Culture / «Tu seras un homme»: pour une virilité douce et forte
"Portrait de Francesco Sassetti et son fils Teodoro" (détail), Domenico Ghirlandaio, c. 1488.
Etre un homme aujourd’hui? Cela semble aussi évident que compliqué? Evident, parce qu’au fond, quand on est un homme on est homme, point. Compliqué, parce qu’on ne sait plus vraiment ce que c’est d’être homme, et l’on craint de ne jamais trouver l’équilibre entre la mollesse fade et la dureté forcenée. Avec «Tu seras un homme», le philosophe Martin Steffens s’interroge sur la question, et nous partage ses réflexions sous forme d’une promesse.
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Et tel n’est pas le but de ces quelques lignes. Récit d’une plongée entre science et émerveillement à Aquatis. Le ton est donné dès la première pièce. Les couleurs et l’ambiance spectaculaires nous indiquent qu’il ne s’agit pas que d’un musée froid et austère. Mais les schémas scientifiques, les descriptions sérieuses et tout sauf infantilisantes nous indiquent aussi qu’enfants comme adultes n’ont qu’à bien se tenir car il ne s’agit ni d’un parc d’attraction ni de quelqu’autre défouloir. Dotés d’une grande originalité, les tableaux explicatifs, films et diverses animations donnent le goût de la science, dans le sens qu’ils donnent envie de savoir et d’en apprendre davantage sur le monde qui nous entoure. On y découvre ainsi poissons, reptiles et même quelques mammifères des cinq continents disposés dans un ordre parfait. On en apprend davantage sur la géographie de nos contrées en se concentrant sur le Rhône sous toutes ses formes, puis sur le Léman et jusqu’à la mer Méditerranée. 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«Oui, il est urgent de parler aux jeunes hommes de ce qu’ils sont.»
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Pas de virilisme bourrin, pas de grandes déclarations réac’ dans Tu seras un homme. Pas de mollesse non plus. Si le philosophe a écrit ce livre, c’est parce qu’il a estimé urgent que l’homme sache qui il est, et qu’il ose la grande aventure de la virilité embrassée, assumée et vraie. Les réflexions de l’ouvrage sont poussées, sa philosophie y est profonde, sans pour autant perdre du vue le cap de simplicité. C’est ainsi que le livre illustre souvent ses propos par des exemples, tirés en grande partie du patrimoine biblique, mais aussi de la culture pop, en passant d’Abraham à Michael Jackson.
L’essai est construit en cinq chapitres aux titres obscurs, néanmoins éclairés par leur contenu lumineux. 1. Consister 2. Prendre 3. Différer 4. Etre père 5. Se déprendre. Les mots sonnent bien, mais ça ne dit pas grand-chose. Là est bien l’un des défauts majeurs du livre: l’auteur semble parfois préférer les belles formules à la profondeur du propos. Il s’élance aussi par moments dans des critiques sociétales assez générales et faciles, du genre «le divorce est un échec»… merci, mais ceux qui l’ont vécu de près ou de loin savent déjà la souffrance qu’il y a derrière un divorce.
Tu seras un homme n’en demeure pas moins bouleversant, salutaire et brillant, osant le paradoxe ou le silence face au mystère, laissant jaillir des réflexions délicieuses et fortes de page en page.
Consister
Dans ce premier chapitre, par «consister» le philosophe en appelle à la consistance d’un homme. «Première parole, premier envoi: un homme, d’abord, ça consiste. Etre un homme, c’est être un homme: c’est gagner en consistance ce que l’on perd en indétermination. (…) Etre un homme, c’est commencer par cesser d’être autre chose qu’un homme: une ombre qui passe, une feuille morte qui va et qui vient, un être sans consistance.»
Qu’y a-t-il dans l’être homme? Il y a avant tout la «générosité de soi». Se donner, s’engager, oser le risque, embrasser l’échec et le malaise, accepter la souffrance pour y trouver une source de croissance. Etre un homme, ce n’est pas qu’une fonction sociale, c’est entrer de tout son corps, de toute son âme, de tout son être dans la vie de celui est prêt à se découvrir, s’accepter pour ensuite accomplir son rôle dans la société.
Prendre
Pour être un homme, il faut savoir prendre. Un homme est un être de possession, qui bâtit sa vie, en prenant à soi des compétences professionnelles, des connaissances intellectuelles, mais aussi en prenant à soi une femme. Loin de là l’idée que le mari serait le propriétaire de épouse. Il n’y a de véritable amour que dans la liberté à part égale de chacun. Mais Steffens nous rend attentif au fait que pour qu’il y ait une relation dans un couple, il faut que les êtres aimés s’attachent, se choisissent et se prennent pour époux et épouse. Ce n’est qu’après la possession que l’on peut passer à la dépossession.
Dans ce deuxième chapitre, on trouve aussi l’idée, à contre-courant, du prince charmant. Plus personne n’y croit, ou alors seulement secrètement. L’homme qui se prend pour un prince charmant passe pour un niais. La femme qui attend le prince charmant passe pour une sotte. Pourtant, derrière l’idée du prince charmant, il y a avant tout le désir d’être aimé, le désir d’être l’élu du cœur de quelqu’un, le désir de vivre un grand amour. Etre un homme, être viril, c’est reconnaître qu’on a besoin d’amour.
Différer
Par «différer», l’essai entend «être différent» et «accepter la différence». Etre homme, c’est accepter qu’on est unique, qu’on a son propre chemin à suivre, qu’on doit prendre sa vie en main, et que personne ne va pouvoir vivre ma vie à ma place. Que personne ne pourra choisir à ma place ce qui est réellement juste et bon pour moi. Etre homme, c’est accepter que la femme est différente, qu’elle n’a pas les mêmes aspirations, pas le même corps, pas le mêmes limites.
Dans la différence justement, il y a les limites. Les limites d’une détermination à faire ceci plutôt que cela, à être ceci plutôt que cela. Tout choix implique un renoncement. En choisissant d’être adulte, on renonce à être un adolescent. En choisissant l’engagement sérieux auprès de l’être aimé, on renonce à la liberté du célibat. Il n’y a pas une bonne voie et une mauvaise voie, mais il y a des choix, des renoncement et des conséquences à assumer.
Etre père
Etre père serait une aventure passionnante, selon Steffens. Bien… mais beaucoup de choses sont passionnantes. Par «passionnant», l’essai en appelle à la passion d’une «croix qu’il faut consentir à prendre si l’on veut s’exposer pleinement à la vie». L’image est peut-être trop religieuse pour être parlante, mais chaque père en acte ou en devenir peut comprendre que la paternité est un risque. Déjà, il y a le risque du couple qui la précède. Vivre un grand amour, c’est risquer d’être un jour largué, abandonné au tragique de l’existence. Devenir père, c’est risquer de ne jamais être à la hauteur qu’incombent le soin et l’éducation d’un enfant. Et pourtant, sans risque, la vie s’arrête. On aurait beau masquer et confiner, mais l’aspiration à sortir, à rencontrer, à vivre demeure.
Etre père c’est exposer un enfant innocent au risque de la maladie, de la pauvreté et de malheurs en tout genre. Etre père, c’est risquer avec certitude de voir un jour son petit enfant partir pour commencer à son tour sa vie d’homme. Il n’y a de vraie paternité que lorsque l’on consent à perdre son enfant. Selon Steffens, c’est le rôle même du père qui doit délivrer son enfant un jour de cette enfance pour qu’il prenne son envol. Sans quoi l’enfant ne serait pas un fils ou une fille, mais une propriété.
Se déprendre
Dans son dernier chapitre, très bref, le philosophe en appelle à liberté de l’homme qui se déprend. Ce qui peut sembler paradoxal, car tout au long des quatre premier chapitres, il semble plutôt le charger de responsabilités. Mais là, il l’encourage plutôt à se décharger d’un poids. C’est l’antidote nécessaire pour éviter à tout prix le virilisme, pour éviter par exemple des thèses à la Zemmour qui voudraient quasiment que l’homme ne soit qu’un cruel guerrier.
Tant d’hommes aujourd’hui s’inquiètent de l’état d’une société où les hommes ne sont plus des hommes, où les pères délaissent femme et enfant et fuient leurs responsabilités. Le constat peut être légitime mais gare ne pas s’endurcir à l’extrême, comme un fruit trop vert. Un fruit vert à beau être consistant, il ne répond pas pour autant à son appel: être doux et savoureux. «Le fruit vert est aigre: l’homme qui est inquiet, soucieux de ce monde, de ses brutales transitions, de sa bêtise galopante, peut de même céder à la tentation de l’aigreur.»
Au prétendu héroïsme de l’homme qui veut sauver la virilité, sauver la paternité et sauver la civilisation, l’essai préfère l’héroïsme quotidien de l’homme qui, avec ses limites et ses faiblesses, s’occupe de prendre soin de lui, pour mieux prendre soin de sa femme, de ses enfants, de ses parents et de ses amis.
Un homme, parfois avec maladresse, sait être grand dans les petites choses. Il sait s’abaisser, se donner, se défendre tant bien que mal quand s’est nécessaire, se taire pourtant parfois pour ne pas ajouter de la souffrance à la souffrance, se respecter pour ce qu’il est. «Tu seras un homme», dans la douceur et dans la force: telle est la promesse que veut exprimer le livre. A chacun de se suivre le chemin de cette promesse, d’en douter ou de le rejeter. Mais à chacun d’être soi, vraiment et pleinement.
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Il se ruine, il est boudé, ridicule, mais sait prendre sa revanche sur la critique, en s’élevant là où il se voyait déjà, «en haut de l’affiche». Rolls, fourrures, Vegas, mais aussi travail et encore travail, sans oublier les drames et un malheur qui le poursuit. Et le film s’achève, à l’aube des années 70.</p> <h3>Critique</h3> <p>Si j'avais été grincheux, j’aurais dit que le film était un raté grotesque, dirigé par une équipe d’amateurs, interprété selon une performance proche de celle des kermesses, rythmé de façon banale, sans originalité aucune, ne sachant pas rendre à l’écran une once de qui fut ce «Monsieur Aznavour», pompeusement nommé, ni de son œuvre infiniment plus riche que celle qui passe comme une musique de fond sous le jeu d’un acteur qui singe Aznavour. Mais je ne suis pas grincheux. Le film est bien décevant sous certains aspects, il comporte bien des problèmes tant au niveau du jeu que de la réalisation. <i>Et pourtant, pourtant…</i> ce film a du cœur.</p> <p>Aussi, être grincheux face à cette équipe de jeunes qui aiment sincèrement Aznavour et qui se sont donnés de la peine pour réaliser ce film, ce serait jouer les scribouillards qui critiquent tout sans avoir jamais rien fait par soi. La critique aurait eu de quoi se déchaîner si le film et son équipe étaient prétentieux. <i>Et pourtant, pourtant…</i> il n’en est rien. Etre grincheux, c’eût été encore faire le jeu de ces critiques qui s’en prenaient à Aznavour lui-même en écrivant, pour l’un d'eux cité dans le film, «comment peut-on laisser un infirme chanter?», avant de venir présenter ses excuses à un Aznavour bonhomme qui n’en tient pas rigueur et qui offre même une coupe de champagne à son détracteur.</p> <p><i>Et pourtant, pourtant…</i> disons ce qu’il y a à dire. Le jeu de Tahar Rahim, avec les qualités de ses défauts, est davantage une imitation, parfois exagérée aux confins du ridicule, qu’une interprétation. Sans parler des colères surfaites de Charles qui auraient eu davantage leur place sur des planches de théâtre que sur un plateau de cinéma. Quant à la famille Aznavourian et leur entourage, jamais n’a été livrée une mise en scène aussi caricaturale des gentils Arméniens qui aiment la poésie et les fêtes, et qui sont très pauvres mais vraiment très très gentils, généreux et accueillants alors. On est à la limite du racisme.</p> <p>La musique et les paroles d’Aznavour passent comme une bande-son qui font compagnie aux images. Et la trame est agencée sans aucune originalité. Comme un défilé de clowns, on voit tantôt apparaître un Johnny Hallyday, tantôt un Sinatra, tantôt tel compositeur, tel imprésario, telle femme à séduire, telle autre qui viennent remplir la scénario d’une lourdeur insupportable.</p> <p><i>Et pourtant, pourtant…</i>, le film a certes du cœur, et c’est l’essentiel, mais il compte aussi de réelles qualités. Si aucun acteur adulte ne crève l’écran, les enfants eux, notamment les interprètes de Charles et de sa sœur, sont fascinants tant ils inspirent de la sympathie, mais surtout tant ils rendent le sentiment et la vie de l’époque où les Aznavourian étaient des réfugiés en terre de France.</p> <p>Autre grande qualité du film par son scénario, c’est la complexité avec laquelle est dépeinte l’artiste: loin d’être idéalisé, il est montré dans sa gloire, certes, mais aussi dans ses échecs, ses erreurs et avec une tristesse qui le suit jusqu’au sommet. 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Quand on admire une personnalité, on aime partager, ou en l’occurrence repartager, ses joies dans ses conquêtes professionnelles ou amoureuses, et pleurer avec elle sur ses misères, comme le décès de son fils Patrick, qui a donné lieu d’ailleurs à «<a href="https://www.youtube.com/watch?v=Ll-C2ExMBXs" target="_blank" rel="noopener">L’aiguille</a>», l’une des chansons les plus émouvantes de son répertoire.</p> <p>Revenir sur la vie et l’œuvre d’Aznavour c’est accompagner chacune des étapes de sa propre vie par l’une de ses chansons. Et son répertoire est l’un des rares à offrir ce champ de textes propres à chaque occasion. Où est-ce qu’Aznavour me rejoint par son œuvre?</p> <p>J’abordais cette question dans une série d’articles rédigés en 2018, à l’occasion de son décès. Aznavour me rejoint dans ma <a href="https://leregardlibre.com/musique/la-dimension-chretienne-de-loeuvre-daznavour/" target="_blank" rel="noopener">vie spirituelle</a>, dans ma vie sexuelle – ou du moins telle que je la <a href="https://leregardlibre.com/musique/aznavour-un-chanteur-du-sexe/" target="_blank" rel="noopener">phantasme</a> – et surtout dans ma vie de <a href="https://leregardlibre.com/musique/aznavour-chante-les-loosers/" target="_blank" rel="noopener"><i>loser</i></a>. Aznavour chante les <i>losers</i>. Aznavour est un <i>loser</i>. J’en suis un aussi. <i>Et pourtant, pourtant…</i> le <i>loser</i> n’est pas celui qui a tout raté, loin de là. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
3 Commentaires
@marcus28 18.11.2022 | 07h47
«Eh bien, il fallait oser !
Merci à l'auteur, dans le brouillard ambiant, d'oser redire l'évident, qui ne l'est plus.
Et merci au chroniqueur d'avoir osé en parler.»
@Lorraine 18.11.2022 | 10h42
«mais enfin ! merci! tellement d'hommes se sont perdus par rejet de l'autorité trop violente, trop de responsabilités étouffantes de leur sensibilité existante. Et tant de femmes qui sont devenus des hommes par survie au détriment de leur nature, leurs cycles, leur corps. Vaste sujet qui mérite d'être beaucoup plus traité...»
@asd 19.11.2022 | 11h22
«Consister, prendre, différer, être mère/père, se déprendre... il me semble que nous sommes là face à ce qui fait notre humanité. Merci de cet article qui ouvre maintes discussions ô combien nécessaires, tout en nous ramenant à la fois à l'humilité et à la grandeur de chacun.e, dont l'héroïsme consiste à chercher à devenir tout au long de son existence toujours plus et mieux humain, en relation avec les autres. Anne Sandoz Dutoit»