen de paiement électronique, comme Twint par exemple. Ce dernier fonctionne sur la base d’un accord entre des banques suisses, et nécessite d’avoir un compte bancaire de référence, associé à un numéro de téléphone. Pas le bitcoin, qui peut circuler librement, sans dépendre des institutions financières classiques, et sans laisser de trace, tout en permettant à qui le possède de vérifier sa valeur. Si les bitcoin avaient une face, il n’y aurait pas de tête représentant un pouvoir central qui pourrait y figurer.
Un manque de réglementation et des zones d’ombre
Le bitcoin est une monnaie qui vit dans un monde financier alternatif et décentralisé. C’est bien pour cela qu’il a intéressé ceux qui mettent en cause le rôle des banques centrales et le pouvoir du système financier en général. Il a un potentiel subversif et est particulièrement adapté pour être utilisé à des fins illégales, comme par exemple dans le cas de demandes de rançons.
Cela dit, son usage principal est actuellement à des fins de spéculation: on en vend et on en achète, dans l’espoir que la valeur de cet actif monte indépendamment des marchés traditionnels. Or, ces derniers mois, la valeur du bitcoin a baissé encore plus vite que les indices de ces marchés: il y a eu un «hiver crypto», pendant lequel la valeur du bitcoin a chuté des deux tiers. De plus, en novembre 2022, FTX la deuxième «bourse» qui mettait en contact ceux qui achètent et vendent des cryptos a fait faillite. De manière générale le monde des cryptos est (encore) peu réglementé. On ne sait par exemple pas où Binance, la plus importante des bourses crypto, est basée!
Miser sur les cryptomonnaies
Au vu de tous ces points critiques, il est étonnant qu’une administration publique ait décidé de miser sur les cryptomonnaies, de surcroît lorsqu’il s’agit de la Municipalité de la troisième place financière suisse. Lugano a lancé son Plan B le 3 mars 2022, en partenariat avec Tether Operations Limited, une entreprise basée à Zoug, qui gère un des plus grand actifs financiers digitaux au monde, le stablecoin Tether, dont la valeur est ancrée sur la valeur du dollar américain.
Actuellement, la partie la plus visible du Plan B ce sont les adhésifs qui apparaissent sur les vitrines d’environ 350 commerces de la ville disant: «ici tu peux payer avec Bitcoin, LVGA et Tether». Cela représente déjà la plus grande densité en Europe de commerces qui acceptent le paiement en bitcoin. Des enseignes comme McDonald's ou Guess y participent, comme de nombreux restaurants, coiffeurs, et autres petits commerces. La grande distribution s’en est tenue à l’écart pour le moment. Les globalistes à la tête de Tether, dont certains habitent Lugano, disent ainsi vouloir contribuer au développement local. De fait ils financent des formations sur les blockchain et un congrès qui réunit à Lugano quelques-uns des acteurs les plus influents du monde des cryptos. Enfin, après quelques efforts infructueux, et avec l’aide de la ville, ils ont réussi à convaincre une banque de reconnaître la valeur de leur immense fortune en cryptos, afin d’acheter un immeuble en centre-ville pour accueillir une pépinière d’entreprises actives dans le domaine.
© DR
Perdre la face?
On dirait que le Plan est un succès, mais il est judicieux de se demander quels sont les risques auxquels la mairie de Lugano s’expose en promouvant le Plan B. Cette question a passablement occupé les membres du Conseil communal de la Ville ces derniers mois. Le Plan est apparu dans un contexte favorable. Depuis 2014 la Suisse souhaite se profiler comme centre mondial de la technologie de registres distribués (distributed ledger technology), celle qui est à la base des blockchain, et la Crypto Valley qui a pour épicentre la ville de Zoug accueillait en 2022 environ 1'200 entreprises liées à la technologie blockchain, employant environ 6'000 personnes. Ce n’est donc pas le fait d’avoir ouvert les portes aux entreprises de ce secteur de la fintech qui pose question.
C’est plutôt le rôle actif de la Municipalité qui a facilité l’emploi des cryptomonnaies dans des transactions courantes: paiement de biens, de services et même des impôts. Or, des villes comme Chiasso, Zermatt et Zoug, ainsi que le Canton du Tessin ont déjà autorisé le paiement d’impôts avec des cryptos, sans pour autant que cette pratique se généralise vraiment. De même, en 2017 une association a lancé la Monnaie Léman, monnaie locale électronique qui vise à financer la transition sociale et écologique de l’arc lémanique. Lugano n’est donc pas pionnière en la matière. Elle se distingue pourtant par l’étendue de son projet.
Celui-ci est le fruit d’un développement qui s’est fait par étapes, bien que non planifiées. Lugano a d’abord créé un franc numérique appelé LVGA Point, pour un programme de fidélisation des consommateurs luganais: les dépenses dans certains services ou magasins de la ville permettent de cumuler des points que l’on peut ensuite utiliser pour effectuer d’autres dépenses dans les services et magasins. Ceci a amené 10% de la population à avoir un porte-monnaie digital. Puis, la Ville a développé une blockchain pour gérer certains processus de son administration, et seulement ensuite elle a lancé le Plan B. Cette montée en puissance graduelle a permis que le projet soit bien accueilli par une grande partie de la population. Des critiques se demandent si le partenaire Tether est fiable, ce qui est difficile à dire. L’important est que la Ville ne soit pas mêlée à ses affaires, ce qui n'est pas le cas.
D’autres voix craignent pour les commerçants et leurs clients. Ces derniers ne risquent rien. Au contraire, ils trouvent à Lugano une occasion rare pour utiliser leurs cryptomonnaies afin d’acheter des biens autres que financiers. Les commerces sont les acteurs qui semblent les plus défavorisés de tous, bien qu’ils ne courent pas de risques non plus. En effet, une douzaine d’heures après un achat en crypto, la somme correspondante en francs suisses leur est versée. Les cryptos sont changés en francs par un «tiers», un fournisseur de services financiers agréé. Là où les commerçants perdent c’est dans l’obligation d’opérer des remises de 10% aux clients et de payer 1% de commission au bénéfice du «tiers». Les clients ne pourront dépenser les remises qu’à Lugano. En quelque sorte, chaque commerçant y perd, mais leur ensemble y gagne. Il semble donc que les risques auxquels la Ville doit faire face sont essentiellement réputationnels, en lien avec la crédibilité du partenaire Tether. Il y a aussi la possibilité que le système se prête au blanchiment d’argent, mais l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) veille.
Marketing territorial
En résumé, le choix de la Mairie ne va pas entrainer la Ville vers de grosses turbulences. Au fond, elle ne fait que du marketing territorial. Comme le dit sa publicité, une ville a besoin d’un plan et doit faire quelque chose pour rester compétitive. Vingt ans après la fusion qui a fait d’elle la neuvième ville suisse par sa population, Lugano cherche encore à se réinventer suite à la crise financière de 2008. Le Plan B apparaît alors comme un plan d’action parmi d’autres pour générer des retombées positives, en mobilisant un groupe d’acteurs présents sur son territoire afin d’en améliorer l’attractivité.
Ainsi, l’association des commerçants de la via Nassa, connue des joueurs suisses de Monopoly, veut maintenant faire de leur rue la première rue du luxe au monde qui soit «crypto-friendly». Ceci pour soutenir la compétition avec les quartiers analogues de Milan et Zurich. D’un tout autre type est l’utilisation du Plan B par les promoteurs du Lugano Business Forum, qui s’est tenu les 11 et 12 mai. Il s’agit d’acteurs ukrainiens du monde crypto, qui ont justifié le choix de la ville pour tenir ce congrès consacré à la reconstruction de l’Ukraine avec ces mots: «pour investir il faut des protocoles et des procédures de décision claires comme en Suisse, et Lugano a le plus grand nombre de commerces où l’on peut payer avec des cryptomonnaies». Il n'est pas sûr que ce soit ce genre d’activités que la mairie souhaitait promouvoir avec le lancement du Plan B.
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Les autorités politiques palestiniennes sont absentes de son discours, elle semblent n’avoir joué aucun rôle important dans sa vie.</p> <p>Bien qu’émouvant, il ne s'agit là que d’un témoignage auquel on peut – si on veut – nier toute valeur objective ou probante. Il pointait néanmoins vers l’enracinement profond de l’agence onusienne dans la vie des Palestiniens de Gaza, qui est lui bien réel. Quelques chiffres suffisent pour appréhender la situation. L’UNRWA emploie une douzaine de milliers de personnes à Gaza, dont 99% sont des Palestiniens descendants de réfugiés. D’après un diplomate suisse, l’ONG ayant le plus grand nombre de personnes actives à Gaza, mis à part l’UNRWA, en compte 35! Comment peut-on donc imaginer sortir aujourd’hui l’UNRWA du jeu sans qu’il y ait encore plus de souffrance et de morts?</p> <h3>La livre de chair</h3> <p>Dans <em>Le Marchand de Venise</em> de Shakespeare, l’usurier Shylock demande une livre de chair comme garantie pour un prêt d’argent qu’il concède au marchand Antonio. Lorsque celui-ci ne peut pas rembourser sa dette, Shylock réclame son dû, malgré qu’un ami d’Antonio lui offre le double de la somme empruntée. L’usurier n’obtiendra pourtant pas ce à quoi il pensait avoir droit par contrat. En effet, un jeune «docteur de loi» (en réalité la femme d’un ami d’Antonio, déguisée) arrive à le convaincre qu’il sera en tort si, avec le prélèvement de la livre de chair, une seule goutte de sang était versée. Or on ne coupe pas la chair sans verser le sang. 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Le jour précédent recourrait le cinquantième anniversaire du début de la Guerre du Kippour. Surtout, la cruauté des actes perpétrés à cette occasion rappelle les razzia des tribus habitant la Péninsule arabe qui, en tuant et en violant, attaquaient les tribus adverses et repartaient en emportant les enfants. L’attaque du 7 octobre fut nommée en arabe par ses initiateurs le «Déluge d’al-Aqsa», qui invoque celui, envoyé par Allah, qui noya tous les mécréants. La référence au déluge souligne le caractère virtuose du massacre. En 628, Mahomet a lui-même mené une razzia contre les Juifs vivant dans l’oasis de Khaïbar, pendant laquelle les hommes furent torturés, passés au fil de l’épée, les femmes capturées et réparties dans les harems des vainqueurs, les enfants réduits en esclavage.</p> <p><strong>Comment s’expliquer qu’une telle opération ait pu réussir?</strong></p> <p>Le Premier ministre israélien Netanyahou est otage d’une minorité, qui occupe seulement 14 sièges sur 120 à la Knesset, mais qui a la capacité de dicter son agenda. Au centre de ce programme figure l’accélération de la colonisation en Cisjordanie. Ceci s’est traduit en une stratégie qui a amené à renforcer le Hamas afin d’affaiblir l’Autorité palestinienne. Ce faisant, Netanyahou a largement sous-estimé Sinwar, qu’il avait lui-même libéré en 2011 dans le cadre d’un échange de 1'027 prisonniers palestiniens contre le caporal Gilad Shalit. Jusqu’aux Printemps arabes, le Hamas était proche de la ligne des Frères musulmans, et suivait une stratégie que l’un pourrait dire gestionnaire: il vitupérait Israël, mais avait instauré un <i>modus vivendi</i> qui semblait s’accommoder de la situation. Ceci faisait le jeu d’Israël. Après 2011, le Hamas se radicalise et s’éloigne des Frères, en se rapprochant de l’Iran, grâce à l’unique voyage à l’étranger de Sinwar. Netanyahou continue de croire que «chien qui aboie, ne mord pas», et fait en sorte que chaque semaine passent par l’aéroport Ben Gurion 40 millions de dollars en cash, provenant du Qatar à destination de Gaza. Une partie de ces sommes servira à construire les tunnels dont maintenant tout le monde est au courant. L’aveuglement du gouvernement israélien a été absolument remarquable. En octobre 2023, le mandataire Sinwar a pris l’ascendant sur ses mandants iraniens, et a marqué un énorme coup symbolique, qui ne fait pas forcément les intérêts de l’Iran, ni peut-être même pas des Palestiniens, en tout cas à court-terme. On peut penser que les services de renseignement israéliens avaient idée de ce qui allait venir, mais ils n’ont pas été entendus par Netanyahou.</p> <p><strong>Vu que la razzia du Hamas a été menée en grande autonomie et que la riposte d’Israël n’avait pas été planifiée, n’est-il pas étonnant que ces actions aient été inscrites dans un affrontement Nord-Sud?</strong></p> <p>La razzia du 7 octobre a mis à mal un des fondements de la création de l’Etat d’Israël. Elle a remis en question le «plus jamais ça» référé aux exterminations subies par les Juifs à travers les âges. Or, la création de l’Etat juif et le déplacement de la population palestinienne sont une des conséquences de l’organisation du monde voulu par les vainqueurs de la Deuxième Guerre mondiale. La Guerre contre l’Occident est menée par les pays de ce qui est appelé Sud Global sur le front des valeurs morales. Il s’agit essentiellement des pays BRICS+: Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, Arabie Saoudite, Egypte, Emirats arabes unis, Ethiopie et Iran. D’après eux, la Shoah ne serait pas le pire qui soit arrivé: la colonisation est bien pire. De plus, la Shoah serait un «truc entre Blancs», qui a eu lieu il y a longtemps, et dont certains doutent même qu’elle ait eu lieu. Voilà le genre de position qui est soutenu par les leaders <i></i>de ces pays, et qui demandent maintenant aux colonisateurs de payer pour leurs méfaits. Je ne mets pas en doute la gravité de l’Apartheid, ni la posture morale d’un Mandela, mais je m’interroge sur le bien-fondé de telles revendications faites au nom de populations qui pour la plupart vivent sous des régimes autoritaires, et dont une grande partie n’a qu’une aspiration, à savoir émigrer vers le Nord tant vilipendé, qui semble donc encore fournir un espoir. C’est pourquoi je souligne l’inanité du clivage entre le Sud Global et le Nord occidental. Au nom de la morale on occulte la question démocratique, faisant ainsi le jeu de personnages comme Netanyahou ou Trump. Dans mon livre j’appelle l’Europe à mettre en avant ses valeurs démocratiques et sa capacité intégratrice, mais je constate avec dépit que l’idéologie et le clientélisme prennent de plus en plus de place, en se substituant à la recherche de la connaissance.</p> <hr /> <h4> <sup>1</sup>Dans sa longue carrière académique, le Professeur Gilles Kepel a formé des milliers d’étudiants à Sciences Po Paris, auprès de l’Ecole Normale Supérieure, et aux Etats-Unis aux universités Columbia et de New York. Il est l’auteur de nombreux ouvrages traduits dans une vingtaine de langues, où il élabore des éléments de pensée précieux pour analyser les enjeux d’événements qui ont secoué notre monde.</h4> <hr /> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1714565128_9782259319621ori.jpg" class="img-responsive img-fluid left " width="200" height="319" /></p> <h4>«Holocaustes. 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Vu que les paysans dépendent de manière importante de paiements directs, certains les considèrent comme des sortes de fonctionnaires à leur service. Ainsi, si ces citadins pensent qu’il faut faire place au loup dans les montagnes au loin, les paysans n’ont qu’à s’exécuter. D’autres considèrent les paysans comme des paysagistes, ou pensent qu’ils sont carrément inutiles vu que la Suisse aurait les moyens d’acheter à l’étranger ce dont sa population a besoin. Ceux qui ne les connaissent pas peuvent avoir été surpris ou dérangés par les manifestations que les paysans ont organisées depuis le début de l’année.</p> <p>Lorsqu’ils ont commencé à manifester ils ont simplement retourné des panneaux à l’entrée de villages, pour dire que le monde marche sur la tête. Plus tard ils se sont réunis autour de feux avec leurs tracteurs, et ont explicité leur appel, leur SOS. 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Mais c’est mal apprécier la situation, car une société ne fonctionne plus si sa population est malade.</p> <p>Actuellement, notre système d’assurance sociale se concentre, non plus sur le financement de soins, mais sur celui de prestations qui figurent dans un catalogue, et ceux qui détiennent les clés du catalogue n’ont pas intérêt à le faire évoluer ou accueillir d’autres prestataires dans le jeu. Le système est donc figé et le rôle de l’Etat malheureusement peu clair. La Confédération n’a pas de compétence générale en matière de santé, et n'est tentée d’intervenir que quand les autres acteurs ne s’entendent pas. Les Cantons, qui devraient en principe être souverains pour la gestion de leur système de santé, sont dans des rôles multiples: ils sont propriétaires d’hôpitaux, planificateurs, financeurs, et subventionneurs de primes, tout ceci dans un cadre LAMal fédéral auquel il ne peuvent déroger. 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Il faudrait inscrire dans la Constitution que la santé est une tâche publique et que l’Etat fédéral a une responsabilité en matière de santé. On ne peut pas uniquement prôner la responsabilité des individus et la liberté économique, comme c’est le cas actuellement. Seulement l’Etat peut espérer contrôler la teneur en sucre ou l’excès de graisses dans notre alimentation, de même que veiller sur la consommation de tabac et autres nuisibles pour la santé.</p> <p>La Confédération et les Cantons devraient aussi repenser la coordination de leurs actions, sans arriver pour autant à un pur fédéralisme d’exécution. La Confédération pourrait s’occuper de la planification hospitalière, des soins très spécialisés, de la convergence des systèmes d’information, ainsi que de la gestion des risques environnementaux comme la pollution. 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En parallèle, il faudrait créer une instance indépendante qui puisse disposer de toutes les données nécessaires pour informer le politique dans ses décisions. Pour terminer, il faudrait que les acteurs-clés du système et les parlementaires s’engagent à être force de proposition, et à être liés par une charte d’engagement. Nous devrions aussi changer notre imaginaire, en sortant par exemple de la toute-puissance de l’hôpital.</p> <p><strong>Qu’entendez-vous par toute-puissance de l’hôpital?</strong></p> <p>D’après mon expérience, pour la population et pour les administrations il y a l’hôpital et puis le reste. On le voit dans les batailles menées par les communes pour garder les hôpitaux sur leurs territoires. Ceci explique en partie le fait qu’il y a encore trop d’hospitalisations en Suisse. L’hôpital est important, mais ça devrait se jouer davantage dans la communauté, avec les soins à domicile, les EMS, la médecine de premier recours. 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Ce serait un vœu pieux de penser que sans une vision politique claire les acteurs-clés seraient capables de repenser le fonctionnement global du système, de réarticuler les besoins de promotion de santé et de soins, de réajuster les structures tarifaires au profit des généralistes et des soins infirmiers, et de revaloriser la Médecine humaniste. Surtout que cela va comporter la re-discussion de certains privilèges historiques. Réaliser un nouveau cadre légal pour la santé n’est pas étatiser. Mais la loi ne peut pas tout. Mon activité de médecin m’a enseigné la solidarité, le respect de l’humain, et la compassion. Il faut déconstruire le pouvoir médical tel qu’il s’est érigé et le ramener vers plus d’humilité. Il y a actuellement une perte de sens chez les professionnels. Les médecins et les soignants en général sont écartelés entre des contraintes administratives et le besoin de temps pour les soins. C’est criant en particulier dans les hôpitaux qui sont devenus des industries pénétrées par tout un vocabulaire économique. Il faudrait repenser l’éducation des soignants en soulignant la communauté de destin entre professionnels de santé et patient, pour que cette vision humaniste se réalise.</p> <p><strong>Quelles seront les prochaines étapes pour vous?</strong></p> <p>D’ici peu sortira un rapport de Unisanté réalisé sous mandat de l’Académie des sciences médicales, qui élabore les idées de réformes légales que j’ai exposées. Ce sera un travail scientifique. Puis en juin est attendue une prise de position plus offensive de l’Académie elle-même, qui contiendra notre rapport en annexe. Nous, experts, aurons alors fait notre part du travail. La population devrait revendiquer une prise de position de l’Etat démocratique: elle est attendue. Les politiques ont besoin d’un engagement citoyen. L’avenir de la santé et des soins est dans la communauté.</p> <hr /> <h4><sup>1</sup><i>Crise du système de santé: Cantons et Confédération, il est encore temps!</i> Kraft, n°2, Georg Editeur, 2023.</h4> <h4><sup>2</sup>Stéfanie Monod est Professeure titulaire à l’Université de Lausanne-Unisanté, où elle co-dirige, comme médecin cheffe, le Département épidémiologie et système de santé. Elle a travaillé une vingtaine d’années au CHUV, en gériatrie et au développement des soins des personnes âgées dans la communauté. 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1 Commentaire
@stef 02.06.2023 | 14h57
«La FINMA veille !?
Cette blague »