Actuel / Climat: halte à la psychose!
L'entier de l'entretien en vidéo ci-dessous. © Bon pour la tête
Les cris d’alarme sur le réchauffement climatique se multiplient. Toujours plus dramatiques. D’autant plus que ses effets sont spectaculaires tout près de chez nous. Selon certains articles, tout doit changer dans nos habitudes dans les trois ans, sinon l’évolution sera irréversible. Sérieux ou pas? Professeur à l’Université de Lausanne, à la faculté des géosciences et de l’environnement, ex-consultant pour la Convention sur le climat dans les années 90, Suren Erkman s’insurge contre cette psychose et réclame plus de rigueur scientifique. Avec la part de doutes et d’interrogations qu’elle impose. Intervention compétente et courageuse contre le «main stream».
En fin d'article, l'entier de l'entretien en vidéo
Les nouvelles alarmantes sur le réchauffement climatique se multiplient. Jours plus dramatiques. Faut-il prendre ces discours au sérieux ?
Il faut distinguer deux choses. D’une part l’évolution du climat, c’est factuel. Il a d’ailleurs toujours évolué. Et puis il y a une autre question: comment ce changement est instrumentalisé par certains intérêts idéologiques, religieux, politiques et bien sûr économiques qui n’ont rien à voir le climat. L’humanité doit évidemment s’adapter comme elle l’a toujours fait. Mais ce n’est pas une raison d’annoncer l’apocalypse. Je note que ces discours extrêmement alarmistes, le plus souvent, ne sont pas tenus par des scientifiques.
La grande question, c’est la part de l'homme dans cette évolution.
Son impact sur l‘environnement est indéniable, beaucoup plus important aujourd’hui qu’hier. Même s’il ne faut pas sous-estimer son rôle autrefois. Je pense notamment aux grandes déforestations qui ont commencé il y a plusieurs millénaires. Mais pourquoi pas après tout? Il n’y a pas un climat idéal: c’est une représentation idéalisée de la nature. L’approche scientifique constate que le climat découle largement de l’action des espèces vivantes. Leur métabolisme est à l’origine des cycles biogéochimiques (carbone, azote, oxygène, etc.). La composition actuelle de l’atmosphère résulte ainsi pour beaucoup des végétaux, microorganismes, bactéries, phytoplancton, etc., en corrélation avec bien d’autres facteurs. L’humain y contribue et doit s’efforcer d’agir en tentant de maintenir la terre vivable pour lui et les autres espèces. La vie, et pas seulement les humains, modifie sans cesse la planète.
Le CO2 est désigné comme le grand coupable.
Il faut tout d’abord rappeler qu’il existe de nombreuses sources naturelles de CO2. Par exemple les éruptions volcaniques. Il faut dire aussi qu’il subsiste aujourd’hui encore un débat scientifique sur la contribution réelle de ce gaz à l’effet de serre. On constate des corrélations, qui font l’objet d’interprétations divergentes. Et les explications en termes de causalité ne font pas l’unanimité. Dans ce débat, on évoque souvent le GIEC, qui n’est pas un organisme scientifique en tant que tel. C’est un regroupement d’experts, spécialistes de différents aspects du climat, qui s’efforce de réaliser des bilans des connaissances sur le sujet. Plusieurs climatologues réputés, notamment aux Etats-Unis, n’ont pas accepté d’en faire partie car ils considèrent que l’approche du GIEC est biaisée, trop sélective, ou même politisée. Le GIEC présente la vision dominante du problème. Ce n’est pas pour autant qu’il donne une vérité établie.
Très tôt, la question climatique a été instrumentalisée
Pourquoi cette synthèse serait-elle biaisée ?
Très tôt, la question climatique a été instrumentalisée à diverses fins. Economiques, c’est évident. Politiques aussi. Ou idéologiques, avec le recours à la peur. L’économie a besoin de changements pour avancer. Elle a mis en place un gigantesque système autour des énergies fossiles. Aujourd’hui, elle œuvre à en construire un nouveau autour des renouvelables. Ce qui est très bien. Mais il faut voir le moteur à l’œuvre. On a là l’illustration du principe de Schumpeter: la destruction créatrice. Les milieux nucléaires, par exemple, ont commencé très tôt, dans leur intérêt, à jouer la carte de la diminution des émanations de CO2. Non sans bons arguments. Mais cette technologie pose d’autres problèmes
Et la politique?
Par le biais du dossier climatique, les pays industrialisés trouvent un moyen subtil mais puissant sur ceux qui dépendent des énergies fossiles, se trouvant maintenant sous pression, forcés de se justifier. Beaucoup ont pressenti qu’il y avait une tentative de pression sur leur politique énergétique, et donc une forme de contrainte sur leur processus de développement. Le discours sur le défi global – «nous sommes tous sur le même bateau» – a tendance à éclipser, à gommer des divergences, des tensions, des conflits sur d’autres débats qui occupent moins l’attention.
Il semble pourtant raisonnable de prendre en compte la fin, un jour, des réserves fossiles.
Bien sûr les ressources ne sont pas infinies. Rien n’est infini. Mais prenez le charbon. Il y en a trop! Il pose, c’est vrai, des problèmes environnementaux indépendamment du climat. Quant au pétrole et au gaz, on ne cesse d’en découvrir de nouveaux gisements, certes souvent de qualité moindre. De même pour les métaux. Ce que nous percevons comme un risque de pénurie est plutôt de nature géopolitique et économique. Ce qui est frappant, c’est la prégnance d’un discours néo-malthusien sur le thème «la barque est pleine», «il n’y en aura pas pour tout le monde», etc… Pourquoi pas? Mais jouons franc-jeu, et admettons qu’il s’agit d’un postulat politique. Ne faisons pas croire aux gens que cette vision est établie scientifiquement.
Alors continuons comme aujourd’hui ?
Non, bien sûr. Il y a de bonnes raisons de réduire le recours aux énergies fossiles. A commencer par la qualité de l’air dans les villes, du smog photochimique. Là, on sait que cela nuit à la qualité de vie et à la santé. Il est troublant de voir que l’on insiste plus sur la question insaisissable du climat que sur des phénomènes qui touchent directement les gens, comme les problèmes de santé résultant de la pollution atmosphérique. C’est là que devrait être la priorité. En Suisse aussi bien que dans les mégapoles. Le système industriel, c’est dans sa nature, se transforme sans cesse. Tôt ou tard nous allons donc diminuer le recours aux énergies fossiles et faire place à de nouvelles technologies.
«Merci de laisser cet endroit dans l’état où vous l’avez trouvé»
S’adapter au changement climatique faute de le déterminer… mais comment ?
Il y aura des gagnants et des perdants. Songeons aux marchés gigantesques qui s’ouvrent… Le génie civil par exemple, avec la construction des digues, la protection des villes côtières et tant d’autres travaux en vue. Nous le voyons en Suisse où d’innombrables chantiers sont en cours pour se protéger contre les éboulements, les crues. Les perdants, ce sont les pays qui ont moins de capacités techniques et de richesses. Certains souffriront plus que d’autres. Ce n’est pas nouveau. Reste à savoir comment atténuer ces différences. Mais il n’y aura pas de coup de baguette magique.
Pour beaucoup, le rêve, aujourd’hui, c’est que la planète reste dans l’état actuel, si possible avec quelques améliorations.
Comme on voit dans les toilettes: «Merci de laisser cet endroit dans l’état où vous l’avez trouvé». On applique la consigne à la planète! Mais elle ne fonctionne pas comme ça. Il y a sans cesse des changements. Des cataclysmes de toutes sortes comme ce fut toujours le cas. L’idée qu’il y aurait une harmonie universelle à préserver, à ne pas perturber, comme si l’homme devait s’excuser d’exister, c’est de l’idéologie. Nous devons composer avec toutes sortes de perturbations qui viennent de tous côtés, d’origines aussi bien astronomiques, biologiques et autres. On fait croire qu’en diminuant fortement les émissions humaines de gaz à effet de serre, nous retrouverions le climat «d’avant». Or on en sait rien. On peut espérer que cet effort ait des effets bénéfiques. Mais il n’est pas correct de donner de faux espoirs. Si des gens veulent vivre différemment, consommer moins et si cela les rend heureux, très bien. Mais ce n’est pas pour autant que la planète s’en portera mieux.
L’homme devait donc modestement accepter la situation…
Une certaine modestie n’exclut pas l’ambition. La question est celle de la responsabilité. Nous prenons conscience que nous avons une capacité d’intervention sur la planète que nous n’avions pas il y a quelques centaines d’années. Et pas seulement sur Terre. L’échelle pertinente, à mon avis, est aujourd’hui celle du système solaire. Pensons à toutes ces objets que nous avons envoyés vers d’autres planètes, chargées de bactéries, de spores et peut-être de virus… On voit notamment aux Etats-Unis que certains posent la réflexion et l’ambition à un très haut niveau, en explorant toutes sortes d’innovations technologiques. En Europe, nous sommes plutôt dans la culpabilité, dans la peur de la nouveauté. En Asie, c’est très différent. Ce qui domine, c’est l’optimisme, le dynamisme, le désir du développement. On n’y connaît pas les craintes face à la technologie si répandues chez nous.
Un acte symbolique important, mais symbolique
Tous les pays se sont pourtant retrouvés dans le cadre de l’Accord de Paris. Même si Trump veut en sortir.
Beaucoup l’ont signé parce que cela n’engage pas à grand-chose. C’est un acte symbolique important, mais symbolique. En revanche, c’est utile parce que certains pays pauvres ont ainsi un accès facilité à des financements. Aujourd’hui, il n’est pratiquement plus possible d’obtenir de l’aide au développement si l’on ne prétexte pas la question du climat. On voit notamment des Etats africains se livrer à des contorsions pour prouver que leurs projets vont dans ce sens. D’autres comme la Chine ont bien compris qu’ils ont tout intérêt à jouer le jeu parce qu’ils en retirent des avantages, que ce soit pour améliorer leur image sur la scène internationale, ou en se posant en leader des nouvelles technologies.
Et vous? Vous avez des propositions d'action concrète?
On pourrait imaginer la création d'un organisme international voué à la recherche scientifique sur le climat. Ce que n'est pas le GIEC. On a dépensé des milliards au CERN pour mieux connaître la physique de l'univers, très bien, pourquoi ne pas en faire autant sur le climat? Dans une perspective scientifique et non politique.
Tout ce discours va à l’encontre de tout ce que l’on entend généralement. Etes-vous isolé ?
Non, beaucoup de gens, dans les milieux scientifiques se sentent mal à l’aise avec cette instrumentalisation politique et économique du dossier climatique. Peu assument publiquement des analyses de ce type, cette tentative d’une vision critique, libre et le plus possible documentée. Ils n’en pensent pas moins. Ce qui n’est pas sain, c’est que bien des connaisseurs de ces questions sont intimidés et n’osent pas s’exprimer ouvertement. C’est particulièrement vrai dans le monde académique. Mais c’est une phase. Le débat se poursuivra.
L'interview de Suren Erkman en vidéo
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Ou idéologiques, avec le recours à la peur. L’économie a besoin de changements pour avancer. Elle a mis en place un gigantesque système autour des énergies fossiles. Aujourd’hui, elle œuvre à en construire un nouveau autour des renouvelables. Ce qui est très bien. Mais il faut voir le moteur à l’œuvre. On a là l’illustration du principe de Schumpeter: la destruction créatrice. Les milieux nucléaires, par exemple, ont commencé très tôt, dans leur intérêt, à jouer la carte de la diminution des émanations de CO2. Non sans bons arguments. Mais cette technologie pose d’autres problèmes</p><p><strong>Et la politique?</strong></p><p> Par le biais du dossier climatique, les pays industrialisés trouvent un moyen subtil mais puissant sur ceux qui dépendent des énergies fossiles, se trouvant maintenant sous pression, forcés de se justifier. Beaucoup ont pressenti qu’il y avait une tentative de pression sur leur politique énergétique, et donc une forme de contrainte sur leur processus de développement. Le discours sur le défi global – «nous sommes tous sur le même bateau» – a tendance à éclipser, à gommer des divergences, des tensions, des conflits sur d’autres débats qui occupent moins l’attention. </p><p><strong>Il semble pourtant raisonnable de prendre en compte la fin, un jour, des réserves fossiles.</strong> </p><p>Bien sûr les ressources ne sont pas infinies. Rien n’est infini. Mais prenez le charbon. Il y en a trop! Il pose, c’est vrai, des problèmes environnementaux indépendamment du climat. Quant au pétrole et au gaz, on ne cesse d’en découvrir de nouveaux gisements, certes souvent de qualité moindre. De même pour les métaux. Ce que nous percevons comme un risque de pénurie est plutôt de nature géopolitique et économique. Ce qui est frappant, c’est la prégnance d’un discours néo-malthusien sur le thème «la barque est pleine», «il n’y en aura pas pour tout le monde», etc… Pourquoi pas? Mais jouons franc-jeu, et admettons qu’il s’agit d’un postulat politique. Ne faisons pas croire aux gens que cette vision est établie scientifiquement.</p><p><strong> Alors continuons comme aujourd’hui ?</strong></p><p> Non, bien sûr. Il y a de bonnes raisons de réduire le recours aux énergies fossiles. A commencer par la qualité de l’air dans les villes, du smog photochimique. Là, on sait que cela nuit à la qualité de vie et à la santé. Il est troublant de voir que l’on insiste plus sur la question insaisissable du climat que sur des phénomènes qui touchent directement les gens, comme les problèmes de santé résultant de la pollution atmosphérique. C’est là que devrait être la priorité. En Suisse aussi bien que dans les mégapoles. Le système industriel, c’est dans sa nature, se transforme sans cesse. Tôt ou tard nous allons donc diminuer le recours aux énergies fossiles et faire place à de nouvelles technologies.</p><blockquote><h3><em>«Merci de laisser cet endroit dans l’état où vous l’avez trouvé»</em><br></h3></blockquote><p><strong>S’adapter au changement climatique faute de le déterminer… mais comment ? </strong></p><p>Il y aura des gagnants et des perdants. Songeons aux marchés gigantesques qui s’ouvrent… Le génie civil par exemple, avec la construction des digues, la protection des villes côtières et tant d’autres travaux en vue. Nous le voyons en Suisse où d’innombrables chantiers sont en cours pour se protéger contre les éboulements, les crues. Les perdants, ce sont les pays qui ont moins de capacités techniques et de richesses. Certains souffriront plus que d’autres. Ce n’est pas nouveau. Reste à savoir comment atténuer ces différences. Mais il n’y aura pas de coup de baguette magique. </p><p><strong>Pour beaucoup, le rêve, aujourd’hui, c’est que la planète reste dans l’état actuel, si possible avec quelques améliorations. </strong></p><p>Comme on voit dans les toilettes: «Merci de laisser cet endroit dans l’état où vous l’avez trouvé». On applique la consigne à la planète! Mais elle ne fonctionne pas comme ça. Il y a sans cesse des changements. Des cataclysmes de toutes sortes comme ce fut toujours le cas. L’idée qu’il y aurait une harmonie universelle à préserver, à ne pas perturber, comme si l’homme devait s’excuser d’exister, c’est de l’idéologie. Nous devons composer avec toutes sortes de perturbations qui viennent de tous côtés, d’origines aussi bien astronomiques, biologiques et autres. On fait croire qu’en diminuant fortement les émissions humaines de gaz à effet de serre, nous retrouverions le climat «d’avant». Or on en sait rien. On peut espérer que cet effort ait des effets bénéfiques. Mais il n’est pas correct de donner de faux espoirs. Si des gens veulent vivre différemment, consommer moins et si cela les rend heureux, très bien. Mais ce n’est pas pour autant que la planète s’en portera mieux.</p><p><strong> L’homme devait donc modestement accepter la situation… </strong></p><p>Une certaine modestie n’exclut pas l’ambition. La question est celle de la responsabilité. Nous prenons conscience que nous avons une capacité d’intervention sur la planète que nous n’avions pas il y a quelques centaines d’années. Et pas seulement sur Terre. L’échelle pertinente, à mon avis, est aujourd’hui celle du système solaire. Pensons à toutes ces objets que nous avons envoyés vers d’autres planètes, chargées de bactéries, de spores et peut-être de virus… On voit notamment aux Etats-Unis que certains posent la réflexion et l’ambition à un très haut niveau, en explorant toutes sortes d’innovations technologiques. En Europe, nous sommes plutôt dans la culpabilité, dans la peur de la nouveauté. En Asie, c’est très différent. Ce qui domine, c’est l’optimisme, le dynamisme, le désir du développement. On n’y connaît pas les craintes face à la technologie si répandues chez nous.</p><blockquote><h3><em>Un acte symbolique important, mais symbolique</em><br></h3></blockquote><p><strong> Tous les pays se sont pourtant retrouvés dans le cadre de l’Accord de Paris. Même si Trump veut en sortir. </strong></p><p>Beaucoup l’ont signé parce que cela n’engage pas à grand-chose. C’est un acte symbolique important, mais symbolique. En revanche, c’est utile parce que certains pays pauvres ont ainsi un accès facilité à des financements. Aujourd’hui, il n’est pratiquement plus possible d’obtenir de l’aide au développement si l’on ne prétexte pas la question du climat. On voit notamment des Etats africains se livrer à des contorsions pour prouver que leurs projets vont dans ce sens. D’autres comme la Chine ont bien compris qu’ils ont tout intérêt à jouer le jeu parce qu’ils en retirent des avantages, que ce soit pour améliorer leur image sur la scène internationale, ou en se posant en leader des nouvelles technologies.</p><p><strong>Et vous? Vous avez des propositions d'action concrète?</strong></p><p>On pourrait imaginer la création d'un organisme international voué à la recherche scientifique sur le climat. Ce que n'est pas le GIEC. On a dépensé des milliards au CERN pour mieux connaître la physique de l'univers, très bien, pourquoi ne pas en faire autant sur le climat? Dans une perspective scientifique et non politique.</p><p><strong> Tout ce discours va à l’encontre de tout ce que l’on entend généralement. Etes-vous isolé ?</strong></p><p> Non, beaucoup de gens, dans les milieux scientifiques se sentent mal à l’aise avec cette instrumentalisation politique et économique du dossier climatique. Peu assument publiquement des analyses de ce type, cette tentative d’une vision critique, libre et le plus possible documentée. Ils n’en pensent pas moins. Ce qui n’est pas sain, c’est que bien des connaisseurs de ces questions sont intimidés et n’osent pas s’exprimer ouvertement. C’est particulièrement vrai dans le monde académique. Mais c’est une phase. 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Et nous, dans le joyeux printemps, subissons le feu roulant des informations. On s’y habitue. Plus grand monde ne parle de paix. Les discours s’enflamment: il faut des armes, toujours plus d’armes. Dans le sillage des Etats-Unis, l’Europe, France en tête, n’en finit pas de nourrir l’hubris belliqueuse. La Suisse aussi.', 'subtitle_edition' => 'Les bombes continuent de tuer, ici et là. Et nous, dans le joyeux printemps, subissons le feu roulant des informations. On s’y habitue. Plus grand monde ne parle de paix. Les discours s’enflamment: il faut des armes, toujours plus d’armes. Dans le sillage des Etats-Unis, l’Europe, France en tête, n’en finit pas de nourrir l’hubris belliqueuse. La Suisse aussi.', 'content' => '<p><span>Dans son long discours à la Sorbonne, tournant le dos aux préoccupations terre-à-terre de ses concitoyens, Emmanuel Macron se posait en guide géostratégique du Vieux-Continent. Peu audible d’ailleurs chez lui et chez ses partenaires, guère enthousiastes de cette prétention au leadership. En termes exaltés et alarmistes, le président français en appelle au renforcement massif de la défense européenne. Non sans raisons. Mais pour quoi faire? Affronter la menace de la Russie? Voyons son armée. Elle s’escrime autour de quelques villages dans l’est de l’Ukraine, à quelques kilomètres de chez elle, elle peine à prendre la ville voisine de Karkhiv malgré d’horribles destructions. Elle n’est manifestement pas de taille à s’en prendre aux pays de l’OTAN, ni matériellement ni humainement. Les divers pays européens sont loin d’être démunis de moyens militaires. Même si leur base industrielle a des lacunes. On le sait aussi au Kremlin, où, quoi qu’on en dise, on est réaliste, on n’a pas la folie des grandeurs. Point effectivement à soulever: il est vrai que les Européens feraient bien de se préoccuper davantage de la défense anti-drones et anti-missiles. Ces engins, peu coûteux à produire mais ruineux pour s’en défendre, jouent un rôle-clé dans les conflits d’aujourd’hui. Et les Russes ne sont pas seuls à en disposer. Dans la cybersécurité aussi, il y a aussi de sérieux efforts à faire. Comme en Suisse, où le Département de la Défense confie cette tâche à son entreprise boiteuse Ruag qui s’appuie elle-même sur l’entité issue de Crypto AG, célèbre pour le scandale de ses tricheries. La Confédération a misé en plus sur une société bernois brinquebalante, Xplain, et admet aujourd’hui le désastre. Même des informations confidentielles sur les Conseillers fédéraux ont été balancés dans le «darknet». </span></p> <p><span>Mais nos militaires et leur cheffe ne rêvent que d’acquérir toujours plus d’avions, de blindés et de canons… à acheter aux Etats-Unis bien sûr. Viola Amherd se frotte les mains: une curieuse proposition agite le Parlement. Il s’agit de faire sauter la limite aux dépenses fédérales et de consacrer dix milliards supplémentaire pour l’armée et cinq pour l’Ukraine d’ici à 2030. C’est un groupe inhabituel de femmes parlementaires alémaniques qui est à la besogne. Dont une centriste, Marianne Tinder («Je suis en mesure d'évaluer la gravité de la menace même sans jours de service militaire»), sa collègue de parti entrée au Parlement en décembre dernier («Quand j'entends que l'armée n'a même pas assez de gilets de protection, cela me fait réfléchir»), la socialiste Franziska Roth («Nous ne pouvons pas nous cacher constamment derrière des lignes rouges»). A compter aussi dans ce que le <em>Tagesanzeiger</em> appelle les «dealmakers»: une autre centriste, Andrea Gmür, la socialiste Sarah Wyss, la verte libérale Corina Gredig. Etonnant, ce quarteron féminin, inter-partis, prônant l’urgence des armes.</span></p> <p><span>Bien que le président du PS Cedric Wermuth et la Fédération des sociétés militaires – curieux attelage! – applaudissent l’idée, celle-ci passe mal. Le patron du Centre Gerhard Pfister tousse, les radicaux, derrière Karin Keller-Suter, préoccupés par l’endettement, s’y opposent. Et il se trouvera sans doute des socialistes pour refuser cet emballement. Quant au petit peuple à qui on ne demandera pas son avis, il sait que de telles dépenses supplémentaires entraîneront inévitablement des coupes là où cela lui fait mal. </span></p> <p><span>Il vaut la peine de s’interroger sur les ressorts de cette outrance militariste. Que ce soit dans le mode déclamatoire d’un Macron ou dans les chuchotements du Palais fédéral. La politique sort alors du champ rationnel, de l’analyse froide des réalités, elle entre dans l’escalade des émotions morales, détermine dans le mode binaire, gagner ou perdre la guerre. Or l’histoire récente donne tant d’exemples où les conflits ont fini par des pourparlers. Plus ceux-ci ont tardé, plus se sont inutilement prolongées les souffrances.</span></p> <p><span>Rester fidèles à nos principes? Bien sûr. Mais alors pourquoi ne pas s’activer plutôt au chapitre de la paix? Pourquoi ne pas tirer toutes les ficelles en vue de véritables négociations dans le conflit Ukraine-Russie? Dans son emportement Emmanuel Macron n’a même pas prononcé ces mots. Et en l’occurence helvétique, les chantres féminins du pactole aux armes n’en ont eu aucun dans ce sens. Et le grand raout prévu au Bürgenstock, direz-vous? L’intention est certes louable mais le cadrage est défini par un seul des camps en présence et par les Etats-Unis. Cela en fait un simulacre de négociations. Qui pourrait bien en rajouter une couche à la frénésie belliqueuse. Alors même que le moment approche où les belligérants, plus ou moins épuisés, devront bien se résoudre à cesser le feu et à engager des pourparlers. Plus ils attendront, plus la malheureuse Ukraine sera mal prise. Regrettant que l’accord à bout touchant du tout début de la guerre ait été sabordé.</span></p> <p><span>Quant à l’autre guerre qui nous bouleverse, au Moyen Orient, elle est promise à durer longtemps, très longtemps, sous une forme ou une autre. Totalement dépassée et discréditée, la Suisse ne songe même pas à proposer une négociation, ni sur l’immédiat, ni sur le fond. Peu dit: un autre pays tente discrètement cet effort, non sans expérience. La Norvège.</span></p> <p><span>Mais le Conseil fédéral paraît tenir à réaffirmer son alignement sur la ligne d’Israël. Après avoir concédé une aide réduite, la commission parlementaire des Affaires étrangères propose de supprimer à terme tout soutien à l’UNRWA. 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Quel parcours pour cet autodidacte fou de cinéma, travailleur acharné, si bellement doté d’empathie créatrice! ', 'content' => '<p><span>Quel parcours pour cet autodidacte fou de cinéma, travailleur acharné, si bellement doté d’empathie créatrice! Ces trente dernières années, son entreprise, sise à Lausanne, CAB-Productions, a permis à de nombreux cinéastes, locaux et internationaux, de s’exprimer librement. Tournant en Suisse, avec des comédiens, des techniciens d’ici et d’ailleurs. De Francis Reusser à Dominique de Rivaz, d’Alain Tanner à Jean-François Amiguet, de Marcel Schüpbach à Pierre-Yves Borgeaud, de Greg Zlingski à Olivier Assayas, de Benoît Mariage à Claude Chabrol, et tant d’autres. Dernier en date, Roman Polanski. Avec le tournage à Gstaad de <em>The Palace</em>, en coproduction avec l’Italie et la Pologne. </span></p> <p><span>Lié d’amitié avec cette grande figure du cinéma européen, Porchet a tout fait, trois ans durant, pour que ce film se fasse. Contre vents et tempêtes. Face aux campagnes des ultra-féministes qui rabâchent et déforment une histoire vieille de quarante ans, aux Etats-Unis, impliquant une jeune fille qui aujourd’hui est dans les meilleurs termes avec le prétendu coupable. L’offensive «wokiste» a mis Polanski au ban. En Suisse comme en France, aucun soutien public n’a été apporté au film. Une fois terminé, au début de cette année, il a pu être présenté à Venise mais n’a été diffusé que dans quelques rares salles, les distributeurs et les exploitants craignant des manifestations féministes. Il est même totalement proscrit en France. </span></p> <p><span>Pour Jean-Louis Porchet les difficultés du début ont tourné à la descente aux enfers. Faute de rentabiliser les droits d’exploitation, sous le poids des dettes contractées pour boucler le financement du tournage, son entreprise est menacée de faillite. 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Y en aura-t-il d’autres à travers le monde aujourd’hui secoué par tant de fièvres belliqueuses?</span></p> <p><span>Prenons acte de cet épisode de la décolonisation. Dans un «empire» qui, à partir d’un tout petit pays, s’était installé, depuis le XVIème siècle, en Afrique, en Amérique (le Brésil!) et en Asie (à Goa, libéré en 1961 par Nehru). Le pouvoir surgi en 1974 géra son retrait avec une dignité remarquable. Je me souviens d’avoir interviewé le dernier gouverneur portugais à la veille de son départ du Mozambique, pour <em>Temps présent</em>. Il tendait la main aux rebelles du Frelimo, plein d’espoir quant à l’avenir d’une relation post-coloniale apaisée. Ce pays, comme l’Angola et la Guinée Bissau, a connu ensuite des temps agités, des guerres civiles, mais on y parle encore portugais et personne aujourd’hui n’y pourfend l’influence de l’ancien colonisateur. Il n’y eut quasiment pas de règlements de compte sanglants après coup. Quant aux nombreux Blancs qui quittèrent cette terre qu’ils croyaient leur, ils furent réintégrés dans la mère-patrie, amers certes, mais sans trop de mal. Pour la plupart ce fut pourtant un déchirement terrible. Nous avions filmé leur attente de l’embarquement, au port de Beira, veillant jour et nuit sur leurs caisses et valises, chargées de leur passé.</span></p> <p><span>Le livre du journaliste Jean-Jacques Fontaine (voir ci-dessous) raconte, à travers des portraits, plusieurs en lien avec la Suisse, le tournant du 25 juillet 1974 et ce qui s’ensuivit. Abordant ensuite la présence si nombreuse des Portugais chez nous, non pas du fait de la Révolution des Œillets mais en quête d’un meilleur sort économique. D’ailleurs souvent oublieux de cet épisode historique. </span></p> <p><span>Lors de la présentation de l’ouvrage au Club suisse de la presse, la journaliste genevoise Joelle Kuntz qui suivit les évènements sur place a mis en exergue avec éloquence une autre leçon du Portugal. Le demi-siècle passé depuis lors y a été remarquablement apaisé et démocratique. Rejetant les extrêmes de droite et de gauche, l’électorat a alterné ses préférences entre le centre-droit et le centre-gauche, applaudi aussi l’entrée dans l’Union européenne dont les soutiens ont permis au pays de se moderniser. Trains, routes, équipements publics… le Portugal a basculé dans une ère nouvelle, heureuse. Il est vrai qu’en mars dernier, le jeune parti dit d’extrême droite, en tout cas libéral et conservateur, a obtenu 18% des voix. Il ne se nourrit pas de quelque nostalgie salazariste mais d’une addition de mécontentements. Comme ailleurs autour de l’immigration – les Brésiliens affluent! –, autour des lourdeurs bureaucratiques, autour des frustrations sociales. Il faut dire que les dernières années ont été dures. En 2020, l’Etat outrepassait toutes les limites de l’endettement. Et en 2023, le gouvernement de centre-gauche sortant, battu aux dernières élections, a redressé la barre avec un budget bénéficiaire. Au prix d’efforts peu communs, des mesures drastiques à tous les étages, coupes dans le domaine social et augmentation de certains impôts.</span></p> <p><span>Qu’en conclure? Les Portugais sont pragmatiques, réalistes, entreprenants. A la différence d’autres Européens – n’est-ce pas, amis Français? – ils ne rabâchent pas les couplets aigris et masochistes du déclin. Leurs débats politiques sont chauds mais ne tournent pas aux empoignades haineuses et violentes comme on a pu le voir ailleurs. Ils témoignent, sur la durée est sur le fond, d’une forme de sagesse.</span></p> <p><span>Les Portugais en Suisse sont au nombre de 420’000 (dont 162’000 de double-nationaux). Socialement très bien intégrés mais la plupart </span><span>restant sur leur quant à soi civique. Beaucoup nous quittent, plus qu’il n’en arrive. 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