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Culture

Culture / Une sainte putain et un auteur touché par la grâce


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«Stella et l’Amérique», Joseph Incardona, Editions Finitude, 224 pages.



Alors que la plupart des auteurs et des autrices de romans policiers suisses font dans le local et le régional, Joseph Incardona, lui, emmène ses lecteurs en Amérique. Aux USA, donc, là où est né le roman noir dans les années 1920, celui de Hammett et de Chandler. Incardona sait raconter ce genre d’histoires. Sa Stella est une prostituée qui fait des miracles. Qui pénètre son vagin guérit. Le Vatican prend ça plutôt mal. L’Eglise catholique aime les saintes, pas les putains, ce n’est pas son moindre défaut. Il faut donc éliminer Stella − en martyre elle sera plus présentable − et deux tueurs sont envoyés à sa poursuite. Je ne vous raconte pas la suite, ça se savoure en solitaire. L’éditeur se réfère à Tarantino et aux frères Coen, c’est vendeur. Joseph Incardona, lui, n’oublie pas que, bien qu’auteur de romans policiers il n’en est pas moins un écrivain – comme quiconque écrit des livres, nous en parlerons une autre fois. Un écrivain donc, mais un de ceux qui construisent une œuvre – ce n’est pas un choix, ça se fait à force de tremper sa plume dans ce qui rend vivant, de chercher au fond de la mine, de lancer des bouteilles à la mer, de scruter les étoiles. Alors il ne peut pas juste raconter une bonne histoire en faisant semblant que ça ne s’inscrit pas dans le spectacle de quelque chose. Il se met en scène, dévoile les coulisses… Ça s’appelle la métatextualité, je crois, et ça peut être lourd. Pas avec Joseph Incardona. Avec lui, ça ajoute de la grâce, allez savoir comment il fait… A propos de grâce, il y a dans Stella un de ces passages qui restent longtemps à l’esprit, qui font qu’on aime lire à la folie et que la vie est belle: «Stella s’assit sur la lunette miniature des waters, son jet d’urine raisonna sur le fer-blanc de la cuvette, ce qui la fit rire. Un éclat sonore allant rejoindre celui du soleil qui brillait à 149,6 millions de kilomètres de là. Car la vie, n’est-ce pas? Et la beauté du monde d’une fille urinant dans le matin bleu. C’est pour cela qu’il faut prendre tout ce qu’on peut. Avec humilité et reconnaissance. Avec patience.» La grâce, je vous le disais.         

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