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Au cœur de l’été, le 17 juillet dernier, le pape François a publié une lettre sur l’importance de la littérature. Un vrai trésor! Livrant son regard sur cet art, il oriente son texte sur l’absolue nécessité de la littérature dans la formation aux métiers pastoraux, et plus largement au métier d’être humain qu’exerce tout un chacun.



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Cette lettre est passée quasiment inaperçue. Les pages des journaux de cet été étaient plutôt consacrées aux exploits sportifs des Jeux olympiques ou aux guerres qui n’en finissent pas de s'enliser. Il faut pourtant bien parler de cette lettre tant elle a créé la surprise et tant elle est, d’une certaine façon, révolutionnaire. Jamais, en effet, un pape n’avait rédigé un tel éloge de la littérature et de la poésie.

François prend le contre-pied du Saint-Siège d’autrefois qui censurait par son Index librorum prohibitorum des œuvres de littérature à tour de bras, prohibant la lecture d’un certain Stendhal, d’un Balzac ou d’un Zola, et j’en passe. Au-delà de l’encouragement à lire et de l’appel aux prêtres à entrer en communion avec les poètes, le pape compose, à mon sens, les plus belles pages qu’on ait pu lire depuis longtemps sur ce qu’est la littérature et qui est le lecteur. Je lance donc un appel solennel à toutes les facultés de Lettres pour faire lire ce texte à leurs étudiants, ainsi qu’à tous ceux qui n’ont pas eu besoin de passer par l’université pour aimer les lettres. Un texte dont on ne sort pas indemne si l’on aime un tant soit peu la littérature, assurément! Il réveille en tout lecteur un élan d’espérance, pour affronter sa vie en se cultivant et en lisant.

Ce qu'est la littérature

La littérature peut être un divertissement, certes. Le pape est plutôt critique face à ce point de vue. D’autant plus qu’elle est souvent réduite à cela par des hommes d’Eglise, qui au mieux y voient un passe-temps plus édifiant que les écrans, au pire une distraction néfaste qui éloigne les fidèles du réel. Au contraire, la lettre insiste sur le lien entre littérature et réel. Toute fictive qu’elle puisse être, la littérature plonge le lecteur au cœur du réel, au cœur de l’homme, de ce qu’il vit. 

Lire, c’est un acte. Le lecteur est donc acteur. Contrairement à une activité plus passive qui verrait l’auditeur ou le spectateur se laisser porter par une histoire – et que c’est bon de se laisser guider par un bon film sur un fauteuil rouge! –, la lecture requiert un effort plus ou moins ardu. Quand le lecteur plonge dans une histoire, c’est sa propre imagination qui est à l’œuvre. La littérature devient ainsi une porte ouverte sur l’infini mais aussi sur soi. Lire, c’est laisser «fleurir la richesse de sa propre personne». La littérature devient pour le lecteur un «renouvellement et un élargissement de son univers personnel». 

La littérature, c’est enfin une discipline vivante et féconde. Elle s’actualise sans cesse et agit concrètement sur le lecteur. Le lecteur lit cependant que l’œuvre lit en lui. Elle vient révéler au lecteur qui il est, à travers l’humanité d’un tiers qui est contée dans le roman. La littérature sème donc quelque chose. 

Ainsi, d’un point de vue spirituel, elle sème les graines d’amitié pour vivre une relation de proximité avec le Christ. Un Jésus-Christ fait de «chair», tout comme nous, et qui ainsi se fait proche de l’homme, tel qu’il est conté dans la littérature, à savoir les évangiles. «Cette chair faite de passions, d’émotions, de sentiments, de récits concrets, de mains qui touchent et guérissent, de regards qui libèrent et encouragent, d’hospitalité, de pardon, d’indignation, de courage, d’intrépidité: en un mot, d’amour.» Fréquenter la littérature, c’est fréquenter la chair, en l’occurrence ici celle du Christ lui-même.

Ce que développe le lecteur

Par la littérature, le lecteur développe l’intelligence du cœur. Une intelligence qui va donc au-delà de la compilation froide de connaissances et du simple ressenti qui place l’émotivité en reine. Voir son émotion comme celle d’autrui tout en élevant son regard sur celle-ci par sa culture et ses connaissances; c’est l’aptitude du cœur intelligent. Ainsi, le pape invite à combattre l’incapacité émotionnelle à grands coups de littérature.

Le lecteur se laisse toucher au cœur par la littérature et apprend par là à toucher au cœur à son tour. Compétence fondamentale pour ceux qui se veulent porteurs d’une Bonne Nouvelle, mais aussi évidemment pour tout artiste, professeur ou journaliste. En somme pour tous ceux qui ont un trésor à transmettre à travers les mots.

Le lecteur devient encore éclaireur en fréquentant assidûment sa bien-aimée littérature. Il parvient à mettre en lumière qui il est et ce qu’il perçoit d’autrui. Il apprend à poser le regard sur sa propre histoire, à travers tant d’histoires, à faire la lumière sur une part de ses mystères, à reconnaître ses forces, les moteurs qui l’ont poussé, à reconnaître ses faiblesses. Le lecteur découvre et bâtit en même temps le sens de sa vie. Il apprend à se connaître. N’est-ce pas là tout l’objectif d’une autre discipline fondamentale que l’on appelle philosophie?

Poser le regard, oui, mais aussi écouter. François citant Borges, qu’il connaissait personnellement, rappelle que ce dernier encourageait ses étudiants en leur disant que même s’ils ne comprenaient rien à ce qu’ils lisaient, au moins ils entendraient la voix de quelqu’un. «Ecouter la voix de quelqu’un»: un apprentissage à l’écoute de soi, des autres, contre l’auto-isolement néfaste à toute relation, inclue à celle que le chrétien cherche à nouer avec son Dieu.

La littérature est aussi pour le lecteur une école de discernement. En sachant relire sa propre histoire, ce dernier apprend à connaître d’où il vient. C’est en sachant d’où il vient, qu’il peut choisir où il veut aller. Un grand classique peut-il aider davantage que des statistiques ou d’autres projections et calculs d’intérêts à se diriger à des moments décisifs de la vie? Je le crois.

Tout grand choix se fait seul, malgré l’écoute de ses proches. Personne ne peut vivre ma propre vie à ma place, et donc en prendre les grandes résolutions. Le lecteur développe, pour cet aspect, une aptitude à l’autonomie. Il apprend à cultiver ses joies à l’aide des victoires de héros littéraires mais aussi à traverser la désolation avec les auteurs tragiques. S’il est bon de voir un ami lorsqu’on est triste, comme nous le rappelions dans un récent article sur la tristesse, il est nécessaire aussi de savoir faire face à ses drames sans compter sans cesse sur le secours d’autrui, si ce n’est de Dieu qui invite à trouver Ses ressources en soi. Pour cela, rien de tel que de pleurer avec la tragédie et rire avec la comédie. Le vrai lecteur, en fait, ne connaît jamais la solitude. 

Le lecteur sait affronter son propre drame, mais apprend aussi à s’émouvoir de celui d’autrui. Compétence fondamentale qui est développée par la littérature: voir à travers les yeux d’autrui. Sans savoir se mettre à la place de l’autre, il n’y a pas d’empathie. Voilà un sentiment à cultiver avant tous les autres dans les relations sociales, sans quoi il n’y a jamais de réelle ouverture à l’autre, et on en devient narcissique et isolé. Le pape revient à plusieurs reprises dans son texte sur cette aptitude, tant elle est centrale. Un chrétien sans empathie est au mieux un naïf qui croit à des fables dans un vieux livre. Si elle n’est pas accueillie dans sa propre existence, méditée profondément et vécue, la Parole de Dieu est vaine.

François évoque enfin le pouvoir spirituel du lecteur. «Le pouvoir spirituel de la littérature rappelle en définitive la tâche première confiée par Dieu à l’homme: celle de “nommer” les êtres et les choses. La mission de gardien de la création, assignée par Dieu à Adam, passe avant tout par la reconnaissance de sa propre réalité et du sens de l’existence des autres êtres.» Nulle façon de l’exprimer de manière plus brillante… Le lecteur est ainsi investi d’une mission divine, celle de nommer les choses, et donc de créer à son tour. 

Le pape a lancé un appel à lire et à s’ouvrir au monde. Tout athée qu’on puisse être, qu’y a-t-il à perdre à se laisser transcender par cette parole, répondre à l’appel, choisir un livre, s’y plonger et apprendre à se connaître? Bonne lecture!


La lettre du pape à lire dans son intégralité

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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

3 Commentaires

@simone 06.09.2024 | 19h27

«Vive la littérature! Pas d'humanisme sans littérature!»


@Marie Madeleine 07.09.2024 | 09h50

«Merci Loris, oui nous sommes acteurs, interlocuteurs sur l'immense scène du monde. Nous sommes appelés à entrer en dialogue avec le Créateur et nos paires. Le Pape (et toi-même) vous le soulignez si bien. Dieu se fait Parole, aussi cette humaine, cette littéraire. Quelle audace, quelle confiance inouie!
Merci de nous rappeler ce mystère !
Marie Madeleine »


@willoft 09.09.2024 | 19h33

«Je pensai à vous, à l'heure où le venin du monde est en train de sortir contre l'abbé Pierre.
Pauvre monde...!»