Actuel / Populismes: mélanger tout, brasser et servir chaud
Avec ou sans Marine Le Pen, discréditée lors de la campagne électorale, ce parti reste lui aussi isolé. © MLP_Officiel twitter
Le mot populisme, beau en soi, n’est qu’un terme vague, dépréciatif, trop commode pour être honnête. Il sert à gauche comme à droite. En Europe comme en Amérique. L’inénarrable Steve Bannon, l’âme damnée de Trump, chassée entretemps de la Maison Blanche, s’en veut le héros mondial. Mal vu désormais à Washington, il a trouvé des oreilles attentives et des regards enamourés en Europe. En Italie chez la Lega d’extrême-droite, à Zurich chez Roger Köppel, patron de la «Weltwoche» et ponte de l’UDC. En France, chez Marie Le Pen. Bannon annonce «un tournant dans l’histoire du monde».
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Peu audible d’ailleurs chez lui et chez ses partenaires, guère enthousiastes de cette prétention au leadership. En termes exaltés et alarmistes, le président français en appelle au renforcement massif de la défense européenne. Non sans raisons. Mais pour quoi faire? Affronter la menace de la Russie? Voyons son armée. Elle s’escrime autour de quelques villages dans l’est de l’Ukraine, à quelques kilomètres de chez elle, elle peine à prendre la ville voisine de Karkhiv malgré d’horribles destructions. Elle n’est manifestement pas de taille à s’en prendre aux pays de l’OTAN, ni matériellement ni humainement. Les divers pays européens sont loin d’être démunis de moyens militaires. Même si leur base industrielle a des lacunes. On le sait aussi au Kremlin, où, quoi qu’on en dise, on est réaliste, on n’a pas la folie des grandeurs. Point effectivement à soulever: il est vrai que les Européens feraient bien de se préoccuper davantage de la défense anti-drones et anti-missiles. Ces engins, peu coûteux à produire mais ruineux pour s’en défendre, jouent un rôle-clé dans les conflits d’aujourd’hui. Et les Russes ne sont pas seuls à en disposer. Dans la cybersécurité aussi, il y a aussi de sérieux efforts à faire. Comme en Suisse, où le Département de la Défense confie cette tâche à son entreprise boiteuse Ruag qui s’appuie elle-même sur l’entité issue de Crypto AG, célèbre pour le scandale de ses tricheries. La Confédération a misé en plus sur une société bernois brinquebalante, Xplain, et admet aujourd’hui le désastre. Même des informations confidentielles sur les Conseillers fédéraux ont été balancés dans le «darknet». </span></p> <p><span>Mais nos militaires et leur cheffe ne rêvent que d’acquérir toujours plus d’avions, de blindés et de canons… à acheter aux Etats-Unis bien sûr. Viola Amherd se frotte les mains: une curieuse proposition agite le Parlement. Il s’agit de faire sauter la limite aux dépenses fédérales et de consacrer dix milliards supplémentaire pour l’armée et cinq pour l’Ukraine d’ici à 2030. C’est un groupe inhabituel de femmes parlementaires alémaniques qui est à la besogne. Dont une centriste, Marianne Tinder («Je suis en mesure d'évaluer la gravité de la menace même sans jours de service militaire»), sa collègue de parti entrée au Parlement en décembre dernier («Quand j'entends que l'armée n'a même pas assez de gilets de protection, cela me fait réfléchir»), la socialiste Franziska Roth («Nous ne pouvons pas nous cacher constamment derrière des lignes rouges»). A compter aussi dans ce que le <em>Tagesanzeiger</em> appelle les «dealmakers»: une autre centriste, Andrea Gmür, la socialiste Sarah Wyss, la verte libérale Corina Gredig. Etonnant, ce quarteron féminin, inter-partis, prônant l’urgence des armes.</span></p> <p><span>Bien que le président du PS Cedric Wermuth et la Fédération des sociétés militaires – curieux attelage! – applaudissent l’idée, celle-ci passe mal. Le patron du Centre Gerhard Pfister tousse, les radicaux, derrière Karin Keller-Suter, préoccupés par l’endettement, s’y opposent. Et il se trouvera sans doute des socialistes pour refuser cet emballement. Quant au petit peuple à qui on ne demandera pas son avis, il sait que de telles dépenses supplémentaires entraîneront inévitablement des coupes là où cela lui fait mal. </span></p> <p><span>Il vaut la peine de s’interroger sur les ressorts de cette outrance militariste. Que ce soit dans le mode déclamatoire d’un Macron ou dans les chuchotements du Palais fédéral. La politique sort alors du champ rationnel, de l’analyse froide des réalités, elle entre dans l’escalade des émotions morales, détermine dans le mode binaire, gagner ou perdre la guerre. Or l’histoire récente donne tant d’exemples où les conflits ont fini par des pourparlers. Plus ceux-ci ont tardé, plus se sont inutilement prolongées les souffrances.</span></p> <p><span>Rester fidèles à nos principes? Bien sûr. Mais alors pourquoi ne pas s’activer plutôt au chapitre de la paix? Pourquoi ne pas tirer toutes les ficelles en vue de véritables négociations dans le conflit Ukraine-Russie? Dans son emportement Emmanuel Macron n’a même pas prononcé ces mots. Et en l’occurence helvétique, les chantres féminins du pactole aux armes n’en ont eu aucun dans ce sens. Et le grand raout prévu au Bürgenstock, direz-vous? L’intention est certes louable mais le cadrage est défini par un seul des camps en présence et par les Etats-Unis. Cela en fait un simulacre de négociations. 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Quel parcours pour cet autodidacte fou de cinéma, travailleur acharné, si bellement doté d’empathie créatrice! ', 'content' => '<p><span>Quel parcours pour cet autodidacte fou de cinéma, travailleur acharné, si bellement doté d’empathie créatrice! Ces trente dernières années, son entreprise, sise à Lausanne, CAB-Productions, a permis à de nombreux cinéastes, locaux et internationaux, de s’exprimer librement. Tournant en Suisse, avec des comédiens, des techniciens d’ici et d’ailleurs. De Francis Reusser à Dominique de Rivaz, d’Alain Tanner à Jean-François Amiguet, de Marcel Schüpbach à Pierre-Yves Borgeaud, de Greg Zlingski à Olivier Assayas, de Benoît Mariage à Claude Chabrol, et tant d’autres. Dernier en date, Roman Polanski. Avec le tournage à Gstaad de <em>The Palace</em>, en coproduction avec l’Italie et la Pologne. </span></p> <p><span>Lié d’amitié avec cette grande figure du cinéma européen, Porchet a tout fait, trois ans durant, pour que ce film se fasse. Contre vents et tempêtes. Face aux campagnes des ultra-féministes qui rabâchent et déforment une histoire vieille de quarante ans, aux Etats-Unis, impliquant une jeune fille qui aujourd’hui est dans les meilleurs termes avec le prétendu coupable. L’offensive «wokiste» a mis Polanski au ban. En Suisse comme en France, aucun soutien public n’a été apporté au film. Une fois terminé, au début de cette année, il a pu être présenté à Venise mais n’a été diffusé que dans quelques rares salles, les distributeurs et les exploitants craignant des manifestations féministes. Il est même totalement proscrit en France. </span></p> <p><span>Pour Jean-Louis Porchet les difficultés du début ont tourné à la descente aux enfers. Faute de rentabiliser les droits d’exploitation, sous le poids des dettes contractées pour boucler le financement du tournage, son entreprise est menacée de faillite. L’accumulation des tracas finit par accabler le solide cueilleur de champignons. </span></p> <p><span>Le dimanche 24 mars, en route vers un ami à Rennaz, il s’arrête près de Cully, fume un cigare, son péché parcimonieux, et laisse flotter ses pensées sur le lac. Il repart et là, sans pouvoir l’expliquer encore, dans un blanc soudain, traverse la chaussée et écrase sa voiture du haut mur de Lavaux. Fracassé, il la voit prendre feu, reste prisonnier. Et attend les secours dans d’horribles douleurs. Les deux jambes et des côtes cassées, de graves brûlures.</span></p> <p><span>Le voilà, cinq semaines plus tard, dans une chambre du CHUV. Avec le sens de l’humour. «Les jours d’avant, je me disais sans cesse que j’allais dans le mur. 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Et si nous y regardions de plus près. Pays par pays. Pour voir où nous en sommes réellement?
La montée des populismes est un fait. Ce terme, beau en soi, est vague, trop commode pour être honnête. Applicable à des pans de la gauche comme de la droite. Les grands traits communs sont connus: la peur de l’immigration jusqu’à la xénophobie teintée de racisme, l’exaltation de la nation, l’appel au protectionnisme, le discours anti-élites. Mais avec maintes différences d’un lieu à l’autre, des impacts sur la vie politique très variables. Les craintes devant la mondialisation et l'immigration sont certes largement répandues, mais il est faux d'affirmer qu'elles bouleversent tout le paysage politique.
Pas besoin de s’attarder sur la Suisse. L’UDC accueille quelques agitateurs extrémistes comme Köppel mais compte beaucoup de personnalités raisonnables. Simplement alarmées par l’immigration – qui ralentit au point de leur couper l’herbe sous les pieds –, simplement perdues dans le dossier européen et réfugiées dans la rassurante mythologie helvétique. Populiste? Le parti ne mérite pas vraiment cette étiquette floue. D'autant plus qu'il siège au gouvernement. A noter au passage qu’il a une peine de chien à faire élire les siens dans les gouvernements cantonaux, qu’il vient de recevoir une claque monumentale à Zurich, qu’il n’arrive pas à intégrer des Romands à sa tête. Il est entendu dans les campagnes, moins dans les villes. Embêtant. Et une gifle de plus: l’initiative No Billag que ses délégués avaient massivement soutenue a passé à la trappe. On sait comment.
A l'état gazeux
L’Italie? Plus intéressant. Les vieux partis, social-démocrate et berlusconien, ont perdu pied. L’extrême-gauche archi-battue. Deux forces ont émergé. L’une d’extrême-droite, la Lega, héritière de la longue tradition fasciste, l’autre à l’état idéologique gazeux, le Mouvement des cinq étoiles. Ni de gauche ni de droite, dit-il. Populiste au sens de démagogique? Sûrement. Il a proposé l’instauration d’un salaire minimum, c’est raisonnable, et un revenu minimum à tous, c’est plus problématique. Cela a plu aux masses populaires, surtout dans le sud du pays. Compréhensible.
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On saura bientôt où va notre grand voisin du sud. Tout indique que les dirigeants hétéroclites des Cinq Etoiles, virtuoses de l’opportunisme électoral, se hisseront au pouvoir en s’appuyant sur des alliances diverses, mais pas avec les fascisants de la Lega. Tournant de l’histoire? On n’y est pas.
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En France? La base du Front national, rebaptisé (temporairement?, ndlr) Rassemblement national, reste nombreuse: pas loin d’un tiers des votants! Avec ou sans Marine Le Pen, discréditée lors de la campagne électorale, ce parti reste lui aussi isolé. Son idéologie est certes relayée maintenant, souvent mots pour mots, par le nouveau chef des Républicains. Mais les institutions sont telles que le président de la République a encore plus de quatre ans devant lui et le macronisme paraît bien tenir le coup.
Forcer sur les ingrédients
Un pays mérite la vigilance: l’Autriche. La droite y est alliée avec l’extrême-droite. Le gouvernement du jeune chancelier Sebastian Kurz joue sur tous les tableaux: il se veut très européen mais son ministre propose aux élus italiens de Bolzano de se réunir avec lui en vue de donner aux habitants de cette province autonome le passeport autrichien!
D’où est partie cette idée farfelue? De Hongrie. Le premier ministre Orban, depuis des années, veut faire voter, pour son parti bien sûr, les minorités hongroises de Roumanie et de Slovaquie. Lorsque la droite de la droite exalte les frontières nationales au nom de la défense identitaire, c’est logique, mais lorsqu’elle rêve de revoir la géographie au regard de l’histoire, elle prépare le retour des vieux conflits qui ont ravagé le continent. Heureusement sans succès à ce jour.
La sensibilité nationale de la Pologne s’explique aussi par son passé tourmenté. Elle a connu si peu de périodes dans la souveraineté. Qu’elle ait quelque peine à jouer le jeu européen, cela se comprend même si c’est risqué pour elle et les autres. Mais le populisme du parti au pouvoir a d’autres ressorts, bien plus déterminants dans sa haute cote électorale qui ne s’émousse pas. A commencer par sa politique sociale. Généreuses allocations familiales, prise en compte des régions marginales, consolidation de la société catholique. Quand l’hyper-nationalisme prend une dimension sociale, il peut faire très fort. Et quand il s'en prend de surcroît aux libertés démocratiques, il y a de quoi s'alarmer.
Recettes indigestes
On pourrait élargir le tableau. Ce sera pour une autre fois. Voir les spécificités de la Tchéquie, de la Slovaquie, de la Roumanie, des Pays-Bas, des pays scandinaves, avec des effervescences dites populistes communes et aussi de grandes différences entre elles. Mais pas de quoi y voir un «tournant de l’histoire» version Bannon.
Tiens, ce monsieur remuant n’est pas allé en Grande-Bretagne. Il aurait pu y saluer le Brexit. Il a craint sans doute d’y être mal reçu. Parce que les Britanniques, qu’ils aient voté oui ou non à la sortie de l’UE, sont à peu près tous plongés dans la déprime.
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Le premier ministre Orban, depuis des années, veut faire voter, pour son parti bien sûr, les minorités hongroises de Roumanie et de Slovaquie. Lorsque la droite de la droite exalte les frontières nationales au nom de la défense identitaire, c’est logique, mais lorsqu’elle rêve de revoir la géographie au regard de l’histoire, elle prépare le retour des vieux conflits qui ont ravagé le continent. Heureusement sans succès à ce jour.</p><p>La sensibilité nationale de la Pologne s’explique aussi par son passé tourmenté. Elle a connu si peu de périodes dans la souveraineté. Qu’elle ait quelque peine à jouer le jeu européen, cela se comprend même si c’est risqué pour elle et les autres. Mais le populisme du parti au pouvoir a d’autres ressorts, bien plus déterminants dans sa haute cote électorale qui ne s’émousse pas. A commencer par sa politique sociale. Généreuses allocations familiales, prise en compte des régions marginales, consolidation de la société catholique. 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Peu audible d’ailleurs chez lui et chez ses partenaires, guère enthousiastes de cette prétention au leadership. En termes exaltés et alarmistes, le président français en appelle au renforcement massif de la défense européenne. Non sans raisons. Mais pour quoi faire? Affronter la menace de la Russie? Voyons son armée. Elle s’escrime autour de quelques villages dans l’est de l’Ukraine, à quelques kilomètres de chez elle, elle peine à prendre la ville voisine de Karkhiv malgré d’horribles destructions. Elle n’est manifestement pas de taille à s’en prendre aux pays de l’OTAN, ni matériellement ni humainement. Les divers pays européens sont loin d’être démunis de moyens militaires. Même si leur base industrielle a des lacunes. On le sait aussi au Kremlin, où, quoi qu’on en dise, on est réaliste, on n’a pas la folie des grandeurs. Point effectivement à soulever: il est vrai que les Européens feraient bien de se préoccuper davantage de la défense anti-drones et anti-missiles. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
4 Commentaires
@fordzon 15.03.2018 | 08h59
«Pourquoi le terme « populisme » est-il « beau en soi »? Selon wikipedia les « ismes » requièrent des « potentiels idéologiques et mobilisateurs ». La seule référence au peuple ne rend pas le terme beau. On a l’intention de caresser le peuple dans le sens du poil. S’il a des peurs on l’y conforte pour pouvoir le manipuler, pour être « populaire » comme des stars.
On essaie pas de faire appel à l’intelligence du peuple en l’intimant de vérifier les faits. Le peuple comme un client a raison par définition même quand il a tort, car on a besoin de son vote. S’il faut mentir au peuple pour lui faire plaisir, pour le faire bouillir, on le fera. C’est le fond de commerce des populistes comme celui des charlatans. Pourvu vendre leur camelote. Tous les moyens sont bons.»
@marenostrum 20.03.2018 | 16h00
«Mais alors comment parler de "nous" ? du 90 à 99% des personnes qui constitues ceux qui bosse, qui n'ont pas accès aux médias de masse, qui ne sont plus représenté par nos politiques (par manque d'idées ou intérêt), par ceux qui subissent une politique présentée comme la seule viable ! il n'y a plus de projet pour "le peuple", il n'y a plus que le/les marchés ! qui n'ont plus accès aux alternatives (censurée par la pensée unique) ... ?
La population ?
La société civile ?
L'intérêt commun ?
Quel que soit le terme, il doit bien s'adosser à une réalité.
Et la réalité est que "le peuple", l'intérêt général, appelez-le comme bon vous semble, N'EST PLUS UN VERITABLE SUJET.
»
@stef 25.03.2018 | 15h05
«Votre dernière phrase est une petite perle, bravo »
@Scohdec 27.03.2018 | 09h35
«Qu’est ce que le populisme ? A chaque pays sa recette. Amnesty International publie dans son magazine de mars un excellent dossier intitulé : Au nom du peuple ? Les populismes en question. https://www.amnesty.ch/fr/sur-amnesty/publications/magazine-amnesty/2018-1
Pour tous ceux que ça intéresse. »