Actuel / #EstoNoHaTerminado: au Chili, ce n’est pas fini!
Jeunes manifestants sur la Plaza Italia, à Santiago. © Jonathan Chételat
Le récent remaniement ministériel n’a pas calmé l'explosion sociale qui secoue le Chili. Elle a révélé la vulnérabilité d'un système qui peut se targuer d'une certaine réussite, mais qui a surtout permis de concentrer la richesse dans quelques familles. La grande majorité des Chiliens ne parvient plus à nouer les deux bouts. Aussi le peuple exige la mise en place d'une Assemblée constituante et la démission du Président Sebastián Piñera, dont la cote de popularité a chuté à 14%. Témoignages de Chiliens en colère.
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Ni la pandémie de Covid19, ni la présence des militaires dans les rues, n'ont suffi à étouffer l'explosion sociale déclenchée depuis plusieurs semaines par le manque d'eau, d'électricité, de gaz et d'essence, entre autres.</p> <p>Un tumulte qui vient des zones rurales, au fin fond du pays. Rien qu'en septembre, il y a eu 1‘193 manifestations, une moyenne de 40 par jour. 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Un groupe de jeunes a forcé les portes de l'Hôtel de ville et a détruit une partie de l’infrastructure. Quelques jours plus tard, un leader politique de l'opposition, Carlos Campos, accusé d'avoir incité la population à protester, a été placé en détention. Environ 500 hommes en uniforme sont arrivés à l'appel de la mairie et en renfort du maire, Ruben Balza. Pour la population, ce fut une grande surprise: la dernière manifestation qui a eu lieu dans ces régions remonte à 1972, lorsque le président était Rafael Caldera et que les habitants faisaient éclater leur colère en raison du manque d'eau. «Maintenant, les forces de l'ordre traquent l'opposition de ma ville», m'explique au téléphone Ángel Bravo, membre actif jusqu'à il y a quatre mois du Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV) au pouvoir dans sa ville.</p> <p>Aujourd'hui, il est passé dans l'opposition (Avanzada Progresista) car il dit ne plus être d'accord avec les décisions de son vieil ami et conseiller, le maire pro-gouvernemental de la municipalité Ruben Balza. «J'avais tort, l'erreur est humaine», a-t-il dit. Et apparemment, dans cette ville d'environ 40'000 habitants, il ne semble pas être le seul à ressentir cela.</p> <p>La peur n'est pas non plus un sentiment que l'on peut percevoir dans les autres témoignages recueillis. «Si la police m'attrape, je ne veux pas être torturé, mais être immédiatement tué», conclut Ángel Bravo, enfermé dans sa maison avec six autres personnes, dont quatre enfants.</p> <p>Depuis plus d'une semaine, sa maison est encerclée par les forces de sécurité. Depuis lors, sa fille, Rosa Emilia Bravo, envoie à la presse nationale et internationale des enregistrements audio et vidéo par Whatsapp. Dans l'un d'entre eux, elle apparaît avec ses 4 enfants et demande de l'aide. Elle dit que sa famille a été menacée par le maire, Ruben Balza, et ne peut pas quitter la maison. Leurs voisins leur apportent de la nourriture, ils la font passer sous la porte. Certains de ces voisins confirment les faits. Jorge Cedeño est âgé de 26 ans. Il est né dans la ville d'El Socorro, et vit de l'élevage. Son frère est mort à l'âge de 19 ans lors d'une opération des FAES, l'unité d'élite de la police nationale bolivarienne. «Ce qu'ils veulent, c'est nous humilier, nous faire peur. Ils font de nous ce qu'ils veulent. J'ai aussi protesté, mais je n'appartiens pas à un parti politique, je suis un indépendant et je me bats pour le peuple parce que j'appartiens au peuple», me dit Jorge au téléphone.</p> <p>Après 17 heures, les habitants se rassemblent pour protester devant la maison du maire. Nous avons appelé ce dernier sur son téléphone portable et sur le numéro de téléphone de la mairie, mais sans succès.</p> <p>Il faut dire qu'à la fin du mois de septembre, la Haut Commissaire des Nations Unies aux Droits de l'homme, Michelle Bachelet, a dénoncé le fait que plus de 2'000 personnes sont mortes cette année dans des quartiers pauvres du Venezuela au cours d'opérations de sécurité et a exprimé sa «<em>préoccupation</em>» face à ces événements. Elle a également appelé le gouvernement de Nicolás Maduro à poursuivre la libération de ceux qui ont été «arbitrairement privés de leur liberté pour avoir exercé leurs droits». </p> <p>Les conséquences du statut de dissident ne s'appliquent pas seulement aux principaux opposants à Maduro. 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En outre, à l'approche des élections pour renouveler l'Assemblée nationale (parlement monocaméral), l'opposition est divisée: d'un côté, il y a les partis qui défendent la participation aux élections, et de l'autre, ceux qui la rejettent, la qualifiant de «fraude électorale».</p> <p>Avec le soutien des principaux partis d'opposition, Juan Guaidó, le leader parlementaire reconnu par 50 pays à la présidence du Venezuela, a annoncé un boycott du vote. Il a condamné le futur scrutin, qu'il considère comme une «farce» et la légitimité du vote a été remise en question par les États-Unis et l'Union européenne.</p> <p>Parmi les protagonistes des protestations, le processus électoral à venir n'est pas un sujet de conversation. 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Levée du couvre-feu, 5 ministres remplacés et la promesse d’un «grand dialogue national»: les mesures annoncées lundi par le président chilien Sebastian Piñera n’ont pas suffi à calmer une population survoltée: 10 000 personnes se sont à nouveau réunies à Santiago et exigé sa démission. Une grève nationale est prévue pour aujourd'hui.
Quelques jours avant l'explosion sociale, Piñera définissait le Chili comme «une véritable oasis dotée d’une démocratie stable». Une image déjà sérieusement érodée le 6 octobre, lorsque le gouvernement a annoncé l'augmentation des tarifs des transports publics de 800 à 830 pesos (environ 30 centimes de francs suisses). Après une première augmentation en janvier, le gouvernement espérait que la mesure passerait à nouveau sans heurts. C'est alors que des usagers de toutes provenances sociales lui ont mis le dos au mur: ils ont refusé de payer leur ticket de métro.
Le 18 octobre, le chaos éclatait dans la capitale: affrontements et incendies ont entrainé la fermeture de toutes les stations de métro.
En réponse, Piñera a instauré le couvre-feu et fait intervenir l’armée, causant la mort d'au moins 42 personnes et la disparition de 121 autres. Il a surtout mis en évidence la distance entre l'élite chilienne et le peuple, qui n’est jamais apparue de manière aussi béante... La défaite qui se consume aujourd’hui dans les rues n’est pas seulement celle du gouvernement actuel, mais aussi de toute une élite politique, opposition comprise.
La rue s'exprime
Manifestant avec sa (seule) casserole, devant un déploiement militaire. © Jonathan Chételat
Le problème le plus aigu pour les Chiliens est celui du coût de la vie. «Mon petit ami et moi vivons dans un quartier de la classe moyenne à Santiago, nous raconte Carolina Méndez, future enseignante qui travaille aussi dans l'administration d'une école. Pour un appartement de 45 mètres carrés, nous payons 570 000 pesos chiliens (l’équivalent de 700 francs). Mais le salaire minimum est d’environ 400 francs. Et les factures des services publics augmentent année après année, sans aucune consultation. Avant les tickets de métro, les compagnies ont installé des compteurs électriques censés mieux convenir aux besoins, mais c’était un pur mensonge destiné à augmenter la facture. Ensuite, ils ont décidé d’augmenter le ticket de métro». Carolina répond à mon appel avant de participer à un nouveau rassemblement sur la place Ñuñoa. C'est mercredi, et ce jour-là, elle et son ami s’apprêtent à braver le couvre-feu et la répression policière.
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Jonathan Chételat lui fait écho. Il est né en Suisse il y a 33 ans, de mère chilienne, il est aujourd’hui guide touristique entre Santiago et Valparaiso: «Le coût de la vie est le même qu'en France ou en Espagne, mais nos salaires ne suffisent pas. Et le soir, il y a des gens qui vont faire du petit commerce de rue pour un gain supplémentaire».
Sur la classe politique: «La gauche a toujours fait des pactes avec la droite et avec les hommes d'affaires, elle n’a jamais vraiment voulu changer la Constitution. Maintenant, le Chili a besoin d'un changement profond».
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Metro Chile España, à Santiago. © Carolina Mendez
Vers une croissance plus inclusive
Le Chili est bel et bien l'un des pays les plus inégaux du monde, selon la Banque mondiale. 1% de la population possède plus de 26% de la richesse. Le salaire minimum y est de 424 dollars par mois, les pensions de retraite sont d'environ 300 dollars.
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L'analyste Miguel Ángel Rodríguez Mackay a expliqué, dans le quotidien péruvien Correo: «Au Chili, le facteur militaire a toujours été présent et constitue un pouvoir de l'ombre. Pour cette raison, tous les gouvernants de gauche depuis 1990 - Patricio Aylwin, Eduardo Frei, Ricardo Lagos et Michelle Bachelet - ont échoué à modifier le modèle économique légué par Pinochet. Piñera sera président jusqu'à ce que les militaires constatent que l'objectif de rétablir le calme n'a pas été raisonnablement atteint».
Interviewée par BBC Mundo, Marta Lagos, directrice de l'enquête régionale Latinobarómetro, note quant à elle que ce n’est pas un hasard si les manifestations de rue embrasent une partie de l’Amérique latine: «Le phénomène est simultané dans plusieurs pays. Il est dû au fait que durant la dernière décennie, marquée par la crise des subprimes (crise financière de 2008) et une croissance économique soutenue, les gouvernements ont oublié que la chose la plus importante était de combler les inégalités».
Manifestants place Ñuñoa. © Carolina Mendez
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Il est né en Suisse il y a 33 ans, de mère chilienne, il est aujourd’hui guide touristique entre Santiago et Valparaiso: «Le coût de la vie est le même qu'en France ou en Espagne, mais nos salaires ne suffisent pas. Et le soir, il y a des gens qui vont faire du petit commerce de rue pour un gain supplémentaire».</p> <p>Sur la classe politique: «<em>La gauche a toujours fait des pactes avec la droite et avec les hommes d'affaires, elle n’a jamais vraiment voulu changer la Constitution. Maintenant, le Chili a besoin d'un changement profond</em>».</p> <p>«Au Chili, nous avons tout, ajoute <strong>Alberto Pérez</strong>, réfugié en Suisse où il a passé 37 ans, horloger chez Rolex, rentré au Chili pour sa retraite: des supermarchés bien garnis, des voitures neuves des meilleures marques qui circulent sur des routes en bon état. Mais les Chiliens n’en peuvent plus des inégalités. 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Or si nous en abusons, nous risquons d'avoir les mêmes problèmes qu'avec du <em>vrai</em> sucre, ou des problèmes plus graves. Car malgré tout, il s'agit toujours de <strong>sucres ajoutés.</strong></p> <h3>Au laboratoire</h3> <p>Mais venons-en aux projets dont parle la journaliste du <a href="https://www.newyorker.com/magazine/2020/09/28/the-race-to-redesign-sugar" target="_blank" rel="noopener"><em>New Yorker</em></a>, Nicola Twilley. </p> <p>La start-up israélienne DouxMatok a lancé une variante du sucre appelée <strong><em>Incredo</em></strong>. Une méthode qui va changer le paysage de la production alimentaire en rendant le sucre si efficace que les entreprises alimentaires pourront en utiliser 40 % de moins, tout en conservant les mêmes goûts. </p> <p>DouxMatok a annoncé sa collaboration avec Südzucker, l'une des principales sociétés sucrières européennes qui souhaite importer en Europe la nouvelle technologie de la start-up israélienne. Cette année-même, des produits à base d'Incredo devraient être lancés, d'abord en Allemagne avant d'être proposés sur tout le continent.</p> <p>Twilli écrit que les chercheurs ont inséré <strong>de minuscules particules de silice<sup>1</sup></strong> dans des cristaux de sucre, «comme des myrtilles dans des muffins». Conséquence chimique: la liaison entre le dioxyde de silicium et le sucre est rompue dans la bouche, exposant une plus grande surface de saccharose au contact de la salive. De plus, Incredo se dissout plus rapidement, sature d'abord les papilles gustatives et produit «un coup de sucrosité intense».</p> <p>Tate & Lyle, une société déjà active sur le marché des édulcorants, commercialise quant à elle <strong>l'allulose</strong> (on le trouve naturellement dans les figues et le sirop d'érable, bien qu'en petite quantité) sous le nom de <em>Dolcia Prima</em>: elle possède de nombreuses propriétés du sucre, mais surtout 70% de sa douceur et seulement 10% de ses calories. 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Pepsi a annoncé que d'ici 2025, au moins les deux tiers de ses boissons ne contiendront plus que 100 calories ou moins d'édulcorants ajoutés. D'ici à 2022, un consortium d'entreprises de confiserie comprenant Mars Wrigley, Ferrero et Russell Stover, a promis que la moitié de leurs produits en portions individuelles contiendra au maximum 200 calories par paquet. Nestlé, pour sa part, a décidé de réduire le sucre ajouté de 5% avant la fin de l'année. </p> <p>Tous ces projets sont prometteurs et sont basés sur le fait qu'en matière d'alimentation saine, il existe une différence substantielle entre les préférences <em>déclarées</em> par les consommateurs et celles qui sont <em>révélées</em> (la théorie des préférences révélées est une théorie économique connue et valable dans de nombreux domaines). 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1 Commentaire
@stef 23.12.2019 | 21h56
«Soutien au Chili ✊»