Culture / Marcel Bascoulard, dessinateur inspiré et irréductible clochard
A gauche, Marcel Bascoulard. A droite, un de ses dessins: Eglise Saint-Martin à Clamecy, non daté, encre et lavis. © Les Cahiers dessinés
La Butte d’Archelet, non daté, encre et lavis. © Les Cahiers dessinés
Marcel Bascoulard. © Les Cahiers dessinés
La cathédrale de nuit, 1959, encre et lavis. © Les Cahiers dessinés
Marcel Bascoulard. © Les Cahiers dessinés
Chemin de fer économique, prairie Saint-Sulpice, 1954, encre. © Les Cahiers dessinés
Vue du parvis depuis la rue Porte-Jaune, 1949, encre. © Les Cahiers dessinés
Marcel Bascoulard. © Les Cahiers dessinés
Il portait des robes, vivait en marginal, insoumis; il dessinait, encore et encore. Les Cahiers Dessinés présentent la vie et l’œuvre de Marcel Bascoulard (1913-1978) dans un ouvrage richement illustré. Les dessins de Bascoulard procurent de formidables sensations, comme s’il avait dessiné méticuleusement un décor pour mieux nous en libérer, pour nous laisser enfin penser.
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C’est tout à fait réjouissant pour ses lecteurs, aussi pour celles et ceux qui, comme nous à Bon pour la tête, aiment passionnément les aventures éditoriales. Celle que mènent depuis dix ans Christine Mercier et Justin Favrod est exemplaire en plus d’être réussie. «Pour maintenir le niveau actuel de plus de 4100 abonnements, il nous faut en gagner un nouveau par jour. (…) Nous courons les marchés et les foires pour distribuer la revue et montrer que, loin de s’adresser aux spécialistes, elle ambitionne de distraire et de cultiver le plus grand nombre», explique Christine dans son édito. Et qui l'a vue en action sait qu’elle ne se paie pas de mots. 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Peut-être pas… Qui dit Noël, dit, entre autres, téléfilms de Noël et <a href="https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2024-12-06/cinq-choses-etonnantes-que-vous-ignorez-peut-etre-sur-les-telefilms-de-noel-e0034476-c288-4b47-beeb-f9a71a886c7d" target="_blank" rel="noopener"><em>Ouest France</em></a> en dévoile les dessous. «Ils utilisent de la fausse neige», révèle le quotidien français. Je citerais bien une fois de plus Guy Debord – «Tout ce qui était directement vécu s’est éloigné dans une représentation» – mais j’ai peur de lasser. Par contre, je vous encourage à chercher, cette année, ce qui sera par vous directement vécu durant les fêtes de Noël. Je suis prêt à tout entendre – surtout si c’est salace – mais à celles et ceux qui évoqueront la «magie de Noël» je demanderai des précisions et ne me contenterai pas de trucs éculés, de fausse neige. Ce d’autant qu’une pénurie de Pères Noël est annoncée par <a href="https://www.7sur7.be/monde/une-penurie-de-peres-noel-pointe-le-bout-de-son-nez-le-costume-ne-fait-plus-rever~aa80b843/" target="_blank" rel="noopener"><em>7sur7</em></a>: «En France, de nombreuses institutions ne parviennent pas à trouver de candidats prêts à endosser le célèbre costume rouge et blanc.» </p> <h3><strong>La faim est un moyen</strong></h3> <p>A propos de choses directement vécues, <a href="https://www.20min.ch/fr/story/antarctique-les-passagers-d-une-croisiere-de-luxe-entament-une-greve-de-la-faim-103229544" target="_blank" rel="noopener"><em>20 Minutes</em></a> annonce que «Les passagers d'une croisière de luxe entament une grève de la faim». Ils avaient dépensé entre 7000 et 11000 francs pour «découvrir les paysages époustouflants de l'Antarctique» mais des problèmes de moteur ont contraint le capitaine à renoncer à rejoindre la destination finale. La compagnie a proposé un remboursement de 50% mais des passagers russes ont décidé de faire la grève de la faim pour obtenir un remboursement complet. C’est justement en Russie qu’à eu lieu la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Gr%C3%A8ve_de_la_faim" target="_blank" rel="noopener">première grève de la faim</a> répertoriée, en 1878, à Saint-Pétersbourg, dans une prison où des détenus politiques voulaient ainsi protester contre des conditions de détention inhumaines. La grève de la faim étant plutôt – et paradoxalement – une arme de crève-la-faim, qui va prendre en pitié les passagers grévistes? Quoi qu’il en soit, il est réjouissant que le paquebot et ses passagers n’aient pas pu aller emmerder les manchots sur leur banquise.</p> <h3><strong>La religion capitaliste a son prophète</strong></h3> <p>Si les pingouins ont gagné en tranquillité, ce n’est pas le cas des vaches. Des chercheurs sont en train de mettre au point «une pilule miracle pour rendre les vaches moins polluantes», révèle <a href="https://www.20min.ch/fr/story/insolite-une-pilule-miracle-pour-rendre-les-vaches-moins-polluantes-103228880" target="_blank" rel="noopener"><em>20 Minutes</em></a>. Il s’agit d’éviter que celles-ci rotent du méthane en empêchant la formation de ce gaz dans leur système digestif. «Près de la moitié de l’augmentation de la température depuis l’ère industrielle vient du méthane. (…) Plusieurs industries et d’autres sources naturelles émettent ce gaz. Mais les vaches en expirent tellement que leur élevage à grande échelle est désormais considéré comme l’une des causes majeures du réchauffement climatique.» Aveuglés par un scientisme et un technosolutionnisme très capitaliste, ces chercheurs n’ont semble-t-il pas envisagé une autre solution, toute simple: produire moins de viande. 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Lorsqu’on regarde un dessin de Marcel Basscoulard, on est d’abord impressionné par sa précision. Chaque brique, chaque pavé, chaque touffe d’herbe est reproduit sur la feuille. Chaque fissure dans les façades, chaque nuage dans le ciel, chaque poteau télégraphique, chaque enseigne. La lumière est maîtrisée, comme l'est la perspective; les flaques d’eau semblent refléter la réalité. Oui, tout semble réel. Ensuite, arrive quelque chose d’étrange qu'on peine à définir. Il n’y a personne dans les dessins, pas d’être humain, pas d’animaux. Alors on y est projeté nous-même et là, la découverte est épatante, inspirante; ça bouge.
Bascoulard rend visible l’invisible1. Toute cette précision, cette minutie, ce réalisme formel nous emmènent dans une abstraction que l’on ressent d’abord par le mouvement. Ses dessins sont animés. La courbe d’un chemin provoque une sensation tout à la fois mentale et somatique, la pente d’une route idem, une prairie inondée devient un miroir à traverser, la cathédrale de Bourges, un insecte ventru et goulu, repu des âmes des paroissiens dévorés. Les rues sont des méandres où l’on erre libérés d'un but à atteindre, les arbres sont les racines d’un monde inversé. C’est comme si Bascoulard avait répertorié chaque élément pour mieux nous faire voir un ensemble que d'habitude on ne perçoit pas, comme s’il avait compté les pavés pour mieux nous les faire oublier, comme s’il avait dessiné méticuleusement le décor pour mieux nous en désaliéner. Et si, en se perdant dans les détails de ses dessins, on se donnait la chance de nous perdre nous-même dans notre pensée?
Marcel Bascoulard était un homme hors du commun, un grand artiste, un clochard malodorant, un marginal qui se travestissait en femme, un penseur, un poète, un voyant. Le formidable livre publié par Les Cahiers Dessinés − Bascoulard, dessinateur virtuose, clochard magnifique, femme inventée − permet de le découvrir, à travers ses dessins, des photos, dix-neuf lettres inédites de Bascoulard à celui qu’il appelait son «Maître», un certain Joseph de la Nézière, artiste de quarante ans son aîné, et aussi à travers le texte du meilleur connaisseur actuel de la vie de l’artiste, Patrick Martinat.
L'enfance, puis un drame
Marcel-Armand Bascoulard est né le 10 février 1913, dans le Cher; il a une grande sœur, Marie-Julie. On sait peu de choses sur son enfance: son père part à la guerre et en revient, sa mère dit de son mari qu’il est «maussade, grincheux et sournois», le quitte puis reprend la vie commune, tombe une nouvelle fois enceinte d’un garçon, Roger. La famille s’installe près de Bourges, le père fait le maçon. Le petit Marcel commence tôt à dessiner, il est fasciné par les locomotives qu’il observe longuement à la gare plutôt que de rentrer chez lui manger à midi. A 17 ans, il obtient son Brevet élémentaire avec deux ans de retard, quitte l’école et commence à vendre ses dessins. Il se voit bien conduire des locomotives mais doit attendre d’avoir fait son service militaire pour être recruté. En attendant, il dessine, encore et encore.
Marcel Bascoulard a 19 ans quand, le 25 septembre 1932, sa mère tue son père d’un coup de revolver puis est internée dans un institut psychiatrique. Durant toute son existence Bascoulard vouera un amour inconditionnel à celle qui lui a donné la vie et il exprimera dans plusieurs poèmes son aversion pour «la paternelle hargne». En 1933, il est déclaré inapte au service militaire et doit donc dire adieu à sa carrière de conducteur de locomotive. Il va s’installer à Bourges, où il vit comme un clochard. Surtout, il continue de dessiner, encore et encore. Un architecte le remarque et le fait entrer à l’école des Beaux-Arts. L’élève Bascoulard est rétif à l’enseignement, n’en fait qu’à sa tête, ne suit aucune règle académique, abandonne très vite les cours. C’est en autodidacte qu’il va se former et acquérir son époustouflante technique.
Excentrique et rebelle
En 1940, il a 27 ans et l’arrivée des Allemands ne semble pas le bouleverser. «Entre 1940 et 1942, Bascoulard s’est installé dans son personnage excentrique et rebelle. Il a adopté un vêtement féminin dans la vie de tous les jours», raconte Patrick Martinat. Pourquoi s’habille-t-il en femme? «Si je me promène en tenue féminine, c’est que j’est me [sic] cette tenue plus esthétique. Pour les besoin de l’art, lorsque je revêts la tenue féminine, je prends avec moi mon appareil photographique et je fais des clichés de moi-même par des gens de connaissance», répond Bascoulard. En 1942, il est arrêté par les Allemands pour atteinte à la décence publique. A peine sorti de prison, il se balade en ville vêtu d’une crinoline rose déchirée, un écriteau accroché dans le dos par un collier de ficelle avec l'inscription «J’emmerde la société», témoigne une habitante de Bourges. Il sera à nouveau brièvement incarcéré. En 1950, c’est un brigadier français qui verbalise et signale Bascoulard aux autorités; il est alors placé sous surveillance spéciale par la police de sûreté, ce d’autant qu’il porte parfois une pancarte sur laquelle sont inscrits «des propos antimilitaristes et injurieux».
Penser plutôt que vivre confortablement
Bascoulard vit de peu, dans des conditions précaires, ayant pour seul revenu celui que lui procure la vente de ses œuvres qu’il cède à très bon prix ou échange. Depuis la fin des années quarante, il s’est mis à l’encre de Chine et la qualité de ses dessins lui valent un début de reconnaissance. On lui commande des vues de Bourges. En parallèle, il étudie mille choses, développe et cultive sa pensée. En 1952, un journaliste du Berry républicain lui consacre quatre longs articles, l’occasion d’en savoir un peu plus. Chez Bascoulard, il n’y a qu’une chaise cassée, des livres, des croutons de pain, un lit de planches, des toiles d’araignée sur l’unique fenêtre. Il n’y a pas de cuisine, juste un réchaud à pétrole posé à même le sol. L’artiste déclare manger du pain, des fruits, parfois un peu de viande qu’il partage avec son chat, et boire trois quarts de litre de lait par jour. Le journaliste écrit: «Au lieu de se laver les pieds, il assimile un verbe irrégulier allemand, au lieu de se raser, il compose une strophe, au lieu de balayer, il lit une page de Goethe.» Et Bascoulard précise: «A trente-neuf ans, je n’ai que des ambitions intellectuelles. Je lis beaucoup, je suis libre-penseur, antimilitariste, et ma tenue extérieure témoigne du mépris que je nourris pour la foule vulgaire. Ma doctrine est le scientisme. Je consacre le moins de temps possible aux futilités de la vie ordinaire.» Il déclare étudier simultanément l’anglais, l’allemand et le russe. Préférer l’hiver à l’été, ne pas s’intéresser aux femmes, être «trop propre» pour faire de la politique…
Le plaisir visuel
Dans une de ses lettres à Joseph de la Nézière, Marcel Bascoulard écrit: «Je passerais bien la moitié du temps à bouquiner si la vie le permettait toujours. Un livre est un ami si docile! Il fait oublier les peines!» Dans une archives télévisée (voir en fin d'article), Marcel Bascoulard déclare: «J’ai toujours eu comme leitmotiv de mon existence le plaisir visuel. Ce plaisir visuel a été servi par ce tempérament d’indépendance dont je ne me suis jamais départi. Ce qui m’a incité à toujours être seul pour mieux observer et, alors, pour mieux penser.» Voilà sans doute révélé, en partie, l’art de Bascoulard: le plaisir visuel obtenu par l’observation allée à la pensée, comme la mer est allée avec le soleil dans L’Eternité de Rimbaud.
Le 12 janvier 1978, à Asnières-lès-Bourges où il vit dans une cabine de camion vaguement aménagée, Marcel Bascoulard, âgé de 65 ans, est assassiné, étranglé par un jeune marginal qui peine à expliquer son geste. Six cents personnes assistent à l’enterrement du clochard magnifique, du dessinateur virtuose.
Marcel Bascoulard est mort, ses dessins sont toujours en mouvement.
1Voir Gilles Deleuze, Sur la peinture
«Bascoulard, dessinateur virtuose, clochard magnifique, femme inventée», texte de Patrick Martinat, Les Cahiers Dessinés, 384 p., seconde édition revue et augmentée.
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Comme toutes les chaînes régionales, elle donne d’intéressantes indications sociologiques sur qui nous sommes, nous les Romands.</p> <p>Prenons par exemple l’émission <em>Oui Chef Académie</em>, dont la finale a lieu ce dimanche 15 décembre –tous les épisodes restent en dégustation libre sur le site de <a href="https://latele.ch/emissions/oui-chef-academie" target="_blank" rel="noopener"><em>La Télé</em></a>. Huit jeunes cuisiniers de Suisse romande se sont affrontés durant plusieurs semaines dans des épreuves culinaires, sous le regard attentif des chefs Guy Ravet et Christian Segui, secondés par d’autres personnalités de la gastronomie romande. Une sorte de <a href="https://www.m6.fr/top-chef-p_872" target="_blank" rel="noopener"><em>Top Chef</em></a> à la sauce d’ici. 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Mais <em>Oui Chef Académie</em> montre ainsi beaucoup mieux la réalité – et le manque d’intérêt? – des concours que le clinquant programme français.</p> <p>Moins l’économie donne de pain à nos voisins français et plus leurs chaînes de télévision leur donnent des jeux. En Suisse, il semble que ce soit l’inverse. 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C’est tout à fait réjouissant pour ses lecteurs, aussi pour celles et ceux qui, comme nous à Bon pour la tête, aiment passionnément les aventures éditoriales. Celle que mènent depuis dix ans Christine Mercier et Justin Favrod est exemplaire en plus d’être réussie. «Pour maintenir le niveau actuel de plus de 4100 abonnements, il nous faut en gagner un nouveau par jour. (…) Nous courons les marchés et les foires pour distribuer la revue et montrer que, loin de s’adresser aux spécialistes, elle ambitionne de distraire et de cultiver le plus grand nombre», explique Christine dans son édito. Et qui l'a vue en action sait qu’elle ne se paie pas de mots. 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Peut-être pas… Qui dit Noël, dit, entre autres, téléfilms de Noël et <a href="https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2024-12-06/cinq-choses-etonnantes-que-vous-ignorez-peut-etre-sur-les-telefilms-de-noel-e0034476-c288-4b47-beeb-f9a71a886c7d" target="_blank" rel="noopener"><em>Ouest France</em></a> en dévoile les dessous. «Ils utilisent de la fausse neige», révèle le quotidien français. Je citerais bien une fois de plus Guy Debord – «Tout ce qui était directement vécu s’est éloigné dans une représentation» – mais j’ai peur de lasser. Par contre, je vous encourage à chercher, cette année, ce qui sera par vous directement vécu durant les fêtes de Noël. Je suis prêt à tout entendre – surtout si c’est salace – mais à celles et ceux qui évoqueront la «magie de Noël» je demanderai des précisions et ne me contenterai pas de trucs éculés, de fausse neige. 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Les Cahiers Dessinés présentent la vie et l’œuvre de Marcel Bascoulard (1913-1978) dans un ouvrage richement illustré. 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