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Chronique

Chronique / Délices d’été: les amours estivales


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L’été est là, avec ses chaleurs, ses émois et ses folies. A travers six épisodes, partez à l’aventure dans les délices de l’été. Des amours en passant par la gastronomie jusqu’à la baignade et aux apéros, vivez un été aussi sensuel que littéraire avec Bon Pour La Tête. Episode 1, les amours estivales.



Je ne suis pas coutumier des vacances à la plage. Je n’ai pas l’habitude de partir en vacances tout court. Je n’ai pas un corps sur lequel les regards s’arrêtent, pleins de désirs. Je n’ai jamais connu une amourette de vacances, je n’ai jamais connu non plus les émois de deux corps qui se touchent, au hasard d’une rencontre, sur le sable fin. 

Je n’ai, en somme, jamais osé aborder une fille en bikini sur une plage, ni lors de mes baignades lacustres en Suisse, ni lors de mes quelques séjours au bord de l’Adriatique en Italie, où les êtres semblent étrangement plus prompts à la rencontre.

Je n’ai jamais connu d'amours estivales. Je n’ai jamais osé rejoindre une fille près de sa serviette de bain pour lui dire: «Je ne vous connais pas, mais je vous ai vue, j’ai vu vos yeux, j’ai vu vos lèvres, j’ai vu votre cou, j’ai vu la forme de vos seins, j’ai vu votre nombril, j’ai vu vos chevilles, et je vous désire…» Ou plus sobrement: «Est-ce que ça vous dirait d’aller prendre un verre bar du lido?» 

Non, je n’ai jamais osé. Je ne me suis jamais tenu, main dans la main, avec une fille rencontrée sur la terrasse d’un hôtel au bord de mer. Je n’ai jamais fait ce dont je rêvais, ce que désirais au plus profond de mes sens. Est-ce trop tôt? Est-ce trop tard? Ai-je raté ma jeunesse? Est-elle encore devant moi? Ces amours estivales sont-elles encore à découvrir, encore à vivre, au-delà même de mes phantasmes?

Comme ceux qui sont nostalgiques d’une époque qu’ils n’ont pas connue, je suis d’autant plus rêveur des joies auxquelles je n’ai pas goûté. Alors je rêve, oui, je rêve, d’aborder cet été une femme aux abords du lac de Neuchâtel, au hasard d’une plage méditerranéenne, et de vivre enfin mes amours estivales. 

Je rêve, dans le réveil d’un matin, de la regarder dans les yeux autour d’une tasse de café fumante. Je rêve, dans les lourdeurs de l’après-midi, de la regarder, passive, brûlant au soleil, se laisser griffer le corps par les rayons du soleil ardent. Je rêve de l’attendre, en début de soirée, tout beau tout propre, à la réception de son hôtel. Je rêve qu’elle ne s’y présente pas. 

Je rêve qu’elle me fasse attendre, qu’elle me déçoive et qu’elle me désespère. Je rêve qu’elle ne se présente pas du tout. Je rêve qu’elle m’ignore au lendemain. Je rêve de passer devant sa chaise longue au matin du lendemain, pour me faire remarquer, et qu’elle ne daigne même pas m’accorder le centième d’un regard. Je rêve d’en pleurer l’après-midi du lendemain. Je rêve d’en avoir le nœud à la gorge qui dure et perdure jusqu’au soir. 

Je rêve de me dire que je n’ai plus aucun espoir. Que je me serais fait avoir, comme toujours… Je rêve d’imaginer qu’elle ne pourrait jamais s’intéresser à un type comme moi; que de toute manière elle doit avoir un copain plus jeune, plus musclé, plus frais. Je rêve de me dire que je suis ridicule. Je rêve de prendre mon apéro seul.

Et puis la voilà qui reparaît en fin de soirée. La voilà qui me regarde et qui me dit «salut». Me voilà qui lève les yeux. Me voilà vexé et gêné. Me voilà mal à l’aise. Me voilà lui répondant «salut». Et le cœur s’emballe. Je me réjouis, je lui souris. Et elle me sourit. 

Je me lève, m’approche d’elle, et du revers de ma main je caresse le revers de sa main. Mes yeux se fondent dans les siens. J’embrasse sa pommette gauche. Elle ferme les yeux car elle est gênée à son tour. Ses doigts caressent cette fois les miens. Mon cœur bat à mille à l’heure. Je sens le sien qui palpite. Son visage rougit et elle est encore plus belle. 

Nous faisons quelques pas dans la localité au bord de mer. Je lui propose une glace, elle dit «ça va.» Alors nous marchons encore, sans parler car les mots ne viennent pas. Je la ramène à son hôtel, mais elle ne veut pas rentrer, et je ne veux pas qu’elle rentre non plus. Alors nous marchons encore et nous finissons sur la plage. 

C’est déjà la nuit, nous sommes seuls. Son cou souple se tourne, je la regarde et j’ai envie de mourir de bonheur. Je vis mon éternité à travers son regard. Nous nous embrassons, longtemps, langoureusement. Nos respirations se confondent. Son corps penche vers l’arrière, elle est couchée, et mon corps suit son mouvement. Je me tiens sur mes avant-bras, lui touche le cou de mes pouces, elle touche mes joues…

Après une nuit à la plage, chacun reprend son chemin au petit matin venu par la brise. Avant cela, je lui adresse un regard, elle sourit. Elle est partie. Je ne l’ai plus revue. 

Ce sera mon amour d’été. Celui dont je rêve encore. Celui qui est encore à vivre. 

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