Volodymyr Zelensky à la tribune de l'ONU lors de l'Assemblée générale des Nations-Unies, le 19 septembre dernier. © UN Photo
L’emphase mise sur les succès tactiques ukrainiens et les coups diplomatiques tels que l’attaque du commandement de la marine russe à Sébastopol ou la réunion des 27 ministres des Affaires étrangères de l’UE à Kiev ne trompe que les crédules. La terrible réalité, c’est que la contre-offensive ukrainienne a échoué et que des dizaines de milliers d’hommes ont été sacrifiés pour rien.
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Documents à l’appui, ils ont démontré comment les va-t-en-guerre se montraient d’autant plus belliqueux qu’ils se battaient par Ukrainiens interposés sur un continent qui n’était pas le leur. </p> <p>Mais ces voix dissidentes n’ont guère été écoutées, essentiellement parce que leurs arguments, d’ordre historique et politique, n’ont jamais réussi à battre en brèche le discours moral mis en avant par les stratèges occidentaux. Le narratif pseudo-rationnel mais efficace du Bon contre le Méchant, du gentil démocrate Zelensky contre le brutal dictateur Poutine, des héroïques soldats kiéviens défendant la liberté contre les barbares russes assoiffés de crimes et de sang l’a toujours emporté sur les autres considérations même quand elles s’appuyaient sur des documents et des faits solides et avérés. </p> <p>Or cette fois-ci, et c’est une première depuis dix-huit mois, la question morale est soulevée par le camp du Bien, le camp atlantiste. 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Les événements destructeurs pour le récit officiel risquent de s’enchainer, comme on l’a vu avec le scandale provoqué par l’ovation unanime du Parlement canadien pour un ancien soldat ukrainien de la Waffen SS, en présence de Justin Trudeau et de Volodymyr Zelensky, qui n’ont rien trouvé à redire sur le moment. «Hommage malencontreux» comme essayait de le banaliser maladroitement <i>Le Monde</i>, ou faute morale grave? Chacun jugera, les survivants de la Shoah en premier. En attendant, l’objectif de Poutine de «dénazifier» l’Ukraine s’en est trouvé conforté.</p> <p>De même, la Pologne a récemment confirmé que le missile tombé sur son territoire à la fin de l’année dernière était d’origine ukrainienne et non russe comme Kiev l’avait prétendu dans l’espoir d’entrainer l’OTAN dans la guerre. Idem pour le missile tombé début septembre sur le marché de Konstantinovka au prix de dix-sept morts innocents, dont le <i>New York Times</i> a établi qu’il avait été tiré par des Ukrainiens et non par la Russie. Il faut s’attendre à ce que d’autres révélations, sur l’explosion des tubes Nordstream – c’est en cours avec les enquêtes de Seymour Hersh – ou sur les massacres de Butcha, de Marioupol, du MH 17 d’août 2014, viennent altérer le narratif officiel, comme ce fut le cas après l’invasion de l’Irak et les fameuses armes de destruction massive de Saddam Hussein. </p> <p>Parfois, ces montages tournent même à la farce, comme ce fut le cas lors du discours de Zelensky à la dernière assemblée générale des Nations Unies à New York. Pour cacher le vide de l’auditoire, la télévision ukrainienne a dû recourir à des images d’archives prises la veille et dans lesquelles on pouvait reconnaitre Zelensky assis dans la salle en train d’écouter son propre discours!</p> <p>A terme, ce n’est pas seulement l’échec militaire mais la déroute morale qui guette l’Occident. Jusqu’ici, celui-ci avait toujours su éviter le pire parce qu’il contrôlait les médias et les réseaux de communication mondiaux qui lui assuraient la maitrise totale du narratif et confortaient son magistère moral sur l’ensemble de la planète. Tout récemment, un ancien professeur de l’Université de Lausanne et ancien vice-président de la Fédération internationale de la Croix-Rouge s’extasiait dans les colonnes du journal suisse <i>Le Temps</i> sur la supériorité morale de l’Occident face aux barbares africains et aux hordes asiatiques, indécrottables adeptes de la sorcellerie et de la dictature. «La supériorité de la civilisation occidentale tient au fait qu’il accepte et protège l’idée que deux et deux font quatre», écrivait-il en insinuant que les autres civilisations nient cette évidence! (Pierre de Senarclens, L’Occident et les autres: de la répression et de la sorcellerie, 17 septembre 2023). </p> <p>Outre que cette opinion témoigne d’une arrogance que même <i>Tintin au Congo</i> n’avait pas osé exprimer, elle ignore que l’Occident n’a plus le monopole de la vérité. Au contraire, le reste du monde, c’est-à-dire la majorité de l’humanité, refuse de se plier aux injonctions morales venues du nord et se révolte même contre l’hypocrisie crasse des donneurs de leçons occidentaux. Les discours prononcés lors de l’assemblée générale des Nations Unies à New York en septembre dernier sont très révélateurs à cet égard. Il suffisait de voir le chancelier Scholz discourir devant une salle vide et d’écouter les discours virulents des chefs d’Etat du Sud global pour s’en apercevoir. </p> <p>Ainsi le président mexicain Gustavo Petro: «Ils ne laissent pas cette guerre se terminer. Ils ne disposaient pas de cent milliards de dollars pour protéger nos pays des inondations, des tempêtes et des ouragans. 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Idem pour le missile tombé début septembre sur le marché de Konstantinovka au prix de dix-sept morts innocents, dont le <i>New York Times</i> a établi qu’il avait été tiré par des Ukrainiens et non par la Russie. Il faut s’attendre à ce que d’autres révélations, sur l’explosion des tubes Nordstream – c’est en cours avec les enquêtes de Seymour Hersh – ou sur les massacres de Butcha, de Marioupol, du MH 17 d’août 2014, viennent altérer le narratif officiel, comme ce fut le cas après l’invasion de l’Irak et les fameuses armes de destruction massive de Saddam Hussein. </p> <p>Parfois, ces montages tournent même à la farce, comme ce fut le cas lors du discours de Zelensky à la dernière assemblée générale des Nations Unies à New York. Pour cacher le vide de l’auditoire, la télévision ukrainienne a dû recourir à des images d’archives prises la veille et dans lesquelles on pouvait reconnaitre Zelensky assis dans la salle en train d’écouter son propre discours!</p> <p>A terme, ce n’est pas seulement l’échec militaire mais la déroute morale qui guette l’Occident. Jusqu’ici, celui-ci avait toujours su éviter le pire parce qu’il contrôlait les médias et les réseaux de communication mondiaux qui lui assuraient la maitrise totale du narratif et confortaient son magistère moral sur l’ensemble de la planète. Tout récemment, un ancien professeur de l’Université de Lausanne et ancien vice-président de la Fédération internationale de la Croix-Rouge s’extasiait dans les colonnes du journal suisse <i>Le Temps</i> sur la supériorité morale de l’Occident face aux barbares africains et aux hordes asiatiques, indécrottables adeptes de la sorcellerie et de la dictature. «La supériorité de la civilisation occidentale tient au fait qu’il accepte et protège l’idée que deux et deux font quatre», écrivait-il en insinuant que les autres civilisations nient cette évidence! (Pierre de Senarclens, L’Occident et les autres: de la répression et de la sorcellerie, 17 septembre 2023). </p> <p>Outre que cette opinion témoigne d’une arrogance que même <i>Tintin au Congo</i> n’avait pas osé exprimer, elle ignore que l’Occident n’a plus le monopole de la vérité. Au contraire, le reste du monde, c’est-à-dire la majorité de l’humanité, refuse de se plier aux injonctions morales venues du nord et se révolte même contre l’hypocrisie crasse des donneurs de leçons occidentaux. Les discours prononcés lors de l’assemblée générale des Nations Unies à New York en septembre dernier sont très révélateurs à cet égard. Il suffisait de voir le chancelier Scholz discourir devant une salle vide et d’écouter les discours virulents des chefs d’Etat du Sud global pour s’en apercevoir. </p> <p>Ainsi le président mexicain Gustavo Petro: «Ils ne laissent pas cette guerre se terminer. Ils ne disposaient pas de cent milliards de dollars pour protéger nos pays des inondations, des tempêtes et des ouragans. Mais ils ont immédiatement utilisé cet argent pour faire en sorte que des Russes et des Ukrainiens s’entretuent.» Ou du président serbe Aleksandar Vucic: «Ils n’ont pas ri quand le président russe a utilisé les mêmes mots qu’eux pour justifier son attaque contre l’Ukraine. Ils ont oublié qu’ils ont eux-mêmes utilisé le même discours, les mêmes mots et les mêmes explications. Le pire, c’est que ceux qui ont commis une agression contre la République de Serbie donnent aujourd’hui des leçons sur l’intégralité territoriale de l’Ukraine.» D’innombrables autres chefs d’Etat se sont exprimé dans la même veine.</p> <p>Le problème avec la morale, c’est qu’il faut commencer par se l’appliquer à soi-même. 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Dix jours après l'ouverture des négociations, la débâcle de Dien Bien Phu, le 7 mai 1954, devait d'ailleurs la convaincre d'abandonner la partie.</p> <p>C'est ainsi que, pendant trois mois, le Conseiller fédéral Max Petitpierre et le Conseil fédéral purent recevoir sans discontinuer le gratin des ministres et Premiers ministres des nations parmi les plus puissantes du monde: John Foster Dulles puis Walter Bedell Smith, Anthony Eden, Georges Bidault, Pierre Mendès France, Viatcheslav Molotov – qui se rendra même à Berne à la plus grande satisfaction des autorités et des médias suisses de l'époque – Chou en Lai, dont c'était la première visite en Europe, le délégué indien Krishna Menon, lui aussi encore inconnu, et enfin le premier ministre nord-vietnamien Pham Van Dong et l'empereur d'Annam Bao Dai, pour ne citer que les plus connus. </p> <p>On s'aperçut dès les deux premières semaines que les négociations sur la Corée n'aboutiraient pas. Les délégations coréennes ne cessaient de s'invectiver tandis que les Occidentaux menés par les Américains aussi bien que le camp communiste sous le leadership soviétique et chinois se montraient inflexibles. Les choses se présentaient beaucoup mieux pour l'Indochine, grâce à la défaire militaire française et à l'arrivée au pouvoir de Mendès France, fermement décidé à sortir du bourbier indochinois. Après deux mois d'âpres négociations, le 21 juillet, on parvint finalement à signer un accord de paix, qui est resté dans l'histoire sous le nom d'Accords de Genève. 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Il tient pour une bonne part à l'esprit du temps – la conviction que la neutralité était un instrument utile – et à l'adresse et à la fermeté de conviction d'un homme, Max Petitpierre, qui ne se laissa pas démonter lorsqu'on l'accusa de pactiser avec l'ennemi communiste. D'abord, la Suisse avait su rester neutre pendant la guerre de Corée, ce qui fut bien reçu par l'URSS et la Chine. Elle n'avait pas non plus adhéré à l'OTAN. Elle avait rapidement reconnu le gouvernement de Mao à Pékin. Et elle avait su démontrer que sa neutralité était utile aux Occidentaux qui avaient besoin d'un Etat neutre pour surveiller la ligne de démarcation en Corée. 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L'ensemble de la communauté juive de la ville (appelée Stalino à l'époque) a été jetée dans cette fosse, ainsi que des dizaines de milliers de civils. Ce mémorial, ignoré par le gouvernement de Kiev après 1991 parce qu'il dérangeait le récit officiel et ne concernait que les russophones de l'est du pays, est en voie de réhabilitation depuis l'an dernier. Il suffit de se rendre sur ce site pour comprendre pourquoi les habitants du Donbass se sont soulevés en avril 2014 lorsque le régime issu de Maidan a voulu bannir leur langue et a envoyé les héritiers de leurs bourreaux pour les réprimer. </p> <p>On peut détruire les monuments mais pas le souvenir.</p> <p>A 70 kilomètres de Donetsk, dans la province de Horlivka, le monumental cénotaphe de Savur-Mohila est un autre témoignage des batailles du dernier siècle, érigé au sommet de la colline la plus haute du Donbass, sur l'emplacement de l'un des grands chocs de la Seconde guerre mondiale, qui eut lieu en juillet-août 1943, en même temps que la fameuse bataille de chars de Koursk qui devait briser la Wehrmacht. 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Le premier monument commémore les 67 enfants tués par les miliciens ukrainiens des bataillons néonazis Kraken et Aïdar qui ont tenté de prendre la ville en 2014 et l'ont bombardée jusqu'en 2022. Il a été construit au milieu d'un parc qui sert de jardin d'enfants. Plusieurs gosses y ont été tués par un bombardement ciblé des Ukrainiens, les bâtiments avoisinants n'ayant pas été touchés. </p> <p>Les enfants sont en effet l'objet d'une guerre de l'information sans merci dans les deux camps. Les Ukrainiens ont déposé plainte pour crime de guerre contre les Russes et la Cour pénale internationale a inculpé Vladimir Poutine et la responsable russe de l'enfance pour kidnapping d'enfants ukrainiens. La propagande occidentale reprend en boucle ces accusations, au cinéma – le documentaire <em>ad hoc</em> vient de recevoir un Oscar – et dans les médias. Lesquels oublient naturellement de répercuter le point de vue des habitants du Donbass, pour lesquels ce sont les Ukrainiens qui prennent les enfants en otage. Il existe en effet en Ukraine une organisation de volontaires, appelés les Anges Blancs, calquée sur le modèle des fameux Casques Blancs syriens qui, on s'en souvient, étaient loin d'être des secouristes neutres et agissaient en fait pour le compte des groupes djihadistes. </p> <p>Ces détachements d'Anges Blancs (White Angels) ont été formés dès février 2022 par un certain Rustam Lukomsky. La presse anglo-saxonne les a mentionnés à quelques reprises. Pour ceux du Donbass, leur but consiste à forcer les parents des zones du front à se séparer de leurs enfants sous prétexte de les protéger. Les enfants sont donc isolés de leurs parents et «mis en sécurité» à l'arrière, où ils sont dès lors utilisés comme moyens de chantage contre leurs familles. Celles-ci se trouvent déchirées entre deux choix aussi insupportables l'un que l'autre: soit elles abandonnent leurs foyers pour rejoindre leurs enfants, soit elles y restent en se voyant forcées de collaborer avec l'armée ukrainienne qui les invite à dénoncer ou à saboter les mouvements de l'armée russe. On imagine la détresse des parents confrontés à un tel chantage. Des témoignages, comme ceux d'Olga V. Zubtsova de Bakhmut et d'Igor Litvinov d'Avdievka, confirment cette version des choses. Enfin, d'innombrables rumeurs circulent sur les réseaux sociaux, qui accusent ces prétendus Anges Blancs d'alimenter les réseaux de pédo-criminalité et le trafic d'enfants. Mais cela reste à prouver.</p> <p>Le deuxième monument se trouve dans un bois à la sortie de Lugansk. Comme le Puits de mine No 4 de Donetsk, il commémore le lieu du massacre de la communauté juive de Lugansk (environ 3'000 femmes et enfants essentiellement juifs) et de 8'000 adultes de diverses confessions pendant l'occupation nazie. «On ne peut pas comprendre pourquoi, aujourd'hui, Kiev honore les descendants de ceux qui ont tué tant des nôtres pendant la Deuxième Guerre mondiale», dit Anna Soroka. Abandonné aux ronces depuis 1991, le site a fait l'objet d'une restauration récente. 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Pourquoi Kiev veut-elle nous détruire? Telles sont les questions que se posent les habitants du Donbass depuis dix ans. Vues de Suisse ou de France, elles peuvent paraitre incongrues tant nous sommes habitués à penser que seuls les Ukrainiens souffriraient de la guerre. Nous ne voulons pas savoir que la bataille dure depuis dix ans et a d'abord affecté la population civile du Donbass.', 'subtitle_edition' => 'Comment ont-ils pu nous faire ça? Pourquoi Kiev veut-elle nous détruire? Telles sont les questions que se posent les habitants du Donbass depuis dix ans. Vues de Suisse ou de France, elles peuvent paraitre incongrues tant nous sommes habitués à penser que seuls les Ukrainiens souffriraient de la guerre. Nous ne voulons pas savoir que la bataille dure depuis dix ans et a d'abord affecté la population civile du Donbass.', 'content' => '<p>Pendant une semaine, j'ai pu sillonner les deux provinces dans tous les sens, visiter les villes détruites et en voie de reconstruction, rencontrer des réfugiés, discuter avec les gens. Je ne doute pas que ce récit offusquera nombre de gens accoutumés à voir le monde en noir et blanc. A ceux-là je répondrai ce que John Steinbeck et Robert Capa ont lancé à leurs détracteurs lorsqu'ils ont visité la Russie de Staline en 1947, au début de la guerre froide: je me contente de témoigner, de rapporter ce que j'ai vu et entendu de l'autre côté du front. A chacun, ensuite, de se faire son opinion.</p> <p>Tout a commencé de façon très russe, par un enchainement improbable de circonstances. Il y a neuf ans à Dushambe, j'avais rencontré un entrepreneur tadjik de Moscou qui mariait sa fille. Il ne parlait pas un mot d'anglais et, sans faire de cas de mon russe misérable, il avait invité toute notre délégation à la noce. J'avais fait un petit discours de circonstance en l'honneur de la mariée et de ses parents. Depuis lors, Umar Ikromovitch est devenu un ami pour la vie, que ni la distance ni la fracture linguistique ne sauraient séparer. Une ou deux fois par an, aux fêtes importantes, il m'envoie des messages Telegram. En février, surprise, il me propose de me joindre à lui pour visiter ses réalisations dans le Donbass, dans lequel il n'était encore jamais allé. Umar emploie en effet quelques centaines d'ouvriers dans la région de Moscou et quelques dizaines dans la reconstruction du Donbass.</p> <p>Le 3 avril à trois heures du matin, il m'attendait donc avec Nikita, un de ses amis du ministère de la Défense, à la sortie de l'aéroport de Vnukovo, à Moscou, pour m'embarquer dans le Donbass. Nikita avait préparé le programme et fourni les autorisations nécessaires ainsi qu'un chauffeur aguerri, Volodia. Pendant dix heures d'affilée, avec une courte pause-café dans une station-service qui venait d'ouvrir, nous avons descendu à tombeau ouvert les 1'060 kilomètres de l'autoroute Prigogine qui relie Moscou à Rostov-sur-le-Don, celle-là même que le chef défunt de Wagner avait voulu remonter avec ses chars en juillet dernier.</p> <p>Rien n'est plus simple qu'une autoroute russe. C'est toujours tout droit, il n'y a pas un virage jusqu'à Rostov. Et comme celle-ci est impeccable, à part cinquante kilomètres de travaux peu avant Rostov, le trajet fut rapide et indolore, nous permettant de passer en quelques heures des dernières neiges moscovites aux douceurs du printemps de la mer d'Azov. En chemin, des norias de camions, quelques convois militaires, mais assez peu en fin de compte.</p> <p>A Rostov, port animé et capitale embouteillée du sud russe, nous avons à peine pu poser nos bagages et faire trois pas que nous voilà partis pour notre première visite: une énorme station de pompage-turbinage des eaux du Don située à l'embouchure du fleuve, à une vingtaine de kilomètres de la ville. Des ouvriers s'activent encore à terminer les aménagements extérieurs. Deux gigantesques tuyaux, des dizaines de citernes de 20'000m<sup>3</sup> et huit stations de pompage de onze turbines chacune acheminent désormais l'eau douce de Rostov à Donetsk, située à deux cents kilomètres de là et privée d'eau potable à cause de l'embargo ukrainien. Tout est automatisé. Les 3'700 ouvriers ont commencé et terminé l'immense chantier ainsi que la construction de la ligne à haute tension destinée à alimenter les turbines en six mois, entre novembre 2022, aussitôt après la réintégration des républiques dans la mère-patrie, et avril dernier.</p> <p>Première conclusion: après des investissements aussi rapides et colossaux, la volonté russe me semble inébranlable et il me paraît exclu que la Russie accepte à nouveau, un jour, de se séparer du Donbass. Ce territoire est désormais russe, point final.</p> <p>A la nuit tombante, nous voici enfin assis à la table d'une brasserie manifestement très prisée de Rostov, face au Don paisible. La nuit sera calme et le sommeil de plomb. La suivante, avec quarante missiles ukrainiens tirés sur la base aérienne voisine de Morozovsk, sera plus animée. </p> <p>Le lendemain matin, départ pour Marioupol, à 180 kilomètres et trois heures de route. Après Taganrog, la route longe la mer d'Azov et est encombrée par les convois de camions qui vont et viennent du Donbass. Elle est en plein travaux d'élargissement. Les véhicules militaires arborent un V ou un Z bien visibles. Checkpoints et contrôles divers se succèdent avant et après la frontière de la République de Donetsk. Sur les bas-côtés, de longues colonnes attendent la fouille. Grâce à nos laissez-passer, nous voici bientôt en territoire ex-ukrainien. Evgueni, un Russe de Vladivostok engagé volontaire auprès de la République de Donetsk, prend le relais. Il nous servira de guide et d'interprète tout au long de notre séjour. </p> <p>Peu avant midi, nous atteignons les faubourgs de Marioupol et entrons sur le territoire d'Azovstal, totalement dévasté. L'usine n'est plus que cheminées rouillées, entrelacs de tuyaux éventrés et de ferrailles tordues. Une vision d'apocalypse qui évoque immédiatement Stalingrad, l'usine de tracteurs, Vassili Grossmann et le <em>Voyage en Russie</em> de Steinbeck et Capa. Aucune des maisons et des immeubles d'habitation alentour n'a survécu. </p> <p>Le centre-ville a en revanche beaucoup mieux résisté, avec un taux de destruction qu'on peut estimer à cinquante pourcents à première vue. Il est en pleine rénovation. Sur la place centrale, la reconstruction du fameux théâtre – bombardé ou dynamité on ne sait trop – doit être achevée à la fin de l'année. Umar est content: les enfants et les jeunes mères se sont déjà emparés du parc et du terrain de jeux que son entreprise vient d'achever. Les lignes de bus, offerts par la ville de Saint-Pétersbourg, ont été rétablies. Les terrasses de café ont rouvert.</p> <p>Puis nous repartons pour l'ouest de la ville, qui offre un paysage très différent. Tout y est neuf. Les quartiers anciens ont déjà été rénovés et de nouveaux quartiers, des bouquets d'immeubles, une école, une crèche, un hôpital, y ont jailli de terre en moins d'une année. Une dame qui promène son chien nous explique qu'elle vient d'emménager dans son appartement tout neuf il y a quinze jours, après avoir vécu pendant des mois dans un taudis sans eau courante. </p> <p>Supervisés par une société publique du ministère de la Défense avec l'aide des villes et des provinces russes, les chantiers s'activent jour et nuit. Dix mille habitants ont déjà été relogés et la ville a retrouvé les deux tiers de sa population d'avant-guerre, soit 300'000 habitants. Durant l'après-midi, nous visiterons un second hôpital de 60 lits, entièrement neuf et démontable, très bien équipé et dirigé par des médecins volontaires provenant des différentes régions de Russie.</p> <p>Les constructions les plus spectaculaires concernent toutefois les écoles. En bordure de mer, une nouvelle académie de la marine accueillera sa première volée de cadets à la rentrée de septembre. Salles de cours, internat, salles de sports, salles d'entrainement, quatre immeubles de verre et d'acier rutilants sont sortis de terre en dix mois. Prévus pour 560 élèves en uniforme de 11 à 17 ans, ils accueilleront principalement des orphelins des deux guerres du Donbass, celle de 2014-2022 et celle de 2022-2024, me dit-on. Six jours d'enseignement par semaine à raison de huit à dix heures par jour, on n'aura guère le temps de s'y ennuyer. A la fin du cursus, les élèves pourront soit parfaire leur formation dans la marine soit entrer dans une université civile.</p> <p>La seconde école est plus classique mais encore plus spectaculaire. C'est un collège expérimental comme on n'en encore jamais vu en Russie (ni en Suisse à ma connaissance). Le design, remarquable, est très étudié. Les salles de classe sont équipées avec les dernières technologies, ordinateurs, robots, cyber et nanotechnologies, intelligence artificielle. Plus classiques, les salles de dessins, de couture, de cuisine, de peinture, de langues, de ballet, de théâtre, de chimie, physique, de biologie, d'anatomie et mathématiques. Il existe même une salle équipée de cabines pour apprendre à conduire et à piloter.</p> <p>Commencée fin 2022, terminée en septembre 2023, elle a accueilli sa première volée de 500 élèves l'an dernier et en attend 500 de plus à la rentrée de septembre. La pédagogie est à l'avenant, sans minauderies pédagogistes: les cours durent douze heures par jour. Ils commencent à 8h et se terminent à 20h à raison de six heures de matières «dures» le matin, et de six heures de matières plus récréatives ou complémentaires l'après-midi. La cantine assure trois repas par jour. Seule difficulté, assure la directrice, celle de trouver des enseignants qui veuillent bien accepter de s'installer à Marioupol. Mais elle n'a pas l'air d'être du genre à s'effrayer devant la tâche.</p> <p>En fin d'après-midi, nous nous engageons sur l'autoroute toute neuve qui relie Marioupol à Donetsk, à 120 kilomètres, en faisant un petit arrêt dans la petite ville de Volnovakha, dont le palais de la culture a subi une frappe de HIMARS en novembre dernier. Le toit s'est écroulé et des échafaudages encombrent ce qui reste de la scène et de la salle. Par chance, la salve n'a fait ni mort ni blessé, le spectacle programmé ce jour-là ayant été déplacé à la dernière minute. Pour les habitants, pas de doute, les Ukrainiens cherchaient à tuer le plus de civils possibles. Mon guide m'explique qu'ils tirent toujours les HIMARS par groupe de trois: une première roquette pour percer le toit et les structures, une deuxième pour liquider les occupants et, vingt à vingt-cinq minutes plus tard, une troisième frappe pour tuer le maximum de pompiers, secouristes, parents, policiers, amis, voisins venus secourir les victimes. Ce récit me sera répété plusieurs fois.</p> <p>Donetsk est une grande ville d'un million d'habitants, très étendue, très animée, avec une circulation dense. On n'y voit que peu d'immeubles ou de façades détruites. En revanche, la ville vit au son du canon. Je n'y avais pas prêté attention à mon arrivée, à cause de la fatigue et des émotions de la journée. Mais en me réveillant à trois heures du matin, j'ai soudain été frappé par le son du canon. Toutes les deux à trois minutes, un coup part, faisant trembler les vitres et illuminant le ciel d'une lueur orangée: ce sont les artilleurs russes qui tirent sur les positions ukrainiennes, à quelques de kilomètres du centre-ville. Les Ukrainiens ripostent avec des missiles, des drones ou des roquettes HIMARS, ce qui enclenche les tirs de contre-batterie russes, à raison d'un ou deux par heure me semble-t-il.</p> <p>Le lendemain matin, on m'apprendra à distinguer les uns des autres. Les HIMARS sont silencieux jusqu'à l'explosion finale, les missiles SCALP français et Storm Shadow britanniques font un bourdonnement d'avion, de même que les missiles anti-missiles russes, tandis que les obus ordinaires tombent en sifflant. De toute façon, je n'ai aucun souci à me faire, m'assurent mes nouveaux amis. Ils m'ont logé dans le seul hôtel de la ville encore en mains américaines et jamais les Ukrainiens n'oseraient tirer sur une cible américaine. Il n'en reste pas moins que les tirs ukrainiens continuent à faire des blessés et un mort par semaine en moyenne. Tous des civils, car il n'y a absolument aucun soldat, véhicule ou installation militaire en ville. En quatre jours, je n'y ai pas croisé un seul uniforme.</p> <p>Nous commençons la journée par une visite à l'Allée des Anges, qui se trouve au milieu d'un beau parc urbain. C'est le nom qu'on a donné au monument funéraire érigé en mémoire des enfants tués par les bombardements ukrainiens depuis 2014. 160 noms ont déjà été inscrits sur le marbre. Mais la liste en comprend plus de 200 à ce jour. Des dizaines de bouquets de fleurs, de jouets, de photos d'enfants s'amoncellent sous l'arche de fer forgé. C'est bouleversant.</p> <p>Au retour, nous rendons visite aux confrères de la télévision et de la radio OPLOT, en bordure de la place centrale. Leur immeuble est régulièrement visé par des HIMARS. On n'a pas encore pu réparer les derniers studios frappés mais on les retape à la fortune du pot et les cinq chaines TV et radio diffusent leurs programmes sans interruption. La direction et l'équipe sont à 90% féminines, les quelques hommes étant chargés de la couverture du front, à dix kilomètres de là. Un petit jardin d'enfant - une grande crèche attirerait l'attention des HIMARS ukrainiens - accueille les enfants des employés. Il en va ainsi dans toute la ville, les crèches publiques ayant dû fermer pour éviter les frappes. Au début, en 2014, il avait été difficile de recruter des journalistes à cause des risques d'attentat mais ce n'est plus le cas aujourd'hui, assure la rédactrice en chef Nina Anatoleva. L'intervention russe de 2022 a beaucoup renforcé la sécurité. Mais ils ont perdu en audience. Leurs chaines, qui diffusaient largement dans la partie russophone de l'Ukraine, ont été coupées et ne sont plus visibles que sur internet ou sur le réseau local.</p> <p>L'après-midi, nous nous rendons dans le village de Yassinouvata, proche d'Avdeevka, et donc tout près du front. Le village, très exposé aux tirs d'obus ukrainiens, abrite une école transformée en centre d'accueil pour les réfugiés des villages récemment libérés. Aussitôt sortis de Donetsk, la proximité du front se fait sentir. La route est défoncée par les tirs d'obus et jonchée de débris de ponts écroulés. Sur notre gauche deux hélicoptères Ka-50 Alligators et un MI-8 reviennent du front en rase-mottes. A notre droite des tranchées et trois rangées de dents de dragons, équivalents de nos Toblerone suisses, forment une des lignes de la défense russe. Des engins militaires la longent régulièrement. </p> <p>Notre véhicule est parfaitement anonyme. Pas de convoi, d'insignes de presse, de gilets pare-balles ou de casques qui pourraient attirer l'attention des drones de surveillance ukrainiens. Les GPS de nos portables sont désactivés depuis longtemps. Il s'agit d’être le plus banal possible. La route est de plus en plus défoncée et la circulation quasi inexistante. Le chauffeur, le guide et Umar sont parfaitement impavides.</p> <p>La directrice de l'école, ex-professeure de mathématiques devenue directrice du centre d'accueil, nous accueille. La libération d'Avdeevka et des villages voisins fin février a fait sortir les habitants survivants des caves. Ils sont logés ici, dans les salles de classe, en attendant de retrouver leur logement ou d'en trouver un nouveau. Sur les 160 personnes hébergées, certaines ont déjà pu regagner Avdeevka. Aujourd'hui, c'est au tour de Nina Timofeevna, 85 ans et toute sa verve, de regagner son logis. Elle a vécu dans sa cave pendant deux ans en faisant du feu à même la rue. «Les soldats ukrainiens ne nous ont pas aidés du tout», assure-t-elle, tandis que l'armée russe a réparé son toit et les vitres de sa maison, si bien qu'elle peut y retourner, encadrée par deux soldats de la police militaire qui lui portent son barda. «Ce n'est pas une guerre, mais un massacre de civils. Ils veulent nous détruire.»</p> <p>Dans les couloirs, des bénévoles de l'Eglise orthodoxe déballent des cartons de vêtements, des bouteilles d'eau et de la nourriture. Dans les autres salles, des couples avec un beau chat aux yeux bleus, des vieillards. Une famille avec un jeune garçon de quatre ans. Elle s'est fait souffler son appartement par une roquette alors qu'elle essayait de trouver de la nourriture à l'extérieur. Le père était ouvrier et la mère comptable à la cokerie d'Avdeevka. Ils ont échappé à la mort par miracle et n'en reviennent pas encore d'avoir survécu... </p> <p>Sur le chemin du retour à Donetsk, la discussion porte sur la vie pendant la guerre et Evgueni m'apprend qu'à Marioupol le bataillon néonazi Azov avait ouvert dès 2014 une prison secrète dans un bâtiment de l'aéroport, appelée la «Bibliotheka», la Bibliothèque, parce que les victimes y étaient désignées comme des «livres», à l'image des nazis qui appelaient leurs victimes des «Stück». Selon les témoignages, des dizaines de personnes y ont été torturées et tuées pendant les huit années durant lesquelles les nationalistes tatoués de symboles nazis du bataillon ont fait la loi à Marioupol tandis que la police locale regardait ailleurs. Des investigations sont en cours pour identifier les victimes et la visite des locaux est suspendue. La presse russe en a parlé mais les médias occidentaux ont gardé le silence, de peur d'écorner le narratif des gentils Ukrainiens et des méchants russes.</p> <p>Deuxième constat: le Donbass fête en ce début avril le 10ème anniversaire de son soulèvement contre le régime de Kiev qui avait décrété la guerre au terrorisme contre lui. Des milliers de personnes, enfants, civils et combattants, ont été tuées. Donetsk a pris le surnom de «ville des héros». Après tant de sacrifices, les trois millions d'habitants de l'oblast se battront jusqu'au bout pour défendre leur république, quel qu'en soit le prix et quoi qu'on puisse penser d'eux en Occident.</p> <p style="text-align: right;"><strong><em>(Suite et fin la semaine prochaine.)</em></strong></p> <hr /> <h4>Lire aussi prochainement sur <a href="http://www.antipresse.net" target="_blank" rel="noopener">Antipresse</a> l'interview de Denis Pouchiline, chef de la République de Donetsk. </h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'marioupol-donetsk-lugansk-reportage-sur-le-front-du-donbass', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 62, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 15, 'person_id' => (int) 5708, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4809, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Ski à gogo dans les Monts célestes', 'subtitle' => 'Shymbulak, Alatau, Amirsoy, Karakol? 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', 'content' => '<p>Rentré d'une semaine de ski sur les pentes kazakhes, le moment est venu de faire un petit tour d'horizon du potentiel hivernal de l'Asie centrale, sur les traces d'Ella Maillart qui a arpenté ces montagnes en 1932 et raconté ses aventures dans <em>Des Monts célestes aux sables rouges</em> (1936, Payot 1986).</p> <p>Shymbulak est la plus ancienne de toutes. Créée en 1954, juste après la mort de Staline, sur les montagnes qui surplombent la ville d'Almaty, elle fête ses 70 ans cette année. A 1'200 mètres, ses vastes installations ont longtemps servi de base d'entrainement aux athlètes soviétiques, notamment pour le patinage, le hockey et le biathlon. De là, on accède à la station de ski alpin située à 2'200 mètres, grâce à une longue télécabine. Les pistes montent jusqu'à 3'200 mètres et mènent au belvédère qui permet d'embrasser les sommets des Monts célestes qui culminent à 5'000 mètres.</p> <p>Un bon dénivelé, une neige dure mais pas glacée, du soleil en quantité, pas de queue, des abonnements abordables (une vingtaine de francs pour la journée), les conditions de ce début mars étaient bonnes, et même très bonnes. Sur les pistes et dans les restaurants, beaucoup de jeunes surfeurs kazakhs et des Russes de la Sibérie voisine, quelques Chinois et des Indiens venus en curieux ou en voyage de motivation payé par leur entreprise.</p> <p>A une trentaine de kilomètres d'Almaty, la région du parc naturel d'Alatau offre aussi des équipements très complets, sur des pentes plus boisées qui descendent jusqu'aux fameux vergers de pommiers kazakhs. Il faut savoir que l'ancien nom russe d'Alma-Ata signifie «père des pommes» et qu'Almaty veut dire «pleine de pommes» en langue turcique. Cette région du Turkestan s'honore en effet d'être le berceau géographique et historique du pommier, dont elle possède des dizaines de variétés, de la plus sauvage à la plus domestiquée. Mais comme partout ailleurs, le réchauffement climatique menace la survie de la souche sauvage du <i>malus seviersii</i>.</p> <p>Avec ses deux millions d'habitants, Almaty offre toutes les ressources d'une grande ville, avec ses hôtels, ses restaurants, sa gastronomie et, depuis peu, des vins qui surprennent en bien. Seul l'aéroport international laisse à désirer. L'actuel rappelle fâcheusement l'époque soviétique, tant au niveau du service que de l'infrastructure, alors que le nouveau se fait attendre depuis des années. Petite condition pour apprécier son séjour, aimer la viande de cheval, les brochettes de mouton et le lait de jument. Mais avec des produits garantis naturels, sans additifs et issus de la vaste steppe, cette contrainte est vite oubliée.</p> <p>A une journée de voiture et 800 kilomètres de là, Tachkent, capitale de l'Ouzbékistan, mène en deux heures de route à la station toute neuve d'Amirsoy, la plus récente de la région. Construite de zéro, la station a été inaugurée en décembre 2019 et offre une vingtaine de kilomètres de pistes entre 1'600 et 2'300 mètres d'altitude, dans un décor semi-désertique. C'est encore plus exotique que Shymbulak. Mais je l'ai visitée en automne et n'ai pas encore pu tester la qualité de la neige.</p> <p>Dans tous les cas, la cuisine ouzbèke vaut amplement le détour – sans parler évidemment des trésors culturels qui font la renommée de l'Ouzbékistan, à savoir les villes-oasis-caravansérails de la Route de la Soie, Samarcande, Boukhara et Khiva ainsi que la surprenante capitale du Karakalpakstan, Noukous, qui fut l'ancien grand port de la mer d'Aral jusqu’à son assèchement et qui abrite la plus fantastique et la plus improbable collection de peintures soviétiques au monde. Mais cela nous mènerait trop à l'ouest. </p> <p>Quoiqu'il en soit, si les vertiges de la poudreuse ouzbèke et la poussière des sables du désert ne vous ont pas découragé, il vous reste à découvrir le plat national, le plof, qui est un mélange de riz, de raisins secs, de carottes et de viandes diverses, et à déguster quelques cognacs locaux aux herbes digestives. Un mot encore, sur les légumes et les fruits: ce pays est, avec son voisin caspien l'Azerbaïdjan, le champion toutes catégories du fruit et du légume goûteux. Mûris naturellement au soleil, avec peu d'eau et sans intrants ni pesticides inutiles, les herbes aromatiques, les fruits secs, les grenades juteuses, les oignons crus, les tomates et les aulx marinés, sont, avec les fromages fumés de toutes formes et de toutes tailles, en particulier ceux qui ressemblent à des filaments, des régals inconnus sous nos latitudes de tomates hors sol et insipides. Un conseil donc, ne pas lésiner sur les entrées et les zakouskis. </p> <p>Au Kirghizstan en revanche, on fera bonne place aux chachliks, brochettes et viandes de toutes obédiences, la viande étant moins chère dans ce pays de hauts plateaux froids que les légumes. Retour à l'est donc pour se rendre à Bichkek, capitale du Kirghizstan, qui n'est qu'à trois heures de voiture d'Almaty. De là une assez bonne route mène en cinq heures à Karakol, petite bourgade située à l'extrême est du pays, près de la frontière du Sinkiang chinois. Nous sommes toujours sur la branche nord des Monts célestes, qui forment un fer à cheval autour du lac salé d'Issyk-Koul, le plus vaste et le plus haut du monde (1600 mètres d'altitude) après le Titicaca. Ses eaux sont froides mais on peut s'y baigner à toutes saisons, ou presque. </p> <p>Karakol est l'une des vingt-trois stations de ski kirghizes. Située à 1'760 mètres d'altitude, elle est peuplée de quelque 70'000 habitants et d'autant de chevaux. </p> <p>Les Kirghizes sont les rois du cheval, à qui ils peuvent faire faire à peu près n'importe quoi. Un ancien Président kirghize a en effet fondé les Jeux Mondiaux Nomades, qui rassemblent tous les deux ans les peuples de la steppe autour des sports équestres, du tir à l'arc et de diverses joutes qui rappellent nos très suisses luttes à la culotte. Y assister une fois dans sa vie est une obligation, comme la visite du Louvre. J'avais participé à ceux de Cholpon-Ata, pas loin de Karakol justement, en septembre 2018. Après la Turquie, les prochains se dérouleront à Astana du 8 au 14 septembre prochain. Au menu, 44 épreuves, 3'000 concurrents et plus de cent pays attendus. </p> <p>Je vous fais grâce de la description des vingt-deux autres stations de ski nationales. Le Kirghizstan est le pays le plus richement doté d'Asie centrale grâce à ses hautes montagnes. Les pistes de Karakol culminent à 3'500 mètres et le plus haut sommet à 7'439 mètres (Pic Pobeda ou Jengish Chokosu). 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Cet échec pose donc plus que jamais la question que personne en Occident n’ose soulever: est-il moralement justifié de poursuivre un massacre inutile, insensé, en vue d’atteindre un objectif inatteignable, la défaite de la Russie, sous un prétexte, la défense des droits de l’Homme et de la civilisation, dont nos gouvernants se fichaient comme de colin-tampon lorsqu’il s’agissait d’agresser la Serbie, l’Afghanistan, l’Irak, la Somalie et bien d’autres pays?
Après dix-huit mois de guerre, il faut se rendre à l’évidence, l’armée ukrainienne n’a reconquis, en quatre mois de contre-offensive, que 0,25% des territoires perdus en 2022, constatait avec amertume la presse américaine à la fin du mois d’août. A ce rythme, il faudrait 130 ans pour les récupérer. Un résultat dérisoire obtenu au prix de dizaines de milliers de morts et de blessés par mois, selon les dernières estimations américaines. Le compte macabre est vite fait, l’Ukraine aura annihilé sa population mâle en âge de combattre en moins de dix ans.
Un mois plus tard, le 28 septembre, le constat du New York Times, la bible du courant néoconservateur belliciste nord-américain, était encore plus amer: depuis le début de l’année, 500 km2 ont changé de main en faveur des Russes, contre 200 seulement en faveur de l’Ukraine…
Le fait que le FMI, puis la BERD ont successivement annoncé que la croissance économique russe pour l’année 2023 serait deux fois supérieure à celle de la zone euro, soit +1,5% contre +0,8% (Allemagne: -0,6%), n’est pas pour rassurer non plus. On est loin des -50% anticipés par les Européens en février 2022! Et cela malgré les milliers de sanctions prises contre la Russie. Moscou vient d’ailleurs d’augmenter ses dépenses militaires pour 2024 à 105 milliards de dollars, à 6% du PIB, sans incidence sur sa dette.
Dans le domaine économique aussi, l’échec est dans le camp occidental alors que tous les indices en faveur d’une guerre d’attrition longue et désastreuse pour l’Ukraine s’accumulent. Sur le plan politique enfin, la chute tant espérée de Poutine n’est pas pour demain: le dernier sondage VtSiom du 24 septembre le créditait toujours de 77,3% d’opinions favorables, sans commune mesure avec les cotes de popularité déprimantes des dirigeants occidentaux.
Aux Etats-Unis, où le débat est plus franc, l’establishment militariste a senti venir le boulet et est aussitôt monté au front. L’éditorialiste vedette du NYT, Thomas Friedman, s’est rendu à Kiev pour y exhorter l’Occident à se préparer à une guerre sans fin et à redoubler d’efforts pour assurer la victoire de l’Ukraine en livrant des F-16, des ATACMS, des chars Abrams et toute la panoplie des armements dernier cri de l’OTAN, tandis qu’à Londres, la gazette de l’impérialisme anglo-saxon, The Economist, qui a défendu toutes les conquêtes britanniques depuis les guerres de l’opium en 1843, décrétait qu’il était «temps de repenser» la guerre en Ukraine, non pas pour y rétablir la paix mais pour mieux aider Kiev à gagner une guerre longue (Time for a Rethink, September 23rd, 2023).
Jusqu’ici, les questions et les doutes ne sont jamais apparus dans les médias dominants. Toute information sur les pertes humaines et matérielles subies par l’Ukraine étant considérée comme taboue, les médias et les gouvernants européens se contentent de refléter servilement la bonne parole de Kiev et de nous promettre une victoire prochaine malgré l’évidence du contraire. On a hâte de voir comment les dirigeants européens vont essayer de vendre à leurs opinons publiques une guerre interminable après avoir prédit une victoire ukrainienne fulgurante et indolore grâce au succès de la contre-offensive.
Car le temps presse. Depuis l’été, le front du mensonge et de la propagande commence lentement à se lézarder. A ce propos, on lira avec profit le papier du Monde diplomatique «Ukraine, le béton médiatique se fissure» qui vient de paraitre, ainsi que la tribune de Peter Brandt, le fils de l’ancien chancelier Willy Brandt, Hajo Funke, politologue expert de l’antisémitisme, du général Harald Kujat, ancien président du comité militaire de l’OTAN, et de Horst Teltschik, ancien conseiller d’Helmut Kohl et dirigeant de la Conférence de Munich sur la sécurité, qui appellent à «mettre fin à la guerre par une paix négociée» et proposent un plan de paix très raisonnable et équilibré (Institut Schiller, 23 septembre 2023).
Plus les jours de guerre et les morts s’accumulent, plus le dilemme moral devient aigu pour les Occidentaux, qui n’ont cessé de justifier la poursuite des combats par des arguments éthiques. Les Américains, toujours en avance, viennent d’ouvrir le débat sur l’aléa moral et le risque de déroute stratégique et de faillite morale que l’opération militaire pourrait faire courir à l’Occident.
Rappelons-en l’essentiel.
Depuis le début du conflit, de nombreux intellectuels étatsuniens ont porté la contradiction et souligné que cette guerre, loin d’être non-provoquée comme le voudrait le narratif officiel, a été au contraire pensée depuis le début des années 1990 avec la doctrine Wolfowitz/Brezinski puis mise à exécution lors du sommet de l’OTAN de 2008 à Bucarest, qui avait ouvert les portes de l’Alliance à l’Ukraine et à la Géorgie de façon que les Russes n’aient pas d’autre choix que de prendre l’initiative d’une guerre. Stephen J. Cohen en son temps, John Mearsheimer, Jeffrey Sachs, Noam Chomsky et de nombreux journalistes comme Caitlin Johnstone ont dénoncé ces manœuvres. Documents à l’appui, ils ont démontré comment les va-t-en-guerre se montraient d’autant plus belliqueux qu’ils se battaient par Ukrainiens interposés sur un continent qui n’était pas le leur.
Mais ces voix dissidentes n’ont guère été écoutées, essentiellement parce que leurs arguments, d’ordre historique et politique, n’ont jamais réussi à battre en brèche le discours moral mis en avant par les stratèges occidentaux. Le narratif pseudo-rationnel mais efficace du Bon contre le Méchant, du gentil démocrate Zelensky contre le brutal dictateur Poutine, des héroïques soldats kiéviens défendant la liberté contre les barbares russes assoiffés de crimes et de sang l’a toujours emporté sur les autres considérations même quand elles s’appuyaient sur des documents et des faits solides et avérés.
Or cette fois-ci, et c’est une première depuis dix-huit mois, la question morale est soulevée par le camp du Bien, le camp atlantiste. Elle est portée par l’une de ses voix les plus respectées, celle du professeur de Harvard Stephen M. Walt, dans Foreign Policy, un des organes le plus en vue de l’atlantisme nord-américain. «La moralité de la guerre d’Ukraine est très sale. Les calculs éthiques sont moins clairs que vous pouvez le penser», écrit Walt. (The Morality of Ukraine’s War Is Very Murky, Foreign Policy, September 22, 2023).
Sans nier la responsabilité russe, il pose les questions suivantes à l’Occident: 1/Il ne suffit pas de proclamer que les Bons doivent gagner; on doit aussi sérieusement penser aux coûts que cette victoire entrainera et examiner si celle-ci est possible; refuser de considérer ces coûts serait une abdication morale; 2/Les guerres d’Afghanistan ou du Vietnam ont été inutilement prolongées parce qu’on promettait sans cesse une victoire au coin de la rue, laquelle n’est jamais arrivée. Nous sommes dans la même situation en Ukraine, alors que les destructions et les morts ne cessent d’augmenter chez nos alliés ukrainiens; 3/ Même si les Ukrainiens annoncent vouloir se battre jusqu’au dernier, le devoir moral d’un ami et d’un allié est de les empêcher de commettre des actes désastreux pour eux; 4/Personne ne peut savoir quelle sera l’issue de la guerre si elle continue, ni quel sera résultat des négociations de paix si elles s’ouvrent. Mais les va-t-en-guerre devraient reconnaitre que leur inflexibilité peut faire plus de mal que de bien à Ukraine à long terme; et 5/ à l’ère nucléaire, toutes les guerres, de celle de Corée à celle d’Afghanistan, se sont terminées sans bouleversement décisif de l’ordre mondial, la défaite des uns et la victoire des autres n’ayant déployé que des effets marginaux et temporaires. Il en irait de même en Ukraine si l’on s’arrête à temps.
Et Stephen Walt de conclure que si la Russie porte bel et bien la responsabilité du déclenchement de la guerre, l’Occident portera celle de son issue: faute d’avoir su et d’avoir voulu la terminer malgré les mises en garde et les appels lancés par le reste du monde, il devra assumer à lui seul les conséquences probablement tragiques de sa fin.
On ne saurait mieux résumer les enjeux moraux de cette guerre: la fin ne saurait justifier les moyens. En aucun cas.
Naturellement, on pourrait continuer à les ignorer et à les nier, comme on le fait chez les faucons européens et étatsuniens. Mais ce n’est plus une solution. Plus le conflit se prolonge, plus il sera difficile de maintenir la chape de plomb. Les événements destructeurs pour le récit officiel risquent de s’enchainer, comme on l’a vu avec le scandale provoqué par l’ovation unanime du Parlement canadien pour un ancien soldat ukrainien de la Waffen SS, en présence de Justin Trudeau et de Volodymyr Zelensky, qui n’ont rien trouvé à redire sur le moment. «Hommage malencontreux» comme essayait de le banaliser maladroitement Le Monde, ou faute morale grave? Chacun jugera, les survivants de la Shoah en premier. En attendant, l’objectif de Poutine de «dénazifier» l’Ukraine s’en est trouvé conforté.
De même, la Pologne a récemment confirmé que le missile tombé sur son territoire à la fin de l’année dernière était d’origine ukrainienne et non russe comme Kiev l’avait prétendu dans l’espoir d’entrainer l’OTAN dans la guerre. Idem pour le missile tombé début septembre sur le marché de Konstantinovka au prix de dix-sept morts innocents, dont le New York Times a établi qu’il avait été tiré par des Ukrainiens et non par la Russie. Il faut s’attendre à ce que d’autres révélations, sur l’explosion des tubes Nordstream – c’est en cours avec les enquêtes de Seymour Hersh – ou sur les massacres de Butcha, de Marioupol, du MH 17 d’août 2014, viennent altérer le narratif officiel, comme ce fut le cas après l’invasion de l’Irak et les fameuses armes de destruction massive de Saddam Hussein.
Parfois, ces montages tournent même à la farce, comme ce fut le cas lors du discours de Zelensky à la dernière assemblée générale des Nations Unies à New York. Pour cacher le vide de l’auditoire, la télévision ukrainienne a dû recourir à des images d’archives prises la veille et dans lesquelles on pouvait reconnaitre Zelensky assis dans la salle en train d’écouter son propre discours!
A terme, ce n’est pas seulement l’échec militaire mais la déroute morale qui guette l’Occident. Jusqu’ici, celui-ci avait toujours su éviter le pire parce qu’il contrôlait les médias et les réseaux de communication mondiaux qui lui assuraient la maitrise totale du narratif et confortaient son magistère moral sur l’ensemble de la planète. Tout récemment, un ancien professeur de l’Université de Lausanne et ancien vice-président de la Fédération internationale de la Croix-Rouge s’extasiait dans les colonnes du journal suisse Le Temps sur la supériorité morale de l’Occident face aux barbares africains et aux hordes asiatiques, indécrottables adeptes de la sorcellerie et de la dictature. «La supériorité de la civilisation occidentale tient au fait qu’il accepte et protège l’idée que deux et deux font quatre», écrivait-il en insinuant que les autres civilisations nient cette évidence! (Pierre de Senarclens, L’Occident et les autres: de la répression et de la sorcellerie, 17 septembre 2023).
Outre que cette opinion témoigne d’une arrogance que même Tintin au Congo n’avait pas osé exprimer, elle ignore que l’Occident n’a plus le monopole de la vérité. Au contraire, le reste du monde, c’est-à-dire la majorité de l’humanité, refuse de se plier aux injonctions morales venues du nord et se révolte même contre l’hypocrisie crasse des donneurs de leçons occidentaux. Les discours prononcés lors de l’assemblée générale des Nations Unies à New York en septembre dernier sont très révélateurs à cet égard. Il suffisait de voir le chancelier Scholz discourir devant une salle vide et d’écouter les discours virulents des chefs d’Etat du Sud global pour s’en apercevoir.
Ainsi le président mexicain Gustavo Petro: «Ils ne laissent pas cette guerre se terminer. Ils ne disposaient pas de cent milliards de dollars pour protéger nos pays des inondations, des tempêtes et des ouragans. Mais ils ont immédiatement utilisé cet argent pour faire en sorte que des Russes et des Ukrainiens s’entretuent.» Ou du président serbe Aleksandar Vucic: «Ils n’ont pas ri quand le président russe a utilisé les mêmes mots qu’eux pour justifier son attaque contre l’Ukraine. Ils ont oublié qu’ils ont eux-mêmes utilisé le même discours, les mêmes mots et les mêmes explications. Le pire, c’est que ceux qui ont commis une agression contre la République de Serbie donnent aujourd’hui des leçons sur l’intégralité territoriale de l’Ukraine.» D’innombrables autres chefs d’Etat se sont exprimé dans la même veine.
Le problème avec la morale, c’est qu’il faut commencer par se l’appliquer à soi-même. Sinon la chute risque d’être dure, très dure.
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Documents à l’appui, ils ont démontré comment les va-t-en-guerre se montraient d’autant plus belliqueux qu’ils se battaient par Ukrainiens interposés sur un continent qui n’était pas le leur. </p> <p>Mais ces voix dissidentes n’ont guère été écoutées, essentiellement parce que leurs arguments, d’ordre historique et politique, n’ont jamais réussi à battre en brèche le discours moral mis en avant par les stratèges occidentaux. Le narratif pseudo-rationnel mais efficace du Bon contre le Méchant, du gentil démocrate Zelensky contre le brutal dictateur Poutine, des héroïques soldats kiéviens défendant la liberté contre les barbares russes assoiffés de crimes et de sang l’a toujours emporté sur les autres considérations même quand elles s’appuyaient sur des documents et des faits solides et avérés. </p> <p>Or cette fois-ci, et c’est une première depuis dix-huit mois, la question morale est soulevée par le camp du Bien, le camp atlantiste. 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Le compte macabre est vite fait, l’Ukraine aura annihilé sa population mâle en âge de combattre en moins de dix ans. </p> <p>Un mois plus tard, le 28 septembre, le constat du <i>New York Times</i>, la bible du courant néoconservateur belliciste nord-américain, était encore plus amer: depuis le début de l’année, 500 km<sup>2</sup> ont changé de main en faveur des Russes, contre 200 seulement en faveur de l’Ukraine…</p> <p>Le fait que le FMI, puis la BERD ont successivement annoncé que la croissance économique russe pour l’année 2023 serait deux fois supérieure à celle de la zone euro, soit +1,5% contre +0,8% (Allemagne: -0,6%), n’est pas pour rassurer non plus. On est loin des -50% anticipés par les Européens en février 2022! Et cela malgré les milliers de sanctions prises contre la Russie. Moscou vient d’ailleurs d’augmenter ses dépenses militaires pour 2024 à 105 milliards de dollars, à 6% du PIB, sans incidence sur sa dette.</p> <p>Dans le domaine économique aussi, l’échec est dans le camp occidental alors que tous les indices en faveur d’une guerre d’attrition longue et désastreuse pour l’Ukraine s’accumulent. Sur le plan politique enfin, la chute tant espérée de Poutine n’est pas pour demain: le dernier sondage VtSiom du 24 septembre le créditait toujours de 77,3% d’opinions favorables, sans commune mesure avec les cotes de popularité déprimantes des dirigeants occidentaux.</p> <p>Aux Etats-Unis, où le débat est plus franc, l’establishment militariste a senti venir le boulet et est aussitôt monté au front. 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Toute information sur les pertes humaines et matérielles subies par l’Ukraine étant considérée comme taboue, les médias et les gouvernants européens se contentent de refléter servilement la bonne parole de Kiev et de nous promettre une victoire prochaine malgré l’évidence du contraire. On a hâte de voir comment les dirigeants européens vont essayer de vendre à leurs opinons publiques une guerre interminable après avoir prédit une victoire ukrainienne fulgurante et indolore grâce au succès de la contre-offensive.</p> <p>Car le temps presse. Depuis l’été, le front du mensonge et de la propagande commence lentement à se lézarder. A ce propos, on lira avec profit le papier du <i>Monde diplomatique</i> «Ukraine, le béton médiatique se fissure» qui vient de paraitre, ainsi que la tribune de Peter Brandt, le fils de l’ancien chancelier Willy Brandt, Hajo Funke, politologue expert de l’antisémitisme, du général Harald Kujat, ancien président du comité militaire de l’OTAN, et de Horst Teltschik, ancien conseiller d’Helmut Kohl et dirigeant de la Conférence de Munich sur la sécurité, qui appellent à «mettre fin à la guerre par une paix négociée» et proposent un plan de paix très raisonnable et équilibré (Institut Schiller, 23 septembre 2023).</p> <p>Plus les jours de guerre et les morts s’accumulent, plus le dilemme moral devient aigu pour les Occidentaux, qui n’ont cessé de justifier la poursuite des combats par des arguments éthiques. Les Américains, toujours en avance, viennent d’ouvrir le débat sur l’aléa moral et le risque de déroute stratégique et de faillite morale que l’opération militaire pourrait faire courir à l’Occident. </p> <p>Rappelons-en l’essentiel.</p> <p>Depuis le début du conflit, de nombreux intellectuels étatsuniens ont porté la contradiction et souligné que cette guerre, loin d’être non-provoquée comme le voudrait le narratif officiel, a été au contraire pensée depuis le début des années 1990 avec la doctrine Wolfowitz/Brezinski puis mise à exécution lors du sommet de l’OTAN de 2008 à Bucarest, qui avait ouvert les portes de l’Alliance à l’Ukraine et à la Géorgie de façon que les Russes n’aient pas d’autre choix que de prendre l’initiative d’une guerre. Stephen J. Cohen en son temps, John Mearsheimer, Jeffrey Sachs, Noam Chomsky et de nombreux journalistes comme Caitlin Johnstone ont dénoncé ces manœuvres. Documents à l’appui, ils ont démontré comment les va-t-en-guerre se montraient d’autant plus belliqueux qu’ils se battaient par Ukrainiens interposés sur un continent qui n’était pas le leur. </p> <p>Mais ces voix dissidentes n’ont guère été écoutées, essentiellement parce que leurs arguments, d’ordre historique et politique, n’ont jamais réussi à battre en brèche le discours moral mis en avant par les stratèges occidentaux. Le narratif pseudo-rationnel mais efficace du Bon contre le Méchant, du gentil démocrate Zelensky contre le brutal dictateur Poutine, des héroïques soldats kiéviens défendant la liberté contre les barbares russes assoiffés de crimes et de sang l’a toujours emporté sur les autres considérations même quand elles s’appuyaient sur des documents et des faits solides et avérés. </p> <p>Or cette fois-ci, et c’est une première depuis dix-huit mois, la question morale est soulevée par le camp du Bien, le camp atlantiste. Elle est portée par l’une de ses voix les plus respectées, celle du professeur de Harvard Stephen M. Walt, dans <i>Foreign Policy</i>, un des organes le plus en vue de l’atlantisme nord-américain. «La moralité de la guerre d’Ukraine est très sale. Les calculs éthiques sont moins clairs que vous pouvez le penser», écrit Walt. (The Morality of Ukraine’s War Is Very Murky, Foreign Policy, September 22, 2023).</p> <p>Sans nier la responsabilité russe, il pose les questions suivantes à l’Occident: 1/Il ne suffit pas de proclamer que les Bons doivent gagner; on doit aussi sérieusement penser aux coûts que cette victoire entrainera et examiner si celle-ci est possible; refuser de considérer ces coûts serait une abdication morale; 2/Les guerres d’Afghanistan ou du Vietnam ont été inutilement prolongées parce qu’on promettait sans cesse une victoire au coin de la rue, laquelle n’est jamais arrivée. 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Idem pour le missile tombé début septembre sur le marché de Konstantinovka au prix de dix-sept morts innocents, dont le <i>New York Times</i> a établi qu’il avait été tiré par des Ukrainiens et non par la Russie. Il faut s’attendre à ce que d’autres révélations, sur l’explosion des tubes Nordstream – c’est en cours avec les enquêtes de Seymour Hersh – ou sur les massacres de Butcha, de Marioupol, du MH 17 d’août 2014, viennent altérer le narratif officiel, comme ce fut le cas après l’invasion de l’Irak et les fameuses armes de destruction massive de Saddam Hussein. </p> <p>Parfois, ces montages tournent même à la farce, comme ce fut le cas lors du discours de Zelensky à la dernière assemblée générale des Nations Unies à New York. 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Au contraire, le reste du monde, c’est-à-dire la majorité de l’humanité, refuse de se plier aux injonctions morales venues du nord et se révolte même contre l’hypocrisie crasse des donneurs de leçons occidentaux. Les discours prononcés lors de l’assemblée générale des Nations Unies à New York en septembre dernier sont très révélateurs à cet égard. Il suffisait de voir le chancelier Scholz discourir devant une salle vide et d’écouter les discours virulents des chefs d’Etat du Sud global pour s’en apercevoir. </p> <p>Ainsi le président mexicain Gustavo Petro: «Ils ne laissent pas cette guerre se terminer. Ils ne disposaient pas de cent milliards de dollars pour protéger nos pays des inondations, des tempêtes et des ouragans. 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Dix jours après l'ouverture des négociations, la débâcle de Dien Bien Phu, le 7 mai 1954, devait d'ailleurs la convaincre d'abandonner la partie.</p> <p>C'est ainsi que, pendant trois mois, le Conseiller fédéral Max Petitpierre et le Conseil fédéral purent recevoir sans discontinuer le gratin des ministres et Premiers ministres des nations parmi les plus puissantes du monde: John Foster Dulles puis Walter Bedell Smith, Anthony Eden, Georges Bidault, Pierre Mendès France, Viatcheslav Molotov – qui se rendra même à Berne à la plus grande satisfaction des autorités et des médias suisses de l'époque – Chou en Lai, dont c'était la première visite en Europe, le délégué indien Krishna Menon, lui aussi encore inconnu, et enfin le premier ministre nord-vietnamien Pham Van Dong et l'empereur d'Annam Bao Dai, pour ne citer que les plus connus. </p> <p>On s'aperçut dès les deux premières semaines que les négociations sur la Corée n'aboutiraient pas. Les délégations coréennes ne cessaient de s'invectiver tandis que les Occidentaux menés par les Américains aussi bien que le camp communiste sous le leadership soviétique et chinois se montraient inflexibles. Les choses se présentaient beaucoup mieux pour l'Indochine, grâce à la défaire militaire française et à l'arrivée au pouvoir de Mendès France, fermement décidé à sortir du bourbier indochinois. Après deux mois d'âpres négociations, le 21 juillet, on parvint finalement à signer un accord de paix, qui est resté dans l'histoire sous le nom d'Accords de Genève. 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A l'Ouest, on voudrait commémorer le 80ème anniversaire du Débarquement, le 6 juin prochain, sans les Russes, en niant que la victoire sur l'Allemagne nazie fut d'abord une victoire soviétique et que l'Opération Overlord n'aurait pu réussir sans l'Opération Bagration menée à l'est par l'Armée rouge pour y fixer les divisions de chars allemands. ', 'subtitle_edition' => 'Entre Russie et Occident, entre Ukrainiens de Kiev et ex-Ukrainiens redevenus Russes, la bataille n'est pas seulement militaire, elle est aussi mémorielle. 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On fait semblant d'oublier que le camp de la mort de Treblinka était dirigé par une vingtaine de SS allemands et que l'extermination y était assurée par une centaine de gardiens ukrainiens et lituaniens.</p> <p>La célébration de l'Holodomor, du nom que les Ukrainiens donnent à la famine déclenchée par Staline contre la paysannerie en 1932, est un exemple typique de ces omissions volontaires. Elle attribue ce massacre par la disette aux seuls Russes et fait des Ukrainiens ses uniques victimes alors qu'il a aussi touché le sud de la Russie et le Kazakhstan et qu'il a été orchestré par un Géorgien, Staline, et exécuté par un Polonais, Kossior, qui dirigeait l'Ukraine à cette époque.</p> <p>Tous les jours des monuments sont abattus et d'autres édifiés à leur place, en catimini, dans le silence des médias occidentaux. Cette réécriture de l'histoire et cette guerre mémorielle n'ont pas échappé aux gens du Donbass, qui, fidèles à leur devise «Ne jamais oublier, ne jamais pardonner», réagissent en redoublant de foi commémorative et de monuments aux héros tombés sur le champ d'honneur.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1713950996_capturedcran2024042411.28.54.png" class="img-responsive img-fluid center " width="529" height="716" /></p> <h4 style="text-align: center;"><em>«Ne jamais oublier, ne jamais pardonner». Monument commémorant le massacre de la communauté juive de Lugansk. © G.M.</em></h4> <p>Le mémorial le plus troublant est sans doute celui du Puits de Mine 4/4 Bis à Donetsk. Je n'en avais jamais entendu parler et vous non plus je présume. Il ne figure dans aucun de nos livres d'histoire et il est introuvable sur Wikipedia. Or on estime que 75'000 à 102'000 personnes y ont été massacrées entre fin 1941 et 1943, soit deux fois à trois fois plus qu'à Babi Yar. L'ensemble de la communauté juive de la ville (appelée Stalino à l'époque) a été jetée dans cette fosse, ainsi que des dizaines de milliers de civils. Ce mémorial, ignoré par le gouvernement de Kiev après 1991 parce qu'il dérangeait le récit officiel et ne concernait que les russophones de l'est du pays, est en voie de réhabilitation depuis l'an dernier. Il suffit de se rendre sur ce site pour comprendre pourquoi les habitants du Donbass se sont soulevés en avril 2014 lorsque le régime issu de Maidan a voulu bannir leur langue et a envoyé les héritiers de leurs bourreaux pour les réprimer. </p> <p>On peut détruire les monuments mais pas le souvenir.</p> <p>A 70 kilomètres de Donetsk, dans la province de Horlivka, le monumental cénotaphe de Savur-Mohila est un autre témoignage des batailles du dernier siècle, érigé au sommet de la colline la plus haute du Donbass, sur l'emplacement de l'un des grands chocs de la Seconde guerre mondiale, qui eut lieu en juillet-août 1943, en même temps que la fameuse bataille de chars de Koursk qui devait briser la Wehrmacht. Une allée d'escaliers avec une immense flèche y avait été édifiée en 1963. 70 ans plus tard, en août 2014, la colline a fait l'objet d'une âpre bataille de position entre séparatistes et soldats kiéviens, avant d'être définitivement reprise par les républicains de Donetsk emmenés par leur prestigieux chef Alexandre Zakhartchenko. Les combats l'avaient saccagée. Après 2022, Poutine l'a fait reconstruire pour commémorer les deux guerres, la Grande Guerre patriotique de 1941-1945 et celle de la libération du Donbass de 2014-2022. De chaque côté de l'allée, de grandes stèles sculptées célèbrent les héros morts pour la liberté du Donbass entre 1941 et 2022.</p> <p>Mais c'est sans doute à Lougansk que ce choc mémoriel est le plus intense. J'y suis accueilli par Anna Soroka, historienne et combattante dans les régiments de la République dès 2014. Le premier monument commémore les 67 enfants tués par les miliciens ukrainiens des bataillons néonazis Kraken et Aïdar qui ont tenté de prendre la ville en 2014 et l'ont bombardée jusqu'en 2022. Il a été construit au milieu d'un parc qui sert de jardin d'enfants. Plusieurs gosses y ont été tués par un bombardement ciblé des Ukrainiens, les bâtiments avoisinants n'ayant pas été touchés. </p> <p>Les enfants sont en effet l'objet d'une guerre de l'information sans merci dans les deux camps. Les Ukrainiens ont déposé plainte pour crime de guerre contre les Russes et la Cour pénale internationale a inculpé Vladimir Poutine et la responsable russe de l'enfance pour kidnapping d'enfants ukrainiens. La propagande occidentale reprend en boucle ces accusations, au cinéma – le documentaire <em>ad hoc</em> vient de recevoir un Oscar – et dans les médias. Lesquels oublient naturellement de répercuter le point de vue des habitants du Donbass, pour lesquels ce sont les Ukrainiens qui prennent les enfants en otage. Il existe en effet en Ukraine une organisation de volontaires, appelés les Anges Blancs, calquée sur le modèle des fameux Casques Blancs syriens qui, on s'en souvient, étaient loin d'être des secouristes neutres et agissaient en fait pour le compte des groupes djihadistes. </p> <p>Ces détachements d'Anges Blancs (White Angels) ont été formés dès février 2022 par un certain Rustam Lukomsky. La presse anglo-saxonne les a mentionnés à quelques reprises. Pour ceux du Donbass, leur but consiste à forcer les parents des zones du front à se séparer de leurs enfants sous prétexte de les protéger. Les enfants sont donc isolés de leurs parents et «mis en sécurité» à l'arrière, où ils sont dès lors utilisés comme moyens de chantage contre leurs familles. Celles-ci se trouvent déchirées entre deux choix aussi insupportables l'un que l'autre: soit elles abandonnent leurs foyers pour rejoindre leurs enfants, soit elles y restent en se voyant forcées de collaborer avec l'armée ukrainienne qui les invite à dénoncer ou à saboter les mouvements de l'armée russe. On imagine la détresse des parents confrontés à un tel chantage. Des témoignages, comme ceux d'Olga V. Zubtsova de Bakhmut et d'Igor Litvinov d'Avdievka, confirment cette version des choses. Enfin, d'innombrables rumeurs circulent sur les réseaux sociaux, qui accusent ces prétendus Anges Blancs d'alimenter les réseaux de pédo-criminalité et le trafic d'enfants. Mais cela reste à prouver.</p> <p>Le deuxième monument se trouve dans un bois à la sortie de Lugansk. Comme le Puits de mine No 4 de Donetsk, il commémore le lieu du massacre de la communauté juive de Lugansk (environ 3'000 femmes et enfants essentiellement juifs) et de 8'000 adultes de diverses confessions pendant l'occupation nazie. «On ne peut pas comprendre pourquoi, aujourd'hui, Kiev honore les descendants de ceux qui ont tué tant des nôtres pendant la Deuxième Guerre mondiale», dit Anna Soroka. Abandonné aux ronces depuis 1991, le site a fait l'objet d'une restauration récente. Il ne figure pas sur nos applications de recherche. </p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1713950577_img_4160.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4><em><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1713950703_img_4161.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></em></h4> <h4 style="text-align: center;"><em>Monument en hommage aux victimes du massacre du Puits de Mine 4/4 Bis à Donetsk. © G.M.</em></h4> <p>Un peu plus loin, de l'autre côté de la route, les autorités de la république ont érigé un vaste mémorial en l'honneur des combattants et des civils tués par la guerre de 2014-2022. Près de 400 tombes sont alignées de part et d'autre de l'allée qui mène de la statue inspirée de Rodin près de l'entrée, à la flèche centrale et à la chapelle ardente. On s'arrête près de la tombe d'Ivan Selikhov. Anna a personnellement connu la plupart des personnes enterrées ici. Le 5 mai 2014, Ivan a été sorti de sa maison et exécuté pour l'exemple d'une balle dans la tête par les milices, parce que son fils s'était engagé auprès des républicains. Ses voisins avaient d'abord dû l'inhumer dans son jardin. Le site se trouve sur les lieux mêmes de la bataille et rend hommage aux 397 «victimes de l'agression ukrainienne» de cet été-là, ouvriers, creuseurs de tranchées, instituteurs, écoliers, médecins, infirmières, patients frappés par le bombardement de leur école et de leur hôpital (169 morts).</p> <p>En revenant en ville, nous passons devant le grand monument aux soldats soviétiques qui ont libéré la ville en 1943 et devant un char ukrainien décoré de fleurs posé sur un socle de béton en bordure de l'autoroute: les habitants du quartier l'ont posé là pour rappeler que ce char avait bombardé leurs maisons il y a dix ans. En contrebas, un champ toujours jonché de mines est fortement déconseillé aux promeneurs.</p> <p>Le dernier monument de ce tour de ville funèbre est sans doute le plus emblématique du destin tragique du Donbass durant ces dernières cent années. Il s'agit du mémorial de Hostra Mohyla posé sur une petite colline au sud-est de la ville. Plusieurs monuments de facture diverse y rappellent le souvenir des diverses communautés rayées de la carte au fil des décennies. Mais le plus grand, qui coiffe le sommet du complexe, donne la clé de la psychologie des habitants de la région. Il présente quatre statues géantes de soldats, héros en armes des quatre guerres qui marquent la conscience collective du Donbass: un combattant de la guerre civile, un soldat soviétique de la Grande Guerre patriotique, un militant de la résistance anti-kiévienne de 2014-2018, et enfin un combattant de la guerre de libération de l'oblast de 2022 à nos jours.</p> <p>Pour ce site comme pour les autres, malgré sa popularité auprès des habitants, on ne trouve absolument aucune information sur les moteurs de recherche occidentaux. Google et Wikipedia ignorent ou ont banni ces sites de leur répertoire. Seule la Stiftung Denkmal für die ermordeten Juden Europas fournit quelques éléments sur les victimes juives.</p> <p>On comprend dès lors mieux pourquoi la Russie, et ses nouveaux citoyens des provinces de l'est ukrainien, n'abandonneront jamais leur combat contre Kiev et contre l'Occident sans l'avoir gagné. La rage sourde qui les saisit à l'idée que nous voulions, par Ukrainiens interposés, les effacer de la surface de la terre, au sens propre et au sens figuré, ne disparaitra qu'avec ce qu'ils considéreront comme leur victoire.</p>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'le-donbass-au-coeur-de-la-guerre-memorielle', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 316, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 15, 'person_id' => (int) 5708, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [[maximum depth reached]], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4882, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Marioupol, Donetsk, Lugansk: reportage sur le front du Donbass', 'subtitle' => 'Comment ont-ils pu nous faire ça? 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Il ne parlait pas un mot d'anglais et, sans faire de cas de mon russe misérable, il avait invité toute notre délégation à la noce. J'avais fait un petit discours de circonstance en l'honneur de la mariée et de ses parents. Depuis lors, Umar Ikromovitch est devenu un ami pour la vie, que ni la distance ni la fracture linguistique ne sauraient séparer. Une ou deux fois par an, aux fêtes importantes, il m'envoie des messages Telegram. En février, surprise, il me propose de me joindre à lui pour visiter ses réalisations dans le Donbass, dans lequel il n'était encore jamais allé. Umar emploie en effet quelques centaines d'ouvriers dans la région de Moscou et quelques dizaines dans la reconstruction du Donbass.</p> <p>Le 3 avril à trois heures du matin, il m'attendait donc avec Nikita, un de ses amis du ministère de la Défense, à la sortie de l'aéroport de Vnukovo, à Moscou, pour m'embarquer dans le Donbass. Nikita avait préparé le programme et fourni les autorisations nécessaires ainsi qu'un chauffeur aguerri, Volodia. Pendant dix heures d'affilée, avec une courte pause-café dans une station-service qui venait d'ouvrir, nous avons descendu à tombeau ouvert les 1'060 kilomètres de l'autoroute Prigogine qui relie Moscou à Rostov-sur-le-Don, celle-là même que le chef défunt de Wagner avait voulu remonter avec ses chars en juillet dernier.</p> <p>Rien n'est plus simple qu'une autoroute russe. C'est toujours tout droit, il n'y a pas un virage jusqu'à Rostov. Et comme celle-ci est impeccable, à part cinquante kilomètres de travaux peu avant Rostov, le trajet fut rapide et indolore, nous permettant de passer en quelques heures des dernières neiges moscovites aux douceurs du printemps de la mer d'Azov. En chemin, des norias de camions, quelques convois militaires, mais assez peu en fin de compte.</p> <p>A Rostov, port animé et capitale embouteillée du sud russe, nous avons à peine pu poser nos bagages et faire trois pas que nous voilà partis pour notre première visite: une énorme station de pompage-turbinage des eaux du Don située à l'embouchure du fleuve, à une vingtaine de kilomètres de la ville. Des ouvriers s'activent encore à terminer les aménagements extérieurs. Deux gigantesques tuyaux, des dizaines de citernes de 20'000m<sup>3</sup> et huit stations de pompage de onze turbines chacune acheminent désormais l'eau douce de Rostov à Donetsk, située à deux cents kilomètres de là et privée d'eau potable à cause de l'embargo ukrainien. Tout est automatisé. Les 3'700 ouvriers ont commencé et terminé l'immense chantier ainsi que la construction de la ligne à haute tension destinée à alimenter les turbines en six mois, entre novembre 2022, aussitôt après la réintégration des républiques dans la mère-patrie, et avril dernier.</p> <p>Première conclusion: après des investissements aussi rapides et colossaux, la volonté russe me semble inébranlable et il me paraît exclu que la Russie accepte à nouveau, un jour, de se séparer du Donbass. Ce territoire est désormais russe, point final.</p> <p>A la nuit tombante, nous voici enfin assis à la table d'une brasserie manifestement très prisée de Rostov, face au Don paisible. La nuit sera calme et le sommeil de plomb. La suivante, avec quarante missiles ukrainiens tirés sur la base aérienne voisine de Morozovsk, sera plus animée. </p> <p>Le lendemain matin, départ pour Marioupol, à 180 kilomètres et trois heures de route. Après Taganrog, la route longe la mer d'Azov et est encombrée par les convois de camions qui vont et viennent du Donbass. Elle est en plein travaux d'élargissement. Les véhicules militaires arborent un V ou un Z bien visibles. Checkpoints et contrôles divers se succèdent avant et après la frontière de la République de Donetsk. Sur les bas-côtés, de longues colonnes attendent la fouille. Grâce à nos laissez-passer, nous voici bientôt en territoire ex-ukrainien. Evgueni, un Russe de Vladivostok engagé volontaire auprès de la République de Donetsk, prend le relais. Il nous servira de guide et d'interprète tout au long de notre séjour. </p> <p>Peu avant midi, nous atteignons les faubourgs de Marioupol et entrons sur le territoire d'Azovstal, totalement dévasté. L'usine n'est plus que cheminées rouillées, entrelacs de tuyaux éventrés et de ferrailles tordues. Une vision d'apocalypse qui évoque immédiatement Stalingrad, l'usine de tracteurs, Vassili Grossmann et le <em>Voyage en Russie</em> de Steinbeck et Capa. Aucune des maisons et des immeubles d'habitation alentour n'a survécu. </p> <p>Le centre-ville a en revanche beaucoup mieux résisté, avec un taux de destruction qu'on peut estimer à cinquante pourcents à première vue. Il est en pleine rénovation. Sur la place centrale, la reconstruction du fameux théâtre – bombardé ou dynamité on ne sait trop – doit être achevée à la fin de l'année. Umar est content: les enfants et les jeunes mères se sont déjà emparés du parc et du terrain de jeux que son entreprise vient d'achever. Les lignes de bus, offerts par la ville de Saint-Pétersbourg, ont été rétablies. Les terrasses de café ont rouvert.</p> <p>Puis nous repartons pour l'ouest de la ville, qui offre un paysage très différent. Tout y est neuf. Les quartiers anciens ont déjà été rénovés et de nouveaux quartiers, des bouquets d'immeubles, une école, une crèche, un hôpital, y ont jailli de terre en moins d'une année. Une dame qui promène son chien nous explique qu'elle vient d'emménager dans son appartement tout neuf il y a quinze jours, après avoir vécu pendant des mois dans un taudis sans eau courante. </p> <p>Supervisés par une société publique du ministère de la Défense avec l'aide des villes et des provinces russes, les chantiers s'activent jour et nuit. Dix mille habitants ont déjà été relogés et la ville a retrouvé les deux tiers de sa population d'avant-guerre, soit 300'000 habitants. Durant l'après-midi, nous visiterons un second hôpital de 60 lits, entièrement neuf et démontable, très bien équipé et dirigé par des médecins volontaires provenant des différentes régions de Russie.</p> <p>Les constructions les plus spectaculaires concernent toutefois les écoles. En bordure de mer, une nouvelle académie de la marine accueillera sa première volée de cadets à la rentrée de septembre. Salles de cours, internat, salles de sports, salles d'entrainement, quatre immeubles de verre et d'acier rutilants sont sortis de terre en dix mois. Prévus pour 560 élèves en uniforme de 11 à 17 ans, ils accueilleront principalement des orphelins des deux guerres du Donbass, celle de 2014-2022 et celle de 2022-2024, me dit-on. Six jours d'enseignement par semaine à raison de huit à dix heures par jour, on n'aura guère le temps de s'y ennuyer. A la fin du cursus, les élèves pourront soit parfaire leur formation dans la marine soit entrer dans une université civile.</p> <p>La seconde école est plus classique mais encore plus spectaculaire. C'est un collège expérimental comme on n'en encore jamais vu en Russie (ni en Suisse à ma connaissance). Le design, remarquable, est très étudié. Les salles de classe sont équipées avec les dernières technologies, ordinateurs, robots, cyber et nanotechnologies, intelligence artificielle. Plus classiques, les salles de dessins, de couture, de cuisine, de peinture, de langues, de ballet, de théâtre, de chimie, physique, de biologie, d'anatomie et mathématiques. Il existe même une salle équipée de cabines pour apprendre à conduire et à piloter.</p> <p>Commencée fin 2022, terminée en septembre 2023, elle a accueilli sa première volée de 500 élèves l'an dernier et en attend 500 de plus à la rentrée de septembre. La pédagogie est à l'avenant, sans minauderies pédagogistes: les cours durent douze heures par jour. Ils commencent à 8h et se terminent à 20h à raison de six heures de matières «dures» le matin, et de six heures de matières plus récréatives ou complémentaires l'après-midi. La cantine assure trois repas par jour. Seule difficulté, assure la directrice, celle de trouver des enseignants qui veuillent bien accepter de s'installer à Marioupol. Mais elle n'a pas l'air d'être du genre à s'effrayer devant la tâche.</p> <p>En fin d'après-midi, nous nous engageons sur l'autoroute toute neuve qui relie Marioupol à Donetsk, à 120 kilomètres, en faisant un petit arrêt dans la petite ville de Volnovakha, dont le palais de la culture a subi une frappe de HIMARS en novembre dernier. Le toit s'est écroulé et des échafaudages encombrent ce qui reste de la scène et de la salle. Par chance, la salve n'a fait ni mort ni blessé, le spectacle programmé ce jour-là ayant été déplacé à la dernière minute. Pour les habitants, pas de doute, les Ukrainiens cherchaient à tuer le plus de civils possibles. Mon guide m'explique qu'ils tirent toujours les HIMARS par groupe de trois: une première roquette pour percer le toit et les structures, une deuxième pour liquider les occupants et, vingt à vingt-cinq minutes plus tard, une troisième frappe pour tuer le maximum de pompiers, secouristes, parents, policiers, amis, voisins venus secourir les victimes. Ce récit me sera répété plusieurs fois.</p> <p>Donetsk est une grande ville d'un million d'habitants, très étendue, très animée, avec une circulation dense. On n'y voit que peu d'immeubles ou de façades détruites. En revanche, la ville vit au son du canon. Je n'y avais pas prêté attention à mon arrivée, à cause de la fatigue et des émotions de la journée. Mais en me réveillant à trois heures du matin, j'ai soudain été frappé par le son du canon. Toutes les deux à trois minutes, un coup part, faisant trembler les vitres et illuminant le ciel d'une lueur orangée: ce sont les artilleurs russes qui tirent sur les positions ukrainiennes, à quelques de kilomètres du centre-ville. Les Ukrainiens ripostent avec des missiles, des drones ou des roquettes HIMARS, ce qui enclenche les tirs de contre-batterie russes, à raison d'un ou deux par heure me semble-t-il.</p> <p>Le lendemain matin, on m'apprendra à distinguer les uns des autres. Les HIMARS sont silencieux jusqu'à l'explosion finale, les missiles SCALP français et Storm Shadow britanniques font un bourdonnement d'avion, de même que les missiles anti-missiles russes, tandis que les obus ordinaires tombent en sifflant. De toute façon, je n'ai aucun souci à me faire, m'assurent mes nouveaux amis. Ils m'ont logé dans le seul hôtel de la ville encore en mains américaines et jamais les Ukrainiens n'oseraient tirer sur une cible américaine. Il n'en reste pas moins que les tirs ukrainiens continuent à faire des blessés et un mort par semaine en moyenne. Tous des civils, car il n'y a absolument aucun soldat, véhicule ou installation militaire en ville. En quatre jours, je n'y ai pas croisé un seul uniforme.</p> <p>Nous commençons la journée par une visite à l'Allée des Anges, qui se trouve au milieu d'un beau parc urbain. C'est le nom qu'on a donné au monument funéraire érigé en mémoire des enfants tués par les bombardements ukrainiens depuis 2014. 160 noms ont déjà été inscrits sur le marbre. Mais la liste en comprend plus de 200 à ce jour. Des dizaines de bouquets de fleurs, de jouets, de photos d'enfants s'amoncellent sous l'arche de fer forgé. C'est bouleversant.</p> <p>Au retour, nous rendons visite aux confrères de la télévision et de la radio OPLOT, en bordure de la place centrale. Leur immeuble est régulièrement visé par des HIMARS. On n'a pas encore pu réparer les derniers studios frappés mais on les retape à la fortune du pot et les cinq chaines TV et radio diffusent leurs programmes sans interruption. La direction et l'équipe sont à 90% féminines, les quelques hommes étant chargés de la couverture du front, à dix kilomètres de là. Un petit jardin d'enfant - une grande crèche attirerait l'attention des HIMARS ukrainiens - accueille les enfants des employés. Il en va ainsi dans toute la ville, les crèches publiques ayant dû fermer pour éviter les frappes. Au début, en 2014, il avait été difficile de recruter des journalistes à cause des risques d'attentat mais ce n'est plus le cas aujourd'hui, assure la rédactrice en chef Nina Anatoleva. L'intervention russe de 2022 a beaucoup renforcé la sécurité. Mais ils ont perdu en audience. Leurs chaines, qui diffusaient largement dans la partie russophone de l'Ukraine, ont été coupées et ne sont plus visibles que sur internet ou sur le réseau local.</p> <p>L'après-midi, nous nous rendons dans le village de Yassinouvata, proche d'Avdeevka, et donc tout près du front. Le village, très exposé aux tirs d'obus ukrainiens, abrite une école transformée en centre d'accueil pour les réfugiés des villages récemment libérés. Aussitôt sortis de Donetsk, la proximité du front se fait sentir. La route est défoncée par les tirs d'obus et jonchée de débris de ponts écroulés. Sur notre gauche deux hélicoptères Ka-50 Alligators et un MI-8 reviennent du front en rase-mottes. A notre droite des tranchées et trois rangées de dents de dragons, équivalents de nos Toblerone suisses, forment une des lignes de la défense russe. Des engins militaires la longent régulièrement. </p> <p>Notre véhicule est parfaitement anonyme. Pas de convoi, d'insignes de presse, de gilets pare-balles ou de casques qui pourraient attirer l'attention des drones de surveillance ukrainiens. Les GPS de nos portables sont désactivés depuis longtemps. Il s'agit d’être le plus banal possible. La route est de plus en plus défoncée et la circulation quasi inexistante. Le chauffeur, le guide et Umar sont parfaitement impavides.</p> <p>La directrice de l'école, ex-professeure de mathématiques devenue directrice du centre d'accueil, nous accueille. La libération d'Avdeevka et des villages voisins fin février a fait sortir les habitants survivants des caves. Ils sont logés ici, dans les salles de classe, en attendant de retrouver leur logement ou d'en trouver un nouveau. Sur les 160 personnes hébergées, certaines ont déjà pu regagner Avdeevka. Aujourd'hui, c'est au tour de Nina Timofeevna, 85 ans et toute sa verve, de regagner son logis. Elle a vécu dans sa cave pendant deux ans en faisant du feu à même la rue. «Les soldats ukrainiens ne nous ont pas aidés du tout», assure-t-elle, tandis que l'armée russe a réparé son toit et les vitres de sa maison, si bien qu'elle peut y retourner, encadrée par deux soldats de la police militaire qui lui portent son barda. «Ce n'est pas une guerre, mais un massacre de civils. Ils veulent nous détruire.»</p> <p>Dans les couloirs, des bénévoles de l'Eglise orthodoxe déballent des cartons de vêtements, des bouteilles d'eau et de la nourriture. Dans les autres salles, des couples avec un beau chat aux yeux bleus, des vieillards. Une famille avec un jeune garçon de quatre ans. Elle s'est fait souffler son appartement par une roquette alors qu'elle essayait de trouver de la nourriture à l'extérieur. Le père était ouvrier et la mère comptable à la cokerie d'Avdeevka. Ils ont échappé à la mort par miracle et n'en reviennent pas encore d'avoir survécu... </p> <p>Sur le chemin du retour à Donetsk, la discussion porte sur la vie pendant la guerre et Evgueni m'apprend qu'à Marioupol le bataillon néonazi Azov avait ouvert dès 2014 une prison secrète dans un bâtiment de l'aéroport, appelée la «Bibliotheka», la Bibliothèque, parce que les victimes y étaient désignées comme des «livres», à l'image des nazis qui appelaient leurs victimes des «Stück». Selon les témoignages, des dizaines de personnes y ont été torturées et tuées pendant les huit années durant lesquelles les nationalistes tatoués de symboles nazis du bataillon ont fait la loi à Marioupol tandis que la police locale regardait ailleurs. Des investigations sont en cours pour identifier les victimes et la visite des locaux est suspendue. La presse russe en a parlé mais les médias occidentaux ont gardé le silence, de peur d'écorner le narratif des gentils Ukrainiens et des méchants russes.</p> <p>Deuxième constat: le Donbass fête en ce début avril le 10ème anniversaire de son soulèvement contre le régime de Kiev qui avait décrété la guerre au terrorisme contre lui. Des milliers de personnes, enfants, civils et combattants, ont été tuées. Donetsk a pris le surnom de «ville des héros». 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
9 Commentaires
@miwy 06.10.2023 | 05h12
«Comment ne pas aimer Guy Mettan ? Il a le langage fleuri d'un Walter Ulbricht genre "le New York Times, la bible du courant néoconservateur bellisiste nord-américain", le sens de la mesure de la famille Kim avec ses "dizaines de milliers de morts et de blessés par mois", ses sentences dignes de Juvénal, telles que "Le problème avec la morale, c’est qu’il faut commencer par se l’appliquer à soi-même. Sinon la chute risque d’être dure, très dure". Je trouve dommage que M. Mettan se sente obligé d'en rajouter, comme un bon ministre de la propagande, car souvent, les faits qu'il évoque et les analyses qu'il fait sont suffisamment intéressantes pour qu'il puisse se passer - et nous éviter - ce langage fleuri d'un siècle écoulé.»
@DermotK 06.10.2023 | 09h04
«@miwy et autrement, aucun commentaire sur le contenu de l'article?
Critiquer la forme pour essayer de décrédibiliser le contenu...»
@Susi 06.10.2023 | 09h12
«Excellent Guy Mettan! »
@Da_S 06.10.2023 | 11h36
«@miwy
Quand on n'a pas d'arguments, on s'attaque au personnage-
Sur le sens de la mesure: Les analystes indépendants estiment les pertes ukrainiennes seules à > 300'000. Faites vous-même le calcul combien cela fait par mois, et cela seulement de ce côté-là. »
@Eggi 06.10.2023 | 18h11
«L'empathie est la qualité qui manque le plus à une large majorité des membres de nos sociétés actuelles, occidentales surtout. Si Monsieur Mettan était ukrainien, donc citoyen d'un Etat attaqué en violation de toutes les lois internationales et de la morale politique heureusement encore largement reconnue, il n'aurait que dédain -au mieux- pour ce journaliste suisse répandant les éléments de langage d'un dictateur sanguinaire sans foi (la sienne, revendiquée, est bien éloignée des enseignements chrétiens) ni loi (sauf celle du plus fort).»
@willoft 06.10.2023 | 18h57
«Le sieur eggi n'ayant d'autres arguments que l'attaque ad personas...
Il est sympa qu'il soit publié »
@Philippe37 22.10.2023 | 08h50
«Ouf ! Merci»
@Anton’s 28.10.2023 | 07h43
«Bravo Guy Mettan pour cette triste analyse qui relate clairement la situation .
Quant aux vociférations habituelles sur le dictateur Poutine qui n’a pas plus de sang sur les mains que les « leaders » occidentaux , quand on constate que moins de 50% des électeurs votent en Suisse pour renouveler notre parlement, les dictatures ont encore de beaux jours devant elles donc il serait temps de balayer devant notre porte… »
@stef 03.12.2023 | 20h27
«Article qui résume bien la situation, merci »