Actuel / L’embonpoint humanitaire
Une voiture de la Croix Rouge (CICR) devant l'hôtel Ibis d'Erevan. © Benoît Prieur
La dernière coupe dans les effectifs du Comité international de la Croix-Rouge, 270 postes supprimés à Genève, pose une foule de questions qui tardent à émerger. L’institution a-t-elle été victime de la folie des grandeurs? S’est-elle dispersée dans des tâches que d’autres assument? Qui contrôle effectivement la gestion de cet immense appareil? Pourquoi donc certains Etats contributeurs ont-ils soudain renâclé? Va-t-on vers une réforme drastique de cette maison emblématique? On pourrait élargir la réflexion à d’autres organisations humanitaires, peu transparentes, menacées, elles aussi, après des années confortables, de passer au régime minceur.
A l’annonce des réductions d’effectifs à la centrale du CICR, on apprend donc que celle-ci occupe aujourd’hui plus de 1'400 personnes. Et près de 20’000 personnes dans le monde, la plupart engagées dans leur propre pays. Une augmentation spectaculaire: en 2010, on comptait 800 employés au siège genevois, 1'400 délégués dans le monde et 11’000 employés locaux.
Ces chiffres attestent du changement de stratégie dans les années où le président Peter Maurer disait lui-même passer à la vitesse supérieure. Le champ des tâches s’élargissait tous-azimuts. La responsabilité fondatrice et exclusive du CICR consiste d’abord en visites et soutiens aux prisonniers de guerre et politiques (la distinction devient difficile au vu des conflits intérieurs). On en sait d’ailleurs très peu sur cette activité, ses succès et ses insuccès. Elle est fort peu mise en évidence sur le site officiel. Depuis lors il s’occupe aussi de la malnutrition, de la santé, des soins aux enfants, de l’approvisionnement en eau… La liste est longue. Il entre ainsi sur les domaines assumés au plan international par d’autres grandes organisations onusiennes, comme le PAM (Programme alimentaire mondial), l’OMS, le HCR, l’UNICEF (enfance), le PNUD (développement et réponses aux catastrophes) et une multitude d’autres, privées ou semi-publiques.
Plus il y a de bienfaiteurs, mieux c’est, peut-on se dire. Or la compétition, dans ce domaine, notamment pour la recherche des fonds, n’a pas que des côtés positifs. Et pour le CICR le retour de flammes est cruel. Il prévoyait, en février de cette année encore, un budget de 2,8 milliards de francs pour 2023. Il le ramène en hâte à 2,1 milliards pour 2024 et n’est pas sûr du tout que cela suffira. Lorsqu’une entreprise connaît une telle secousse, les syndicats s’émeuvent, les observateurs analysent crûment les décisions des dirigeants. En l’occurence, c’est partout un silence gêné. On ne critique pas les bienfaiteurs de l’humanité.
Il faut néanmoins revenir au rôle de celui qui a tenu les rênes de 2012 à 2022, quittant son poste sans explications deux ans avant la fin de son mandat: Peter Maurer. Un diplomate de haut vol, resté proche du DFAE, bon communiquant, pas insensible aux honneurs. Reçu dans à peu près toutes les capitales du monde, le sourire aux lèvres, auréolé de sa noble mission. Pas étonnant dès lors qu’il ait multiplié les délégations permanentes, non seulement dans les zones en crise mais dans plusieurs capitales jugées importantes du point de vue politique, comme New York, Paris, Londres, Bruxelles, Luxembourg. Et Pékin, avec 80 collaborateurs, semble-t-il, car les informations données sur ces structures restent floues. Une ribambelle de postes bien rémunérés, plus agréables que ceux des délégués envoyés dans les bourbiers de la guerre. Cette forte présence diplomatique est-elle nécessaire? Il faudra qu’on nous explique. En tout cas elle n’a pas suffi à maintenir le flux habituel des contributions de certains Etats. A ce sujet aussi, la discrétion prévaut. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne les auraient fortement restreintes. Est-il permis d’avancer des hypothèses? Ces pays auraient-ils pu exprimer ainsi leur mauvaise humeur à l’endroit de la Suisse (si liée au CICR) pour ses réticences à envoyer des armes en Ukraine? Ou se seraient-ils irrités des déclarations de Nils Melzer, directeur de la «doctrine et du droit» au sein de l’institution, qui a osé pourfendre publiquement leur comportement dans l’affaire Assange? Ce qui est sûr, c’est que les Etats occidentaux sont plus empressés, ce temps-ci, à faire exploser leurs budgets militaires qu’à intensifier leurs efforts humanitaires.
L’explication donnée à la crise financière par la gouvernance du CICR est double. L’inflation qui pèse partout sur les comptes. Et l’augmentation des besoins, la multiplication des guerres et des situations humanitaires tragiques. Cette affirmation fait mouche dans le climat émotionnel du moment. Mais est-elle fondée? Certes, il y a dix ans, l’Ukraine n’était pas, ou pas vraiment en guerre. Mais les conflits et les drames étaient déjà nombreux: en Afghanistan, en Syrie, en Ethiopie, au Soudan, au Congo et ailleurs. Selon certains experts en polémologie le nombre des conflit armés a plutôt diminué. Les souffrances des peuples n’étaient pas moindres qu’aujourd’hui.
La direction et la nouvelle présidence mises récemment en place promettent un réexamen de la stratégie. Des structures aussi, comme la création d’un poste de directeur financier. Tiens, tiens… On est stupéfait d’apprendre qu’il manquait jusqu’à ce jour. Promis aussi, à la demande du personnel: un «audit externe». Fort bien. Mais sur quoi? Les comptes bien sûr, et le mode de gestion? et les choix stratégiques? Ne faudrait-il pas également un système permanent de contrôle plus efficace? Actuellement la direction ne répond que devant l’Assemblée, organe suprême, composée de délégués, tous suisses, cooptés, qui s’est montrée en toutes circonstances d’une docilité totale, et fort peu curieuse.
Pour venir à bout de son obésité, il faudra au CICR lucidité et courage, de longue haleine. Plus que des pirouettes verbales rassurantes.
Telle celle du directeur-général, Robert Mardini, à ce poste depuis quatre ans, qui a annoncé sa démission. Il déclare que toutes les organisations humanitaires connaissent les mêmes problèmes. Faux: toutes ne doivent pas licencier massivement et à la hâte. Mais juste aussi: toutes voient les versements, publics et privés, s'orienter plutôt à la baisse. Et toutes ont à s’interroger sur leur fonctionnement interne, sur le coût de la machine administrative par rapport à celui des interventions effectives sur le terrain. L’embonpoint, on ne le sait que trop, n’alourdit guère aux bons endroits. Quand on voit affluer dans nos boîtes les appels aux dons imprimés sur beau papier, assortis parfois de menus cadeaux, on a quelque raison de s’interroger: où va vraiment l’argent? Quelle part aux fonctionnaires du siège, au marketing, et quelle part sur le front de la douleur humaine? Autre sujet à débattre un jour.
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Informer les enfants sur la sexualité, d’accord, mais pourquoi pas aussi sur nos comportements individuels et collectifs entre tensions et rapprochements? Autrement dit, apprendre à se parler pour de bon. Se dire, pour citer le chef soufi, que «la paix, c’est plus que l’absence de guerre» ou «passer du je au nous». Mais évidemment il y a plusieurs façons d’interpréter le mot. Comme le faisait remarquer la vice-maire de Genève, Christina Kitsos: «Quand on prétend chercher la paix en prolongeant la guerre, c’est paradoxal!»</span></p> <p><span>Au Palais des Nations le débat volait haut. Mené par le cinéaste romand Philippe Nicolet, avec des intervenants et intervenantes d’horizons très divers. Entre autres Jakob Kellenberger, ex-diplomate et ex-président du CICR, fort de son expérience de négociateur («une négociation n’a de chance que si elle a le droit d’échouer»), penché sur la façon de «déradicaliser» un conflit, insistant sur la crédibilité des efforts dans la durée. En écho avec le propos de Bentounes: «faire de l’ennemi son partenaire». Voilà un homme qui en connaît un bout sur l’art de la médiation, autre thème largement traité lors de cette session. Un exercice qui va bien au-delà du champ politique, fort utile au quotidien. </span></p> <p><span>Témoignage fort aussi de la Palestinienne Hiba Qasas, directrice de l’ONG internationale «Principles for peace». Sans complaisances, dépassionnée, à la fois réaliste et idéaliste. Puisse-t-elle entrer un jour en politique au service de son pays en devenir! L’intervention fine de Bariza Khiari, ex-sénatrice de Paris (une déçue de Macron…), présidente de la Fondation Alphil, dédiée à la préservation et la valorisation du patrimoine mondial, sut rappeler l’importance de la mémoire. Qui paraît manquer chez tant de dirigeants va-t-en-guerre d’aujourd’hui. 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Parce que cette coopération militaire nous rassure dans des temps incertains? Parce que nous serions protégés au cas où les Russes se pointeraient à Romanshorn? Pour l’heure, leur «victoire» en Ukraine se borne à conquérir quelques villages à proximité de la malheureuse Kharkiv accablée de bombes. A quelques dizaines de kilomètres de la frontière avec la Russie et de Belgorod, ville russe maintes fois atteinte par les drones et missiles ukrainiens que la défense antiaérienne ne parvient pas tous à intercepter. Mais voilà… tant de voix s’élèvent en Europe pour prédire que l’armada de Poutine va nous envahir! Alors que le Kremlin compte aussi ses morts, n’arrive plus à cacher ses difficultés à renouveler les effectifs, contraints d’aller chercher drones et munitions en Iran ou en Corée du Nord…</span></p> <p><span>Le constat politique, lui, n’est pas hypothétique mais bien réel. 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Syndicats et autorités politiques ont pourtant tout fait pour sauver l’entreprise historique, aux mains d’une multinationale qui compare avantages et inconvénients de chaque lieu de production. Ici, hauts salaires, franc fort et dans ce cas, retard technologique. Donc, départ. Chapeau aux travailleurs qui cherchaient des solutions, des innovations. Les voilà licenciés. Les messages de solidarité font du bien mais n’assurent pas leur avenir. Qu’ils puissent être aidés à rebondir.</span></p> <p><span>Est-ce à dire que notre pays est menacé de désindustrialisation comme il en est beaucoup question chez nos voisins? Gare aux réponses trop simples. Les faits. Face au secteur des services comptant les banques et les assurances, le tourisme, le commerce de gros et de détail, l'administration publique et les assurances sociales, qui pèse pour 75% du PIB, l’industrie résiste, avec environ 24% (contre moins de 14% en France!). L’agriculture pour 1 %. </span></p> <p><span>La grosse tranche du gâteau industriel, c’est évidemment les médicaments et les montres. Mais on aurait tort d’ignorer tout un tissu de plus petites entreprises qui fabriquent toutes sortes de produits technologiques performants. En dépit de tous les handicaps de la place. Sait-on par exemple que du Valais partent des pièces destinées à Mercedes, Jaguar, ou Ferrari? Se doute-t-on qu’une lame de scie sauteuse sur deux dans le monde est fabriquée à Sankt Niklaus (Saint-Nicolas), quelques kilomètres en aval de Zermatt. Ou qu’Airbus et Dassault se fournissent en tôles aéronautiques d’aluminium dans la région de Sierre?</span></p> <p><span>Ce canton est en pointe. En 2023, il était en tête des investissements industriels. <em>L’Agefi</em> fournit une explication: «C’est dans le Haut Valais que le boom économique est le plus visible. Le groupe pharmaceutique Lonza, dont le siège est à Bâle mais le site de production à Viège, y a investi plus d’un milliard de francs. Un nouveau complexe de production high-tech fournit des solutions adaptées pour le développement et la fabrication de nouveaux médicaments. Ce site et ses possibilités inédites dans la pharma ancrent Viège et le Valais au cœur des chaînes mondiales de création de valeur. Les investissements dans la recherche et la formation ont joué un rôle majeur pour le développement économique du canton. A la génération précédente, c’est la HES, la Haute école spécialisée, qui a formé des ingénieurs précieux pour alimenter une industrie en plein essor. Petit à petit tout un écosystème propice à l’émergence d’idées innovantes s’est installé en Valais. La Fondation The Ark favorise l’établissement et l’éclosion de start-ups dans les domaines de l’informatique, de l’énergie, des sciences de la vie et de l’environnement. Au coude du Rhône, à Martigny, est basé l’institut de recherche Idiap, qui regroupe une centaine de chercheurs permanents spécialisés dans les interactions homme-machine et l’intelligence artificielle.» Bref on est en plein dans les perspective de mariage entre l’algorithme et la matière.</span></p> <p><span>A la différence des universités lémaniques qui vouent tant d’attention et de moyens aux études dites «sociétales», les hautes écoles valaisannes sont donc dans le concret. Dans l’avenir. Puissent-elles, et les entreprises championnes aussi, faire parler plus encore d’elles. Que d’autres régions suivent plus activement cet exemple. Et parlons-en à nos rejetons qui se tâtent quant à leurs choix d'avenir professionnel…</span></p> <p><span>Tout cela nous interroge sur la réalité de notre pays. Le vacarme médiatique oriente notre attention sur ceci, pas assez sur cela. Davantage sur les raisons de s’inquiéter que sur celles d’espérer. 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Ou leur politique dite verte conduira-t-elle à la décroissance? La concentration des efforts sur la course aux armements et l’aide à l’Ukraine, telle qu’elle est brandie aujourd’hui, peut aider certains secteurs industriels mais coûtera extrêmement cher. On articule à Bruxelles le chiffre de 100 milliards à cette fin d’ici 2029. Ce sera forcément au détriment d’autres attentes, dans les infrastructures, l’éducation, la recherche, la cohésion sociale. Sans compter que la transition écologique, nous assure-t-on, nécessitera en plus une pluie de milliards. Quelles priorités fixera le nouveau Parlement? Selon les choix, les retombées sur l’économie suisse seront différentes. Le surarmement de l’Europe ne nous rapporte quasiment rien, sa santé économique et sociale nous est bien plus bien profitable.</span></p> <p><span>Deuxième point. Le fonctionnement même de l’Union. Deux tendances s’affrontent. Les convaincus du projet savent qu’ils ne peuvent pas en faire un Etat fédéral, mais ils souhaitent renforcer les compétences du Conseil européen (réunion des chefs d’Etat), notamment en supprimant le droit de veto des nations, de la Commission, avec des tâches nouvelles, et celles, souhaitables, du Parlement. Ce surcroît d’autorité se justifierait à bien des égards pour unir les forces, renforcer l’élan collectif. Mais bien peu de dirigeants nationaux le préconisent. Parce qu’il va à l’encontre d’une tendance lourde, le regain du nationalisme. Plus de pouvoirs aux Etats, limiter ceux de l’Union. En finir avec les figures mégalomanes du style Van der Leyen à la tête. En réalité, déglinguer la machine de l’intérieur. On entend ces accents sur un large spectre. A droite, à droite de la droite et à gauche aussi, qui rêve de l’Europe sociale, parfois même de la fin du capitalisme. 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En décembre dernier, le Conseil européen et la Commission affichaient leur volonté d’aller vers l’admission à terme, sous conditions, de plusieurs pays ayant déjà le statut de candidats. Cinq dans les Balkans, trois à l’est du continent. Plus la Turquie en attente, plus ou moins convaincue, depuis vingt ans. Bel élan idéaliste ou délire géopolitique? Un bateau à 36 membres? Rien ne serait plus comme aujourd’hui. Bonne chance pour convaincre les citoyens et contribuables! Quant aux Suisses, liés par tant d’accords, notamment sur la liberté de circulation des personnes, si le projet aboutit, ils en auront des sueurs froides. Et pas un mot à dire puisque nous l’avons voulu ainsi.</span></p> <p><span>Profusion d’obstacles sur la route cependant. Le processus devrait commencer par l’est, avec l’Ukraine et la Moldavie. Bien que leurs frontières soient pour le moins mal définies et leurs sociétés pourries par la corruption, très loin encore des exigences posées. 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1 Commentaire
@willoft 19.09.2023 | 23h42
«Bah le Panama PS avec son acolyte plrudciste nous représentent a l'AG de l'Onu »