Actuel / Pourquoi n'élit-on pas toujours les meilleurs au Conseil fédéral?
© Bon pour la tête / Kevin Crélerot
Il suffit de lire ou de voir des interviews des trois candidats libéraux-radicaux à la succession de Didier Burkhalter pour s’en rendre compte: le Genevois Pierre Maudet surclasse ses concurrents Isabelle Moret et Ignazio Cassis. Pourtant, il y a peu de chances que le politicien romand le plus doué de sa génération soit élu au Conseil fédéral le 20 septembre prochain. Pourquoi? BON POUR LA TÊTE VOUS OFFRE CETTE BD EN LIBRE ACCÈS
Kevin Crélerot (dessins) et Chantal Tauxe (texte)
Cela tient d’abord au mode d’élection: ce n’est pas le peuple qui choisit les conseillers fédéraux (et encore moins les journalistes tous «baba» devant le prodige lémanique), mais les 246 grands électeurs de l’Assemblée fédérale. Ceux-ci sont très jaloux de leur prérogative suprême. En général, ils cooptent l’un d’entre eux (ce qui leur permet de continuer à rêver qu’un jour peut-être leur tour viendra). Parfois, ils rejettent les candidats officiellement désignés par leur groupe parlementaire afin de montrer «qui commande ici». Les Suisses se moquent de l’«entre-soi» des élites parisiennes, mais l’«entre-soi» du Palais fédéral n’est pas triste non plus.
Il arrive toutefois aux parlementaires de porter leurs suffrages sur les meilleurs – ce fut le cas, par exemple, lors de l’élection de Doris Leuthard. Auparavant, les députés avaient beaucoup maltraité son parti, les démocrates-chrétiens, et ce fut une manière de se racheter, d’enterrer la hache de guerre. Oui, il arrive encore aux parlementaires d’être à la hauteur de la lourde responsabilité qui est la leur, mais c’est devenu rare.
Souvent les députés, par accident ou par combine, intronisent un à peine connu (Hans- Rudolf Merz ou Otto Stich, par exemple), un faux dur vrai mou (Johann Schneider- Ammann), des braves types dont on se demandera pendant des années comment ils se sont retrouvés là (genre Joseph Deiss). Ils ont le don d’écarter les femmes brillantes (Christine Beerli, Karin Keller-Sutter).
Plutôt que de confier un septième du pouvoir exécutif à une personnalité énergique qui fera de belles étincelles au sein du collège, les parlementaires ont tendance depuis quelques années à y placer une sympathique souris grise qui ne fera d’ombre à personne, et dont l’aura –inexistant – n’aura aucun impact électoral préjudiciable pour leurs propres partis...
Ainsi s’installe peu à peu le règne de la médiocrité tranquille. En l’absence de sparring partners à leur hauteur, même les bons du Conseil fédéral s’affadissent et plongent dans le train-train quotidien de la gestion courante des dossiers, à peine agité par quelques votations populaires...
Cette manœuvre de dévaluation du politique est si courante qu’on la camoufle derrière une explication mythologique rassurante: les Suisses, qui n’ont jamais eu de roi, n’aimeraient pas les têtes qui dépassent.
Quelle bonne blague: tous les Suisses aiment Federer et sont fiers qu’il soit le meilleur joueur de tennis de tous les temps; tous les Suisses hurlent de joie quand un des joueurs de la Nati hisse sa tête au-dessus de celles de autres et plante un but. Pourquoi devrions-nous être un petit peuple d’imbéciles heureux qui n’aspirent à rien d’autre que le maintien de son confort? Les citoyens ne demandent pas à être fiers
de leurs élus ni à les adorer comme des pop stars, ils souhaiteraient juste disposer au gouvernement de gens compétents et convaincants qui résolvent les problèmes du pays plutôt que de procrastiner d’un air profondément absorbé.
Mais, il y a peut-être une autre explication moins avouable: placer des mous au sein du pouvoir exécutif, cela arrange bien le pouvoir économique (le seul, le vrai qui compte en Suisse) afin que celui-ci puisse mener ses affaires à sa guise sans que l’Etat ne joue excessivement son rôle de régulateur ou de garde-fous.
Les grandes gueules au Conseil fédéral (oui, il y en a eues jusqu’à récemment), ce n’est pas commode, ça tape sur la table. Ainsi le radical Jean-Pascal Delamuraz, en charge du Département de l’Economie, osant dire aux banquiers zurichois qu’ils exagéraient avec leurs hausses des taux hypothécaires, lesquelles étranglaient alors les locataires de tout le pays.
Le pire dans cette tâcheronne course au plus petit dénominateur commun, c’est que l’on vend aux Suisses l’idée que la composition de leur gouvernement tient de la «formule magique». Les fauteuils de ministres sont en effet répartis selon le poids électoral obtenu par les partis lors des dernières élections fédérales: les trois premiers ont droit à 2 sièges, le quatrième à 1.
Cette règle date de 1959, mais elle a mal résisté aux assauts hégémoniques de l’UDC sur la vie politique suisse, et a rendu difficile l’accession des femmes aux plus hautes responsabilités. Car, en plus, la Constitution prescrit que «les diverses régions et les communautés linguistiques doivent être équitablement représentées au Conseil fédéral».
Dès lors, au lieu de s’efforcer de choisir le ou la meilleur-e, les 246 grands électeurs s’écharpent sur des quotas linguistiques ou de genre. Les compétences passent au second plan.
La formule magique ne produit plus rien de magique, mais une salade russe insipide. Pour maintenir une représentation politique équilibrée, et satisfaire les revendications des régions et des femmes, il aurait fallu augmenter le nombre de conseillers fédéraux à 9, comme le demandait le canton du Tessin. Mais là encore, la Berne fédérale refuse obstinément, dans sa majorité, de remettre en question ses habitudes et ses certitudes.
Bon, à ce stade de l’explication, on espère juste avoir tout faux et être invités bientôt à Genève...
Précédemment dans Bon pour la tête
Dessine-moi la politique suisse (1): Ah bon, il ne s'est rien passé le 1er août 1291?
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Presque comme tous les ans puisque cette année Pierre avait insisté pour que nous ne fassions pas de sapin. «Pourquoi aller arracher un jeune arbre à sa forêt? Pourquoi le séparer des siens?» Il a donc été convenu que le traditionnel arbre de Noël serait remplacé par un globe terrestre. «Ainsi, nous mettrons Gaya au centre de notre célébration. Nous lui devons bien ça après tout le mal que nous lui faisons tout au long de l’année.» Emmanuel m’avait prévenue, la peste woke se répandait de plus en plus rapidement dans l’esprit de Pierre. J’ai fait semblant d’adhérer à son délire, d’accepter toutes ses suggestions. Comme crèche, il a souhaité un simple pot de yahourt censé représenter «le bidonville dans lequel aujourd’hui le Christ naîtrait s’il revenait sur terre avec son message révolutionnaire.»</p> <p>Lorsque nos amis sont arrivés, Pierre venait d’enfiler une djellaba, «un vêtement non genré». Mireille a failli pouffer lorsqu’il lui a ouvert la porte. Je lui ai fait de grands signes depuis le salon. Il ne fallait pas qu’elle oublie ce dont nous avions convenu. Jusqu’à l’apéro, tout devait se passer de manière tout à fait naturelle. Nous avons donc ouvert une bouteille de vin mousseux local, bio et écoresponsable, et trinqué comme si de rien n’était. Sauf que j’avais mis un léger somnifère dans le verre de Pierre qui s’est endormi comme un bébé. Ponctuel, Emmanuel a sonné à la porte alors que nous venions de terminer l’installation pour laquelle il nous avait donné des indications très précises.</p> <p>Pierre était attaché sur une chaise, des écouteurs sur les oreilles et un bâillon sur la bouche, face à l’écran géant de la télévision. «Vous êtes prêts?», a demandé Emmanuel. Comme Serge, Mireille et moi répondions par l’affirmative, il a jeté un verre d’eau à la figure de Pierre qui s’est réveillé en sursaut. Sur l’écran, un film pornographique a débuté tandis que dans les écouteurs de la musique militaire éclatait à plein volume. Pierre a gémi plus fort. Emmanuel a baissé le volume tandis que je caressais gentiment le visage de mon pauvre compagnon qui s’est aussitôt calmé. Ce sont alors des images de manifestations propalestiniennes qui ont été projetées tandis que dans les écouteurs, la chanson de Nemo, le vainqueur de l’Eurovision, résonnait. Emmanuel a donné un grand coup de poing dans l’estomac de Pierre et lui a violemment marché sur les pieds.</p> <p>La méthode était simple. Lorsque les images montraient de la pornographie mainstream mettant en scène des hommes bifflants des jeunes femmes, Pierre était réconforté par moi. Lorsque les images concernaient l’écriture inclusive ou la cancel culture, Emmanuel lui faisait ressentir de la douleur. «Cela peut prendre du temps mais à la fin il va comprendre ce qui est bon pour lui», a souri Emmanuel. Je l’ai trouvé très beau avec ses manches retroussées et des perles de sueur sur la lèvre supérieure. 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Ce ne fut pas de gaieté de cœur mais il a fallu abattre Pierre. «Il n’y a que comme ça que nous éviterons que l’épidémie se propage», a expliqué Emmanuel. «Et elle?, a demandé Mireille en me désignant du doigt, il n’y a vraiment aucun risque qu’elle ait été contaminée?» Mireille, ma meilleure amie. Comment pouvait-elle me faire ça? Elle aussi, elle désirait Emmanuel, j’en suis certaine. «Non! ai-je vivement répondu. Cela fait des mois que nous n’avons plus de relations sexuelles!» Emmanuel m’a regardé en plissant les yeux. «Nous ne pouvons prendre aucun risque…»</p> <p>J’ai mal, très mal. Sur l’écran, des activistes pour le climat bloquent la circulation sur un pont tandis que Mireille verse de l’eau bouillante sur mes cuisses déjà bien meurtries. Après moi, ce sera au tour de Serge, j’en suis certaine. Puis elle pourra filer le parfait amour avec Emmanuel.</p> <p>Elle s’approche maintenant de moi avec le grand couteau qui sert normalement à découper la dinde; sur l’écran, une linguiste de gauche explique que la francophonie est la poursuite de la colonisation par d’autres moyens. Mireille pose la lame du couteau sur ma gorge: «Joyeux Noël ma petit chérie! 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Depuis plusieurs semaines, Pierre correspondait avec une dizaine de personnes et toutes leurs conversations avaient pour sujet la critique du virilisme, la chasse au masculinisme, la volonté d’abattre le patriarcat «d’abord en nous». Rien que d’y penser, ça me donne envie de vomir. Je sais bien qu’une épidémie wokiste s’est abattue sur l’Occident mais je me pensais à l’abri. Eh bien, non! Cette épidémie a envahi mon salon, elle couche même dans mon lit! J’ai également découvert que Pierre me mentait. Alors qu’il prétendait aller jouer au badminton avec des copains, il participait à des <em>workshops</em> de déconstruction de virilité. «Je ne suis plus sûr de rien, écrivait-il sur le forum To-be-is-not-to-be-a-man. Suis-je un homme, une femme, un être mixte, double? Suis-je? 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Je l’ai tout de suite trouvé à mon goût mais je n’étais pas là pour ça. Nous nous étions donnés rendez-vous dans un tea-room du centre-ville, j’avais pris avec moi l’ordinateur portable de Pierre. Pierre qui prétendait être parti en séminaire professionnel à Zurich mais, je l’avais découvert sans peine, se trouvait en fait à Tolochenaz où avait lieu une rencontre avec un guru de la déconstruction masculine: «De viril à viriel».</p> <p>- Vous avez donc des doutes concernant votre mari? Expliquez-moi ce qui vous inquiète...</p> <p>Ce vouvoiement a sonné très agréablement à mes oreilles. Avec son col roulé, son blaser et sa coupe de cheveux tout à la fois stricte et décontractée, Emmanuel me fit me rendre compte qu’autour de moi, les hommes avaient depuis longtemps renoncé à leur élégance, privilégiant des tenues décontractées ne mettant plus du tout leurs atouts masculins en valeur.</p> <p>Oui, je dois l’avouer, à moi aussi les jeunes réactionnaires faisaient de l’effet. Lorsque je songeais aux gauchistes à l’hygiène douteuse auxquels j’avais offert mon jeune corps dans les années 1980, des sanglots de regret me serraient la gorge. Sans compter tous ces festivals où nous fumions du cannabis, filles et garçons portant les mêmes vêtements et arborant les mêmes coupes des cheveux… </p> <p>- Vous voyez, Catherine, le wokisme se répand depuis fort longtemps dans la société occidentale. Personne n’a voulu le voir et c’est pourquoi aujourd’hui ses effets sont si pervers. Votre génération l’a laissé s’installer comme une plante invasive et il a pratiquement détruit tous les fondements de notre civilisation. C’est le dernier moment pour agir, ce sursaut est indispensable. C’est pourquoi je salue votre démarche. Vous êtes très courageuse, Catherine, je vais vous aider à libérer votre mari de cette infection, s’il en est encore temps, bien sûr…</p> <p>- Vous pensez qu’il pourrait être trop tard ?</p> <p>- Tout ce que vous me dites m’inquiète beaucoup. Pierre est déjà très perverti. Vous l’avez remarqué, dans ses messages il emploie l’écriture inclusive avec aisance. C’est la preuve que le mal a déjà atteint des couches profondes de sa conscience. De plus, il remet systématiquement en question les bienfaits de la civilisation occidentale dans le monde. Il milite pour la restitution des antiquités découvertes chez les peuples non-civilisés, il a participé au souillage de la statue de David de Pury à Neuchâtel, sous prétexte que celui-ci a participé à la traite d’esclaves…</p> <p>- Oui, je sais, c’est horrible. Tout ça alors que je le croyais occupé avec des clients. Les comptes de notre agence de communication sont dans le rouge. Cela fait des mois que Pierre ne prospecte plus de nouveaux clients et qu'il refuse les commandes au prétexte que la publicité est une aliénation capitalisto-patriarcale.</p> <p>- Et ça, Catherine, c’est très grave! S’attaquer à l’économie, c’est s’attaquer à nos valeurs premières. </p> <p>- Que faire? 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La fidélité absolue est un concept éculé et hypocrite qui a pour but principal que les hommes soient certains que les enfants qui sortent des ventres de leur épouse soient bien le produit de leurs spermatozoïdes à eux. Transmettre ses gènes est un réflexe très animal, si Sapiens est vraiment un être supérieur, il devrait se détendre sur cette question. En plus, Pierre et moi n’avons pas fait d’enfants, trop concentrés sur nous-mêmes et nos vies à réussir. Marie, ma sœur, prétend que pour les femmes, l’importance de la fidélité n’a pas pour but la perpétuation de l’espèce mais plutôt la conservation à leur côté du mâle qui assure leur protection. Elle se trompe. Si Pierre et moi sommes toujours ensemble après trente-cinq ans de mariage, c’est justement parce que nous nous laissons la liberté d’aller de temps en temps voir ailleurs. Marie, elle, ne souhaitait plus de rapports sexuels tout en menaçant son mari de le quitter s’il la trompait. 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De retour en Suisse, j’ai soigné ma salpingite et terminé mes études de lettres. Entre deux amants de passage, je traversais de longues périodes d’abstinence sexuelle sans que cela me coûte. A la manif, j’ai trouvé Pierre très beau avec sa moustache et sa barbe de cinq jours. Et je l’ai trouvé irrésistible lorsqu’il a jeté une bouteille vide en direction des forces de l’ordre qui voulaient nous empêcher d’accéder à la salle où se déroulait une assemblée de l’UDC, ce parti d’extrême droite honni par nous. Pierre s’est fait réprimander par les camarades communistes qui assuraient le service d’ordre et il a fini par en venir aux mains avec eux. J’ai spontanément pris sa défense, nous nous sommes faits bousculer et avons quitté la manifestation, lui avec une arcade sourcilière fendue, moi avec un fort désir pour lui. Je l’ai emmené chez moi pour soigner sa blessure et nous avons fait l’amour toute la nuit. 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Ils réduisent de manière significative la quantité de plastique qui se retrouve dans les océans.</p> <p>Malgré cela, et parce qu’ils font un travail salissant et vivent dans des endroits sales, ils sont souvent tenus pour responsables du problème de la pollution plastique. Dans les discours politiques des villes et des Etats, leur travail a longtemps été <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0956247816657302">tourné en dérision, considéré comme non qualifié et inefficace</a>. <a href="https://www.undp.org/blog/unsung-heroes-four-things-policymakers-can-do-empower-informal-waste-workers">L’absence de reconnaissance officielle</a> de leur travail rend leurs revenus particulièrement instables et précaires. 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Il a été demandé que leurs contributions historiques à la réduction de la pollution plastique soient explicitement reconnues, et qu’un objectif explicite de transition juste soit intégré au traité sur les plastiques.</p> <h3>Avec l’économie circulaire, tout le monde est gagnant?</h3> <p>La <a href="https://theconversation.com/quatre-idees-recues-sur-la-transition-juste-227569">transition juste</a> est un principe défendu par les groupes de travailleurs et les défenseurs de la justice sociale afin de garantir que les politiques de transition écologique protègent, améliorent et compensent équitablement les moyens de subsistance des travailleurs et des communautés affectés par l’environnement.</p> <p>Les ramasseurs de déchets ont utilisé ce terme pour réclamer que le traité comprenne des dispositions pour améliorer leurs conditions de travail et de sécurité. Mais également pour que le traité intègre davantage les travailleurs informels aux systèmes de gestion des déchets, et pour exiger que les systèmes de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/responsabilite-elargie-du-producteur-67766">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP) soutiennent aussi les travailleurs du secteur des déchets, en particulier les <a href="https://www.wiego.org/gender-waste-project">femmes et d’autres groupes vulnérables</a>.</p> <p>Etonnamment, ces demandes ont obtenu le soutien d’un large éventail de parties prenantes puissantes. Par exemple la <a href="https://www.businessforplasticstreaty.org/vision-statement#Key-elements">Business Coalition for a Plastics Treaty</a>, les <a href="https://news.un.org/en/story/2024/10/1156301">dirigeants des Nations unies</a> et même <a href="https://resolutions.unep.org/resolutions/uploads/american_chemistry_council.pdf">l’industrie pétrochimique</a>.</p> <p>Certaines de ces demandes ont été intégrées aux projets de traité sur les plastiques discutés au cours des négociations, ce qui représente une victoire majeure pour les travailleurs du secteur informel des déchets.</p> <p>Un consensus se dégage sur le fait qu’une économie circulaire inclusive peut être bénéfique à la fois pour l’environnement, l’économie et les travailleurs en améliorant la gestion de la pollution, les moyens de subsistance et les opportunités de croissance économique pour les entreprises.</p> <p>Ces promesses demandent toutefois à être vérifiées sur le terrain. Et c’est là que les choses se compliquent.</p> <h3>« Gagnant-gagnant », mais la victoire de qui ?</h3> <p>Dans mon livre <a href="https://mitpress.mit.edu/9780262546973/recycling-class/"><em>Recycling Class</em></a>, j’examine comment les efforts de recyclage inclusif ont été mis en œuvre à Bengaluru, l’une des plus grandes villes de l’Inde.</p> <figure><a href="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a> <figcaption><span></span></figcaption> </figure> <p>Dans cet ouvrage, je défends que l’intégration dans des programmes d’économie circulaire basés sur le marché n’est pas une solution miracle aux injustices ancrées dans les systèmes de production, de consommation et de production des déchets.</p> <p>La plupart des politiques d’économie circulaire et de recyclage inclusif reposent sur des mécanismes de marché, partant du principe que la création de marchés pour les déchets incitera les acteurs du marché à récupérer efficacement les déchets et à les convertir en ressources.</p> <p>Pour remplir leurs obligations en matière de <a href="https://theconversation.com/faire-payer-plus-les-entreprises-pour-quelles-reduisent-les-emballages-130073">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP), les marques peuvent alors s’engager à acheter des plastiques recyclés et à financer la collecte des déchets en achetant des <a href="https://www.worldbank.org/en/programs/problue/publication/unlocking-financing-to-combat-the-plastics-crisis">crédits plastique</a>.</p> <p>Cette approche vise à améliorer le prix des déchets, à augmenter les salaires et à encourager les efforts de collecte, tout en attirant des investissements pour financer l’amélioration des infrastructures et des technologies.</p> <p>Cependant, les mécanismes fondés sur le marché aggravent les inégalités existantes en matière d’accès au marché. Les efforts visant à donner la priorité à la traçabilité et à la transparence – dans le but d’améliorer l’efficacité du marché et le respect de la réglementation – désavantagent souvent les travailleurs informels.</p> <p>Ces derniers ne disposent pas des ressources et des capacités techniques nécessaires pour adopter des systèmes de suivi complexes basés sur les SIG ou la blockchain, et se retrouvent exclus des processus formalisés. Les start-up financées par le capital-risque et les grandes entreprises s’emparent alors du secteur du recyclage.</p> <p>Les multinationales préfèrent d’ailleurs les partenariats avec des start-up technologiques qui offrent des services à «valeur ajoutée» tels que des indicateurs et des tableaux de bord environnementaux, permettant aux entreprises de mettre en scène leur propre récit sur le développement durable. Souvent issus de milieux éduqués et privilégiés, les employés de ces firmes <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S001671852300057X">concurrencent les travailleurs informels existants, les subordonnant au passage</a>.</p> <p>A l’inverse, les femmes et les membres des minorités ethno-raciales et religieuses, qui constituent la majorité des travailleurs des économies informelles des déchets, sont confrontés à des obstacles supplémentaires. Notamment des <a href="https://mouvements.info/recuperateurs-de-dechets/">stigmates sociaux bien ancrés</a> qui limitent leur capacité à participer sur un pied d’égalité à ces marchés émergents. Ils restent toujours relégués aux mêmes tâches manuelles et difficiles, même si leurs conditions de travail en ressortent légèrement améliorées.</p> <h3>L’industrie du plastique maintient le <em>statu quo</em></h3> <p>Malgré les bonnes intentions de départ, des termes tels que «économie circulaire inclusive» sont donc trop souvent utilisés à des fins de <em>green washing</em> et même de <em>justice washing</em>, tandis que les travailleurs continuent à endurer des conditions difficiles. Une étude de <a href="https://www.circle-economy.com/resources/decent-work-in-the-circular-economy">Circle Economy</a> souligne que la plupart des emplois du secteur de l’économie circulaire restent ad-hoc et informels et ne bénéficient pas des garanties d’un emploi décent.</p> <p>En fin de compte, les travailleurs informels sont confrontés à un choix difficile: soit ils acceptent d’être exploités au sein des circuits de traitements des déchets en tant que simples ressources, soit ils risquent de perdre complètement leurs moyens de subsistance.</p> <p>Les systèmes actuels de production et de consommation du plastique déplacent donc la charge des déchets sur des communautés autochtones ou ethniques marginalisées, créant ainsi des <a href="https://www.dukeupress.edu/pollution-is-colonialism">zones sacrifiées</a>. Ce déplacement permet de maintenir la rentabilité, tout en perpétuant les atteintes à l’environnement et les inégalités sociales.</p> <p>En promouvant des technologies de <a href="https://www.bbc.com/afrique/monde-57087908">recyclage chimique</a> non éprouvées et en étendant les marchés du plastique, les entreprises <a href="https://theconversation.com/comment-lindustrie-fossile-influence-les-negociations-mondiales-sur-le-plastique-222112">pétrochimiques</a> et de matières plastiques <a href="https://direct.mit.edu/glep/article/21/2/121/97367/Future-Proofing-Capitalism-The-Paradox-of-the">s’approprient le langage de l’économie circulaire</a>. Cela leur permet de donner un vernis écologique à leurs propositions, tout en maintenant le <em>statu quo</em> sur les inégalités.</p> <p>Pendant ce temps, la HAC, plusieurs ONG et même certains ramasseurs de déchets invoquent également l’économie circulaire comme solution à la crise du plastique, en mettant l’accent sur le réemploi et le recyclage inclusif.</p> <h3>Demander des comptes aux pollueurs plutôt que compter sur l’efficacité du marché</h3> <p>Pour que l’économie circulaire aille au-delà de la simple protection du capitalisme fossile, elle doit prendre en compte les collecteurs de déchets et recycleurs informels dans le Sud et reconnaître les limites des mécanismes basés sur le marché. C’est vrai aussi bien pour le traité international sur la pollution plastique que pour d’autres démarches régionales comme le <a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/ATAG/2021/679066/EPRS_ATA(2021)679066_FR.pdf">plan d’action de l’UE pour l’économie circulaire</a>.</p> <p>En effet, toute stratégie de lutte contre la pollution plastique basée sur le marché et axée sur le profit est susceptible de reproduire ces schémas d’inégalité. Et par la même occasion, de pérenniser les injustices systémiques qui soutiennent le statu quo. Pour une transition vraiment juste, la lutte contre la pollution plastique ne doit donc pas devenir une opportunité de croissance économique ou de profit.</p> <p>Au contraire, nous avons besoin d’une approche centrée sur la réparation. Il faut d’abord, pour cela, reconnaître les contributions historiques des collecteurs informels du plastique ainsi que les préjudices qu’ils subissent. Puis redistribuer les ressources aux personnes les plus touchées et créer des systèmes qui donnent la priorité à la restauration de l’environnement et à la justice sociale plutôt qu’au profit des entreprises.</p> <p>Une économie circulaire bien financée devrait d’abord renforcer le pouvoir des travailleurs, puis améliorer les capacités des infrastructures et réduire la concentration de ces déchets en produits chimiques toxiques, plutôt que de s’appuyer sur des solutions basées sur le marché qui aggravent les inégalités.</p> <p>Les vraies solutions consistent à demander des comptes aux pollueurs et à adopter des approches circulaires fondées sur la sobriété et la réparation, et non sur l’efficacité du marché.<img src="https://counter.theconversation.com/content/244065/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/manisha-anantharaman-1526162">Manisha Anantharaman</a>, Assistant Professor, Center for the Sociology of Organisations, CNRS/Sciences Po, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/sciences-po-2196">Sciences Po </a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique-244065">article original</a>.</h4> </div>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 51, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' } ] $embeds = [] $images = [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) { 'id' => (int) 1079, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'politique1.jpg', 'type' => 'image', 'subtype' => 'jpeg', 'size' => (int) 319782, 'md5' => 'ce95eb019d69a3cf4f0f2bf7c5979327', 'width' => (int) 700, 'height' => (int) 787, 'date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'title' => null, 'description' => null, 'author' => null, 'copyright' => '© Bon pour la tête / Kevin Crélerot', 'path' => '1505598893_politique1.jpg', 'embed' => null, 'profile' => 'default', '_joinData' => object(Cake\ORM\Entity) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Attachments' } ] $audios = [] $comments = [] $author = 'Bon pour la tête' $description = 'Il suffit de lire ou de voir des interviews des trois candidats libéraux-radicaux à la succession de Didier Burkhalter pour s’en rendre compte: le Genevois Pierre Maudet surclasse ses concurrents Isabelle Moret et Ignazio Cassis. 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