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<p>Car la Hongrie, à l’instar du reste du continent, et peut-être même davantage, est sévèrement ébranlée par les conséquences de l’invasion russe en Ukraine. Viktor Orbán avait promis, lors de sa campagne électorale, «paix et sécurité» pour les Hongrois, s’engageant à se tenir le plus loin possible de la guerre. Cent jours après sa victoire, la guerre et ses conséquences rattrapent celui qui détient le record de longévité au pouvoir en Europe.</p>
<h3>Exception vitale à l’embargo sur le pétrole russe</h3>
<p>Sans surprise, le forint poursuit sa chute, autour de 400 HUF pour un euro ce 30 juin. Sur le site <a href="https://www.napi.hu/tozsdek-piacok/forint-tortenelmi-melypont-euro-dollar-deviza-piac-mnb-kamatemeles.755052.html" target="_blank" rel="noopener">napi.hu</a>, on lit à la fois l’inquiétude des économistes, qui estiment que «rien ne semble pouvoir enrayer cette chute, sinon une décision de la Magyar Nemzeti Bank sur les taux d’intérêt», et le flegme de la population, qui s’attend à ce que la monnaie nationale s’affaiblisse encore au cours de l’année, pour atteindre le seuil de 450 HUF pour un euro d’ici décembre. </p>
<p>Un flegme impressionnant au regard de la situation: 12%, c’est le chiffre estimé de l’inflation en Hongrie. A titre de comparaison, on s’attend à atteindre 6% en France au mois de juin, à peine 3% en Suisse. </p>
<p>Conséquence, seuls 13% des répondants à <a href="https://courrierdeuropecentrale.fr/breve/linflation-impacte-deja-la-consommation-des-menages-hongrois/" target="_blank" rel="noopener">un sondage</a> de Pulzus Kutató ont indiqué n’avoir pas réduit leur train de vie, quand 58% disent dépenser moins en vêtements, 38% en alcools et tabac, et 34% en nourriture! Un dernier chiffre préoccupant, quand on sait que Viktor Orbán a fondé l’essentiel de son maintien au pouvoir sur la protection de la population contre les conséquences économiques de la guerre. Le gel des prix de six produits alimentaires est maintenu, ainsi que celui du carburant, artificiellement bas. Alors que le litre d'essence tutoie voire dépasse les 2€ sur tout le continent, il ne coûte qu’1,20€ en Hongrie. Inutile, cependant, de vous précipiter avec vos bidons, ce tarif est strictement réservé aux véhicules immatriculés sur le territoire... </p>
<p>Cette garantie de stabilité et de paix sociale, le Premier ministre l’a durement arrachée lors de la réunion extraordinaire du Conseil européen, fin mai, où étaient discutés la sécurité alimentaire, les questions de défense et un nouveau train de sanctions contre la Russie comportant notamment un embargo sur les importations de pétrole brut et de produits pétroliers russes.</p>
<p>Dépendant en majorité du pétrole et du gaz russes, Budapest a réussi à infléchir l’embargo européen et à y introduire une exception pour les livraisons d’hydrocarbures par oléoducs, qui concernent également la République tchèque, la Slovaquie et la Bulgarie. Une victoire présentée triomphalement comme telle par Viktor Orbán au terme des négociations, mais une épine supplémentaire dans le pied de l’unité européenne. </p>
<p>Toujours dans le domaine de l’énergie, la Hongrie s’est vue octroyer l’autorisation de poursuivre son partenariat avec le russe Rosatom pour l’exploitation et l’extension, à hauteur de 12 milliards d’euros pour de nouveaux réacteurs, de la centrale nucléaire de Paks. L’approvisionnement en combustible par la Russie est également assuré: celui-ci sera acheminé par avion, la Pologne ayant accepté, vu la sensibilité de la question, le survol de son territoire à titre exceptionnel.</p>
<h3>L’<em>idiotagate</em>: Budapest contre Ryanair</h3>
<p>Le gouvernement semble donc engagé dans une course contre la montre pour endiguer, à coups de mesures d’urgence, de rustines et d’adaptations, une crise économique et sociale qui couve. Alors que l’état d’urgence Covid a pris fin ce printemps, lui a succédé presque aussitôt un état d’urgence justifié par la situation en Ukraine, qui permet au gouvernement en cas de besoin d’agir «rapidement» et «par tous les moyens nécessaires», c’est-à-dire gouverner par décrets. </p>
<p>Au nombre des mesures, on compte également la taxe sur les profits exceptionnels, dont les retombées déjà bien réelles pour les consommateurs font couler beaucoup d’encre. </p>
<p>Présentée comme un moyen de financer un renforcement de la défense militaire et le maintien artificiel des prix bas du carburant et de l’énergie, cette taxe vise les «milieux d’affaires qui profitent de la guerre» selon le Premier ministre, et touche les entreprises pétrolières, les secteurs de la banque, de la grande distribution ou encore les compagnies aériennes. Ces dernières ont décidé de ne pas se laisser faire. Les trois compagnies low-cost qui desservent Budapest, EasyJet, la hongroise WizzAir et surtout Ryanair ont fait savoir que le poids de la taxe sur les profits serait répercuté automatiquement sur le prix des billets. Une catastrophe en termes de communication. </p>
<p>Le remuant patron de Ryanair, Michael O’Leary, s’est ainsi fendu de déclarations explosives dans l’hebdomadaire <em>HVG</em>, traitant le ministre de l’Economie Mihály Varga d’«idiot» à pas moins de cinq reprises... Le gouvernement a répliqué, remarquant que Ryanair était moins prompt à réagir aux nombreuses et fréquentes réclamations de sa clientèle en cas de vols annulés ou retardés. La partie de ping-pong se poursuit par voie de presse et réseaux sociaux interposés, mais la taxe sera bien appliquée dès cet été, conduisant à des suppléments de 10€ par passager pour voler dans l’espace européen.</p>
<h3>Katalin Novák au secours de la diplomatie hongroise</h3>
<p>Nous pointions déjà ce printemps l’isolement croissant de la Hongrie sur la scène internationale, du fait de la proximité de Viktor Orbán avec la Russie de Poutine. La défaite, au mois d’avril, de deux poulains du Premier ministre, l’a renforcé encore. En Slovénie, le très proche et populiste Janez Jansa a été battu largement par Robert Golob, qui a promis à ses électeurs qu’ils n’entendraient «jamais plus parler de démocratie illibérale», un tacle évident au voisin hongrois. Dans une moindre mesure, la réélection d’Emmanuel Macron a également douché les espoirs d’obtenir, avec Marine Le Pen, un puissant allié dans les débats européens. </p>
<p>Le départ de la chancelière allemande Angela Merkel, qui jouait un rôle de médiatrice entre la Hongrie, adepte des provocations et flirtant toujours avec les sanctions, et le reste de l’Union, fragilise aussi la position de Budapest. Est-ce pour cette raison que Viktor Orbán s’est fendu d’un nouveau coup d’éclat à l’issue de la réunion du Conseil européen? Alors que les accords, âprement négociés, étaient signés, le Premier ministre hongrois a réclamé (et obtenu) le 2 juin le retrait du patriarche Kirill, chef de l'Eglise orthodoxe russe, de la liste des personnes sanctionnées par l’UE, au nom de la «défense des valeurs chrétiennes de l’Europe». Une entorse diplomatique qui n’a pas été du goût de ses partenaires européens.</p>
<p>Elue le 10 mai dernier, la nouvelle Présidente Katalin Novák, 44 ans et première femme à accéder à ce poste surtout honorifique, est appelée à jouer le rôle du bon flic dans la diplomatie hongroise. Cette juriste mère de trois enfants parle couramment le français, l’anglais et l’allemand, et a pris soin lors de son intronisation de condamner sans ambiguïté l’invasion de l’Ukraine. Rappelons qu'après sa victoire électorale, Viktor Orbán avait désigné Volodymyr Zelensky comme un «ennemi de la nation».</p>
<p>Dès le lendemain, elle s’envolait pour une visite officielle à Varsovie, afin de recoller les morceaux avec le parti au pouvoir PiS, allié historique du Fidesz mais fâché par les compromissions russes de Budapest. Décorée notamment de la Légion d'honneur par la France, Novák ne cache pas ses positions conservatrices, son engagement pour la défense de la famille traditionnelle et contre le mariage homosexuel, cela sous un vernis plus présentable à l'ouest du continent.</p>
<h3>Le laboratoire hongrois du trumpisme</h3>
<p>En somme, malgré les secousses, la Hongrie persiste dans la voie de l’illibéralisme, dont elle se veut la vitrine en Europe et dans le monde. Viktor Orbán resserre sa mainmise sur le pays, comme en témoignent par exemple les récents remous autour d’une loi sur le service minimum dans l’éducation, rendant <em>de facto</em> illégale la grève des enseignants qui réclament depuis des mois une revalorisation de leur salaire et de meilleures conditions de travail. </p>
<p>Un nouvel amendement à la Constitution de 2011 se prépare également au Parlement, pour modifier le calendrier électoral et aligner les élections locales et municipales sur les européennes, les seules à la proportionnelle dans le pays. Cela viserait à affaiblir les stratégies électorales de l’opposition qui avait connu un succès relatif lors des municipales de 2019. </p>
<p>Un <a href="https://www.newyorker.com/magazine/2022/07/04/does-hungary-offer-a-glimpse-of-our-authoritarian-future" target="_blank" rel="noopener">long article</a> paru dans le <em>New Yorker</em> présente même la Hongrie comme le laboratoire de l’aile droite des Républicains américains, qui viennent de plus en plus y puiser modèles et inspirations. Selon le journaliste Andrew Marantz, il faut considérer la situation hongroise comme un avant-goût de ce qui attend les Etats-Unis – et par extension, le reste de l'Occident.</p>
<p>On apprend que le gouverneur de Floride Ron DeSantis s’est inspiré de la loi hongroise contre la «propagande LGBT» pour imposer sa propre législation, dite «Don’t say gay». «Nous avons observé les Hongrois», aurait-il ouvertement admis.</p>
<p>Dans une description longue et bien informée des milieux lobbyistes conservateurs qui naviguent entre Washington et Budapest, l’article mentionne le célèbre propagandiste audiovisuel Tucker Carlson, venu tourner une série d’émissions dans la capitale en août 2021, ainsi qu’un entretien avec le Premier ministre. Il est aussi question, bien entendu, de Steve Bannon, affirmant en 2018 que Viktor Orbán assurait comme personne son rôle de bête noire des libéraux, «un Trump avant Trump», ce qui est un compliment appuyé. </p>
<p>A deux ans des prochaines élections présidentielles américaines, les Démocrates observent anxieusement la Hongrie d’Orbán, laboratoire à grande échelle de l’illibéralisme. La «baraque la plus gaie du camp», comme on l’appelait à l’époque de la guerre froide, élève modèle du libéralisme occidental dans les années 1990-2000, est aujourd’hui la base arrière du conservatisme américain le plus dur. «L’Ouest a encore beaucoup à apprendre de vous», en dit ainsi l’un des lobbyistes cités par Andrew Marantz. De notre côté de l’Atlantique, il convient également de ne pas quitter le régime Orbán des yeux: s’il ne nous montre peut-être pas notre avenir immédiat, il doit demeurer une mise en garde.</p>',
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<p>Car la Hongrie, à l’instar du reste du continent, et peut-être même davantage, est sévèrement ébranlée par les conséquences de l’invasion russe en Ukraine. Viktor Orbán avait promis, lors de sa campagne électorale, «paix et sécurité» pour les Hongrois, s’engageant à se tenir le plus loin possible de la guerre. Cent jours après sa victoire, la guerre et ses conséquences rattrapent celui qui détient le record de longévité au pouvoir en Europe.</p>
<h3>Exception vitale à l’embargo sur le pétrole russe</h3>
<p>Sans surprise, le forint poursuit sa chute, autour de 400 HUF pour un euro ce 30 juin. Sur le site <a href="https://www.napi.hu/tozsdek-piacok/forint-tortenelmi-melypont-euro-dollar-deviza-piac-mnb-kamatemeles.755052.html" target="_blank" rel="noopener">napi.hu</a>, on lit à la fois l’inquiétude des économistes, qui estiment que «rien ne semble pouvoir enrayer cette chute, sinon une décision de la Magyar Nemzeti Bank sur les taux d’intérêt», et le flegme de la population, qui s’attend à ce que la monnaie nationale s’affaiblisse encore au cours de l’année, pour atteindre le seuil de 450 HUF pour un euro d’ici décembre. </p>
<p>Un flegme impressionnant au regard de la situation: 12%, c’est le chiffre estimé de l’inflation en Hongrie. A titre de comparaison, on s’attend à atteindre 6% en France au mois de juin, à peine 3% en Suisse. </p>
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<p>Présentée comme un moyen de financer un renforcement de la défense militaire et le maintien artificiel des prix bas du carburant et de l’énergie, cette taxe vise les «milieux d’affaires qui profitent de la guerre» selon le Premier ministre, et touche les entreprises pétrolières, les secteurs de la banque, de la grande distribution ou encore les compagnies aériennes. Ces dernières ont décidé de ne pas se laisser faire. Les trois compagnies low-cost qui desservent Budapest, EasyJet, la hongroise WizzAir et surtout Ryanair ont fait savoir que le poids de la taxe sur les profits serait répercuté automatiquement sur le prix des billets. Une catastrophe en termes de communication. </p>
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<p>Nous pointions déjà ce printemps l’isolement croissant de la Hongrie sur la scène internationale, du fait de la proximité de Viktor Orbán avec la Russie de Poutine. La défaite, au mois d’avril, de deux poulains du Premier ministre, l’a renforcé encore. En Slovénie, le très proche et populiste Janez Jansa a été battu largement par Robert Golob, qui a promis à ses électeurs qu’ils n’entendraient «jamais plus parler de démocratie illibérale», un tacle évident au voisin hongrois. Dans une moindre mesure, la réélection d’Emmanuel Macron a également douché les espoirs d’obtenir, avec Marine Le Pen, un puissant allié dans les débats européens. </p>
<p>Le départ de la chancelière allemande Angela Merkel, qui jouait un rôle de médiatrice entre la Hongrie, adepte des provocations et flirtant toujours avec les sanctions, et le reste de l’Union, fragilise aussi la position de Budapest. Est-ce pour cette raison que Viktor Orbán s’est fendu d’un nouveau coup d’éclat à l’issue de la réunion du Conseil européen? Alors que les accords, âprement négociés, étaient signés, le Premier ministre hongrois a réclamé (et obtenu) le 2 juin le retrait du patriarche Kirill, chef de l'Eglise orthodoxe russe, de la liste des personnes sanctionnées par l’UE, au nom de la «défense des valeurs chrétiennes de l’Europe». Une entorse diplomatique qui n’a pas été du goût de ses partenaires européens.</p>
<p>Elue le 10 mai dernier, la nouvelle Présidente Katalin Novák, 44 ans et première femme à accéder à ce poste surtout honorifique, est appelée à jouer le rôle du bon flic dans la diplomatie hongroise. Cette juriste mère de trois enfants parle couramment le français, l’anglais et l’allemand, et a pris soin lors de son intronisation de condamner sans ambiguïté l’invasion de l’Ukraine. Rappelons qu'après sa victoire électorale, Viktor Orbán avait désigné Volodymyr Zelensky comme un «ennemi de la nation».</p>
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<p>Un nouvel amendement à la Constitution de 2011 se prépare également au Parlement, pour modifier le calendrier électoral et aligner les élections locales et municipales sur les européennes, les seules à la proportionnelle dans le pays. Cela viserait à affaiblir les stratégies électorales de l’opposition qui avait connu un succès relatif lors des municipales de 2019. </p>
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<p>On apprend que le gouverneur de Floride Ron DeSantis s’est inspiré de la loi hongroise contre la «propagande LGBT» pour imposer sa propre législation, dite «Don’t say gay». «Nous avons observé les Hongrois», aurait-il ouvertement admis.</p>
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'content' => '<p>Deux villes construites au milieu de nulle part. L’une aux Etats-Unis, l’autre en Union soviétique. A l’image des deux blocs qui s’affrontent lors de la guerre froide, ces deux utopies atomiques se font face; elles fournissent toutes deux en plutonium l’armement nucléaire des deux pays. L’historienne américaine Kate Brown raconte cette histoire en miroir, aussi fascinante qu’effrayante. Après la chute de l'URSS, les «villes fermées» ont été un peu documentées: des communautés autarciques, des lieux tenus secrets, entourés de barbelés et surveillés par des gardes, dans lesquels scientifiques, ouvriers, industriels parvenaient tout de même à poursuivre leur vie de famille. Oppressant environnement, éloigné de tout. Photographies à l’appui, Kate Brown retrace l’histoire de ces utopies (littéralement «en aucun lieu», qui n’existent sur aucune carte). Elle mêle l’épluchage des archives et l’enquête de terrain. Elle explique comment la course à l’armement passe avant tout, dans les deux régimes pourtant en tout opposés: les Américains restreignent grandement les libertés chéries, quand les Soviétiques cèdent aux sirènes de l’<em>american way of life</em>, pourvu que les habitants des villes secrètes produisent des résultats. Les armes passent aussi avant les vies humaines. Les accidents sont fréquents, d’un côté comme de l’autre; les employés du complexe nucléaire sont donc interchangeables. La dangerosité du plutonium, les conséquences sur la santé et l’environnement de la radioactivité? De très, très confidentiels secrets d’Etat. Rien ne doit ralentir la marche vers l’anéantissement potentiel.</p>',
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'content' => '<p>Taiwan, convoitée par la Chine, a pris la mesure du danger existentiel de la désinformation, pour la démocratie en général et pour sa propre souveraineté en l’occurence. La «guerre informationnelle» dont ses dirigeants accusent la Chine a conduit à considérer les fake news comme un virus. A la population de développer des anticorps.</p>
<p>Première stratégie, l’humour, pratiqué au sommet de l’Etat. En 2020, une étrange phobie a frappé le monde entier, nous nous en souvenons en Europe, et Taiwan n’y a pas fait exception: la crainte d’une pénurie de papier toilette, qui a entrainé... une pénurie de papier toilette, chacun s’employant à constituer des stocks. A Taiwan, une rumeur persistante affirmait que les masques étaient fabriqués à partir des mêmes matériaux que le papier toilette, et que ce dernier allait donc être relégué au dernier rang des priorités. Dans un territoire aussi densément peuplé que Taiwan, 23 millions d’habitants sur moins de 36’000 km<sup>2</sup>, les bousculades et les mouvements de foule dans les supermarchés ne sont pas passés inaperçus. Le gouvernement a fait appel à des humoristes. L’objectif étant que la vraie information se répande plus vite et plus largement encore que la rumeur. Le résultat est à la hauteur: un «mème» (un visuel destiné à devenir viral sur les réseaux sociaux) montrant supposément le derrière du Premier ministre taïwanais, qui se trouve être chauve, avec le commentaire «chacun n’a qu’une paire de fesses...» C’est-à-dire: il y aura bien du papier toilette pour tout le monde.</p>
<p>Deuxième stratégie, l’organisation et la coopération des citoyens. L’ADN donne en exemple la plateforme Co-facts. Il s’agit d’un site de <em>fact-checking</em> collaboratif: tout citoyen qui repère une fausse information sur les réseaux sociaux peut la «fact-checker». Un programme permet ensuite d’associer le contenu concerné avec la vérification et la dénonciation des fausses informations. Le système des notes de la communauté, sur Twitter, s’en rapproche. </p>
<p>Plusieurs autres initiatives existent à Taiwan, et les citoyens sont vigilants lors des crises ou d’événements politiques propices à susciter une vague de désinformation. Ainsi l’organisation MyGoPen avait infirmé les rumeurs de tricherie lors de l’élection présidentielle.</p>
<p>Troisième stratégie, le «<em>prebunking</em>». On connaissait le «<em>debunking</em>», qui désigne le fait de démontrer la fausseté d’une information ou d’un contenu et de le corriger. Les progrès de l’intelligence artificielle permettent désormais d’anticiper. Il s’agit de sensibiliser les citoyens notamment au danger des «<em>deep fakes</em>», ces fausses vidéos plus vraies que nature qui peuvent mettre en scène des célébrités ou des politiques et leur faire tenir n’importe quels propos.</p>
<p>Audrey Tang, la ministre des Affaires numériques de Taiwan, a expliqué en vidéo, en créant un <em>deep fake</em> d’elle-même, combien la manœuvre était facile. Et donc dangereuse.</p>
<p>La prévention fonctionne, note le magazine: «Des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0065260123000266">études</a> récentes confirment que pour protéger les citoyens des fake news, il peut effectivement être utile de les exposer intentionnellement à de la désinformation. De quoi donner de la légitimité à la méthode du <i>prebunking</i>. Audrey Tang se félicite de ces initiatives: "Le résultat est qu’en 2024, lorsque nous avons vu des deep fakes pendant notre campagne électorale, ils n'ont pas eu beaucoup d’effet, parce que depuis deux ans, les citoyens ont déjà développé des anticorps dans leur esprit."»</p>
<p>Coopération, éducation et communication: une démocratie saine a tous les outils nécessaires pour armer ses citoyens contre les fausses informations. L'exemple taïwanais montre que l'implication des gouvernements est aussi indispensable que l'engagement des citoyens.</p>
<hr />
<h4><a href="https://www.ladn.eu/media-mutants/secrets-de-fabrication-comment-taiwan-parvient-a-lutter-contre-les-fake-news-de-la-chine/" target="_blank" rel="noopener">Lire l'article original</a></h4>',
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