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Actuel / Comme la Suisse romande, l’Afrique francophone se passionne pour les élections françaises


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A Lausanne ou à Abidjan, les présidentielles françaises suscitent le même engouement. Chacun et chacune s’emporte, vante les mérites de «son» candidat, en dézingue d’autres. Comme si il ou elle avait le droit de voter en France.



Même si l’invasion russe en Ukraine a relégué les élections présidentielles françaises au second plan, celles-ci continuent à passionner les Suisses romands. Les correspondants en France sont mis à contribution; et entre amis, au bistrot, en famille, les débats sont hauts en couleurs entre partisans de Macron, Marine Le Pen, Mélenchon ou Zemmour. 

En Afrique francophone, on assiste au même scénario: la courbe des sondages, chaque rebondissement dans la campagne, sont commentés dans les salons climatisés ou les «maquis» d’Abidjan, Cotonou et Yaoundé. La politique nationale, elle, suscite davantage de ricanements désabusés ou de lassitude, dans un contexte où les présidents s’accrochent généralement au pouvoir, en recourant au bourrage des urnes, au «tripatouillage» de la Constitution, au musèlement de l’opposition. 

Que ce soit en Suisse ou en Afrique francophone, on apprécie généralement la vivacité des joutes oratoires auxquelles se livrent les politiciens français, même si parfois, leur violence laisse pantois. Vue d’Afrique, l’arrivée tonitruante d’un Eric Zemmour sur la scène politique porte un sacré coup à l’image du pays. «Je suis inquiet pour la France et crains qu’elle ne sombre», me confiait l’autre jour un cadre béninois qui a fait l’essentiel de sa carrière au sein des organisations internationales; il se dit effaré par le manque de culture de certains candidats qui semblent ignorer que les «Français de souche» ne représentent pas plus de 10% de la population.

«Pourquoi les Sénégalais ne maraboutent-ils pas Zemmour?», lance de son côté l’écrivain béninois Florent Couao-Zotti sur sa page Facebook, après que le «condamné multirécidiviste» ait déclaré que «la plupart» des délinquants étrangers en France sont d’origine sénégalaise, et qu’ils seront «renvoyés chez eux» s’il était élu. L’écrivain qui fut en 2010 lauréat du Prix littéraire Ahmadou Kourouma remis chaque année au Salon du livre de Genève, demande aux marabouts sénégalais de «remettre le prétentieux à sa place», faute de quoi, les Béninois pourraient s’en charger, «pour lui servir les charmes sophistiqués de leur vodun». L’animateur vedette de Radio France Internationale (RFI) Claudy Siar avait également poussé un coup de gueule retentissant contre Zemmour «qui crache sur les Français musulmans et tous les Afros», alors que Vincent Bolloré, dont il est la créature «fait le gros de son chiffre d’affaires en Afrique». 

Mais c’est aussi Emmanuel Macron qui fascine, voire irrite. Ce président si jeune est scruté de près, lui qui fait marcher au doigt et à l’œil ses homologues d’Afrique francophone bien plus âgés, sans trop s’embarrasser du respect dû aux «anciens». Son bras de fer avec l’actuel homme fort du Mali, Assimi Goïta, qui ose défier la France, fait également l’objet de nombreux commentaires sur les réseaux sociaux. «Nous suivons de près les élections françaises car nous voulons savoir à quelle sauce nous serons mangés», ironise un journaliste sénégalais. Mais sans se faire aucune illusion: «Nous avons vu Mitterrand et Hollande à l’œuvre, et nous savons désormais que quel soit le président élu, seuls les intérêts de la France en Afrique primeront».

Cela n’empêche pas les uns et les autres de suivre en direct les grands débats de la campagne, de donner leur avis, comme si à Dakar ou Lomé, on avait le droit de voter en France. Une situation très similaire à celle qui prévaut à Genève ou Neuchâtel, où des «colonisés francophones» partagent la même passion pour la politique française. Et sont pareillement victimes de l’ignorance de leurs réalités de la part des Français, aux yeux desquels ils sont aussi exotiques les uns que les autres. Lorsqu’ils rencontrent des Suisses romands ou des Africains francophones, les Français sont d’ailleurs toujours un peu éberlués de constater l’incroyable engouement que suscite leur vie politique, qui les exaspère parfois eux-mêmes. 

Tard dans la touffeur de la nuit abidjanaise, les conversations ne faiblissent pas, cette fois, à propos de Marine Le Pen, dont l’écart avec Macron s’amenuise au fil des sondages. Les opinions diffèrent: il y a celles et ceux qui craignent de nouvelles mesures, rendant la vie de leurs parents et amis dans l’Hexagone encore plus difficile, voire impossible. D’autres au contraire appellent de leurs vœux l’arrivée de la fille de Jean-Marie à la présidence, ce qui permettrait de «clarifier les choses de part et d’autre». Car si Marine veut chasser les Africains de France, il s’agira de mettre en œuvre un principe de réciprocité. Et de prier les dizaines de milliers de Français vivant et travaillant en Afrique dans des conditions privilégiées de rentrer chez eux. «La France aux Français? D’accord, mais alors, l’Afrique aux Africains», s’exclame avec tristesse une étudiante qui rêve d’aller passer ses vacances en France.  

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