Analyse / Données personnelles: comment nous avons peu à peu accepté d’en perdre le contrôle
La génération née entre le début des années 1980 et le milieu des années 1990, plus optimiste face au développement des technologies abandonne probablement plus facilement une part de contrôle sur ses données personnelles. Unsplash, CC BY
Dans quelle mesure les différentes générations sont-elles plus ou moins sensibles à la notion de surveillance? Un regard sur les personnes nées au tournant des années 80 et 90 montre que ces dernières abandonnent probablement plus facilement une part de contrôle sur les données personnelles et n’ont sans doute pas eu totalement conscience de leur grande valeur.
Yoann Nabat, Université de Bordeaux
Peut-être qu’à l’approche des Jeux olympiques de Paris, avez-vous vaguement protesté lors de la mise en place d’un fichier vidéo algorithmique ? Et puis avez-vous haussé les épaules : un fichier de plus. Peut-être par résignation ou par habitude ? Comme d’autres, vous avez peut-être aussi renseigné sans trop vous poser de questions votre profil MySpace ou donné votre « ASV » (âge, sexe, ville) sur les chats Caramail au tournant des années 1990-2000 et encore aujourd’hui vous cliquez quotidiennement sur « valider les CGU » (conditions générales d'utilisation) sans les lire ou sur « accepter les cookies » sans savoir précisément ce que c’est.
En effet, peut-être, faites-vous partie de ce nombre important d’individus nés entre 1979 et 1994 et avez-vous saisi au vol le développement de l’informatique et des nouvelles technologies. Et ce, sans forcément vous attarder sur ce que cela impliquait sur le plan de la surveillance des données que vous avez accepté de partager avec le reste du monde…
World Wide Web
Pour se convaincre de l’existence de cette habitude rapidement acquise, il suffit d’avoir en tête les grandes dates de l’histoire récente de l’informatique et d’Internet : Apple met en 1983 sur le marché le premier ordinateur utilisant une souris et une interface graphique, c’est le Lisa.
Puis le World Wide Web est inventé par Tim Berners-Lee en 1989, 36 millions d’ordinateurs sont connectés à Internet en 1996, Google est fondé en 1998 et Facebook est lancé en 2004. L’accélération exponentielle d’abord des machines elles-mêmes, puis des réseaux et enfin du partage de données et de la mobilité a suivi de très près les millennials.
La génération précédente, plus âgée, a parfois moins l’habitude de ces outils ou s’est battue contre certaines dérives initiales, notamment sécuritaires. La suivante, qui a été plongée immédiatement dans un monde déjà régi par l’omniprésence d’Internet et des réseaux, en connaît plus spontanément les risques (même si elle n’est pas nécessairement plus prudente).
Comment habiter ce monde en crise, comment s’y définir, s’y engager, y faire famille ou société ? Notre nouvelle série « Le monde qui vient » explore les aspirations et les interrogations de ceux que l’on appelle parfois les millennials. Cette génération, devenue adulte au tournant du XXIe siècle, compose avec un monde surconnecté, plus mobile, plus fluide mais aussi plus instable.
À lire aussi : Les amis, notre nouvelle famille ?
Un certain optimisme face à l’informatique
Probablement du fait de ce contexte, la génération née entre le début des années 1980 et le milieu des années 1990 est aussi celle qui est la plus optimiste face au développement des technologies.
Cet état de fait apparaît d’autant plus clairement que la « génération Z », plus jeune, est marquée généralement par une plus grande apathie voire un certain pessimisme notamment quant au devenir des données personnelles.
En effet, aujourd’hui, les plus jeunes, déjà très habitués à l’usage permanent des réseaux sociaux et aux surveillances de toute part, se trouvent très conscients de ses enjeux mais font montre d’une forme de résignation. Celle-ci se traduit notamment par le « privacy paradox » mis en lumière par certains sociologues et qui se traduit par une tendance paradoxale à se réclamer d’une défense de la vie privée tout en exposant très largement celle-ci volontairement par l’utilisation des réseaux sociaux.
A contrario, cette confiance en la technologie se manifeste spécialement par une forme de techno-optimisme, y compris lorsqu’il s’agit de l’usage de données personnelles. Cet état d’esprit se traduit dans de nombreux domaines : lorsqu’il s’agit de l’usage des données de santé par exemple ou plus généralement quant à l’utilisation des technologies pour régler des problèmes sociaux ou humains comme le réchauffement climatique.
La priorisation de valeurs différentes
Cet optimisme est aussi visible lorsqu’il s’agit d’évoquer les fichiers policiers ou administratifs. S’il n’existe pas de données précises sur l’acceptation des bases de données sécuritaires par chaque tranche d’âge, il n’en demeure pas moins que la génération des 30-45 ans n’est plus celle de l’affaire Safari dont l’éclatement, après la révélation d’un projet de méga-fichier par le ministère de l’Intérieur, a permis la naissance de la CNIL.
Cette génération a, au contraire, été marquée par des événements clés tels que les attentats du 11 septembre 2001 ou la crise économique de 2009.
La CNIL fête ses 40 ans.
Ces événements, et plus généralement le climat dans lequel cette génération a grandi et vit aujourd’hui, la conduisent à être, d’après les études d’opinion récentes, plus sensible aux questions de sécurité que d’autres. Elle entretient ainsi un rapport différent à la sécurité, moins encline à subir des contrôles d’identité répétés (qui sont bien plus fréquents chez les plus jeunes) mais plus inquiète pour l’avenir et plus sensible aux arguments sécuritaires.
Cet état d’esprit favorise en conséquence une plus grande acceptation encore des fichiers et aux dispositifs de sécurité qui sont perçus comme des outils nécessaires à l’adaptation aux nouvelles formes de délinquance et de criminalité, par exemple à l’occasion de l’organisation des futurs Jeux olympiques et paralympiques en France ou rendus utiles pour permettre la gestion d’une pandémie comme celle du Covid-19.
De l’acceptation à l’accoutumance
Les deux phénomènes – optimisme face au développement des technologies et sensibilité à la question sécuritaire – sont d’autant plus inextricables qu’il existe un lien important entre usages individuels et commerciaux des technologies d’une part et usages technosécuritaires d’autre part. En effet, les expériences en apparence inoffensives de l’utilisation récréative ou domestique des technologies de surveillance (caméras de surveillance, objets connectés, etc.) favorisent l’acceptabilité voire l’accoutumance à ces outils qui renforcent le sentiment de confort tant personnel que sécuritaire.
La génération des trentenaires et quadra actuelle, très habituée au développement des technologies dans tous les cadres (individuels, familiaux, professionnels, collectifs, etc.) et encore très empreinte du techno-optimisme de l’explosion des possibilités offertes par ces outils depuis les années 1990 est ainsi plus encline encore que d’autres à accepter leur présence dans un contexte de surveillance de masse.
Cet état d’esprit favorise en conséquence une plus grande acceptation encore des fichiers et aux dispositifs de sécurité qui sont perçus comme des outils nécessaires à l’adaptation aux nouvelles formes de délinquance et de criminalité. Maxim Hopman/Unsplash, CC BY-NC-ND
La pénétration très importante de ces dispositifs dans notre quotidien est telle que le recours aux technologies même les plus débattues comme l’intelligence artificielle peut sembler à certains comme le cours normal du progrès technique. Comme pour toutes les autres générations, l’habituation est d’autant plus importante que l’effet cliquet conduit à ne jamais – ou presque – remettre en cause des dispositifs adoptés.
L’existence de facteurs explicatifs
Partant, la génération des 30-45 ans, sans doute bien davantage que celle qui la précède (encore marquée par certains excès ou trop peu familiarisée à ces questions) que celle qui la suit (davantage pessimiste) développe une forte acceptabilité des dispositifs de surveillance de tous horizons. En cela, elle abandonne aussi probablement une part de contrôle sur les données personnelles dont beaucoup n’ont sans doute pas totalement conscience de la grande valeur.
Au contraire, les réglementations (à l’image du Règlement général sur la protection des données adopté en 2016 et appliqué en 2018) tentant de limiter ces phénomènes sont parfois perçues comme une source d’agacement au quotidien voire comme un frein à l’innovation.
Sur le plan sécuritaire, l’acceptabilité de ces fichages, perçus comme nécessaires pour assurer la sécurité et la gestion efficace de la société, pose la question de la confiance accordée aux institutions. Or, là encore, il semble que la génération étudiée soit moins à même de présenter une défiance importante envers la sphère politique comme le fait la plus jeune génération.
Demeurent très probablement encore d’autres facteurs explicatifs qu’il reste à explorer au regard d’une génération dont l’état d’esprit relativement aux données personnelles est d’autant plus essentiel que cette génération est en partie celle qui construit le droit applicable aujourd’hui et demain en ces matières.
Yoann Nabat, Enseignant-chercheur en droit privé et sciences criminelles, Université de Bordeaux
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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Comme d’autres, vous avez peut-être aussi renseigné sans trop vous poser de questions votre profil MySpace ou donné votre « ASV » (âge, sexe, ville) sur les chats Caramail au tournant des années 1990-2000 et encore aujourd’hui vous cliquez quotidiennement sur « valider les CGU » (conditions générales d'utilisation) sans les lire ou sur « accepter les cookies » sans savoir précisément ce que c’est.</p> <p>En effet, peut-être, faites-vous partie de ce nombre important d’individus nés entre 1979 et 1994 et avez-vous saisi au vol le développement de l’informatique et des nouvelles technologies. Et ce, sans forcément vous attarder sur ce que cela impliquait sur le plan de la surveillance des données que vous avez accepté de partager avec le reste du monde…</p> <h3>World Wide Web</h3> <p>Pour se convaincre de l’existence de cette habitude rapidement acquise, il suffit d’avoir en tête les grandes dates de l’histoire récente de l’informatique et d’Internet : Apple met en 1983 sur le marché le premier ordinateur utilisant une souris et une interface graphique, <a href="https://www.macg.co/aapl/2019/11/quand-apple-france-presentait-la-souris-de-lisa-en-1983-109435">c’est le Lisa</a>.</p> <p>Puis le World Wide Web est <a href="https://home.cern/fr/science/computing/birth-web">inventé par Tim Berners-Lee en 1989</a>, <a href="https://www.c3iparis.fr/histoire-internet/">36 millions d’ordinateurs sont connectés à Internet en 1996</a>, Google est <a href="https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2018/09/27/32001-20180927ARTFIG00001-google-a-20-ans-1998-cette-annee-si-speciale-pour-l-industrie-des-nouvelles-technologies.php">fondé en 1998</a> et Facebook <a href="https://www.europe1.fr/technologies/En-2004-Facebook-ressemblait-a-ca-643360">est lancé en 2004</a>. L’accélération exponentielle d’abord des machines elles-mêmes, puis des réseaux et enfin du partage de données et de la mobilité a suivi de très près les millennials.</p> <p>La génération précédente, plus âgée, a parfois moins l’habitude de ces outils <a href="https://sites.ina.fr/cnil/focus/chapitre/2/medias">ou s’est battue contre certaines dérives initiales, notamment sécuritaires</a>. La suivante, qui a été plongée immédiatement dans un monde déjà régi par l’omniprésence d’Internet et des réseaux, en connaît plus spontanément les risques (même si elle n’est pas nécessairement plus prudente).</p> <hr /> <p><em>Comment habiter ce monde en crise, comment s’y définir, s’y engager, y faire famille ou société ? Notre nouvelle série « Le monde qui vient » explore les aspirations et les interrogations de ceux que l’on appelle parfois les millennials. Cette génération, devenue adulte au tournant du XXI<sup>e</sup> siècle, compose avec un monde surconnecté, plus mobile, plus fluide mais aussi plus instable.</em></p> <p><em>À lire aussi : <a href="https://theconversation.com/les-amis-notre-nouvelle-famille-217162">Les amis, notre nouvelle famille ?</a></em></p> <hr /> <h3>Un certain optimisme face à l’informatique</h3> <p>Probablement du fait de ce contexte, la génération née entre le début des années 1980 et le milieu des années 1990 est aussi celle qui est la plus optimiste face au développement des technologies.</p> <p>Cet état de fait apparaît d’autant plus clairement que la « génération Z », plus jeune, est <a href="https://www.alrc.gov.au/publication/for-your-information-australian-privacy-law-and-practice-alrc-report-108/67-children-young-people-and-attitudes-to-privacy/generational-differences-in-attitudes-to-privacy/">marquée généralement par une plus grande apathie voire un certain pessimisme</a> notamment quant au devenir des données personnelles.</p> <p>En effet, aujourd’hui, les plus jeunes, déjà très habitués à l’usage permanent des réseaux sociaux et aux surveillances de toute part, se trouvent très conscients de ses enjeux mais font montre d’une forme de résignation. Celle-ci se traduit notamment par le « privacy paradox » <a href="https://www.jstor.org/stable/44820900">mis en lumière par certains sociologues</a> et qui se traduit par une tendance paradoxale à se réclamer d’une défense de la vie privée tout en exposant très largement celle-ci volontairement par l’utilisation des réseaux sociaux.</p> <p>A contrario, cette confiance en la technologie se manifeste spécialement par une forme de techno-optimisme, y compris lorsqu’il s’agit de <a href="https://journals.openedition.org/ress/623">l’usage de données personnelles</a>. Cet état d’esprit se traduit dans de nombreux domaines : lorsqu’il s’agit de <a href="https://acteurspublics.fr/articles/sondage-pour-2-francais-sur-3-le-numerique-est-une-priorite-pour-ameliorer-notre-systeme-de-sante">l’usage des données de santé</a> par exemple ou plus généralement quant à l’utilisation des technologies pour régler des problèmes sociaux ou humains <a href="https://www-cairn-info.docelec.u-bordeaux.fr/revue-green-2022-1-page-27.htm">comme le réchauffement climatique</a>.</p> <h3>La priorisation de valeurs différentes</h3> <p>Cet optimisme est aussi visible lorsqu’il s’agit d’évoquer les <a href="https://theconversation.com/fiches-s-et-autres-fichiers-de-police-de-quoi-parle-t-on-vraiment-148640">fichiers policiers ou administratifs</a>. S’il n’existe pas de données précises sur l’acceptation des bases de données sécuritaires par chaque tranche d’âge, il n’en demeure pas moins que la génération des 30-45 ans n’est plus <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/high-tech/data/sous-giscard-la-creation-de-la-cnil-apres-un-safari_149753">celle de l’affaire Safari</a> dont l’éclatement, après la révélation d’un projet de méga-fichier par le ministère de l’Intérieur, <a href="https://www.gouvernement.fr/partage/9870-creation-de-la-commission-nationale-de-l-informatique-et-des-libertes-cnil">a permis la naissance de la CNIL</a>.</p> <p>Cette génération a, au contraire, été marquée par des événements clés tels que les attentats du 11 septembre 2001 ou la crise économique de 2009.</p> <h4><iframe frameborder="0" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/i_k8ozkY2I4?wmode=transparent&start=0" width="440"></iframe></h4> <h4><em><span>La CNIL fête ses 40 ans.</span></em></h4> <p>Ces événements, et plus généralement le climat dans lequel cette génération a grandi et vit aujourd’hui, la conduisent à être, d’après les études d’opinion récentes, <a href="https://www.leparisien.fr/politique/notre-grande-enquete-sur-les-francais-la-famille-et-la-securite-au-coeur-de-leurs-preoccupations-21-10-2023-FOGHMCJXUNEKZLYAJJOENJMKLM.php">plus sensible aux questions de sécurité que d’autres</a>. 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En effet, les expériences en apparence inoffensives de l’utilisation récréative ou domestique des technologies de surveillance (caméras de surveillance, objets connectés, etc.) favorisent l’acceptabilité voire l’accoutumance à ces outils qui renforcent le sentiment de confort <a href="https://esprit.presse.fr/actualites/asma-mhalla/un-etat-de-surveillance-permanent-43127">tant personnel que sécuritaire</a>.</p> <p>La génération des trentenaires et quadra actuelle, très habituée au développement des technologies dans tous les cadres (individuels, familiaux, professionnels, collectifs, etc.) et encore très empreinte du techno-optimisme de l’explosion des possibilités offertes par ces outils depuis les années 1990 est ainsi plus encline encore que d’autres à accepter leur présence <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/zoom-zoom-zen/zoom-zoom-zen-du-mardi-04-avril-2023-7028156">dans un contexte de surveillance de masse</a>.</p> <h4><img src="https://images.theconversation.com/files/563313/original/file-20231204-29-jez5b.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" alt="" /></h4> <h4><em><span>Cet état d’esprit favorise en conséquence une plus grande acceptation encore des fichiers et aux dispositifs de sécurité qui sont perçus comme des outils nécessaires à l’adaptation aux nouvelles formes de délinquance et de criminalité.</span> <span><a href="https://www.moon-event.fr/les-nouvelles-tendances-technologies/maxim-hopman-iayklkmz6g0-unsplash/">Maxim Hopman/Unsplash</a>, <a href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></em></h4> <p>La <a href="https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/cge/barometre-numerique-2022.pdf?v=1675075293">pénétration très importante de ces dispositifs</a> dans notre quotidien est telle que le recours aux technologies même les plus débattues comme l’intelligence artificielle peut sembler à certains <a href="https://www.lepoint.fr/societe/menace-ou-progres-les-francais-face-a-l-intelligence-artificielle-18-04-2023-2516712_23.php">comme le cours normal du progrès technique</a>. Comme pour toutes les autres générations, l’habituation est d’autant plus importante que <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_cliquet">l’effet cliquet</a> conduit à ne jamais – ou presque – remettre en cause des dispositifs adoptés.</p> <h3>L’existence de facteurs explicatifs</h3> <p>Partant, la génération des 30-45 ans, sans doute bien davantage que celle qui la précède (encore marquée par certains excès ou trop peu familiarisée à ces questions) que celle qui la suit (davantage pessimiste) développe une forte acceptabilité des dispositifs de surveillance de tous horizons. 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Or, là encore, il semble que la génération étudiée soit moins à même de présenter une défiance importante envers la sphère politique <a href="https://etudiant.lefigaro.fr/les-news/actu/detail/article/83-des-jeunes-francais-n-ont-pas-confiance-en-la-politique-17729/">comme le fait la plus jeune génération</a>.</p> <p>Demeurent très probablement encore d’autres facteurs explicatifs qu’il reste à explorer au regard d’une génération dont l’état d’esprit relativement aux données personnelles est d’autant plus essentiel que cette génération est en partie celle qui construit le droit applicable aujourd’hui et demain en ces matières.<img src="https://counter.theconversation.com/content/218290/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/yoann-nabat-1128561">Yoann Nabat</a>, Enseignant-chercheur en droit privé et sciences criminelles, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/universite-de-bordeaux-2198">Université de Bordeaux</a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com"><em>The Conversation</em></a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/donnees-personnelles-comment-nous-avons-peu-a-peu-accepte-den-perdre-le-controle-218290">article original</a>.</h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'donnees-personnelles-comment-nous-avons-peu-a-peu-accepte-d-en-perdre-le-controle', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 63, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => 'https://theconversation.com/donnees-personnelles-comment-nous-avons-peu-a-peu-accepte-den-perdre-le-controle-218290', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 8, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'attachments' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, 'relatives' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) {}, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Post) {} ], 'embeds' => [], 'images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'audios' => [], 'comments' => [], 'author' => 'Bon pour la tête', 'description' => 'Dans quelle mesure les différentes générations sont-elles plus ou moins sensibles à la notion de surveillance? 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Comme d’autres, vous avez peut-être aussi renseigné sans trop vous poser de questions votre profil MySpace ou donné votre « ASV » (âge, sexe, ville) sur les chats Caramail au tournant des années 1990-2000 et encore aujourd’hui vous cliquez quotidiennement sur « valider les CGU » (conditions générales d'utilisation) sans les lire ou sur « accepter les cookies » sans savoir précisément ce que c’est.</p> <p>En effet, peut-être, faites-vous partie de ce nombre important d’individus nés entre 1979 et 1994 et avez-vous saisi au vol le développement de l’informatique et des nouvelles technologies. Et ce, sans forcément vous attarder sur ce que cela impliquait sur le plan de la surveillance des données que vous avez accepté de partager avec le reste du monde…</p> <h3>World Wide Web</h3> <p>Pour se convaincre de l’existence de cette habitude rapidement acquise, il suffit d’avoir en tête les grandes dates de l’histoire récente de l’informatique et d’Internet : Apple met en 1983 sur le marché le premier ordinateur utilisant une souris et une interface graphique, <a href="https://www.macg.co/aapl/2019/11/quand-apple-france-presentait-la-souris-de-lisa-en-1983-109435">c’est le Lisa</a>.</p> <p>Puis le World Wide Web est <a href="https://home.cern/fr/science/computing/birth-web">inventé par Tim Berners-Lee en 1989</a>, <a href="https://www.c3iparis.fr/histoire-internet/">36 millions d’ordinateurs sont connectés à Internet en 1996</a>, Google est <a href="https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2018/09/27/32001-20180927ARTFIG00001-google-a-20-ans-1998-cette-annee-si-speciale-pour-l-industrie-des-nouvelles-technologies.php">fondé en 1998</a> et Facebook <a href="https://www.europe1.fr/technologies/En-2004-Facebook-ressemblait-a-ca-643360">est lancé en 2004</a>. L’accélération exponentielle d’abord des machines elles-mêmes, puis des réseaux et enfin du partage de données et de la mobilité a suivi de très près les millennials.</p> <p>La génération précédente, plus âgée, a parfois moins l’habitude de ces outils <a href="https://sites.ina.fr/cnil/focus/chapitre/2/medias">ou s’est battue contre certaines dérives initiales, notamment sécuritaires</a>. La suivante, qui a été plongée immédiatement dans un monde déjà régi par l’omniprésence d’Internet et des réseaux, en connaît plus spontanément les risques (même si elle n’est pas nécessairement plus prudente).</p> <hr /> <p><em>Comment habiter ce monde en crise, comment s’y définir, s’y engager, y faire famille ou société ? Notre nouvelle série « Le monde qui vient » explore les aspirations et les interrogations de ceux que l’on appelle parfois les millennials. Cette génération, devenue adulte au tournant du XXI<sup>e</sup> siècle, compose avec un monde surconnecté, plus mobile, plus fluide mais aussi plus instable.</em></p> <p><em>À lire aussi : <a href="https://theconversation.com/les-amis-notre-nouvelle-famille-217162">Les amis, notre nouvelle famille ?</a></em></p> <hr /> <h3>Un certain optimisme face à l’informatique</h3> <p>Probablement du fait de ce contexte, la génération née entre le début des années 1980 et le milieu des années 1990 est aussi celle qui est la plus optimiste face au développement des technologies.</p> <p>Cet état de fait apparaît d’autant plus clairement que la « génération Z », plus jeune, est <a href="https://www.alrc.gov.au/publication/for-your-information-australian-privacy-law-and-practice-alrc-report-108/67-children-young-people-and-attitudes-to-privacy/generational-differences-in-attitudes-to-privacy/">marquée généralement par une plus grande apathie voire un certain pessimisme</a> notamment quant au devenir des données personnelles.</p> <p>En effet, aujourd’hui, les plus jeunes, déjà très habitués à l’usage permanent des réseaux sociaux et aux surveillances de toute part, se trouvent très conscients de ses enjeux mais font montre d’une forme de résignation. Celle-ci se traduit notamment par le « privacy paradox » <a href="https://www.jstor.org/stable/44820900">mis en lumière par certains sociologues</a> et qui se traduit par une tendance paradoxale à se réclamer d’une défense de la vie privée tout en exposant très largement celle-ci volontairement par l’utilisation des réseaux sociaux.</p> <p>A contrario, cette confiance en la technologie se manifeste spécialement par une forme de techno-optimisme, y compris lorsqu’il s’agit de <a href="https://journals.openedition.org/ress/623">l’usage de données personnelles</a>. Cet état d’esprit se traduit dans de nombreux domaines : lorsqu’il s’agit de <a href="https://acteurspublics.fr/articles/sondage-pour-2-francais-sur-3-le-numerique-est-une-priorite-pour-ameliorer-notre-systeme-de-sante">l’usage des données de santé</a> par exemple ou plus généralement quant à l’utilisation des technologies pour régler des problèmes sociaux ou humains <a href="https://www-cairn-info.docelec.u-bordeaux.fr/revue-green-2022-1-page-27.htm">comme le réchauffement climatique</a>.</p> <h3>La priorisation de valeurs différentes</h3> <p>Cet optimisme est aussi visible lorsqu’il s’agit d’évoquer les <a href="https://theconversation.com/fiches-s-et-autres-fichiers-de-police-de-quoi-parle-t-on-vraiment-148640">fichiers policiers ou administratifs</a>. S’il n’existe pas de données précises sur l’acceptation des bases de données sécuritaires par chaque tranche d’âge, il n’en demeure pas moins que la génération des 30-45 ans n’est plus <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/high-tech/data/sous-giscard-la-creation-de-la-cnil-apres-un-safari_149753">celle de l’affaire Safari</a> dont l’éclatement, après la révélation d’un projet de méga-fichier par le ministère de l’Intérieur, <a href="https://www.gouvernement.fr/partage/9870-creation-de-la-commission-nationale-de-l-informatique-et-des-libertes-cnil">a permis la naissance de la CNIL</a>.</p> <p>Cette génération a, au contraire, été marquée par des événements clés tels que les attentats du 11 septembre 2001 ou la crise économique de 2009.</p> <h4><iframe frameborder="0" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/i_k8ozkY2I4?wmode=transparent&start=0" width="440"></iframe></h4> <h4><em><span>La CNIL fête ses 40 ans.</span></em></h4> <p>Ces événements, et plus généralement le climat dans lequel cette génération a grandi et vit aujourd’hui, la conduisent à être, d’après les études d’opinion récentes, <a href="https://www.leparisien.fr/politique/notre-grande-enquete-sur-les-francais-la-famille-et-la-securite-au-coeur-de-leurs-preoccupations-21-10-2023-FOGHMCJXUNEKZLYAJJOENJMKLM.php">plus sensible aux questions de sécurité que d’autres</a>. Elle entretient ainsi un rapport différent à la sécurité, moins encline à subir des contrôles d’identité répétés (<a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/02/13/controles-d-identite-les-jeunes-7-fois-plus-controles-que-le-reste-de-la-population_5079101_4355770.html">qui sont bien plus fréquents chez les plus jeunes</a>) mais plus inquiète pour l’avenir et plus sensible aux arguments sécuritaires.</p> <p>Cet état d’esprit favorise en conséquence une plus grande acceptation encore des fichiers et aux dispositifs de sécurité qui sont perçus comme des outils nécessaires à l’adaptation aux nouvelles formes de délinquance et de criminalité, par exemple à <a href="https://leclaireur.fnac.com/article/237256-jo-2024-les-francais-largement-favorables-a-lutilisation-de-cameras-intelligentes/">l’occasion de l’organisation des futurs Jeux olympiques et paralympiques en France</a> ou rendus utiles pour <a href="https://www.liberation.fr/planete/2020/04/03/l-espace-public-quasi-militarise-devient-un-laboratoire-securitaire_1784168/">permettre la gestion d’une pandémie comme celle du Covid-19</a>.</p> <h3>De l’acceptation à l’accoutumance</h3> <p>Les deux phénomènes – optimisme face au développement des technologies et sensibilité à la question sécuritaire – sont d’autant plus inextricables qu’il existe un lien important entre usages individuels et commerciaux des technologies d’une part et usages <a href="https://theconversation.com/la-reconnaissance-faciale-du-deverrouillage-de-telephone-a-la-surveillance-de-masse-184484">technosécuritaires d’autre part</a>. En effet, les expériences en apparence inoffensives de l’utilisation récréative ou domestique des technologies de surveillance (caméras de surveillance, objets connectés, etc.) favorisent l’acceptabilité voire l’accoutumance à ces outils qui renforcent le sentiment de confort <a href="https://esprit.presse.fr/actualites/asma-mhalla/un-etat-de-surveillance-permanent-43127">tant personnel que sécuritaire</a>.</p> <p>La génération des trentenaires et quadra actuelle, très habituée au développement des technologies dans tous les cadres (individuels, familiaux, professionnels, collectifs, etc.) et encore très empreinte du techno-optimisme de l’explosion des possibilités offertes par ces outils depuis les années 1990 est ainsi plus encline encore que d’autres à accepter leur présence <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/zoom-zoom-zen/zoom-zoom-zen-du-mardi-04-avril-2023-7028156">dans un contexte de surveillance de masse</a>.</p> <h4><img src="https://images.theconversation.com/files/563313/original/file-20231204-29-jez5b.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" alt="" /></h4> <h4><em><span>Cet état d’esprit favorise en conséquence une plus grande acceptation encore des fichiers et aux dispositifs de sécurité qui sont perçus comme des outils nécessaires à l’adaptation aux nouvelles formes de délinquance et de criminalité.</span> <span><a href="https://www.moon-event.fr/les-nouvelles-tendances-technologies/maxim-hopman-iayklkmz6g0-unsplash/">Maxim Hopman/Unsplash</a>, <a href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></em></h4> <p>La <a href="https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/cge/barometre-numerique-2022.pdf?v=1675075293">pénétration très importante de ces dispositifs</a> dans notre quotidien est telle que le recours aux technologies même les plus débattues comme l’intelligence artificielle peut sembler à certains <a href="https://www.lepoint.fr/societe/menace-ou-progres-les-francais-face-a-l-intelligence-artificielle-18-04-2023-2516712_23.php">comme le cours normal du progrès technique</a>. Comme pour toutes les autres générations, l’habituation est d’autant plus importante que <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_cliquet">l’effet cliquet</a> conduit à ne jamais – ou presque – remettre en cause des dispositifs adoptés.</p> <h3>L’existence de facteurs explicatifs</h3> <p>Partant, la génération des 30-45 ans, sans doute bien davantage que celle qui la précède (encore marquée par certains excès ou trop peu familiarisée à ces questions) que celle qui la suit (davantage pessimiste) développe une forte acceptabilité des dispositifs de surveillance de tous horizons. En cela, elle abandonne aussi probablement une part de contrôle sur les données personnelles dont beaucoup n’ont sans doute pas totalement <a href="https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/de-l-importance-de-la-valeur-de-nos-donnees-837808.html">conscience de la grande valeur</a>.</p> <p>Au contraire, les réglementations (à l’image du <a href="https://www.cnil.fr/fr/reglement-europeen-protection-donnees">Règlement général sur la protection des données</a> adopté en 2016 et appliqué en 2018) tentant de limiter ces phénomènes sont parfois perçues comme une <a href="https://www.cnil.fr/sites/cnil/files/atoms/files/barometre_ifop_rgpd-2018.pdf">source d’agacement</a> au quotidien voire comme un <a href="https://www.institutmontaigne.org/publications/donnees-personnelles-comment-gagner-la-bataille">frein à l’innovation</a>.</p> <p>Sur le plan sécuritaire, l’acceptabilité de ces fichages, perçus comme nécessaires pour assurer la sécurité et la gestion efficace de la société, pose la question de la confiance accordée aux institutions. Or, là encore, il semble que la génération étudiée soit moins à même de présenter une défiance importante envers la sphère politique <a href="https://etudiant.lefigaro.fr/les-news/actu/detail/article/83-des-jeunes-francais-n-ont-pas-confiance-en-la-politique-17729/">comme le fait la plus jeune génération</a>.</p> <p>Demeurent très probablement encore d’autres facteurs explicatifs qu’il reste à explorer au regard d’une génération dont l’état d’esprit relativement aux données personnelles est d’autant plus essentiel que cette génération est en partie celle qui construit le droit applicable aujourd’hui et demain en ces matières.<img src="https://counter.theconversation.com/content/218290/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/yoann-nabat-1128561">Yoann Nabat</a>, Enseignant-chercheur en droit privé et sciences criminelles, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/universite-de-bordeaux-2198">Université de Bordeaux</a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com"><em>The Conversation</em></a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/donnees-personnelles-comment-nous-avons-peu-a-peu-accepte-den-perdre-le-controle-218290">article original</a>.</h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'donnees-personnelles-comment-nous-avons-peu-a-peu-accepte-d-en-perdre-le-controle', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 63, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => 'https://theconversation.com/donnees-personnelles-comment-nous-avons-peu-a-peu-accepte-den-perdre-le-controle-218290', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 8, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Edition) {} ], 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'locations' => [], 'attachment_images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' } $relatives = [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4937, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Géopolitique du sport: l’affrontement entre la Russie et l’Ukraine', 'subtitle' => 'Impossible apolitisme du sport mondial face à la guerre en Ukraine. 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Cette déclaration est catégorique : « La guerre non provoquée et injustifiable de la Russie contre l’Ukraine, soutenue par le gouvernement biélorusse, est répugnante et constitue une violation flagrante de ses obligations internationales. » Ainsi, du point de vue sportif et diplomatique, la Russie se retrouve isolée.</p> <h3>La création d’un nouvel ordre mondial du sport ?</h3> <p>Dans les paroles et les actions, le pouvoir russe privilégie depuis le début de l’invasion la création d’un pôle sportif alternatif à l’échelle mondiale pour contrer les institutions sportives internationales traditionnelles telles que le CIO ou la Fifa.</p> <p>En pratique, cela impliquerait de se passer du sport mondial, de le remplacer ou de rivaliser avec lui. En Russie, par exemple, l’idée de diviser le mouvement olympique gagne du terrain. Il s’agirait de séparer les Jeux en deux parties : à l’Ouest, les Jeux occidentaux, et à l’Est, les Jeux russes « traditionnels ». Ces Jeux à la russe se dérouleraient en été en Crimée et en hiver à Sotchi. Ils puiseraient leur légitimité dans les liens historiques plus ou moins confirmés de ces régions avec la Grèce antique. En 2007, pour obtenir les Jeux de Sotchi, Vladimir Poutine avait rappelé aux membres du CIO que « les Grecs anciens ont vécu près de Sotchi. J’ai vu le rocher près de Sotchi où, selon la légende, Prométhée était enchaîné. Prométhée qui a donné le feu aux hommes, le feu qui est finalement la flamme olympique ». Depuis, l’argument du mythe est souvent utilisé pour évoquer cette région russe, composée du Caucase et de la péninsule de Crimée. Selon Vladimir Poutine, ces terres sont sacrées et pourraient servir de cadre à un nouvel ordre mondial du sport.</p> <figure><iframe frameborder="0" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/o8WjPYcA0lY?wmode=transparent&start=0" width="440"></iframe></figure> <p>Dans le cadre de ce scénario et pour rivaliser politiquement et sportivement avec succès avec le mouvement olympique, le pouvoir russe cherche déjà des alliés […]. L’objectif est de solliciter les pays membres de la CEI, de l’Organisation de coopération de Shanghai et les BRICS pour qu’ils participent à cette ambition. Ces trois organisations regroupent plusieurs acteurs majeurs du sport mondial, parmi lesquels la Chine occupe une place de choix. Si ce projet russe réussissait, il pourrait donner naissance à un nouvel ordre mondial du sport destiné à rivaliser avec les institutions historiques du sport moderne telles que le CIO ou la Fifa. Concomitante à une dynamique plus générale de désoccidentalisation du monde, cette influence dépasse très largement le cadre sportif.</p> <h3>Le sport ukrainien, c’est la guerre avec les balles</h3> <p>Depuis le 24 février 2022, pour Volodymyr Zelensky et l’Ukraine, le sport, c’est la <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/culturesmonde/le-sport-c-est-la-guerre-les-fusils-en-moins-g-orwell-1945-2-4-la-guerre-un-sport-comme-les-autres-7282852">guerre avec les balles</a>. En effet, à l’heure du conflit russo-ukrainien, le domaine sportif en Ukraine a subi une transformation significative.</p> <p>Initialement, au lendemain de l’invasion et sur une période de moins de deux mois, les autorités nationales ont suspendu l’ensemble des activités sportives en Ukraine. L’accent était alors mis sur l’effort de guerre, et les installations sportives ont été utilisées par les militaires ukrainiens comme bases de repli ou de déploiement. Cela explique pourquoi les installations sportives, telles que les stades ou les gymnases, sont souvent la cible des forces russes, car elles pourraient potentiellement abriter des unités ukrainiennes entières.</p> <p>Par la suite, lorsque l’armée russe a commencé à faire du surplace voire à reculer sur le terrain, le secteur sportif ukrainien a pris une nouvelle orientation. Certains clubs de football ont obtenu la permission de jouer des matchs de charité à l’étranger, malgré la loi martiale interdisant aux hommes âgés de 18 à 60 ans de quitter le territoire. Ces matchs visaient à sensibiliser à la cause ukrainienne. De même, les athlètes en préparation pour d’importantes compétitions ont pu s’entraîner à l’étranger.</p> <p>Par exemple, l’équipe nationale de football a été autorisée à s’entraîner en Slovénie pendant un mois en mai 2022 en vue des qualifications pour la Coupe du monde de football 2022 au Qatar. Ainsi, le soft power sportif a contribué symboliquement à l’effort de guerre. Les autorités estimaient qu’un athlète ukrainien était plus utile sur le terrain sportif que sur le front militaire. Selon elles, il offrait un double avantage en donnant à l’Ukraine une visibilité internationale et en pouvant potentiellement rehausser le moral des troupes déployées sur le terrain. Cette dimension ne doit pas être sous-estimée : une victoire sportive pour un athlète ukrainien procurait aux soldats, qui suivaient régulièrement les matchs et les résultats, un certain espoir et un regain de moral.</p> <p>À partir de la mi-juin 2022, le sport à l’échelle nationale a progressivement retrouvé sa place, bien que dans des conditions exceptionnelles. Par exemple, la Première Ligue ukrainienne de football a obtenu l’autorisation de débuter la saison 2022-2023 fin août. Toutefois, les règles ont été adaptées à la situation du moment. Les spectateurs ne sont plus autorisés à assister aux matchs, et ceux-ci nécessitent une autorisation systématique de l’administration militaire pour avoir lieu. Si une alerte de raid aérien potentiel retentit dans un rayon de moins de 500 mètres, le match est interrompu et les joueurs se réfugient dans les vestiaires, ce qui se produit régulièrement. Après un an et demi de guerre, aucun footballeur ukrainien n’a été blessé. Cependant, certains matchs ont duré plus de cinq heures au total.</p> <p>Paradoxalement, l’Ukraine continue de participer activement aux événements sportifs européens et mondiaux. Chaque compétition internationale offre l’opportunité aux autorités de promouvoir les intérêts du pays dans un contexte de guerre. De plus, certains clubs ukrainiens sont accueillis par les alliés géopolitiques les plus proches de l’Ukraine. Par exemple, le Dynamo Kyiv s’entraîne et joue certains de ses matchs à Cracovie, en Pologne. Dnipro, quant à lui, joue et s’entraîne à Košice, en Slovaquie, de manière permanente. En général, de nombreux athlètes et entraîneurs ukrainiens, actifs ou non, ont choisi de rejoindre le front dans l’est de l’Ukraine, mettant leur carrière en suspens. Le cas emblématique est peut-être celui de Yuriy Vernydub, entraîneur ukrainien du Sheriff Tiraspol, qui est parti au front dès le lendemain de l’invasion. Il est important de noter que ces professionnels du sport proviennent souvent de divisions sportives moins importantes. En effet, les athlètes de renom préfèrent généralement contribuer à l’effort de guerre d’un point de vue sportif et symbolique.</p> <p>Le cas des supporters des clubs ukrainiens est également notable. Depuis 2014 et surtout depuis l’invasion russe en Ukraine, de nombreux ultras ont rejoint le front pour combattre ensemble, mettant de côté leur rivalité sportive. En temps de paix rivaux, les supporters du Shakhtar Donetsk et du Dynamo Kyiv combattent ensemble contre leur ennemi commun.</p> <h3>La stratégie politique et sportive de Volodymyr Zelensky après l’invasion russe</h3> <p>Depuis le 24 février 2022, la stratégie internationale de Volodymyr Zelensky s’est intensifiée dans le domaine sportif, trouvant écho dans l’espace médiatique mondial. Les ministères, les organisations privées et le comité olympique ukrainien, tous les organes politiques, économiques et sportifs du pays sont mobilisés pour transmettre un message : l’exclusion de la Russie doit durer tant que l’invasion se poursuit.</p> <figure><iframe frameborder="0" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/YQiSJ3AO5CI?wmode=transparent&start=0" width="440"></iframe></figure> <p>Le hashtag #boycottrussiansport en est devenu le symbole. De manière concrète, les arguments ukrainiens peuvent être résumés en cinq points. La Russie devrait être exclue des événements sportifs mondiaux et des Jeux olympiques de Paris 2024 car elle est un État envahisseur et terroriste ; les athlètes russes sont de quelque manière liés à l’État russe ou à l’armée russe ; le régime de Vladimir Poutine exploite le sport à des fins de propagande ; dans de telles conditions, l’équité des compétitions sportives (Jeux olympiques, Coupe du monde, etc.) ne peut être maintenue ; les athlètes ukrainiens perdent la vie au front ou ne peuvent pas s’entraîner convenablement pour les grandes compétitions internationales, par conséquent la Russie et la Biélorussie ne devraient pas être autorisés à y participer.</p> <p>Pour diffuser ces arguments, le gouvernement ukrainien utilise divers canaux. Tout comme Volodymyr Zelensky utilise son smartphone pour communiquer avec différentes générations, les principaux porte-parole du sport ukrainien exploitent les canaux et les codes contemporains pour diffuser leur message. Les réseaux sociaux tels que TikTok, Facebook ou Instagram sont fréquemment utilisés pour diffuser des propos politiques liés au sport. On peut souvent voir circuler des vidéos de quelques secondes transmettant un message percutant. Par exemple, l’une de ces vidéos virales montre un athlète russe lançant un javelot dans les airs. Le javelot se transforme ensuite en obus, suit la trajectoire de l’athlète et finit par s’écraser sur un bâtiment ukrainien. Un message s’affiche alors à l’écran : « Boycott Russian Sport. »</p> <h4 style="text-align: center;"><a href="https://images.theconversation.com/files/592021/original/file-20240503-16-h8q7b1.jpeg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/592021/original/file-20240503-16-h8q7b1.jpeg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a></h4> <h4 style="text-align: center;"><em><span>Ces extraits sont issus de « La Guerre du sport. Une nouvelle géopolitique » de Lukas Aubin et Jean-Baptiste Guégan, qui vient de paraître aux éditions Tallandier.</span></em></h4> <p>En général, tous les médias sont utilisés par l’Ukraine pour défendre ses intérêts. Par exemple, le site web du ministère ukrainien de la Jeunesse et des Sports est en ukrainien, mais une bannière en gras et en anglais apparaît en haut de la page, indiquant : <a href="https://mms.gov.ua/russian-and-belarusian-athletes-who-support-the-war-in-ukraine">« Russian and Belarusian athletes who support the war in Ukraine. »</a> la bannière, les internautes ont accès à une liste d’athlètes russes et biélorusses soutenant officiellement l’invasion russe en Ukraine. Le compte Facebook du ministère suit la même approche, avec une bannière principale affichant à nouveau le hashtag #boycottrussiansport, cette fois-ci en lettres sanglantes.</p> <p>Pour avoir un impact encore plus fort, le Comité des sports d’Ukraine (SKU), chargé de promouvoir le développement des sports non olympiques, a lancé le projet Angels of Sport via un site web recensant les athlètes et entraîneurs ukrainiens professionnels décédés au combat depuis le 24 février 2022.<img src="https://counter.theconversation.com/content/229262/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <p> </p> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/lukas-aubin-910318">Lukas Aubin</a>, Docteur en Études slaves contemporaines : spécialiste de la géopolitique de la Russie et du sport, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/universite-paris-nanterre-universite-paris-lumieres-2294">Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières</a></em> et <a href="https://theconversation.com/profiles/jean-baptiste-guegan-234426">Jean-Baptiste Guégan</a>, Enseignant en géopolitique du sport, journaliste et consultant, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/sciences-po-2196">Sciences Po </a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/geopolitique-du-sport-laffrontement-entre-la-russie-et-lukraine-229262">article original</a>.</h4> <h4><em>Lukas Aubin, directeur de recherche à l’IRIS, spécialiste de la géopolitique de la Russie et du sport et membre associé du Centre de Recherches Pluridisciplinaires Multilingues (CRPM) à l’université Paris-Nanterre, et Jean-Baptiste Guégan, expert en géopolitique du sport et enseignant à Sciences Po Paris, viennent de publier aux éditions Tallandier</em> <a href="https://www.tallandier.com/livre/la-guerre-du-sport/">La Guerre du Sport, une nouvelle géopolitique</a>, <em>un ouvrage complet qui met en lumière l’influence des grands enjeux internationaux sur un un monde du sport à l’apolitisme de plus en plus illusoire. 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Il y voyait un moyen efficace de lutter contre les maladies dues à une carence en vitamine A, très répandues en Asie du Sud-Est et qui peuvent entraîner la cécité, voire la mort. Potrykus était alors loin de se douter qu'un tribunal philippin retoquerait son invention un an et demi après son autorisation.</p> <h3>Syngenta acquiert des droits de brevet</h3> <p>La route a été longue jusqu'à la première récolte du riz doré: en 1999 déjà, Potrykus et son collègue Peter Beyer avaient présenté un prototype. Celui-ci contenait des gènes de jonquille qui produisaient de la provitamine A dans le grain de riz et le faisaient ainsi briller d'un jaune doré. En 2005, les chercheurs avaient développé une deuxième variante en collaboration avec le géant de l'agroalimentaire Syngenta. 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En effet, le corps humain n'utiliserait la provitamine A que s'il dispose de suffisamment de graisse, ce qui, selon Greenpeace, n'est souvent pas le cas chez ces personnes. De plus, il y aurait un risque que le riz génétiquement modifié, une fois introduit dans le champ, se reproduise de manière autonome, se propage et contamine ainsi d'autres variétés de riz. En raison de ces doutes, il a fallu attendre 16 ans de plus pour que les autorités philippines en charge de la biosécurité donnent finalement le feu vert à la culture du riz doré en 2021.</p> <h3>Le tribunal révoque l’autorisation</h3> <p>Mais aujourd'hui, une nouvelle décision de justice met déjà un frein à la propagation de la variété de riz transgénique. Ainsi, une Cour d'appel philippine a révoqué l'autorisation le 17 avril dernier en se référant au principe de précaution: «En l'absence de consensus scientifique sur la sécurité du riz doré, il ne devrait plus être cultivé à des fins commerciales». L'interdiction s'étend en outre à la culture d'une aubergine génétiquement modifiée. La culture commerciale de ces variétés n'est pas autorisée «jusqu'à ce que les autorités gouvernementales concernées apportent la preuve de la sécurité et du respect de toutes les exigences légales», précise le tribunal.</p> <p>Le tribunal a aussi relevé que le gouvernement n'avait pas mis en place de mécanismes de surveillance pour assurer la sécurité de la culture et de la consommation du riz doré. Le jugement met donc pour l'instant à l’arrêt de nouveaux essais menés en plein champ, dans des serres ou des champs ouverts.</p> <p>Ce jugement intervient après que l'association d'agriculteurs philippins MASIPAG a porté plainte, avec d'autres organisations, contre l'autorisation de cultiver du riz doré. La plainte, déposée en 2022, se base sur un instrument juridique philippin appelé Writ of Kalikasan. Celui-ci protège le droit constitutionnel à une «écologie équilibrée et saine» et stipule que ce droit prévaut sur les activités humaines susceptibles de nuire à l'environnement.</p> <h3>Un recours porterait-il ses fruits?</h3> <p>Comme l'explique Aldrich Fitz Dy, avocat et consultant philippin interrogé par la revue <em>Science</em>, le gouvernement a désormais deux possibilités. Il peut soit faire appel, soit porter le jugement devant la Cour suprême. Selon Dy, la première solution est peu probable, la seconde prendrait au moins deux ans.</p> <p>Adrian Dubock, membre du Golden Rice Humanitarian Board, voit les choses différemment. Il s'attend à ce que le gouvernement philippin fasse appel auprès de la Cour: «Je suppose que l'appel sera couronné de succès», estime Dubock auprès de la plateforme scientifique <em>New Scientist</em>.</p> <p>Il reste à voir si l'interdiction actuelle de cultiver le riz doré peut encore être remise en question. 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