L'aéroport Franjo Tudjman à Zagreb (Croatie). © Tromber - CC BY-SA 4.0
La toponymie suisse reflète la neutralité et la prudence cultivées depuis des siècles par les Helvètes. De l'Ours, de Bellevue ou des Rosiers, on ne se résout à honorer par des noms de rue les généraux ou les élus qu'en cas d'extrême nécessité. En Serbie et en Croatie, la toponymie permet aux municipalités, presque trente ans après la fin de la guerre, de prolonger les haines fratricides qui minent depuis un siècle les relations de ces cousins balkaniques. Dût-on pour y parvenir nommer des rues après des assassins, des régicides et des chantres du génocide.
Le 10 avril 1957, à Buenos Aires, Blagoje Jovović, un Serbe du Monténégro âgé de 35 ans, abattait Ante Pavelić de deux balles dans le dos. C'est du moins ce que Jovović a toujours soutenu, il n'existe pas d'autres preuves que son témoignage. Il aura fallu deux ans d'agonie pour que Pavelić meure des suites de ses blessures. Ancien Poglavnik, ou dirigeant, de l'Etat Indépendant de Croatie (NDH, 1941-1945), Pavelić avait orchestré le meurtre, entre autres, des Serbes de Croatie par centaines de milliers. Quand on connaît le sort des Serbes en Croatie pendant la Seconde guerre mondiale, et quand on sait comment Pavelić a pu échapper à la justice et survivre pendant tant d'années, on ne peut réprimer un soupir de soulagement de savoir qu'il a finalement été rattrapé par le sort.
Le choc n'en a pas moins été considérable lorsque, en 2020, la ville de Belgrade a décidé de nommer une rue après Jovović. Un débat vif (mais finalement inutile) s'ensuivit entre historiens de diverses obédiences. On y aura même entendu le raisonnement selon lequel Claus von Stauffenberg, qui avait vainement tenté de tuer Hitler le 20 juillet 1944, avait été récompensé par des noms de rues en son honneur en Allemagne. Alors, soutenait-on, pourquoi ne pas récompenser Jovović de la même manière, puisque les deux hommes ont tué, ou tenté de tuer, des monstres absolus.
En 1957 cependant, Pavelić n'était le chef d'aucun Etat, et il n'était un danger pour personne. Alors que Claus von Stauffenberg a risqué et perdu la vie dans sa tentative de délivrer l'humanité d'un maniaque génocidaire actif. Les intentions des deux hommes ne peuvent et ne doivent pas être mises sur un même plan: von Stauffenberg voulait améliorer l'avenir, tandis que Jovović voulait corriger le passé. Et en nommant une rue en son honneur, la ville de Belgrade ne faisait que manifester cette maladie typiquement régionale d'utiliser la toponymie pour prolonger à l'infini la haine et le désir de vengeance. On pourrait appeler cela le complexe de Miloš Obilić, du nom du héros mythique de la bataille du Kosovo de 1389, qui vit s'affronter les empires serbe et ottoman.
Lorsqu'il était devenu clair que la bataille avait été gagnée par les Ottomans, l'histoire raconte qu'un soldat serbe, un certain Miloš Obilić, avait décidé que la guerre pouvait bien être perdue, mais que l'honneur devait être vengé. Et donc, sachant parfaitement que cela lui coûterait la vie, que cela ne changerait pas le cours de la guerre, il assassina le sultan Mourad et fut tué sur le coup par sa garde. Rien n'a été obtenu par cet assassinat/suicide, aucune vie n'a été épargnée, aucun gain politique n'a été remporté. La Serbie a été soumise par les Ottomans pendant environ un demi-millénaire, et pas un seul soldat suicidaire et vantard n'aurait pu changer cela. Obilić obtint cependant la garantie que son peuple saurait qu'il n'était pas mort en lâche. Pour dire les choses simplement, Obilić était prêt à tout pour prouver sa virilité, pas pour sauver son peuple. Jovović, dans sa confession à un prêtre du Monténégro en 1998, a ouvertement fait référence à Miloš Obilić. En tuant Pavelić, lui confia-t-il, il se réclamait de son héros.
De nombreux assassinats politiques et régicides ont eu lieu dans cette région depuis plusieurs siècles, jusqu'à l'assassinat du Premier ministre serbe Djindjić en 2003, et la plupart des assassins se réfèrent au mythe d'Obilić, cet homme qui craignait pour sa réputation bien plus que pour sa propre vie. Dans cette perspective il est donc logique, quoique tragiquement malavisé, de donner à une rue le nom d'un homme obsédé jusqu'à l'assassinat par le mythe national.
En Suisse, les rues portent souvent des noms de fleurs ou d'animaux, mais surtout d'anciens métiers ou de lieux-dits. Parfois, elles honorent la mémoire d'un individu, le plus souvent une personnalité locale, pour autant qu'elle ou il soit inoffensif – professeur, ingénieur, alpiniste. Et si ça doit être un soldat, ce n'est pas pour les guerres qu'il a gagnées mais pour celles qu'il est parvenu à éviter. En Amérique, les rues sont numérotées la plupart du temps, elles ne portent même pas de nom, transformant les cartes de la ville en gigantesques échiquiers. A Paris, rues et boulevards racontent la gloire de deux mille années, à travers des royaumes entiers, des empires et des républiques passés. Donnez votre adresse et vous serez probablement amenés à parler d'un maréchal ou d'une épique charge de cavalerie. Le général de Gaulle est honoré un peu partout, comme si son nom sacré pouvait par miracle expier les péchés de la collaboration. La toponymie britannique est aussi fade et sans éclat qu'un dimanche pluvieux dans le Hertfordshire. Les rues portent le nom de la prochaine ville ou de la colline qu'elles traversent. Comme toujours, les Anglais préfèrent parler du temps.
En Serbie comme en Croatie cependant, les noms de rues sont un monument sans fin à un passé sanglant et jamais vengé.
Jusqu'au plus petit des villages croates, vous trouverez généralement au moins trois noms de rues: Vukovar, Stjepan Radić et Dr Franjo Tudjman. De nombreux autres noms de rois, de scientifiques et de poètes sont récurrents, bien sûr, mais ces trois noms figureront presque certainement sur la carte du village croate où vous vous trouvez. Vukovar, à cause de la bataille de 1991 au cours de laquelle la Serbie, ou la Yougoslavie comme elle aimait à s'appeler à l'époque, a perdu toute crédibilité aux yeux du monde en prenant brutalement d'assaut la charmante petite ville danubienne. Stjepan Radić, à cause de l'homme d'Etat croate des années 1920, assassiné avec trois collègues par un nationaliste serbe d'origine monténégrine au parlement de Belgrade en 1928. Et le Dr Franjo Tudjman, à cause de l'homme qui a battu la Serbie de Slobodan Milošević à son propre jeu, et qui a offert à sa nation son premier Etat indépendant depuis des siècles. Ainsi, où que vous soyez en Croatie, il vous est suggéré de ne jamais oublier Belgrade et d'intérioriser le fait que la nation croate a été construite en opposition à son voisin oriental.
Voilà pour les rues principales. Sortez un peu des sentiers battus, et d'autres noms commencent à apparaître. A la périphérie de Zagreb ou dans des villes plus petites, à partir de 1992 environ, c'est-à-dire lorsque la guerre faisait rage avec la Serbie, de nouveaux héros nationalistes sont venus remplacer les anciens communistes. La plupart du temps, il s'agit de hauts dirigeants et d'officiers du cercle d'Ante Pavelić lui-même. Par exemple, Mile Budak, écrivain serbophobe virulent, principal propagandiste du régime, une sorte de Goebbels croate. Il fut capturé après la guerre et dûment jugé et pendu par les nouvelles autorités yougoslaves. Malgré ce CV peu reluisant, pas moins de treize rues portent son nom en Croatie à ce jour. Slavko Kvaternik, adjoint de Pavelić, fut celui qui proclama la NDH le 10 avril 1941. Tout aussi violent dans ses positions contre la minorité serbe, il finit également par être arrêté, jugé et pendu par la Yougoslavie à la fin de la guerre. Qu'à cela ne tienne, Kvaternik a aussi droit à quelques noms de rues, notamment à Zagreb. Il semble que tous les responsables de la NDH aient une rue à leur nom, à l'exception de Pavelić, qui est également le seul à être connu en dehors des frontières. Pourtant, à ce jour, des hauts fonctionnaires jusqu'aux obscurs rouages de la machine de mort fasciste, une longue liste de noms ornent les rues et les places à travers la Croatie, malgré une décision de la Cour constitutionnelle interdisant spécifiquement aux municipalités d'associer les noms de rues à la NDH. Un maire d'une petite localité a défendu le choix de nommer une rue après le 10 avril 1941, jour de la proclamation de la NDH, en disant qu'il s'agissait en fait de la date de naissance d'une éminente poétesse. La prétention de Mile Budak à la renommée littéraire sert également de justification pour séparer l'homme de son travail et maintenir ses rues. Les nostalgiques de la NDH ne font cependant plus le poids face à la pression combinée du Congrès juif mondial, de la Cour constitutionnelle et d'une partie toujours plus grande de l'opinion publique. En février de cette année, la décision de changer trois noms de rues liés au passé fasciste du pays a été prise à Zagreb, avec le plein soutien du maire de la ville. Seuls les aspects obscènes et indicibles de la haine anti-serbe ne seront plus tolérés en Croatie.
En Serbie, une telle évolution ne semble nulle part en vue. Gavrilo Princip, l'assassin de l'héritier du trône d'Autriche-Hongrie François-Ferdinand en 1914, mort dans une prison autrichienne en 1918, a non seulement conservé sa rue au centre-ville de Belgrade, il a même obtenu récemment un monument dans un parc du gouvernement. Puniša Račić, encore un Serbe du Monténégro, et encore un assassin qui se réclamait de Miloš Obilić pour se légitimer, a tué Stjepan Radić au Parlement en 1928, ainsi que trois autres députés croates. Il a été exécuté par les Partisans en 1945. Il a maintenant une petite rue à son nom dans un village du centre de la Serbie. Les appels à nommer une rue et à ériger des monuments à la mémoire de Dragoljub Mihaljlović, le chef chetnik serbe collaborationniste pendant la Seconde guerre mondiale, exécuté en 1945, gagnent du terrain année après année en Serbie. De manière semi-officielle, les clubs de fans des équipes de football Etoile Rouge et Partisan ont vandalisé presque toutes les villes de Serbie avec des peintures murales saluant Ratko Mladić, qui purge actuellement une peine à perpétuité pour génocide et crimes contre l'humanité à Srebrenica en 1995. Assistés d'une protection policière visible, ces voyous dégradent des centaines de murs à travers le pays en appelant à faire la guerre et récupérer le Kosovo, à assassiner les membres des minorités sexuelles et créer un nouvel ordre fasciste.
Tous ces héros obscènes, qu'ils soient croates ou serbes, ont un point commun: ils ont été exécutés à la fin de la guerre, ou purgent une peine de prison. Autrement dit, ils sont considérés comme des victimes et non comme des auteurs. Pour leurs thuriféraires, c'est sans doute leur principale qualité. Ceux qui ont fui en Amérique du Sud ou qui ont simplement survécu sous un faux nom ne sont pas l'objet d'une semblable admiration. Dans ces pays qui ont dû mener des guerres épouvantables contre de puissants empires pour gagner leur indépendance, mourir pour son pays est considéré comme un acte sacré. Célébrer des meurtriers assassinés permet aux gens de chaque côté du Danube de pleurer sur eux-mêmes et d'accuser le monde entier, sauf eux-mêmes, pour leurs problèmes. En Croatie, la Serbie est responsable de tous les maux. En Serbie, l'Amérique et l'OTAN ont le même rôle. Tout le monde est coupable, sauf nous, disent-ils tous. Et les noms de rues sont en première ligne de cette perpétuelle compétition pour départager la plus grande, la plus incontestable victime d'entre tous.
En outre les deux pays utilisent la toponymie pour atteindre encore un autre objectif, l'effacement de tout ce qui est yougoslave, c'est-à-dire tout ce qui rappelle qu'à un moment de leur histoire récente ces pays avaient un destin commun qui les arrangeait bien. Lorsque les communistes ont pris le pouvoir en 1945, ils ont immédiatement renommé chaque rue, chaque place, voire des villes entières, en l'honneur des héros partisans, vivants ou morts. La rue principale de chaque ville était la rue Tito. Après 1991, toutes ces rues ont été progressivement renommées. Alors que l'idée du gouvernement communiste était d'établir le règne de l'Homme Nouveau, leurs successeurs n'avaient pas des idées aussi grandioses. Ils voulaient juste balayer sous un tapis métaphorique toute trace de ce passé commun, désormais honni et honteux. En quelques années seulement, toutes les rues nommées d'après Tito ou ses généraux ont retrouvé leurs anciens noms d'avant-guerre. Lorsque vous vous promenez aujourd'hui dans Zagreb et Belgrade, les noms de rues explorent l'histoire du Moyen Age jusqu'aux années 1930, puis, après une longue et inexplicable interruption, on reprend vers 1990. A Belgrade, il ne reste qu'une petite rue Tito, dans la lointaine banlieue de Karaburma, au bord du Danube.
Outre l'évidente soif de sang et de vengeance, cette toponymie est l'expression du trait le plus dommageable des sociétés serbes et croates: l'absence de continuité. Chaque nouveau gouvernement ne se présente pas seulement comme meilleur que le précédent, il prétend que tous les problèmes auxquels il doit faire face viennent de ses prédécesseurs. Ainsi, chaque fois qu'un nouveau chef s'assied sur le trône, l'histoire récente doit être effacée et le calendrier recommence à l'année zéro. Vengez le passé, effacez l'histoire, l'avenir s'écrira tout seul, semblent-ils tous dire. Jusqu'à ce que ce vienne leur tour d'être effacé.
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Quand on connaît le sort des Serbes en Croatie pendant la Seconde guerre mondiale, et quand on sait comment Pavelić a pu échapper à la justice et survivre pendant tant d'années, on ne peut réprimer un soupir de soulagement de savoir qu'il a finalement été rattrapé par le sort.</p> <p>Le choc n'en a pas moins été considérable lorsque, en 2020, la ville de Belgrade a décidé de nommer une rue après Jovović. Un débat vif (mais finalement inutile) s'ensuivit entre historiens de diverses obédiences. On y aura même entendu le raisonnement selon lequel Claus von Stauffenberg, qui avait vainement tenté de tuer Hitler le 20 juillet 1944, avait été récompensé par des noms de rues en son honneur en Allemagne. Alors, soutenait-on, pourquoi ne pas récompenser Jovović de la même manière, puisque les deux hommes ont tué, ou tenté de tuer, des monstres absolus.</p> <p>En 1957 cependant, Pavelić n'était le chef d'aucun Etat, et il n'était un danger pour personne. Alors que Claus von Stauffenberg a risqué et perdu la vie dans sa tentative de délivrer l'humanité d'un maniaque génocidaire actif. Les intentions des deux hommes ne peuvent et ne doivent pas être mises sur un même plan: von Stauffenberg voulait améliorer l'avenir, tandis que Jovović voulait corriger le passé. Et en nommant une rue en son honneur, la ville de Belgrade ne faisait que manifester cette maladie typiquement régionale d'utiliser la toponymie pour prolonger à l'infini la haine et le désir de vengeance. On pourrait appeler cela le complexe de Miloš Obilić, du nom du héros mythique de la bataille du Kosovo de 1389, qui vit s'affronter les empires serbe et ottoman.</p> <p>Lorsqu'il était devenu clair que la bataille avait été gagnée par les Ottomans, l'histoire raconte qu'un soldat serbe, un certain Miloš Obilić, avait décidé que la guerre pouvait bien être perdue, mais que l'honneur devait être vengé. Et donc, sachant parfaitement que cela lui coûterait la vie, que cela ne changerait pas le cours de la guerre, il assassina le sultan Mourad et fut tué sur le coup par sa garde. Rien n'a été obtenu par cet assassinat/suicide, aucune vie n'a été épargnée, aucun gain politique n'a été remporté. La Serbie a été soumise par les Ottomans pendant environ un demi-millénaire, et pas un seul soldat suicidaire et vantard n'aurait pu changer cela. Obilić obtint cependant la garantie que son peuple saurait qu'il n'était pas mort en lâche. Pour dire les choses simplement, Obilić était prêt à tout pour prouver sa virilité, pas pour sauver son peuple. Jovović, dans sa confession à un prêtre du Monténégro en 1998, a ouvertement fait référence à Miloš Obilić. 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En Amérique, les rues sont numérotées la plupart du temps, elles ne portent même pas de nom, transformant les cartes de la ville en gigantesques échiquiers. A Paris, rues et boulevards racontent la gloire de deux mille années, à travers des royaumes entiers, des empires et des républiques passés. Donnez votre adresse et vous serez probablement amenés à parler d'un maréchal ou d'une épique charge de cavalerie. Le général de Gaulle est honoré un peu partout, comme si son nom sacré pouvait par miracle expier les péchés de la collaboration. La toponymie britannique est aussi fade et sans éclat qu'un dimanche pluvieux dans le Hertfordshire. Les rues portent le nom de la prochaine ville ou de la colline qu'elles traversent. Comme toujours, les Anglais préfèrent parler du temps.</p> <p>En Serbie comme en Croatie cependant, les noms de rues sont un monument sans fin à un passé sanglant et jamais vengé.</p> <p>Jusqu'au plus petit des villages croates, vous trouverez généralement au moins trois noms de rues: Vukovar, Stjepan Radić et Dr Franjo Tudjman. De nombreux autres noms de rois, de scientifiques et de poètes sont récurrents, bien sûr, mais ces trois noms figureront presque certainement sur la carte du village croate où vous vous trouvez. Vukovar, à cause de la bataille de 1991 au cours de laquelle la Serbie, ou la Yougoslavie comme elle aimait à s'appeler à l'époque, a perdu toute crédibilité aux yeux du monde en prenant brutalement d'assaut la charmante petite ville danubienne. Stjepan Radić, à cause de l'homme d'Etat croate des années 1920, assassiné avec trois collègues par un nationaliste serbe d'origine monténégrine au parlement de Belgrade en 1928. Et le Dr Franjo Tudjman, à cause de l'homme qui a battu la Serbie de Slobodan Milošević à son propre jeu, et qui a offert à sa nation son premier Etat indépendant depuis des siècles. Ainsi, où que vous soyez en Croatie, il vous est suggéré de ne jamais oublier Belgrade et d'intérioriser le fait que la nation croate a été construite en opposition à son voisin oriental.</p> <p>Voilà pour les rues principales. Sortez un peu des sentiers battus, et d'autres noms commencent à apparaître. A la périphérie de Zagreb ou dans des villes plus petites, à partir de 1992 environ, c'est-à-dire lorsque la guerre faisait rage avec la Serbie, de nouveaux héros nationalistes sont venus remplacer les anciens communistes. La plupart du temps, il s'agit de hauts dirigeants et d'officiers du cercle d'Ante Pavelić lui-même. Par exemple, Mile Budak, écrivain serbophobe virulent, principal propagandiste du régime, une sorte de Goebbels croate. Il fut capturé après la guerre et dûment jugé et pendu par les nouvelles autorités yougoslaves. Malgré ce CV peu reluisant, pas moins de treize rues portent son nom en Croatie à ce jour. Slavko Kvaternik, adjoint de Pavelić, fut celui qui proclama la NDH le 10 avril 1941. Tout aussi violent dans ses positions contre la minorité serbe, il finit également par être arrêté, jugé et pendu par la Yougoslavie à la fin de la guerre. Qu'à cela ne tienne, Kvaternik a aussi droit à quelques noms de rues, notamment à Zagreb. Il semble que tous les responsables de la NDH aient une rue à leur nom, à l'exception de Pavelić, qui est également le seul à être connu en dehors des frontières. Pourtant, à ce jour, des hauts fonctionnaires jusqu'aux obscurs rouages de la machine de mort fasciste, une longue liste de noms ornent les rues et les places à travers la Croatie, malgré une décision de la Cour constitutionnelle interdisant spécifiquement aux municipalités d'associer les noms de rues à la NDH. 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Gavrilo Princip, l'assassin de l'héritier du trône d'Autriche-Hongrie François-Ferdinand en 1914, mort dans une prison autrichienne en 1918, a non seulement conservé sa rue au centre-ville de Belgrade, il a même obtenu récemment un monument dans un parc du gouvernement. Puniša Račić, encore un Serbe du Monténégro, et encore un assassin qui se réclamait de Miloš Obilić pour se légitimer, a tué Stjepan Radić au Parlement en 1928, ainsi que trois autres députés croates. Il a été exécuté par les Partisans en 1945. Il a maintenant une petite rue à son nom dans un village du centre de la Serbie. Les appels à nommer une rue et à ériger des monuments à la mémoire de Dragoljub Mihaljlović, le chef chetnik serbe collaborationniste pendant la Seconde guerre mondiale, exécuté en 1945, gagnent du terrain année après année en Serbie. De manière semi-officielle, les clubs de fans des équipes de football Etoile Rouge et Partisan ont vandalisé presque toutes les villes de Serbie avec des peintures murales saluant Ratko Mladić, qui purge actuellement une peine à perpétuité pour génocide et crimes contre l'humanité à Srebrenica en 1995. Assistés d'une protection policière visible, ces voyous dégradent des centaines de murs à travers le pays en appelant à faire la guerre et récupérer le Kosovo, à assassiner les membres des minorités sexuelles et créer un nouvel ordre fasciste.</p> <p>Tous ces héros obscènes, qu'ils soient croates ou serbes, ont un point commun: ils ont été exécutés à la fin de la guerre, ou purgent une peine de prison. Autrement dit, ils sont considérés comme des victimes et non comme des auteurs. Pour leurs thuriféraires, c'est sans doute leur principale qualité. Ceux qui ont fui en Amérique du Sud ou qui ont simplement survécu sous un faux nom ne sont pas l'objet d'une semblable admiration. Dans ces pays qui ont dû mener des guerres épouvantables contre de puissants empires pour gagner leur indépendance, mourir pour son pays est considéré comme un acte sacré. Célébrer des meurtriers assassinés permet aux gens de chaque côté du Danube de pleurer sur eux-mêmes et d'accuser le monde entier, sauf eux-mêmes, pour leurs problèmes. En Croatie, la Serbie est responsable de tous les maux. En Serbie, l'Amérique et l'OTAN ont le même rôle. Tout le monde est coupable, sauf nous, disent-ils tous. Et les noms de rues sont en première ligne de cette perpétuelle compétition pour départager la plus grande, la plus incontestable victime d'entre tous.</p> <p>En outre les deux pays utilisent la toponymie pour atteindre encore un autre objectif, l'effacement de tout ce qui est yougoslave, c'est-à-dire tout ce qui rappelle qu'à un moment de leur histoire récente ces pays avaient un destin commun qui les arrangeait bien. 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Pour entrer dans le trésor de la cathédrale, un homme l'a aidé à forcer la serrure, un jeune serrurier communiste connu sous le nom de Josip Broz Tito. Ce serait le début d'une longue association criminelle.</p> <p>Pendant la Seconde Guerre mondiale, il vivait dans une luxueuse villa dans la banlieue de Berlin, à Schlachtensee. Il se vantait souvent d'avoir fréquenté Hitler et Göring depuis 1927, servant de conseiller artistique à ces derniers et allant même jusqu'à proposer de peindre le portrait d'Hitler. Cette douteuse vantardise n'est confirmée par aucun document d'archives. Il est cependant très probable qu'il se soit livré au pillage pendant cette période en contraignant des collectionneurs juifs à lui vendre des œuvres à bas prix, à l'origine de sa vaste collection. Il le faisait avec la protection de son copain Göring, pour qui il trafiquait également des œuvres pillées. 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Ensemble, ils ont systématiquement pillé autant d'œuvres d'art qu'ils le pouvaient, Wiltrud étant capable de produire de faux certificats pour des œuvres qu'ils savaient tous deux ne pas figurer sur la liste des biens pillés en Yougoslavie. Le chiffre de 166 œuvres volées est souvent mentionné, les Américains comprenant la supercherie beaucoup trop tard. En 1963, Mimara a réussi, pour des raisons entièrement inconnues, à vendre pour 600'000 dollars la célèbre «Cloisters Cross» (la Croix des Cloîtres), un chef-d'œuvre en ivoire de morse roman anglais du XIIème siècle, désormais exposée au Metropolitan Museum de New York. Le Metropolitan, représenté par Thomas Hoving, futur directeur, effectue cet achat malgré les avertissements de la police suisse sur la nature suspecte des transactions de Mimara, et l'absence flagrante d'une provenance régulière. 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Le musée Mimara a été touché et sa fermeture temporaire a été décidée. Cinq ans plus tard, le devenir de cet héritage embarrassant reste inconnu.</p> <p>Mais Mimara n'a pas seulement accordé des faveurs artistiques à sa Croatie natale. Il s'est également assuré de récompenser les musées de Belgrade et de Ljubljana, ainsi que les fonctionnaires du Parti ou les dignitaires étrangers utiles au régime de Tito. C'est ainsi que certains tableaux particulièrement remarquables ont atterri au Musée national de Belgrade. Trois d'entre eux, attribués à Titien, Tintoretto et Carpaccio, appartenaient à Göring qui les avait achetés au comte Contini Bonacossi, un suflureux marchand de Florence connu pour vendre des faux. Un Canaletto et un Guardi ont ainsi appartenu à Martin Bormann, secrétaire particulier d'Hitler. Un tableau attribué à Hubert Robert et un autre à Albert Cuyp avaient appartenu au baron de Rothschild à Paris. Avant que Mimara ne les prenne, les deux avaient été pillés par les Allemands, encore une fois pour Göring. D'autres tableaux à Belgrade pillés par Mimara incluent des œuvres attribuées à Rubens, à l'Ecole de Poussin, un grand paysage de Corot et un autre attribué au Caravage, qui avait été volé par les Allemands en Tchécoslovaquie.</p> <p style="text-align: center;"><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1715864657_portrait_of_catherine_of_austria_with_a_globe_and_a_compass.jpeg" class="img-responsive img-fluid center " width="565" height="745" /></p> <h4>Portrait de Christine du Danemark<em>, attribué au Titien, 1548, au Musée national de Serbie, Belgrade.</em></h4> <p>Pendant des décennies après la guerre, les œuvres apportées par Mimara n'ont pas été incluses dans l'inventaire du Musée national et n'ont jamais été exposées. Les responsables du musée étaient parfaitement conscients de leur passé sombre. Lorsque je travaillais au Musée national, il y a une vingtaine d'années, les conservateurs me disaient que ces œuvres avaient été acquises de manière plus que douteuse, que leur provenance posait problème et que le secret restait le <em>modus operandi</em> imposé. Rien n'a été fait depuis, le silence et le déni restent la politique préférée. Cela n'a pas empêché le système judiciaire italien de montrer un intérêt marqué pour les peintures italiennes, affirmant qu'elles n'appartiennent pas à Belgrade. Et fidèle à son habitude, la direction du Musée national insiste sur le fait qu'il n'y a absolument aucun problème avec leur provenance. Combien de temps encore durera cette obstination à ne pas affronter des vérités évidentes, on l'ignore. 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Comme si l'optimisme était considéré comme un péché mortel, la totalité de ces auteurs, dont certains sont des géants de la littérature mondiale, ont en commun de nous imaginer un avenir épouvantable, où l'univers concentrationnaire allemand est utilisé comme mètre-étalon de ce que le cerveau humain peut engendrer à son nadir. Le <em>Problème à trois corps</em> n'échappe pas à cette règle.</p> <p>On pourrait s'arrêter sur trois éléments centraux du <em>Problème à trois corps</em>, réunis sous un dénominateur commun. Le premier élément, c'est la nature même de l'ennemi. Le second élément, ce sont ceux parmi les êtres humains dont on attend la solution. Et le troisième élément, c'est le genre de monde dans lequel on nous promet la victoire sur l'Ennemi. 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Mais il est également probable que ce mépris pour l'organisation politique traditionnelle soit le fruit même des craintes qui nous hantent. Que ce soit le démiurge aux poches sans fond qui finance les jeunes scientifiques, ou la décision des Nations Unies de confier le sort de l'humanité à trois personnes, sans aucun droit de regard, tout cela illustre notre désarroi face à des instances politiques qui se perdent en des débats interminables qui accouchent de souris.</p> <p>La guerre qui oppose l'Occident à la Russie en Ukraine fait apparaître que le pouvoir direct d'un seul, même plus faible et plus petit, offre des avantages considérables lorsque l'on est soi-même soumis à des contrôles et des élections interminables. « <em>Je veux que vous paniquiez</em> », criait d'une voix étouffée Greta Thunberg. La panique est incompatible avec la démocratie, avec la discussion et le consensus. Elle exige une action immédiate et irréfléchie. 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En 2010, 500 millions de personnes étaient venues admirer notre continent. On compte que l'an prochain, leur nombre sera de 750 millions. L'Europe, qui a inventé les musées, est en train d'appliquer le concept à sa totalité. Petit à petit, elle devient le parc à thème et le restaurant du reste du monde, qui vient y admirer la maison-mère de la modernité et de la mondialisation. On peut le regretter ou s'en réjouir, aujourd'hui. L'avenir seul nous dira si cette transition, qui semble inéluctable et ne l'est pourtant pas, était heureuse ou malheureuse.</p> <p>Ainsi l'Europe se repose désormais, et se fait admirer derrière une paroi de verre. Elle a sué sang et eau, porté le fer aux quatre coins du globe pour les raisons les plus fantaisistes. Elle a cru à sa propre universalité et inventé l'alphabétisation et le moteur à explosion. Puis elle s'est consciencieusement suicidée dans un déluge d'acier et de feu de 1914 à 1945. Ce qui ne signifie pas qu'elle est devenue improductive. Aujourd'hui elle produit majoritairement des <em>services aux individus</em>: comptables, avocats, banquiers, tatoueurs, psychologues et coachs, coiffeurs, gestionnaires et médiateurs. Ce n'est pas sans intérêt ni noblesse. Après des siècles de guerres en continu, on devrait presque parler de soins post-traumatiques collectifs. Mais elle doit compter sur les autres pour les voitures, les bateaux, les téléphones et les cardigans 50% cachemire. Là où tous ces biens sont produits, avec des Codes du travail élastiques et des taux de pollution robustes, on ne s'embarrasse pas vraiment de ces questions. On s'intéresse à l'avenir. Les Européens, eux, s'occupent du passé. 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1 Commentaire
@stef 21.05.2023 | 17h10
«Très intéressant »