Actuel / «Elémentaire, mon cher Watson»
Sherlock Holmes et le Dr. Watson sur un portrait publié dans «The Adventure of Silver Blaze», paru dans «The Strand Magazine» en décembre 1892. © Strand Magazine
C’est sans doute l’une des phrases les plus célèbres de la littérature. La réplique un tantinet condescendante de Sherlock Holmes au fidèle Watson est commode quand il s’agit de souligner la qualité d’un raisonnement – l’équivalent du bon vieux CQFD en quelque sorte. Seul souci: Conan Doyle ne l’a jamais écrite.
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Avec la casquette de chasse à rabats, la pipe, un visage émacié et une bonne petite dose d’héroïne par-ci par-là, elle complète la panoplie du personnage.</p> <p>Reste que s’il vous prend l’envie de taquiner celui qui vous la sortirait une fois de trop dans une conversation, il suffit de lui demander où il a bien pu la lire dans les quatre romans et les soixante-six nouvelles où apparaît le détective. Et là, bon courage: aussi iconique qu’elle soit, la «signature» de Sherlock Holmes n’y figure jamais, pas plus en anglais que dans les traductions françaises.</p> <p>En tout cas pas sous cette forme exacte. Le passage qui s’en rapproche le plus se trouve dans un recueil de nouvelles, <em>Les Mémoires de Sherlock Holmes</em>, et plus précisément dans <em>L’Homme estropié</em>.</p> <p>Alors que Holmes vient une fois de plus de faire la preuve de ses dons d’observation, Watson ne peut retenir un mouvement d’admiration: «Excellent! I cried. Elementary, said he.» («Excellent! m’écriai-je. 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Précisons que si Conan Doyle est encore vivant à cette date, c’est un homme diminué qui n’a pas été sollicité pour relire le scénario et les dialogues. Aucune chance donc que la phrase lui soit venue tardivement.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1568740181_sherlock.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;">Le <em>Sherlock Holmes</em> de Guy Ritchie, avec Robert Downey Jr et Jude Law (2009). © Warner Bros France</h4> <p>Enquête terminée? Bof. Le cinéma ne fait là qu’adresser un clin d’œil à des spectateurs qui connaissent bien la formule. 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Elle a été adoptée au Japon au cours du VIII<sup>e</sup> siècle.</p> <p>On trouve des exemples poétiques de pruniers en fleurs, ou <em>ume</em> en japonais, dans le <a href="https://www.kokugakuin.ac.jp/assets/uploads/2021/03/KJS2-2Oishi.pdf">« Man’yōshū »</a>, ou « recueil de dix mille feuilles », le plus ancien recueil de poésie japonaise, qui date du VIII<sup>e</sup> siècle.</p> <p>Wiebke Denecke, <a href="https://lit.mit.edu/denecke/">spécialiste des littératures d’Asie orientale</a>, explique que les poètes japonais classiques <a href="https://www.jstor.org/stable/25066837">écrivaient des poèmes sur les fleurs de prunier lorsqu’elles étaient en saison</a>. Leurs compositions ont façonné la poésie de cour japonaise, ou <em>waka</em>, qui est enracinée dans la nature et son cycle saisonnier constant.</p> <p>Cependant, c’est le <em>sakura</em>, et non le prunier, qui occupe une place particulière dans la culture japonaise. Les anthologies impériales de <em>waka</em> compilées au Japon entre 905 et 1439 de l’ère chrétienne contiennent généralement plus de poèmes printaniers composés sur les cerisiers en fleurs que sur les pruniers en fleurs.</p> <h3>Au cœur de la composition des <em>waka</em></h3> <p><a href="https://www.penguinrandomhouse.com/books/558474/the-sakura-obsession-by-naoko-abe/">La première exposition de cerisiers en fleurs</a> a été organisée par l’empereur Saga en 812 de l’ère chrétienne et est rapidement devenue un événement régulier à la cour impériale, souvent accompagné de musique, de nourriture et d’écriture de poèmes.</p> <p>Les cerisiers en fleurs sont devenus l’un des sujets habituels de composition des <em>waka</em>. En fait, j’ai commencé à étudier la poésie japonaise grâce à un poème sur le thème du <em>sakura</em> écrit par une poétesse classique, Izumi Shikibu, dont on pense qu’elle a activement composé des <em>waka</em> vers l’an 1000 de notre ère. Le poème est préfacé par la <a href="http://www.misawa-ac.jp/drama/daihon/genji/bunken/zoku.html">mémoire de son auteur</a>. Ce poème parle de son ancien amant qui souhaite revoir les cerisiers en fleurs avant qu’ils ne tombent.</p> <blockquote> <p>tō o koyo<br />saku to miru ma ni<br />chirinu beshi<br />tsuyu to hana to no<br />naka zo yo no naka</p> <p>Viens vite !<br />À peine commencent-elles à s’ouvrir<br />qu’elles doivent tomber.<br />Notre monde réside<br />dans la rosée au sommet des fleurs de cerisier.</p> </blockquote> <p>Ce poème n’est pas l’exemple le plus célèbre de <em>waka</em> sur les cerisiers en fleurs dans la poésie japonaise prémoderne, mais il contient des couches d’imagerie traditionnelle symbolisant l’impermanence. Il souligne qu’une fois écloses, les fleurs de cerisier sont destinées à tomber. Assister à leur chute est l’objectif même du <em>hanami</em>.</p> <p>La rosée est généralement interprétée comme un <a href="https://www.jstor.org/stable/2385169">symbole de larmes</a> dans le waka, mais elle peut également être lue de manière plus érotique comme une référence à d’autres <a href="https://uhpress.hawaii.edu/title/mapping-courtship-and-kinship-in-classical-japan-the-tale-of-genji-and-its-predecessors/">fluides corporels</a>. Une telle interprétation révèle que le poème est une allusion à une relation amoureuse, qui est aussi fragile que la rosée qui s’évapore sur les fleurs de cerisier qui tombent bientôt ; elle ne dure pas longtemps, il faut donc l’apprécier tant qu’elle existe.</p> <h4 style="text-align: center;"><img src="https://images.theconversation.com/files/579998/original/file-20240305-18-vujctw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" alt="Un arbre japonais en fleurs chargé de grappes de fleurs roses dans un jardin" /><em><span>Au Japon, les cerisiers en fleurs symbolisent l’impermanence ». zoomable=</span> <span><a href="https://www.flickr.com/photos/25228175@N08/4549363374">Elvin/Flickr</a>, <a href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></em></h4> <p>Le poème peut également être interprété de manière plus générale : La rosée est un symbole de la vie humaine, et la chute des cerisiers en fleurs une métaphore de la mort.</p> <h3>Militarisé par l’Empire du Japon</h3> <p>La notion de chute des fleurs de cerisier a été utilisée par <a href="https://www.bloomsbury.com/us/imperial-japan-and-defeat-in-the-second-world-war-9781350246799/">l’Empire du Japon</a>, un État historique qui a existé de la restauration meiji en 1868 jusqu’à la promulgation de la Constitution du Japon en 1947. L’empire est connu pour la <a href="https://www.bloomsbury.com/uk/japanese-taiwan-9781472576743/">colonisation de Taïwan</a> et l’<a href="https://www.peterlang.com/document/1049131">annexion de la Corée</a> afin d’étendre ses territoires.</p> <p><a href="https://kokubunken.repo.nii.ac.jp/records/4747">Sasaki Nobutsuna</a>, un érudit des classiques japonais ayant des liens étroits avec la cour impériale, était un partisan de l’idéologie nationaliste de l’empire. En 1894, il a composé un long poème, <a href="https://dl.ndl.go.jp/pid/873478/1/10">« Shina seibatsu no uta »</a>, ou « Le chant de la conquête des Chinois », pour coïncider avec la première guerre sino-japonaise, qui a duré de 1894 à 1895. Le poème compare la chute des fleurs de cerisier au sacrifice des soldats japonais qui <a href="https://press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/K/bo3656741.html">tombent au combat pour leur pays et leur empereur</a>.</p> <h3>La marchandisation de la saison</h3> <p>Dans le Japon contemporain, les cerisiers en fleurs sont célébrés par de nombreux membres de la société, et pas seulement par la cour impériale. Fleurissant autour du <a href="https://www.nbcbayarea.com/news/national-international/lunar-new-year-2024-how-to-celebrated/3447961/">Nouvel An lunaire</a> célébré dans le Japon prémoderne depuis des siècles, elles symbolisent les nouveaux départs dans tous les domaines de la vie.</p> <p>À l’époque contemporaine, les vendeurs ont transformé les cerisiers en fleurs en vendant du <a href="https://stories.starbucks.com/asia/stories/2024/sakura-season-starts-at-starbucks-japan-on-thursday-february-15/">thé, café</a>, de la <a href="https://japantoday.com/category/features/food/haagen-dazs-releases-two-new-seasonal-flavors">crème glacée</a>, des <a href="https://www.oenon.jp/news/2020/0205-1.html">boissons</a> ou des <a href="https://www.fujingaho.jp/gourmet/sweets/g43015580/fujingahonootoriyose-sakura-sweets20240215/">biscuits</a> aromatisés au <em>sakura</em>, transformant ainsi l’image de l’arbre en fleurs en une marque saisonnière. Les <a href="https://sakura.weathermap.jp/en.php">prévisions météorologiques</a> suivent la floraison des cerisiers pour s’assurer que tout le monde a une chance de participer à l’ancien rituel de l’observation.</p> <p>L’obsession des cerisiers en fleurs peut sembler triviale, mais le <em>hanami</em> rassemble les gens à une époque où la plupart des communications se font virtuellement et à distance, réunissant des membres de la famille, des amis, des collègues de travail et parfois même des étrangers, comme cela m’est arrivé lorsque je vivais au Japon.</p> <p>L’observation des <em>sakura</em> témoigne également de la relation unique que le Japon moderne entretient avec sa propre histoire. En même temps, cela nous rappelle que l’impermanence est peut-être la seule constante de la vie.</p> <h4 style="text-align: center;"><a href="https://images.theconversation.com/files/580005/original/file-20240305-23810-vdbysn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/580005/original/file-20240305-23810-vdbysn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" alt="Deux rangées de grands arbres avec des grappes de fleurs roses de part et d’autre d’une allée" /></a><em><span>Les cerisiers, avec leurs jolies fleurs, sont arrivés à Washington D.C. comme un cadeau du Japon.</span> <span><a href="https://www.flickr.com/photos/dannyfowler/4469426717">Danny Navarro/Flickr</a>, <a href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></em></h4> <p>Aujourd’hui, les cerisiers en fleurs sont célébrés au printemps <a href="https://localadventurer.com/places-to-see-cherry-blossoms-in-the-world/">partout dans le monde</a>, encourageant l’appréciation de l’impermanence par l’observation de la nature.<img src="https://counter.theconversation.com/content/225513/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/malgorzata-gosia-k-citko-duplantis-1515126">Małgorzata (Gosia) K. Citko-DuPlantis</a>, Assistant Professor in Japanese Literature and Culture, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/university-of-tennessee-688">University of Tennessee</a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. 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Mais puisque la RTS estime nécessaire d’exprimer des «regrets» pour les «propos outranciers» tenus par Slobodan Despot, quelques questions s’imposent:</p> <p><strong>1.</strong> Pourquoi, si les propos n’y sont pas si libres que ça, l'émission «Les Beaux Parleurs» est-elle toujours présentée comme un «talk show» sur le site de la RTS?</p> <p><strong>2.</strong> Si la RTS juge bon d’exprimer ses «regrets» pour des «propos outranciers», il est à supposer que sa charte a été enfreinte par Slobodan Despot. Dans ce cas, il serait bon de spécifier aux <a href="https://www.24heures.ch/la-rts-regrette-les-propos-outranciers-de-slobodan-despot-739244121528" target="_blank" rel="noopener">lecteurs de <em>24 Heures</em></a> quels passages plus précisément. La charte de la RTS dit notamment ceci: «une responsabilité particulière dans la recherche de la vérité, l’impartialité, la pluralité et le respect de la personne.» En décrivant des éléments factuels, Slobodan Depot a fait preuve de recherche de la vérité. Il représente l’un des éléments nécessaires à la pluralité d’opinion censément chère à la RTS et n’a manqué de respect envers personne au travers de ses propos. Où est donc le problème? 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Certaines des personnes visées (notamment les 23'000 parents ayant signé la pétition du Collectif Parents) ont potentiellement pu se sentir agressées par ces propos. Elles n’en ont pas fait toute une histoire car elles savent que «Les Beaux Parleurs» est une émission de débat et que la liberté d’expression est (pardon, devrait être) l’un des piliers de toute démocratie qui se respecte.</p> <p><strong>5.</strong> Comment la RTS peut-elle justifier qu’elle remplit toujours son mandat de service public si elle décide de manière aléatoire (ou partiale?) de s’excuser pour certains propos, prétendument d’extrême droite, alors qu’elle ne s’excuse pas pour certains propos semblant relever de l’extrême gauche? Qui, au sein de la RTS, décide du moment auquel il faut ou non exprimer des «regrets»? 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Cet article, signé Jean-Christophe Piot, a été publié sur Mediapart le 2 août 2019
Comme «Un pour tous, tous pour un» ou «C’est un peu court, jeune homme!», «Élémentaire, mon cher Watson» («Elementary, my dear Watson» en VO) fait partie de ces phrases qu’on associe instantanément à une œuvre et en l’occurrence à leurs personnages principaux, respectivement les Trois Mousquetaires, Cyrano de Bergerac et Sherlock Holmes.
Flegmatique et faussement modeste, la phrase est un parfait précipité du personnage imaginé par sir Arthur Conan Doyle en 1887. Avec la casquette de chasse à rabats, la pipe, un visage émacié et une bonne petite dose d’héroïne par-ci par-là, elle complète la panoplie du personnage.
Reste que s’il vous prend l’envie de taquiner celui qui vous la sortirait une fois de trop dans une conversation, il suffit de lui demander où il a bien pu la lire dans les quatre romans et les soixante-six nouvelles où apparaît le détective. Et là, bon courage: aussi iconique qu’elle soit, la «signature» de Sherlock Holmes n’y figure jamais, pas plus en anglais que dans les traductions françaises.
En tout cas pas sous cette forme exacte. Le passage qui s’en rapproche le plus se trouve dans un recueil de nouvelles, Les Mémoires de Sherlock Holmes, et plus précisément dans L’Homme estropié.
Alors que Holmes vient une fois de plus de faire la preuve de ses dons d’observation, Watson ne peut retenir un mouvement d’admiration: «Excellent! I cried. Elementary, said he.» («Excellent! m’écriai-je. Élémentaire, dit-il.»)
Idem dans Le Chien des Baskerville, où Holmes qualifie «d’intéressantes mais élémentaires» ses propres observations sur la canne d’un personnage secondaire.
Et c’est tout: si le toxicomane le plus célèbre du roman policier donne bien du «mon cher Watson» au fidèle docteur toutes les dix secondes, la phrase qui lui est la plus immédiatement associée n’apparaît jamais.
Accusé Hollywood, levez-vous
Logiquement, dans ces cas-là, on tient un coupable tout trouvé: le cinéma. Et de fait, le locataire du 221B Baker Street débarque très tôt sur grand écran (dès 1900) mais il faut attendre 1929 et l’ère du parlant pour entendre enfin la formule fétiche dans la bouche de l’acteur Clive Brooke, qui lui prête son visage dans Le Retour de Sherlock Holmes, de Basil Dean.
C’est même la dernière scène du film: face à un Watson éperdu d’admiration, Sherlock se fend d’un flegmatique «Elementary my dear Watson, elementary». Précisons que si Conan Doyle est encore vivant à cette date, c’est un homme diminué qui n’a pas été sollicité pour relire le scénario et les dialogues. Aucune chance donc que la phrase lui soit venue tardivement.
Le Sherlock Holmes de Guy Ritchie, avec Robert Downey Jr et Jude Law (2009). © Warner Bros France
Enquête terminée? Bof. Le cinéma ne fait là qu’adresser un clin d’œil à des spectateurs qui connaissent bien la formule. Preuve en est que Mr. Brown, un roman d’Agatha Christie de 1922 – sept ans avant la sortie du film –, y fait déjà allusion sur le mode ironique: son héros Tom Beresford l’utilise pour se moquer gentiment de la tendance de son épouse à se lancer dans des déductions farfelues.
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Alors? Alors c’est comme pour la véritable identité de Jack l’Éventreur, on l’aura probablement toujours dans l’os. Seule certitude: d’où que vienne la phrase exacte, elle n’est en tout cas pas due à Arthur Conan Doyle.
A lire aussi:
Einstein, Churchill, Clemenceau, ou aucun d'entre eux - Jean-Christophe Piot
«S'ils n'ont pas de pain, qu'ils mangent de la brioche» - Jean-Christophe Piot
«Et pourtant, elle tourne!» Jean-Christophe Piot
Le coup du proverbe chinois - Anna Lietti
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Avec la casquette de chasse à rabats, la pipe, un visage émacié et une bonne petite dose d’héroïne par-ci par-là, elle complète la panoplie du personnage.</p> <p>Reste que s’il vous prend l’envie de taquiner celui qui vous la sortirait une fois de trop dans une conversation, il suffit de lui demander où il a bien pu la lire dans les quatre romans et les soixante-six nouvelles où apparaît le détective. Et là, bon courage: aussi iconique qu’elle soit, la «signature» de Sherlock Holmes n’y figure jamais, pas plus en anglais que dans les traductions françaises.</p> <p>En tout cas pas sous cette forme exacte. Le passage qui s’en rapproche le plus se trouve dans un recueil de nouvelles, <em>Les Mémoires de Sherlock Holmes</em>, et plus précisément dans <em>L’Homme estropié</em>.</p> <p>Alors que Holmes vient une fois de plus de faire la preuve de ses dons d’observation, Watson ne peut retenir un mouvement d’admiration: «Excellent! I cried. Elementary, said he.» («Excellent! m’écriai-je. 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Précisons que si Conan Doyle est encore vivant à cette date, c’est un homme diminué qui n’a pas été sollicité pour relire le scénario et les dialogues. Aucune chance donc que la phrase lui soit venue tardivement.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1568740181_sherlock.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;">Le <em>Sherlock Holmes</em> de Guy Ritchie, avec Robert Downey Jr et Jude Law (2009). © Warner Bros France</h4> <p>Enquête terminée? Bof. Le cinéma ne fait là qu’adresser un clin d’œil à des spectateurs qui connaissent bien la formule. Preuve en est que <em>Mr. Brown</em>, un roman d’Agatha Christie de 1922 – sept ans avant la sortie du film –, y fait déjà allusion sur le mode ironique: son héros Tom Beresford l’utilise pour se moquer gentiment de la tendance de son épouse à se lancer dans des déductions farfelues.</p> <p>Mieux: dès 1901, le journal anglais <em>The Northampton Mercury</em> publie une courte parodie centrée sur deux personnages, Shylock Combs et Potson. L’auteur s’y moque joyeusement des raisonnements de Holmes et dans un passage, assez marrant d’ailleurs, conclut sa démonstration par la fameuse formule, détournée: «Élémentaire, mon cher Potson; j’ai observé le côté gauche de votre moustache incliné d’environ 47,5° vers l’ouest; venant de la rue Butcher, j’en ai immédiatement déduit de quel quartier soufflait le vent.»</p> <p>Le journal n’est pas le seul à se moquer des prétentions de Holmes. Ne pas y faire allusion dans le film reviendrait à tourner un <em>Star Wars </em>sans entendre le son d’un sabre laser. La ligne de dialogue n’est jamais qu’une sorte de <em>fan service</em> avant l’heure.</p> <p>En réalité, la fameuse réplique est déjà indissociable de Sherlock Holmes. À force de chercher l’origine exacte de l’expression, les spécialistes des études holmésiennes ont fini par s’accorder sur l’idée qu’on la doit au comédien William Gillette, l’un des premiers à avoir incarné Holmes sur les planches en 1899 dans une adaptation qu’il avait lui-même réalisée.</p> <p>Sauf que, là encore, le mystère s’épaissit: si Gillette a pu l’improviser sur scène, la phrase ne figure en tout cas pas dans les scripts qui ont survécu au passage du temps.</p> <p>Alors? Alors c’est comme pour la véritable identité de Jack l’Éventreur, on l’aura probablement toujours dans l’os. Seule certitude: d’où que vienne la phrase exacte, elle n’est en tout cas pas due à Arthur Conan Doyle.</p> <hr /> <h2>A lire aussi:</h2> <p><em><a href="/actuel/einstein-churchill-clemenceau-ou-aucun-d-entre-eux" target="_blank" rel="noopener">Einstein, Churchill, Clemenceau, ou aucun d'entre eux</a></em> - Jean-Christophe Piot<br /><a href="/actuel/s-ils-n-ont-pas-de-pain-qu-ils-mangent-de-la-brioche" target="_blank" rel="noopener"><em><i>«</i>S'ils n'ont pas de pain, qu'ils mangent de la brioche<i>»</i></em></a> - Jean-Christophe Piot<br /><a href="/actuel/et-pourtant-elle-tourne" target="_blank" rel="noopener"><em><i>«</i>Et pourtant, elle tourne!<i>»</i></em></a> Jean-Christophe Piot</p> <p><em><a href="/chroniques/le-coup-du-proverbe-chinois" target="_blank" rel="noopener">Le coup du proverbe chinois</a></em> - Anna Lietti</p>', 'content_edition' => null, 'slug' => 'elementaire-mon-cher-watson', 'headline' => false, 'homepage' => 'col-md-12', 'like' => (int) 703, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1900, 'homepage_order' => (int) 2167, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [], 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'locations' => [], 'attachment_images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' } $relatives = [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4837, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Migros: le trou dans les finances est pire qu’on l’a dit', 'subtitle' => 'Sur son site «Inside Paradeplatz», le journaliste spécialisé Lukas Hässig revient sur les annonces de Migros. 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En effet, le <em>sakura</em>, nom donné au cerisier en japonais, est un <a href="https://www.google.com/books/edition/Mizue_Sawano_The_Art_of_the_Cherry_Tree/nHf8lxLOYsUC?hl=en">symbole de l’impermanence</a> reconnu au Japon et ailleurs.</p> <p>Divers festivals sont régulièrement organisés partout dans le monde pour célébrer cette floraison.</p> <p>En tant que <a href="https://wlc.utk.edu/?people=malgorzata-k-citko-duplantis">spécialiste de la littérature et de la culture japonaises prémodernes</a>, j’ai été initiée très tôt à la coutume d’admirer les cerisiers en fleurs. Il s’agit d’un rituel ancien qui a été célébré et décrit au Japon pendant des siècles et qui continue d’être un élément indispensable pour accueillir le printemps. Aux États-Unis, la tradition du <em>hanami</em> a commencé avec la plantation des premiers cerisiers à Washington DC en 1912 en tant que <a href="https://www.nps.gov/subjects/cherryblossom/history-of-the-cherry-trees.htm">cadeau d’amitié du Japon</a>.</p> <h3>Poésie sur la nature</h3> <p>La coutume d’observer les arbres en fleurs au printemps est arrivée au Japon en provenance du continent asiatique. L’observation des pruniers en fleurs, souvent au clair de lune, comme symbole de <a href="https://www.archwaypublishing.com/en/bookstore/bookdetails/799255-The-Plum-Blossom-of-Luojia-Mountain">force, vitalité et fin de l’hiver</a> était pratiquée en Chine depuis l’antiquité. 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Les anthologies impériales de <em>waka</em> compilées au Japon entre 905 et 1439 de l’ère chrétienne contiennent généralement plus de poèmes printaniers composés sur les cerisiers en fleurs que sur les pruniers en fleurs.</p> <h3>Au cœur de la composition des <em>waka</em></h3> <p><a href="https://www.penguinrandomhouse.com/books/558474/the-sakura-obsession-by-naoko-abe/">La première exposition de cerisiers en fleurs</a> a été organisée par l’empereur Saga en 812 de l’ère chrétienne et est rapidement devenue un événement régulier à la cour impériale, souvent accompagné de musique, de nourriture et d’écriture de poèmes.</p> <p>Les cerisiers en fleurs sont devenus l’un des sujets habituels de composition des <em>waka</em>. En fait, j’ai commencé à étudier la poésie japonaise grâce à un poème sur le thème du <em>sakura</em> écrit par une poétesse classique, Izumi Shikibu, dont on pense qu’elle a activement composé des <em>waka</em> vers l’an 1000 de notre ère. Le poème est préfacé par la <a href="http://www.misawa-ac.jp/drama/daihon/genji/bunken/zoku.html">mémoire de son auteur</a>. Ce poème parle de son ancien amant qui souhaite revoir les cerisiers en fleurs avant qu’ils ne tombent.</p> <blockquote> <p>tō o koyo<br />saku to miru ma ni<br />chirinu beshi<br />tsuyu to hana to no<br />naka zo yo no naka</p> <p>Viens vite !<br />À peine commencent-elles à s’ouvrir<br />qu’elles doivent tomber.<br />Notre monde réside<br />dans la rosée au sommet des fleurs de cerisier.</p> </blockquote> <p>Ce poème n’est pas l’exemple le plus célèbre de <em>waka</em> sur les cerisiers en fleurs dans la poésie japonaise prémoderne, mais il contient des couches d’imagerie traditionnelle symbolisant l’impermanence. Il souligne qu’une fois écloses, les fleurs de cerisier sont destinées à tomber. Assister à leur chute est l’objectif même du <em>hanami</em>.</p> <p>La rosée est généralement interprétée comme un <a href="https://www.jstor.org/stable/2385169">symbole de larmes</a> dans le waka, mais elle peut également être lue de manière plus érotique comme une référence à d’autres <a href="https://uhpress.hawaii.edu/title/mapping-courtship-and-kinship-in-classical-japan-the-tale-of-genji-and-its-predecessors/">fluides corporels</a>. Une telle interprétation révèle que le poème est une allusion à une relation amoureuse, qui est aussi fragile que la rosée qui s’évapore sur les fleurs de cerisier qui tombent bientôt ; elle ne dure pas longtemps, il faut donc l’apprécier tant qu’elle existe.</p> <h4 style="text-align: center;"><img src="https://images.theconversation.com/files/579998/original/file-20240305-18-vujctw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" alt="Un arbre japonais en fleurs chargé de grappes de fleurs roses dans un jardin" /><em><span>Au Japon, les cerisiers en fleurs symbolisent l’impermanence ». zoomable=</span> <span><a href="https://www.flickr.com/photos/25228175@N08/4549363374">Elvin/Flickr</a>, <a href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></em></h4> <p>Le poème peut également être interprété de manière plus générale : La rosée est un symbole de la vie humaine, et la chute des cerisiers en fleurs une métaphore de la mort.</p> <h3>Militarisé par l’Empire du Japon</h3> <p>La notion de chute des fleurs de cerisier a été utilisée par <a href="https://www.bloomsbury.com/us/imperial-japan-and-defeat-in-the-second-world-war-9781350246799/">l’Empire du Japon</a>, un État historique qui a existé de la restauration meiji en 1868 jusqu’à la promulgation de la Constitution du Japon en 1947. L’empire est connu pour la <a href="https://www.bloomsbury.com/uk/japanese-taiwan-9781472576743/">colonisation de Taïwan</a> et l’<a href="https://www.peterlang.com/document/1049131">annexion de la Corée</a> afin d’étendre ses territoires.</p> <p><a href="https://kokubunken.repo.nii.ac.jp/records/4747">Sasaki Nobutsuna</a>, un érudit des classiques japonais ayant des liens étroits avec la cour impériale, était un partisan de l’idéologie nationaliste de l’empire. En 1894, il a composé un long poème, <a href="https://dl.ndl.go.jp/pid/873478/1/10">« Shina seibatsu no uta »</a>, ou « Le chant de la conquête des Chinois », pour coïncider avec la première guerre sino-japonaise, qui a duré de 1894 à 1895. Le poème compare la chute des fleurs de cerisier au sacrifice des soldats japonais qui <a href="https://press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/K/bo3656741.html">tombent au combat pour leur pays et leur empereur</a>.</p> <h3>La marchandisation de la saison</h3> <p>Dans le Japon contemporain, les cerisiers en fleurs sont célébrés par de nombreux membres de la société, et pas seulement par la cour impériale. Fleurissant autour du <a href="https://www.nbcbayarea.com/news/national-international/lunar-new-year-2024-how-to-celebrated/3447961/">Nouvel An lunaire</a> célébré dans le Japon prémoderne depuis des siècles, elles symbolisent les nouveaux départs dans tous les domaines de la vie.</p> <p>À l’époque contemporaine, les vendeurs ont transformé les cerisiers en fleurs en vendant du <a href="https://stories.starbucks.com/asia/stories/2024/sakura-season-starts-at-starbucks-japan-on-thursday-february-15/">thé, café</a>, de la <a href="https://japantoday.com/category/features/food/haagen-dazs-releases-two-new-seasonal-flavors">crème glacée</a>, des <a href="https://www.oenon.jp/news/2020/0205-1.html">boissons</a> ou des <a href="https://www.fujingaho.jp/gourmet/sweets/g43015580/fujingahonootoriyose-sakura-sweets20240215/">biscuits</a> aromatisés au <em>sakura</em>, transformant ainsi l’image de l’arbre en fleurs en une marque saisonnière. Les <a href="https://sakura.weathermap.jp/en.php">prévisions météorologiques</a> suivent la floraison des cerisiers pour s’assurer que tout le monde a une chance de participer à l’ancien rituel de l’observation.</p> <p>L’obsession des cerisiers en fleurs peut sembler triviale, mais le <em>hanami</em> rassemble les gens à une époque où la plupart des communications se font virtuellement et à distance, réunissant des membres de la famille, des amis, des collègues de travail et parfois même des étrangers, comme cela m’est arrivé lorsque je vivais au Japon.</p> <p>L’observation des <em>sakura</em> témoigne également de la relation unique que le Japon moderne entretient avec sa propre histoire. 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Mais puisque la RTS estime nécessaire d’exprimer des «regrets» pour les «propos outranciers» tenus par Slobodan Despot, quelques questions s’imposent:</p> <p><strong>1.</strong> Pourquoi, si les propos n’y sont pas si libres que ça, l'émission «Les Beaux Parleurs» est-elle toujours présentée comme un «talk show» sur le site de la RTS?</p> <p><strong>2.</strong> Si la RTS juge bon d’exprimer ses «regrets» pour des «propos outranciers», il est à supposer que sa charte a été enfreinte par Slobodan Despot. Dans ce cas, il serait bon de spécifier aux <a href="https://www.24heures.ch/la-rts-regrette-les-propos-outranciers-de-slobodan-despot-739244121528" target="_blank" rel="noopener">lecteurs de <em>24 Heures</em></a> quels passages plus précisément. La charte de la RTS dit notamment ceci: «une responsabilité particulière dans la recherche de la vérité, l’impartialité, la pluralité et le respect de la personne.» En décrivant des éléments factuels, Slobodan Depot a fait preuve de recherche de la vérité. Il représente l’un des éléments nécessaires à la pluralité d’opinion censément chère à la RTS et n’a manqué de respect envers personne au travers de ses propos. Où est donc le problème? 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Certaines des personnes visées (notamment les 23'000 parents ayant signé la pétition du Collectif Parents) ont potentiellement pu se sentir agressées par ces propos. Elles n’en ont pas fait toute une histoire car elles savent que «Les Beaux Parleurs» est une émission de débat et que la liberté d’expression est (pardon, devrait être) l’un des piliers de toute démocratie qui se respecte.</p> <p><strong>5.</strong> Comment la RTS peut-elle justifier qu’elle remplit toujours son mandat de service public si elle décide de manière aléatoire (ou partiale?) de s’excuser pour certains propos, prétendument d’extrême droite, alors qu’elle ne s’excuse pas pour certains propos semblant relever de l’extrême gauche? Qui, au sein de la RTS, décide du moment auquel il faut ou non exprimer des «regrets»? 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Le battage médiatique fait autour des propos d'un chroniqueur interroge donc sur l'état de cette démocratie.</p> <p>Toute cette histoire est une non-affaire, qui me rappelle tristement deux autres non-affaires arrivées il y a pile trois ans et ressemblant en de nombreux points à celle-ci: quelqu’un a été payé pour effectuer un travail précis. Il accomplit ce travail selon les termes du contrat. Qu’on le laisse faire ce travail. 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