Actuel / Elysée 2022: qui sont les six nains de la campagne?
Affiches électorales à Lyon, avril 2022. © Franck Chapolard/Collectif DR
Il n’est pas d’élection présidentielle française sans ces Petits Poucets qui donnent parfois une pincée de sel à une campagne trop fade. Nains en matière de sondages, ces candidats battus d’avance revendiquent leur droit au projecteur. De Gaulle avait tout fait pour les éviter. Mais les plus tenaces passent quand même entre les mailles du filet. Attention: Petit Poucet peut devenir grand!
Créateur de l’élection du président de la République au suffrage universel direct en 1962 (première compétition sous ce régime en 1965), Charles de Gaulle avait utilisé un filtre pour empêcher ce qu’il nommait «les hurluberlus» de se mêler aux candidats dits «sérieux». Filtre qui, d’ailleurs, était déjà en vigueur lorsque le président était élu au suffrage indirect.
Ce filtre porte un nom officiel, «présentation des candidats à l’élection présidentielle», et une dénomination officieuse largement utilisée, «le parrainage». Chaque candidat à la magistrature doit être présenté par 500 élus (députés, sénateurs, maires, conseillers départementaux et régionaux).
Même si des têtes politiques y sont restées coincées – Jean-Marie Le Pen en 1981, Charles Pasqua en 2002 –, ce filtre n’a pas empêché nombre d’outsiders de se qualifier pour le sprint du premier tour.
Comment séparer les «petits» des «gros»? La tâche se révèle malaisée. Nous nous sommes basés sur un seul critère contestable mais qui a l’avantage de la clarté: les scores obtenus dans le «compilateur» des sondages du site HuffingtonPost à la date du 26 mars.
Nous avons fixé la limite des «petits» candidats à 5% au maximum des intentions de vote. Les candidats qui n’atteignent pas ce pourcentage des suffrages exprimés voient leurs frais de campagne n’être que très partiellement remboursés1. C’est dire si les soutiers de la campagne doivent travailler d’arrache-suffrage pour parvenir à franchir cette barre des 5%. Les candidats se situant au-dessous seront donc élus nains de la campagne 2022. «And the losers are…»
- Fabien Roussel (Parti communiste français): 3,5% des intentions de vote
- Jean Lassalle (Résistons!): 2,5%
- Anne Hidalgo (Parti socialiste): 2,1%
- Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France!):1,9%
- Philippe Poutou (Nouveau Parti Anticapitaliste): 1,1%
- Nathalie Artaud (Lutte Ouvrière): 0,15%
Anne Hidalgo en géante nanifiée
La présence de la candidate du Parti socialiste (62 ans) dans cette liste lilliputienne en dit long sur le naufrage de cette formation – qui a occupé l’Elysée pendant près de vingt ans durant la Ve République – après l’élection d’Emmanuel Macron en 2017. Cette année-là, son candidat Benoît Hamon n’avait récolté que 6,4% des voix. Cinq ans plus tard, Anne Hidalgo est bien partie pour faire encore pire et rater le remboursement de la campagne, ce qui n’est jamais arrivé à un candidat socialiste, même durant la calamiteuse campagne de 1969 où Gaston Deferre n’avait récolté que 5,01% des voix (président élu: Georges Pompidou).
Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène du géant nanifié, dont l’effondrement du PS en France sur le plan national.
En revanche, les élus socialistes des «territoires» (on ne dit plus «province» ça fait trop plouc!) résistent plutôt bien puisqu’ils dirigent cinq régions sur treize en métropole après les élections régionales de l’an passé, sans compter un grand nombre de mairies de toutes tailles et de départements. Le «socialisme municipal» vit encore. Anne Hidalgo aurait pu s’appuyer sur cette seule force qui reste au PS pour faire rebondir sa campagne.
Or, rien de tel ne s’est produit. La candidate officielle du Parti socialiste n’a sans doute ni le talent ni le charisme2 nécessaires pour mobiliser le «socialisme municipal». Le fait qu’elle soit maire de Paris constitue, dans ce contexte, un lourd handicap. Le fossé entre «les territoires» et la capitale ne cesse de se creuser comme l’a montré la longue crise des Gilets Jaunes, phénomène essentiellement provincial et anti-parisien.
Fabien Roussel, le communisme de l'entrecôte
Autre ancien géant nanifié, le Parti communiste français – qui insiste bien sur cette dernière épithète. Son déclin remonte aux années 1980 lorsque le président Mitterrand l’a roulé dans la farine du Programme Commun, puis à l’effondrement de l’empire soviétique. En 2007, l’ancienne ministre des Sports Marie-Georges Buffet avait décroché le plus mauvais score jamais obtenu par un candidat communiste à la présidentielle: 1,93%.
Echaudé par cette défaite et ses conséquences financières (remboursement très chiche des frais de campagne), le PCF n’a pas présenté de candidat en 2012 et 2017, se contentant de faire campagne pour Jean-Luc Mélenchon.
Malheureusement, l’éruptif «Méluche» n’est pas le plus commode des alliés; il a cette fâcheuse habitude de prendre toute la lumière en diffusant son image tous azimuts, y compris par hologrammes, quitte à laisser ses camarades dans l’ombre.
Dès lors, le Parti communiste français a décidé de redescendre dans l’arène élyséenne cette année. C’est un ancien journaliste reporter d’image et secrétaire national du Parti qui s’y colle: Fabien Roussel (53 ans). Il mène actuellement l’une des meilleures campagnes de ce cru 2022. Contrairement à Anne Hidalgo, il a su imprimer une image particulière et un récit original dans le public.
Habilement, il mélange les thèmes sociaux classiques pour le PCF (semaine de 32 heures, retraite à 60 ans taux plein, salaire mensuel minimum à 1'500€) et les professions de foi républicaines (défense de la laïcité) avec le savoir-vivre à la Française en prônant «la bonne viande, le bon fromage, le bon vin», tiercé gagnant auprès de la plupart des électeurs. Le véganisme et l’austérité dans les assiettes, en vogue chez les écolos, ce n’est pas le verre de beaujolais du citoyen lambda.
Si Fabien Roussel reste le candidat idéal pour animer un barbecue, son excellente campagne est plombée par le nom même de son Parti (ne pas oublier la majuscule). Le mot «communisme», même en France, n’est plus auréolé par la Résistance depuis longtemps; il est devenu repoussoir. Et la guerre actuelle en rajoute encore dans l’opprobre avec le rappel fréquent de l’Holodomor, cette gigantesque famine organisée par Staline en Ukraine.
Jean Lassalle, la gueule de l'emploi
Ce député du Béarn (67 ans) est celui qui se rapproche le plus de l’outsider de jadis: original, grande gueule avec un brin de folie qui le rend sympathique. Centriste penchant plutôt à droite, il a fait partie pendant longtemps des proches de François Bayrou au sein du MoDem, mouvement qu’il a quitté en 2016. Désormais, il tient sa propre boutique: «Résistons!» et a rejoint à l’Assemblée nationale le groupe Libertés & Territoires qui rassemble radicaux de gauches, nationalistes corses et anciens macroniens.
Chaleureux, la poignée de main amicale, Jean Lassalle aime discuter avec les journalistes en surjouant de son accent béarnais (il faudrait presque un sous-titrage pour certaines de ses interventions télévisées). Dans la rocaille de ses propos dits d’une tonitruante voix de basse, il ne manque jamais de rappeler son métier de berger de brebis «jusqu’à 22 ans» avant de devenir ingénieur-conseil et maire de son village Lourdios-Ichère (Pyrénées-Atlantiques) pendant 40 ans.
A l’Assemblée nationale, Jean Lassalle fait souvent rire ses collègues et le récit de son premier enterrement en tant que maire est devenu un classique de YouTube. En juin 2003, il a secoué l’Hémicycle et ses vitres en lançant le chant traditionnel béarnais Aqueros Mountagnos pour interrompre Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, qui menaçait de fermer le poste de gendarmerie situé près du tunnel du Somport. Fureur et tremblement. Il n’empêche que la gendarmerie a été maintenue.
L’ancien berger a acquis la célébrité en 2006 lorsqu’il s’est lancé dans une grève de la faim pendant 39 jours où il a bien failli laisser sa vie. Grâce à cette action largement relayée par les médias au-delà même des frontières françaises, il a pu sauver une entreprise de sa région menacée de fermeture.
Lassalle avait aussi amassé un appréciable capital de sympathies en 2013 lorsque, portant cravate et béret béarnais, il parcourut à pieds 5'000 kilomètres à travers la France pour rencontrer les citoyens «de base».
Le député est réputé très tactile dans ses rapports humains. Trop selon d’anciennes députées, attachées parlementaires et journalistes qui lui ont reproché vertement d’avoir la drague très lourdingue et la main baladeuse. Certaines l’accusent même d’agressions sexuelles, ce qu’il nie avec véhémence. A notre connaissance, la justice n’a pas été saisie. Il faut dire qu’à une certaine époque, la main baladeuse était, disons, chose courante dans les couloirs du parlement, avant que les mouvements de type «MeToo» n’y mettent bon ordre.
Candidat d’une ruralité désormais courtisée par le monde politique, Jean Lassalle n’en restera pas moins un «Petit Poucet» malgré sa haute taille.
Nicolas Dupont-Aignan, l’ancien «premier ministre» fantôme de Marine Le Pen
Avec son air de garçonnet bougon, Nicolas Dupont-Aignan (61 ans) occupe un créneau très encombré, l’extrême-droite. Face à Marine Le Pen et à Eric Zemmour, le chef de Debout la France n’a pas une position bien assise.
Député de l’Essonne sans discontinuer depuis un quart de siècle, maire de la ville d’Yerres – qui abrite la superbe propriété du peintre Caillebotte — pendant 22 ans, Dupont-Aignan a navigué tout d’abord sur l’aile droite du RPR, puis de l’UMP, rejetons successifs en ligne plus ou moins directe du gaullisme.
De plus en plus isolé au sein de la grande formation gouvernementale, il s’est opposé au président d’alors, Nicolas Sarkozy, notamment sur sa politique étrangère qu’il jugeait trop inféodée à Washington. Dupont-Aignan a fondé son propre parti, Debout la République qui deviendra Debout la France. Il tentait alors de créer une droite souverainiste qui reprendrait une grande partie des idées du Front National mais sans les outrances antisémites de Jean-Marie Le Pen.
Cependant, face à un rhétoricien de la force de Le Pen, le député-maire d’Yerres n’a pas fait le poids. D’ailleurs, c’est son problème de fond; où qu’il soit, Nicolas Dupont-Aignan ne fait jamais le poids. Sauf à Yerres.
Il a pourtant approché un tantinet du vedettariat politique lorsque Marine Le Pen et son Front National ont conclu avec Debout la France un accord électoral à la veille du second tour de la présidentielle de 2017.
Marine Le Pen ayant réussi son entreprise de «dédiabolisation», la nouvelle dirigeante du Front National (aujourd’hui Rassemblement National) avait désigné Nicolas Dupont-Aignan comme son premier ministre en cas de victoire contre Emmanuel Macron. Après la défaite cuisante de la candidate de l’extrême-droite, les relations entre les deux alliés se sont détériorées. Et Debout la France est redevenu un électron libre.
Dupont-Aignan a essayé de se refaire une santé en surfant sur la pandémie. Avec un ancien proche de Marine Le Pen, Florian Philippot, il a mené une virulente campagne contre le passe-sanitaire, hurlant à la «dictature» et diffusant de fausses informations sur le vaccin anti-Covid.
En décembre dernier, le Covid l’a rattrapé. Cas-contact par sa femme avant de tomber lui-même malade par la suite, il n’a pas rapidement alerté les membres de son équipe de campagne. D’aucuns l’ont fort mal pris et claqué la porte de Debout la France. C’est dire si cette année, Nicolas Dupont-Aignan fait pâle figure.
Les Dupont-Dupond du trotskisme
C’est presque devenu une tradition. Les frères ennemis du trotskisme figurent régulièrement dans le paysage de la campagne présidentielle, à savoir Lutte Ouvrière (Nathalie Arthaud, 52 ans) et le Nouveau Parti Anticapitaliste (Philippe Poutou, 55 ans). En matière de trotskisme, LO défend une ligne idéologique nettement plus orthodoxe que celle du NPA qui fait montre d’un esprit libertaire et très «Mai-68». Il faut dire que partout se vérifie cette formule: 1 trotskiste = 2 tendances. Il y a dans cette mouvance des filiations et des héritages bien établis que l’on ne saurait trahir. Et puis, en ayant deux candidats, la cause révolutionnaire sera doublement servie sur le plan médiatique.
La championne des candidatures est sans conteste Arlette Laguiller qui a représenté à six reprises Lutte Ouvrière entre 1974 et 2007. Son «travailleuses, travailleurs» au début de ses discours s’est mué en véritable «gimmick» qui a tenu un rôle important dans sa popularité médiatique. Elle a même dépassé les 5% à deux reprises en 1995 (5,30%) et 2002 (5,72%).
Côté NPA, c’est le populaire Olivier Besancenot qui a marqué les médias avec des scores honorables de plus de 4% aux présidentielles de 2002 et 2007. Mais il a cédé son poste de porte-parole à Philippe Poutou afin d’arrêter la spirale qui était en train de l’emmener vers une position de vedette de plateau télé et d’amuseur de la bourgeoisie.
Le but de LO et du NPA n’est pas d’obtenir un bon score à la présidentielle. Pour les deux partis, seule la révolution pourra renverser le capitalisme. Et elle ne se fera pas dans les urnes. Il s’agit donc de «préparer le terrain», de semer à la volée dans les médias des graines révolutionnaires. A cet égard, la campagne présidentielle «à la Française» – qui focalise l’attention médiatique sur une seule élection vraiment majeure – offre une caisse de résonance insurpassable.
Les indispensables empêcheurs de voter en rond
Le prototype du candidat modeste (et qui a de bonnes raisons de l’être pour paraphraser Churchill) est feu Marcel Barbu, arrivé dernier à la première élection présidentielle au suffrage universel direct en 1965. Il se voulait «candidat des chiens battus» et ressemblait d’ailleurs à Droopy. Devant les caméras, Barbu (imberbe néanmoins) fut secoué par des sanglots, ce qui avait provoqué les larmes – mais de rire – des téléspectateurs. «Un hurluberlu», «un brave couillon» disait de lui Charles de Gaulle, selon Alain Peyrefitte. Pourtant, ce sans-grade un peu méprisé s’était montré visionnaire en incluant dans son programme le référendum d’initiative «à la Suisse». Revendication reprise en France un demi-siècle plus tard par les Gilets Jaunes et… de nombreux candidats en 2022!
Autre «petit» candidat aux grandes idées, René Dumont. Professeur universitaire et ingénieur agronome, il a été le premier à se présenter sous l’étiquette «écologiste» en 1974. Arborant un pullover rouge – destiné aux téléviseurs couleurs qui commençaient à s’imposer –, croquant une pomme et buvant un verre d’eau, René Dumont expliquait aux téléspectateurs les dangers des pesticides ainsi que la raréfaction de l’eau et de toutes les ressources naturelles. Il prédisait aussi l’envolée du prix des carburants et le recours à une économie raisonnable. Bref, tout ce que disent la plupart des candidats d’aujourd’hui. En 1974, l’écologiste avant l’heure n’a recueilli que 1,3% au premier tour de la présidentielle finalement remportée par Valéry Giscard d’Estaing. Il n’empêche, le mouvement écologiste était ainsi amorcé.
Dans une compétition présidentielle vouée au tout-à-l’égo, la voix des nains sondagiers peut porter loin.
1Pour le candidat ayant obtenu moins de 5% des suffrages exprimés, le remboursement s’élève au maximum à 4,75 % du plafond des dépenses du premier tour.
2En politique française, l’absence de charisme relève de la faute professionnelle grave.
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Les candidats qui n’atteignent pas ce pourcentage des suffrages exprimés voient leurs frais de campagne n’être que très partiellement remboursés<strong><sup>1</sup></strong>. C’est dire si les soutiers de la campagne doivent travailler d’arrache-suffrage pour parvenir à franchir cette barre des 5%. 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La candidate officielle du Parti socialiste n’a sans doute ni le talent ni le charisme<strong><sup>2</sup></strong> nécessaires pour mobiliser le «socialisme municipal». Le fait qu’elle soit maire de Paris constitue, dans ce contexte, un lourd handicap. Le fossé entre «les territoires» et la capitale ne cesse de se creuser comme l’a montré la longue crise des Gilets Jaunes, phénomène essentiellement provincial et anti-parisien.</p> <h3>Fabien Roussel, le communisme de l'entrecôte</h3> <p>Autre ancien géant nanifié, le Parti communiste français – qui insiste bien sur cette dernière épithète. Son déclin remonte aux années 1980 lorsque le président Mitterrand l’a roulé dans la farine du Programme Commun, puis à l’effondrement de l’empire soviétique. En 2007, l’ancienne ministre des Sports Marie-Georges Buffet avait décroché le plus mauvais score jamais obtenu par un candidat communiste à la présidentielle: 1,93%. </p> <p>Echaudé par cette défaite et ses conséquences financières (remboursement très chiche des frais de campagne), le PCF n’a pas présenté de candidat en 2012 et 2017, se contentant de faire campagne pour Jean-Luc Mélenchon.</p> <p>Malheureusement, l’éruptif «Méluche» n’est pas le plus commode des alliés; il a cette fâcheuse habitude de prendre toute la lumière en diffusant son image tous azimuts, y compris par hologrammes, quitte à laisser ses camarades dans l’ombre. </p> <p>Dès lors, le Parti communiste français a décidé de redescendre dans l’arène élyséenne cette année. C’est un ancien journaliste reporter d’image et secrétaire national du Parti qui s’y colle: Fabien Roussel (53 ans). Il mène actuellement l’une des meilleures campagnes de ce cru 2022. Contrairement à Anne Hidalgo, il a su imprimer une image particulière et un récit original dans le public.</p> <p>Habilement, il mélange les thèmes sociaux classiques pour le PCF (semaine de 32 heures, retraite à 60 ans taux plein, salaire mensuel minimum à 1'500€) et les professions de foi républicaines (défense de la laïcité) avec le savoir-vivre à la Française en prônant «la bonne viande, le bon fromage, le bon vin», tiercé gagnant auprès de la plupart des électeurs. Le véganisme et l’austérité dans les assiettes, en vogue chez les écolos, ce n’est pas le verre de beaujolais du citoyen lambda. </p> <p>Si Fabien Roussel reste le candidat idéal pour animer un barbecue, son excellente campagne est plombée par le nom même de son Parti (ne pas oublier la majuscule). Le mot «communisme», même en France, n’est plus auréolé par la Résistance depuis longtemps; il est devenu repoussoir. Et la guerre actuelle en rajoute encore dans l’opprobre avec le rappel fréquent de l’Holodomor, cette gigantesque famine organisée par Staline en Ukraine.</p> <h3>Jean Lassalle, la gueule de l'emploi</h3> <p>Ce député du Béarn (67 ans) est celui qui se rapproche le plus de l’outsider de jadis: original, grande gueule avec un brin de folie qui le rend sympathique. Centriste penchant plutôt à droite, il a fait partie pendant longtemps des proches de François Bayrou au sein du MoDem, mouvement qu’il a quitté en 2016. Désormais, il tient sa propre boutique: «Résistons!» et a rejoint à l’Assemblée nationale le groupe Libertés & Territoires qui rassemble radicaux de gauches, nationalistes corses et anciens macroniens.</p> <p>Chaleureux, la poignée de main amicale, Jean Lassalle aime discuter avec les journalistes en surjouant de son accent béarnais (il faudrait presque un sous-titrage pour certaines de ses interventions télévisées). 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Il n’empêche que la gendarmerie a été maintenue.</p> <p>L’ancien berger a acquis la célébrité en 2006 lorsqu’il s’est lancé dans une grève de la faim pendant 39 jours où il a bien failli laisser sa vie. Grâce à cette action largement relayée par les médias au-delà même des frontières françaises, il a pu sauver une entreprise de sa région menacée de fermeture.</p> <p>Lassalle avait aussi amassé un appréciable capital de sympathies en 2013 lorsque, portant cravate et béret béarnais, il parcourut à pieds 5'000 kilomètres à travers la France pour rencontrer les citoyens «de base». </p> <p>Le député est réputé très tactile dans ses rapports humains. Trop selon d’anciennes députées, attachées parlementaires et journalistes qui lui ont reproché vertement d’avoir la drague très lourdingue et la main baladeuse. Certaines l’accusent même d’agressions sexuelles, ce qu’il nie avec véhémence. A notre connaissance, la justice n’a pas été saisie. Il faut dire qu’à une certaine époque, la main baladeuse était, disons, chose courante dans les couloirs du parlement, avant que les mouvements de type «MeToo» n’y mettent bon ordre.</p> <p>Candidat d’une ruralité désormais courtisée par le monde politique, Jean Lassalle n’en restera pas moins un «Petit Poucet» malgré sa haute taille.</p> <h3>Nicolas Dupont-Aignan, l’ancien «premier ministre» fantôme de Marine Le Pen</h3> <p>Avec son air de garçonnet bougon, Nicolas Dupont-Aignan (61 ans) occupe un créneau très encombré, l’extrême-droite. Face à Marine Le Pen et à Eric Zemmour, le chef de Debout la France n’a pas une position bien assise.</p> <p>Député de l’Essonne sans discontinuer depuis un quart de siècle, maire de la ville d’Yerres – qui abrite la superbe propriété du peintre Caillebotte — pendant 22 ans, Dupont-Aignan a navigué tout d’abord sur l’aile droite du RPR, puis de l’UMP, rejetons successifs en ligne plus ou moins directe du gaullisme.</p> <p>De plus en plus isolé au sein de la grande formation gouvernementale, il s’est opposé au président d’alors, Nicolas Sarkozy, notamment sur sa politique étrangère qu’il jugeait trop inféodée à Washington. Dupont-Aignan a fondé son propre parti, Debout la République qui deviendra Debout la France. Il tentait alors de créer une droite souverainiste qui reprendrait une grande partie des idées du Front National mais sans les outrances antisémites de Jean-Marie Le Pen. </p> <p>Cependant, face à un rhétoricien de la force de Le Pen, le député-maire d’Yerres n’a pas fait le poids. D’ailleurs, c’est son problème de fond; où qu’il soit, Nicolas Dupont-Aignan ne fait jamais le poids. Sauf à Yerres.</p> <p>Il a pourtant approché un tantinet du vedettariat politique lorsque Marine Le Pen et son Front National ont conclu avec Debout la France un accord électoral à la veille du second tour de la présidentielle de 2017.</p> <p>Marine Le Pen ayant réussi son entreprise de «dédiabolisation», la nouvelle dirigeante du Front National (aujourd’hui Rassemblement National) avait désigné Nicolas Dupont-Aignan comme son premier ministre en cas de victoire contre Emmanuel Macron. Après la défaite cuisante de la candidate de l’extrême-droite, les relations entre les deux alliés se sont détériorées. Et Debout la France est redevenu un électron libre.</p> <p>Dupont-Aignan a essayé de se refaire une santé en surfant sur la pandémie. Avec un ancien proche de Marine Le Pen, Florian Philippot, il a mené une virulente campagne contre le passe-sanitaire, hurlant à la «dictature» et diffusant de fausses informations sur le vaccin anti-Covid.</p> <p>En décembre dernier, le Covid l’a rattrapé. Cas-contact par sa femme avant de tomber lui-même malade par la suite, il n’a pas rapidement alerté les membres de son équipe de campagne. D’aucuns l’ont fort mal pris et claqué la porte de Debout la France. C’est dire si cette année, Nicolas Dupont-Aignan fait pâle figure.</p> <h3>Les Dupont-Dupond du trotskisme</h3> <p>C’est presque devenu une tradition. Les frères ennemis du trotskisme figurent régulièrement dans le paysage de la campagne présidentielle, à savoir Lutte Ouvrière (Nathalie Arthaud, 52 ans) et le Nouveau Parti Anticapitaliste (Philippe Poutou, 55 ans). En matière de trotskisme, LO défend une ligne idéologique nettement plus orthodoxe que celle du NPA qui fait montre d’un esprit libertaire et très «Mai-68». Il faut dire que partout se vérifie cette formule: 1 trotskiste = 2 tendances. Il y a dans cette mouvance des filiations et des héritages bien établis que l’on ne saurait trahir. Et puis, en ayant deux candidats, la cause révolutionnaire sera doublement servie sur le plan médiatique.</p> <p>La championne des candidatures est sans conteste Arlette Laguiller qui a représenté à six reprises Lutte Ouvrière entre 1974 et 2007. Son «travailleuses, travailleurs» au début de ses discours s’est mué en véritable «gimmick» qui a tenu un rôle important dans sa popularité médiatique. Elle a même dépassé les 5% à deux reprises en 1995 (5,30%) et 2002 (5,72%).</p> <p>Côté NPA, c’est le populaire Olivier Besancenot qui a marqué les médias avec des scores honorables de plus de 4% aux présidentielles de 2002 et 2007. 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Les candidats se situant au-dessous seront donc élus nains de la campagne 2022. «And the losers are…»</p> <ol> <li>Fabien Roussel (Parti communiste français): 3,5% des intentions de vote</li> <li>Jean Lassalle (Résistons!): 2,5%</li> <li>Anne Hidalgo (Parti socialiste): 2,1%</li> <li>Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France!):1,9%</li> <li>Philippe Poutou (Nouveau Parti Anticapitaliste): 1,1%</li> <li>Nathalie Artaud (Lutte Ouvrière): 0,15%</li> </ol> <h3>Anne Hidalgo en géante nanifiée</h3> <p>La présence de la candidate du Parti socialiste (62 ans) dans cette liste lilliputienne en dit long sur le naufrage de cette formation – qui a occupé l’Elysée pendant près de vingt ans durant la Ve République – après l’élection d’Emmanuel Macron en 2017. Cette année-là, son candidat Benoît Hamon n’avait récolté que 6,4% des voix. 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La candidate officielle du Parti socialiste n’a sans doute ni le talent ni le charisme<strong><sup>2</sup></strong> nécessaires pour mobiliser le «socialisme municipal». Le fait qu’elle soit maire de Paris constitue, dans ce contexte, un lourd handicap. Le fossé entre «les territoires» et la capitale ne cesse de se creuser comme l’a montré la longue crise des Gilets Jaunes, phénomène essentiellement provincial et anti-parisien.</p> <h3>Fabien Roussel, le communisme de l'entrecôte</h3> <p>Autre ancien géant nanifié, le Parti communiste français – qui insiste bien sur cette dernière épithète. Son déclin remonte aux années 1980 lorsque le président Mitterrand l’a roulé dans la farine du Programme Commun, puis à l’effondrement de l’empire soviétique. 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Dans la rocaille de ses propos dits d’une tonitruante voix de basse, il ne manque jamais de rappeler son métier de berger de brebis «jusqu’à 22 ans» avant de devenir ingénieur-conseil et maire de son village Lourdios-Ichère (Pyrénées-Atlantiques) pendant 40 ans. </p> <p>A l’Assemblée nationale, Jean Lassalle fait souvent rire ses collègues et le récit de son premier enterrement en tant que maire est devenu <a href="https://www.youtube.com/watch?v=8saxHCC4a7M" target="_blank" rel="noopener">un classique de YouTube</a>. En juin 2003, il a secoué l’Hémicycle et ses vitres en lançant le chant traditionnel béarnais <i>Aqueros Mountagnos </i>pour interrompre Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, qui menaçait de fermer le poste de gendarmerie situé près du tunnel du Somport. Fureur et tremblement. 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Et Debout la France est redevenu un électron libre.</p> <p>Dupont-Aignan a essayé de se refaire une santé en surfant sur la pandémie. Avec un ancien proche de Marine Le Pen, Florian Philippot, il a mené une virulente campagne contre le passe-sanitaire, hurlant à la «dictature» et diffusant de fausses informations sur le vaccin anti-Covid.</p> <p>En décembre dernier, le Covid l’a rattrapé. Cas-contact par sa femme avant de tomber lui-même malade par la suite, il n’a pas rapidement alerté les membres de son équipe de campagne. D’aucuns l’ont fort mal pris et claqué la porte de Debout la France. C’est dire si cette année, Nicolas Dupont-Aignan fait pâle figure.</p> <h3>Les Dupont-Dupond du trotskisme</h3> <p>C’est presque devenu une tradition. Les frères ennemis du trotskisme figurent régulièrement dans le paysage de la campagne présidentielle, à savoir Lutte Ouvrière (Nathalie Arthaud, 52 ans) et le Nouveau Parti Anticapitaliste (Philippe Poutou, 55 ans). En matière de trotskisme, LO défend une ligne idéologique nettement plus orthodoxe que celle du NPA qui fait montre d’un esprit libertaire et très «Mai-68». Il faut dire que partout se vérifie cette formule: 1 trotskiste = 2 tendances. Il y a dans cette mouvance des filiations et des héritages bien établis que l’on ne saurait trahir. Et puis, en ayant deux candidats, la cause révolutionnaire sera doublement servie sur le plan médiatique.</p> <p>La championne des candidatures est sans conteste Arlette Laguiller qui a représenté à six reprises Lutte Ouvrière entre 1974 et 2007. Son «travailleuses, travailleurs» au début de ses discours s’est mué en véritable «gimmick» qui a tenu un rôle important dans sa popularité médiatique. Elle a même dépassé les 5% à deux reprises en 1995 (5,30%) et 2002 (5,72%).</p> <p>Côté NPA, c’est le populaire Olivier Besancenot qui a marqué les médias avec des scores honorables de plus de 4% aux présidentielles de 2002 et 2007. Mais il a cédé son poste de porte-parole à Philippe Poutou afin d’arrêter la spirale qui était en train de l’emmener vers une position de vedette de plateau télé et d’amuseur de la bourgeoisie.</p> <p>Le but de LO et du NPA n’est pas d’obtenir un bon score à la présidentielle. Pour les deux partis, seule la révolution pourra renverser le capitalisme. Et elle ne se fera pas dans les urnes. Il s’agit donc de «préparer le terrain», de semer à la volée dans les médias des graines révolutionnaires. A cet égard, la campagne présidentielle «à la Française» – qui focalise l’attention médiatique sur une seule élection vraiment majeure – offre une caisse de résonance insurpassable.</p> <h3>Les indispensables empêcheurs de voter en rond</h3> <p>Le prototype du candidat modeste (et qui a de bonnes raisons de l’être pour paraphraser Churchill) est feu Marcel Barbu, arrivé dernier à la première élection présidentielle au suffrage universel direct en 1965. 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Elle exprime une certaine animosité envers Anne d’Autriche, Reine de France et Régente du Royaume: «<i>Mais je voudrais bien étrangler/ Notre putain de Reine.»</i></p> <p>En comparaison, Izïa Higelin ferait presque petite chanteuse du Couvent des Oiseaux.</p> <p>D’aucuns ont d’ailleurs qualifié la France d’Ancien régime de «monarchie absolue tempérée par les chansons», compte tenu de la fréquence des airs irrespectueux envers le Trône et l’Autel.</p> <p>Louis XV, dit «le Bien-Aimé», fut la cible préférée des chansonniers de la rue parisienne. En voici un édifiant extrait: «<i>Louis, du nom de Bien-Aimé,/ Ton peuple te déclare indigne./ Sans doute on t</i>’<i>avait mal nommé,/ Louis, du nom de Bien-Aimé;/ par ton sceptre on est opprimé,/ Si l</i>’<i>on est traître, fourbe insigne,/ Louis, du nom de Bien-Aimé,/ Ton peuple te déclare indigne […] Putains, maquereaux ou prélats/ Sont les seuls que ta main caresse.»</i></p> <p>«Tout finit par des chansons» disait Beaumarchais. En France, on serait tenté de paraphraser: tout commence et<i> </i>tout finit par des chansons, même les Rois de droit divin, à l’exemple de cette chanson révolutionnaire qui s’est répandue sur les boulevards à la suite de l’exécution de Louis XVI le 21 janvier 1793: «<i>Le vingt et un janvier/ Sept cent quatre vingt treize,/ Capet, tyran dernier,/ Qu</i>’<i>on nommait Louis Seize,/ A reçu ses étrennes/ Pour avoir conspiré./ Ce fuyard de Varennes est donc guillotiné.»</i></p> <p>Et là pas question de le guillotiner façon Izïa «avec toute la grâce et la gentillesse des gens du Sud»!</p> <h3>Brassens et les pandores</h3> <p>Plus récemment, sous la IVème République française, Georges Brassens n’y est pas allé de main morte avec cette incarnation bleu-marine (n’y voyez aucune allusion malsonnante) de l’Etat qu’est la Gendarmerie Nationale. Rafraichissons les mémoires par quelques extraits de <a href="https://youtu.be/KzmnDy7zzDw">cette chanson intitulée <i>Hécatombe</i></a> qui narre la déconvenue de la maréchaussée aux prises avec les harpies du marché de Brive-la-Gaillarde.</p> <p><i>(…)</i></p> <p><i>En voyant ces braves pandores</i></p> <p><i>Etre à deux doigts de succomber,</i></p> <p><i>Moi, j'bichais, car je les adore</i></p> <p><i>Sous la forme de macchabés.</i></p> <p><i>(…)</i></p> <p><i>Jugeant enfin que leurs victimes</i></p> <p><i>Avaient eu leur content de gnons,</i></p> <p><i>Ces furies, comme outrage ultime,</i></p> <p><i>En retournant à leurs oignons,</i></p> <p><i>Ces furies, à peine si j'ose</i></p> <p><i>Le dire, tellement c'est bas,</i></p> <p><i>Leur auraient même coupé les choses:</i></p> <p><i>Par bonheur ils n'en avaient pas!</i></p> <p><i>Leur auraient même coupé les choses:</i></p> <p><i>Par bonheur ils n'en avaient pas!</i></p> <p>Les rappeurs d’aujourd’hui ont-ils été aussi loin dans leurs diatribes antiflics que le père Brassens en 1952, date de la sortie du disque?</p> <h3>L’«Hécatombe» fait scandale 60 ans plus tard!<b></b></h3> <p>A l’époque, cette chanson était, l’on s’en doute, interdite d’antenne. Mais c’est tout. Il est symptomatique de constater qu’elle n’a intéressé la justice qu’à la nôtre, d’époque!</p> <p>Le 27 mai 2011, il s’est trouvé un juge à Toulouse pour <a href="https://www.lepoint.fr/societe/chanter-peut-etre-un-delit-11-06-2011-1341035_23.php">condamner</a> un garçon de 27 ans pour outrage, à 40 heures de travaux d’intérêt général et 100 euros d’amende. Son crime? Avoir chanté <i>Hécatombe</i> au passage de trois policiers. Et ce n’est pas tout. Peu après, 29 choristes de la «Canaille du Midi» ont été interpelés pour avoir chanté la même chanson devant le commissariat central de Toulouse en guise de protestation contre la condamnation du jeune homme.</p> <h3>Le rock et sa «Graine de violence» </h3> <p>Le «récitatif halluciné» d’Izïa Higelin s’inscrit aussi dans la culture rock, imprégnée de violence. Cela dit, ce n’est pas le rock qui est à la source de la violence. Elle sourd de la société étatsunienne où il est né. S’il existait auparavant, c’est à partir du film <i>Graine de violence </i>(titre original<i>: Blackboard Jungle</i>), réalisé par Richard Brooks, que le rock n’roll a commencé à se diffuser grâce au célèbre <i>Rock around the Clock </i>chanté par Bill Haley.</p> <p>Dans les pays de langue française, la violence rock a surgi sur la scène médiatique dès le début des années 1960. L’exemple le plus hirsute nous est offert par le concert de Vince Taylor, dans le contexte d’un festival international du rock, qui s’est tenu – enfin qui a tenté de se tenir! – au Palais des Sports de Paris, le 18 novembre 1961. <a href="https://journals.openedition.org/criminocorpus/4301?lang=de#ftn2%20" target="_blank" rel="noopener">Rappel des faits</a>:</p> <p><i>La salle est dévastée avant que Vince Taylor, en vedette, ne monte sur scène. Dans le public, des jeunes femmes et des jeunes hommes, blousons noirs ou sans blousons apparents, déboulonnent les sièges ou en arrachent quelques morceaux, s</i>’<i>en servent de projectiles, visent la scène et les forces de police. On veut se débarrasser de ces rangées de sièges encombrants, on veut créer de l</i>’<i>espace pour danser, on se bouscule, on se chamaille, on se bagarre, on veut aussi s</i>’<i>approcher des artistes en débordant le service de sécurité, et pourquoi pas braver au passage les forces de police qui commencent à frapper pour éviter que tout dégénère dans un lieu de concert qui devient arène. </i>Bis repetita placent<i>, car la première édition du 24 février avait elle aussi très mal tournée à l</i>’<i>issue de la prestation de Johnny Hallyday. Deux mots sont repris dans les médias: fanatisme et hystérie. 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Le chanteur se retirera à Lutry avec sa famille en 1983 pour y mener une vie plus tranquille, consacrée à la mécanique aéronautique. Il y décèdera le 27 août 1991 à l’âge de 52 ans des suites d’un cancer aux os.</p> <h3>Scopitone de Vince Taylor</h3> <p>En replaçant l’«affaire Itzïa» dans sa perspective historique, il apparaît que les indignations qu’elle a suscitées sont disproportionnées. Certes, balancer de tels propos sur le président Macron alors que nombre d’élus subissent actuellement des violences n’est pas la marque d’une vive intelligence. Toutefois, les agresseurs de maires n’ont pas attendu la rockeuse pour passer à l’acte. La fille de Jacques Higelin a tenté d’expliquer son sulfureux propos lors d’une interview donnée à <i>Ouest-France: </i><i></i></p> <p><i>«C'est une histoire, un liant improvisé et surréaliste entre deux titres, qui parle de tout et de rien et qu'il ne faut surtout pas prendre au premier degré.» </i>C’est ignorer qu’aujourd’hui l’usage intensif des réseaux ainsi, peut-être, qu’une certaine décérébration induite par près de septante ans de télévision à haute dose, ont tué le second degré. Dans un monde où la culture littéraire s’effiloche, on prend tout au pied de la lettre. Un pied qui fait boiter notre sens de l’humour.</p> <hr /> <h4><sup>1</sup>D’origine mexicaine, la piñata est un objet creux fourré de friandise que les enfants tentent de casser au moyen de bâtons afin de s’emparer de son contenu, une fois à terre. Evidemment, comparer le président de la République à un objet creux plein de friandise, ce n’est pas très gentil. 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Ces héros faisaient trop d’ombre au patron du PCF, Maurice Thorez, qui avait passé la Seconde guerre mondiale à l’abri du Kremlin.</p> <p>Après la mort de Staline en 1953, le vent tourne. Par l’action des rescapés de la FTP-MOI, notamment les frères Raymond et Claude Lévy, la mémoire des fusillés au Mont-Valérien commence à être reconnue. Une rue du Groupe-Manouchian est inaugurée le 6 mars 1955 dans le XXème arrondissement de Paris. Claude Lévy invite Louis Aragon à cette occasion mais le poète séjourne alors en URSS. 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C’est sous cet intitulé que la chanson et le poème d’Aragon seront connus désormais.</p> <h3>La chanson interdite sous de Gaulle</h3> <p>Comme rien n’est simple dans l’histoire de la Résistance, le pouvoir gaulliste a interdit la diffusion de «L’Affiche rouge» dès la sortie du disque en 1961. Ce qui, d’ailleurs, n’a pas manqué de lui assurer une belle publicité puisque les soixante-huitards auront ce chant superbe en tête lors de leurs manifs. Ce n’est qu’à l’arrivée de François Mitterrand à l’Elysée en 1981 que ce bâillon radiophonique a été enlevé.</p> <p>«Onze ans déjà que cela passe vite onze ans» versifie Aragon en 1955. Cela passe d’autant plus vite que le poète communiste n’a pas toujours été prompt à se battre pour la mémoire du Groupe Manouchian. Le journaliste et écrivain Jean-Paul Liégeois, spécialiste de la chanson française, rappelle cette anecdote dans un article paru en juin 1985 dans l’hebdomadaire socialiste <em>L’Unité</em>:</p> <p><i>«En 1953, les frères Claude et Raymond Lévy (…) obtiennent le prix Fénéon pour un manuscrit de dix nouvelles consacré à des histoires vraies de la Résistance. (…) Plusieurs éditeurs se proposent [de le] publier. Communistes, les frères Lévy choisissent les Editeurs français réunis. Patron de la maison, Aragon les reçoit et leur dit: "On ne peut pas laisser croire que la Résistance française a été faite comme ça, par autant d’étrangers. Il faut franciser un peu." Disciplinés, ils ont accepté.»</i></p> <p>Entre 1953 et 1955, l’ombre de Staline avait commencé à se faire un peu moins épaisse…</p> <h3>Quelle est la responsabilité du PCF dans l’arrestation des 23?</h3> <p>Une accusation plus grave a été portée contre la direction du PCF notamment par un témoignage de Mélinée Manouchian. Il figure dans le film de Serge Mosco Boucault, <em>Des terroristes à la retraite</em>, sorti en 1985 par la chaîne télévisée Antenne2. </p> <p>Il s’en est suivi une vive polémique sur l’éventuelle responsabilité du Parti communiste français dans l’arrestation de Missak Manouchian. L’un des passages de la dernière lettre du condamné à sa femme interpelle: </p> <p><i>«Je pardonne à tous ceux qui m’ont fait du mal ou qui ont voulu me faire du mal sauf à celui qui nous a trahis pour racheter sa peau et ceux qui nous ont vendus.»</i></p> <p>Adam Rayski, responsable de la section juive du PCF de 1941 à 1949, donne cet éclairage lors d’<a href="https://www.lhistoire.fr/qui-trahi-manouchian" target="_blank" rel="noopener">une interview</a> qu’il a accordée au mensuel <i>L’Histoire</i> en décembre 1985:</p> <p><i>«En mai 1943, devant le bilan des pertes des organisations juives, j'ai demandé le repli, le transfert de notre direction dans la zone Sud. Le Parti a refusé, qualifiant cette attitude de "capitularde". Le PC voulait continuer à frapper dans la capitale, avec ce qui restait son unique bras séculier: les FTP-MOI. Stratégiquement, la direction, pour affirmer sa suprématie vis-à-vis de Londres et du Conseil national de la Résistance, désirait capitaliser les actions d'éclat de la MOI. La direction nationale juive est partie </i>in extremis <i>pour Lyon, mais les FTP ont continué à lutter sur place avec acharnement. Le Parti a sous-estimé l'impératif de la guérilla urbaine – savoir décrocher – et a tiré un rendement politique maximum des coups d'éclat de la MOI. </i></p> <p><i>A terme, c'était donc bien une grave erreur politique. La part de responsabilité du PC dans les arrestations de résistants – dont les 23 de l'Affiche rouge – est indiscutable. 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Chaque Etat est ainsi <a href="https://www.uscirf.gov/" target="_blank" rel="noopener">passé à la loupe</a>.</p> <h3>Dix-sept champions de l’intolérance</h3> <p>Cette Commission classe les pays en fonction de l’intensité de leurs mesures discriminatoires en matière de croyances. Les champions de l’intolérance sont classés dans la catégorie «pays particulièrement préoccupants» (CPC). Un cran en-dessous figurent les Etats qui filent un mauvais coton et doivent faire l’objet d’un examen ultérieur. Ils sont classés dans la «liste spéciale de surveillance» (SWL).</p> <p>L’USCIRF dénonce dix-sept Etats «particulièrement préoccupants». 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Celle utilisée par l’UDC pour fustiger les «colleurs manuels» se contente d’être simplement ridicule.</p> <h3>Le terrorisme défini par les codes pénaux</h3> <p>En effet, toutes deux sont fort éloignées des seules définitions qui vaillent, celles des textes légaux. L’article 260 ter du Code pénal suisse (organisations criminelles et terroristes) réprime quiconque participant à une organisation qui poursuit le but, notamment <i>«de commettre des actes de violence criminels visant à intimider une population ou à contraindre un Etat ou une organisation internationale à accomplir ou à s</i>’<i>abstenir d</i>’<i>accomplir un acte quelconque</i>». 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Pour Frédéric Weissman, ce pacifisme a permis aux «nouvelles puissances impériales» – les GAFAM, les firmes pharmaceutiques, les banques, les fonds d’investissements, Vanguard, BlackRock, Tencent – d’appliquer «à marche forcée leur programme de transformation de l’être humain en insecte cybernétique». </p> <p>La colère froide du technicien ne se limite pas à l’environnement ou au climat, elle sourd aussi de cette angoisse de la dépossession de l’être humain au profit de forces manipulatrices, d’autant plus inquiétantes qu’elles se révèlent hors de portée des Etats ou des pouvoirs judiciaires.</p> <p>Et comme elles sont hors de portée, autant tout faire exploser, au sens propre du terme. C’est le seul moyen d’arrêter ce «capitalisme à l’insatiable voracité», comme le proclame le juriste et technicien nucléaire:</p> <p><i>«Nous les humains, nous étions des êtres dangereux et fragiles. Une espèce proliférante qui ne parvenait pas à placer son intelligence au service du bien commun. 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C’est donc au nom d’une entité fictive que l’on procède à leur sacrifice.</p> <p>Au début du XXème siècle, il s’agissait aussi de passer les vies humaines par pertes et profits dans le grand livre de l’Histoire: de l’aspiration au communisme à la réalité stalinienne.</p> <h3>L’omelette et ses œufs</h3> <p>A la suite de son récit, Philippe Ségur en tire leçon dans sa postface:</p> <p><i>«Le rejet radical du système industriel et du capitalisme néolibéral, non content de se nourrir de deux siècles de pensée contestataire, peut d’autant plus facilement s’hybrider avec la cause environnementaliste que les gouvernants occidentaux ont fait, depuis plus de vingt ans, la promotion de cette dernière sans lui trouver de véritable solution et paraissent donc, à tort ou à raison, la trahir.»</i></p> <p>Dès lors, «le mal résultant de la non-commission de l’acte terroriste serait plus grand que l’acte terroriste lui-même». 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