Analyse / Comment la Suisse a marqué son auto-goal européen
Le Conseil fédéral en 1991. © DODIS.ch
A l'inverse du malicieux Sacha Guitry proclamant «je suis contre les femmes, tout contre», le Conseil fédéral affichait, jusqu'au début des années 90, une retenue toute helvétique face à la Communauté européenne (CE): «rapprochons-nous en autant que possible, pour ne jamais avoir à en faire partie».
L'étonnement fut donc considérable, ce 22 octobre 1991, quand au terme d'un dernier round de négociations sur l'Espace économique européen (EEE), le gouvernement annonça que non seulement il avait signé un traité que beaucoup considéraient comme mort-né, mais envisageait dans la foulée l'adhésion de la Suisse à la CE. Quelle révolution copernicienne avait frappé l'esprit des sept Sages?
On connaît la suite de l'histoire: l'EEE échoue de peu en votation populaire le 6 décembre 1992 (50,3% de non, une participation de 78%, et une forte majorité de oui en Suisse romande); la Suisse et la CE (devenue depuis Union européenne) négocient des traités bilatéraux pour combler le vide; la Suisse retire sa demande d'adhésion en 2016, puis interrompt unilatéralement des négociations sur un accord-cadre en mai 2021. Les faits parlent d'eux-mêmes. La question, elle, demeure:
Qu'est-ce qui avait amené le Conseil fédéral au virage pro-européen de 1991?
Les documents s'y rapportant – dont les fameux feuillets verts «vertraulich-confidentiel» résumant les séances du Conseil fédéral, des courriers diplomatiques et notes internes – viennent d'être rendus publics. Ce qu'on y lit stupéfie. En fait, la majorité du gouvernement n'avait pas changé d'avis et n'était favorable ni au traité EEE, ni à l'adhésion. Lors d'une séance à Gerzensee les 18 et 19 octobre 1991, soit trois jours seulement avant la fin des négociations, il n'en décide pas moins, «par consensus et sans vote (c'est l'auteur de ces lignes qui souligne) de dire oui au traité EEE et d'autoriser MM. Delamuraz et Felber à annoncer officiellement que le Conseil fédéral s'est fixé comme objectif une adhésion de la Suisse à la CE». La phrase suivante vaut son pesant de läckerli: «Cette décision présuppose que la dernière phase de la négociation donne des résultats acceptables dans les domaines qui sont encore ouverts. Dans le cas contraire, il faudra annoncer que le traité EEE n'est pas acceptable et que le Conseil fédéral va revoir sa politique d'intégration européenne.»
Acceptable, le traité ne l'était certainement pas sur un point central, dénoncé à maintes reprises – non pas publiquement, mais entre eux – par les conseillers fédéraux: l'aspect institutionnel, celui-là même qui fera capoter les discussions sur l'accord-cadre avec l'UE trente ans plus tard.
Pour savoir ce qui s'est passé et comprendre, dans la foulée, le traumatisme qui a poussé le gouvernement à prendre la décision très inhabituelle d'enterrer unilatéralement cet accord-cadre en mai 2021, il vaut la peine d'explorer le passé récent.
L'enjeu et les positions de chacun sont déjà clairs le 17 avril 1991. Lors de la 13ème séance du gouvernement, Jean-Pascal Delamuraz donne le ton: «L'offre de la CE se rétrécit sans cesse. (…) C'est avec les représentants de la CE et des pays membres que les expériences les plus pénibles ont été reçues». «La situation actuelle est misérable», surenchérit Arnold Koller, inquiet de voir la Suisse «se laisser dépecer». Kaspar Villiger: «La CE a mis la Suisse dos au mur et présente sans cesse de nouvelles exigences. Nous sommes sur le chemin d'un Etat colonisé avec statut d'autonomie. L'Alleingang (voie solitaire) serait supportable et préférable à cet EEE». «Dans ce climat, nous n'avons aucune chance devant le peuple», estime Adolf Ogi.
Alors, on arrête tout? Non, répond Delamuraz, appuyé par René Felber, car la seule possibilité qui resterait ouverte serait que la Suisse fasse cavalier seul, un scénario «où elle aurait tout à perdre».
Dans un courrier personnel adressé à son collègue vaudois le 28 mars, le président de la Confédération Flavio Cotti résume son double scepticisme: «L'EEE ne peut plus être matériellement considéré comme un accord favorable pour notre pays. De plus, il contient toute une série de "bombes", menues mais effectives; l'espoir de le voir approuver par le peuple suisse semble très mince. J'en viens à imaginer qu'une adhésion pure et simple à la CE pourrait être envisagée avec davantage de sympathie; mais ne nous méprenons pas, à ce sujet aussi ma vision à moyenne échéance reste très pessimiste.»
De cette analyse qui pousserait d'autres à jeter l'éponge, le Conseil fédéral va paradoxalement tirer un scénario offensif que résume Arnold Koller dans la fameuse séance du 17 avril: «Nous pourrions essayer de sauver ce contrat (l'EEE, ndlr.), bien que mauvais, en le considérant comme une solution transitoire». C'est-à-dire comme un premier pas vers une future adhésion. Sinon, il faudrait «reprendre la main» en traçant et en rendant publiques les limites à ne pas dépasser dans les négociations, quitte à assumer l'échec de ces dernières.
Sauver ce contrat, bien que mauvais
Or à aucun moment le Conseil fédéral ne définit clairement ces lignes rouges évoquées à plusieurs reprises. Les a-t-il posées par écrit? Ce n'est pas clair, on le verra plus loin. Le voici donc qui s'embarque dans une stratégie d'une audace peu banale: vendre un traité mal fichu en le présentant comme une étape vers une adhésion... dont il répété pendant des lustres qu'elle était hors de question. Ce qui équivaut à ajouter un morceau de bœuf dans une soupe insipide pour convaincre des végétariens de l'avaler.
«Nous avons imaginé une tactique qui n'a pas marché», reconnaîtra sobrement René Felber le 4 décembre 2012 dans une des rares interviews qu'il a données après sa retraite.
Avant de juger la stratégie du gouvernement, rappelons ce qu'était cette peu banale année 1991. L'URSS implose, la guerre civile éclate en Yougoslavie, les Américains et leurs alliés déclarent la guerre à Saddam Hussein, l'Allemagne achève sa réunification en choisissant Bonn pour capitale. Les événements s'accélèrent, pour la Communauté européenne aussi. Si, à aucun moment, le Conseil fédéral ne montre le moindre enthousiasme pour en devenir membre, un argument revient en boucle dans ses discussions: si la Suisse attend trop pour négocier une adhésion, elle risque d'être traitée «comme la Pologne, la Tchécoslovaquie ou la Hongrie» (Arnold Koller). Humiliante perspective pour le conseiller fédéral qui présente en 1991 le modèle migratoire dit des «trois cercles», les ressortissants de l'Est gravitant quelque part entre le deuxième et le troisième.
Otto Stich n'a pas besoin de se référer à la Pologne pour dire tout le mal qu'il pense de la solution qui se met en place: «On a d'abord vu dans l'EEE une possibilité de ne pas adhérer. Maintenant, on le présente comme un pas vers l'adhésion. Un mauvais contrat n'est jamais un pas dans la bonne direction. L'EEE tel qu'il se dessine signifie une satellisation de la Suisse.» Le Soleurois ne variera pas d'un pouce dans son opposition.
A l'issue de sa séance du 17 avril, le Conseil fédéral décide – si l'on peut dire – «de se pencher sur la suite à donner, lors de sa prochaine séance, sur la base d'un document de travail qui définira les bottom lines absolues pour la Suisse. Il décidera après discussion de l'information du public sur la position adoptée.»
Aucun document publié ne porte la trace de ces bottom lines, ni de leur discussion. Sur le PV de la séance du 8 mai 1991, on lit que «le président Cotti souhaite que les bottom lines que le Conseil a définies lors de sa dernière séance fassent l'objet d'un procès-verbal de décision». Puis, deux paragraphes plus bas: «La proposition de publier des bottom lines n'est plus opportune. On accuse déjà la Suisse d'être responsable si les négociations devaient mal tourner: il ne faudrait pas alimenter encore cette thèse».
Exit, donc, la variante «ça passe ou ça casse»
Mais le Conseil fédéral est sur des charbons ardents. «Unanime» à vouloir poursuivre les négociations sur l'EEE et à ne pas vouloir signer un «mauvais traité» (tous les membres du collège le jugent tel), il ne l'est pas «quant au message politique qu'il faudrait transmettre en cas d'échec», constate Jean-Pascal Delamuraz. Les discussions avec la CE sont «toujours empoisonnées», admet le Vaudois, le projet de déclaration pour la conférence ministérielle «absolument inacceptable». Des parlementaires suisses sont rentrés choqués après avoir entendu le commissaire européen Frans Andriessen déclarer que «la Suisse a profité depuis 40 ans de la CE».
Delamuraz, appuyé par Felber, n'en répète pas moins sa conviction: «Il est impossible, irréaliste et inimaginable de dégager à long terme une autre solution qu'une adhésion à la CE». Otto Stich, Flavio Cotti, Adolf Ogi et Arnold Koller ne sont pas d'accord. Il est trop tôt pour parler d'adhésion, estiment-ils; Koller dénonce «une fuite en avant qui ne serait pas comprise». Kaspar Villiger louvoie.
La discussion part dans tous les sens, ponctuée de récriminations contre les hauts fonctionnaires (Franz Blankart en particulier) qui donnent leur avis publiquement. Elle se conclut par un curieux communiqué: on annoncera au peuple suisse que les discussions sur l'EEE se poursuivent et que la perspective d'une future adhésion «a significativement gagné en importance». Et tant pis si ladite perspective suscite le scepticisme ou la franche opposition de cinq conseillers fédéraux sur sept.
Lors de sa séance extra-muros de Gerzensee les 18 et 19 octobre 1991, le gouvernement suisse ne peut plus jouer la montre. Le sort de l'EEE se joue trois jours plus tard, il ne concerne pas que la Suisse, mais les autres membres de l'AELE, dont plusieurs ont signalé leur désir d'adhérer à la CE. «Il est vrai que la partie institutionnelle ne peut pas satisfaire la dignité de la Suisse, car on peut parler de satellisation», constate Jean-Pascal Delamuraz, qui défend néanmoins les avantages économiques du traité. Il a toujours le soutien de René Felber et, désormais, celui d'Arnold Koller. Adolf Ogi et Kaspar Villiger soufflent le chaud et le froid, Otto Stich campe sur son refus, Flavio Cotti n'est pas convaincu: l'élément institutionnel «amplement insuffisant suffit à refuser le traité», dit-il.
C'est dans cette configuration pour le moins fragile, sans connaître le résultat final de la négociation, sans avoir fait connaître ses lignes rouges et majoritairement rétif à une future adhésion, que le Conseil fédéral accepte, «par consensus et sans vote», le traité EEE comme solution transitoire vers une adhésion à l'UE qui devient l'objectif officiel du gouvernement. Charge aux deux Romands du collège d'annoncer la bonne nouvelle au peuple...
Rétrospectivement
Trente ans plus tard, l'Histoire a rattrapé le gouvernement suisse. Répétons-le, il n'est pas question de juger les décisions prises dans une période très particulière. Tout au plus l'ex-journaliste auteur de ces lignes peut-il se livrer à une autocritique: je travaillais alors à L'Hebdo, favorable à l'intégration de la Suisse dans l'Europe; agréablement surpris par un revirement allant dans le sens de mes idées, je n'ai pas suffisamment questionné un acte étonnant, courageux à première vue mais qui exprimait en fait le désarroi d'un collège divisé - comme l'était et l'est restée la Suisse sur le sujet.
Les documents diplomatiques publiés ces jours renferment aussi quelques perles. Le 7 juin 1991, Flavio Cotti et Jean-Pascal Delamuraz reçoivent le président de la République François Mitterrand, et parlent d'intégration, celle de la Suisse bien sûr mais aussi celle des pays de l'Est. Et le finaud Mitterrand de lâcher: «Pour les pays de l'Est, il s'agit d'une situation difficile, parce qu'ils se présentent en pays quémandeurs. Ce n'est évidemment pas le cas de la Suisse, mais on ne peut pas non plus fonder une civilisation sur les banques.»
Depuis ces propos, la civilisation du secret bancaire a connu quelques hoquets, et les «quémandeurs» sont désormais membres à part entière d'une Union européenne à vingt-sept. La Suisse qui se déciderait à réactiver sa demande d'adhésion y serait probablement moins bien reçue que, mettons, des Polonais. Arnold Koller ne l'avait pas imaginé dans ses pires cauchemars.
Le 26 juin 1991, le négociateur suisse Franz Blankart partage un repas informel avec Horst Krenzler, responsable des relations extérieures pour la CE. Mettant allègrement les pieds dans le plat, Krenzler assène que la Suisse souffre, «across the board» d'un «déficit de modernité de trente ans». Déficit dans les processus décisionnels, législatifs, de conscience solidaire et finalement dans les mentalités.
A la lecture des documents déclassifiés, on peut difficilement lui donner tort sur les processus décisionnels. Quant aux lois, le conseiller national Roger Nordmann a demandé, en 2006, que l'administration fédérale indique systématiquement lesquelles sont copiées-collées du droit européen. Trop compliqué et trop cher, lui a-t-on répondu. On sait juste que cette part de notre droit est de plus en plus importante.
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En fait, la majorité du gouvernement n'avait pas changé d'avis et n'était favorable ni au traité EEE, ni à l'adhésion. Lors d'une séance à Gerzensee les 18 et 19 octobre 1991, soit trois jours seulement avant la fin des négociations, il n'en décide pas moins, «<em>par consensus et sans vote </em>(c'est l'auteur de ces lignes qui souligne) de dire oui au traité EEE et d'autoriser MM. Delamuraz et Felber à annoncer officiellement que le Conseil fédéral s'est fixé comme objectif une adhésion de la Suisse à la CE». La phrase suivante vaut son pesant de läckerli: «Cette décision présuppose que la dernière phase de la négociation donne des résultats acceptables dans les domaines qui sont encore ouverts. 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(…) C'est avec les représentants de la CE et des pays membres que les expériences les plus pénibles ont été reçues». «La situation actuelle est misérable», surenchérit Arnold Koller, inquiet de voir la Suisse «se laisser dépecer». Kaspar Villiger: «La CE a mis la Suisse dos au mur et présente sans cesse de nouvelles exigences. Nous sommes sur le chemin d'un Etat colonisé avec statut d'autonomie. L'Alleingang (voie solitaire) serait supportable et préférable à cet EEE». «Dans ce climat, nous n'avons aucune chance devant le peuple», estime Adolf Ogi.</p> <p>Alors, on arrête tout? Non, répond Delamuraz, appuyé par René Felber, car la seule possibilité qui resterait ouverte serait que la Suisse fasse cavalier seul, un scénario «où elle aurait tout à perdre».</p> <p>Dans un courrier personnel adressé à son collègue vaudois le 28 mars, le président de la Confédération Flavio Cotti résume son double scepticisme: «L'EEE ne peut plus être matériellement considéré comme un accord favorable pour notre pays. De plus, il contient toute une série de "bombes", menues mais effectives; l'espoir de le voir approuver par le peuple suisse semble très mince. J'en viens à imaginer qu'une adhésion pure et simple à la CE pourrait être envisagée avec davantage de sympathie; mais ne nous méprenons pas, à ce sujet aussi ma vision à moyenne échéance reste très pessimiste.»</p> <p>De cette analyse qui pousserait d'autres à jeter l'éponge, le Conseil fédéral va paradoxalement tirer un scénario offensif que résume Arnold Koller dans la fameuse séance du 17 avril: «Nous pourrions essayer de sauver ce contrat (l'EEE, ndlr.), bien que mauvais, en le considérant comme une solution transitoire». C'est-à-dire comme un premier pas vers une future adhésion. Sinon, il faudrait «reprendre la main» en traçant et en rendant publiques les limites à ne pas dépasser dans les négociations, quitte à assumer l'échec de ces dernières.</p> <h3>Sauver ce contrat, bien que mauvais</h3> <p>Or à aucun moment le Conseil fédéral ne définit clairement ces lignes rouges évoquées à plusieurs reprises. Les a-t-il posées par écrit? Ce n'est pas clair, on le verra plus loin. Le voici donc qui s'embarque dans une stratégie d'une audace peu banale: vendre un traité mal fichu en le présentant comme une étape vers une adhésion... dont il répété pendant des lustres qu'elle était hors de question. Ce qui équivaut à ajouter un morceau de bœuf dans une soupe insipide pour convaincre des végétariens de l'avaler.</p> <p>«Nous avons imaginé une tactique qui n'a pas marché», reconnaîtra sobrement René Felber le 4 décembre 2012 dans une des rares interviews qu'il a données après sa retraite.</p> <p>Avant de juger la stratégie du gouvernement, rappelons ce qu'était cette peu banale année 1991. L'URSS implose, la guerre civile éclate en Yougoslavie, les Américains et leurs alliés déclarent la guerre à Saddam Hussein, l'Allemagne achève sa réunification en choisissant Bonn pour capitale. Les événements s'accélèrent, pour la Communauté européenne aussi. Si, à aucun moment, le Conseil fédéral ne montre le moindre enthousiasme pour en devenir membre, un argument revient en boucle dans ses discussions: si la Suisse attend trop pour négocier une adhésion, elle risque d'être traitée «comme la Pologne, la Tchécoslovaquie ou la Hongrie» (Arnold Koller). Humiliante perspective pour le conseiller fédéral qui présente en 1991 le modèle migratoire dit des «trois cercles», les ressortissants de l'Est gravitant quelque part entre le deuxième et le troisième.</p> <p>Otto Stich n'a pas besoin de se référer à la Pologne pour dire tout le mal qu'il pense de la solution qui se met en place: «On a d'abord vu dans l'EEE une possibilité de ne pas adhérer. Maintenant, on le présente comme un pas vers l'adhésion. Un mauvais contrat n'est jamais un pas dans la bonne direction. 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Et tant pis si ladite perspective suscite le scepticisme ou la franche opposition de cinq conseillers fédéraux sur sept.</p> <p>Lors de sa séance extra-muros de Gerzensee les 18 et 19 octobre 1991, le gouvernement suisse ne peut plus jouer la montre. Le sort de l'EEE se joue trois jours plus tard, il ne concerne pas que la Suisse, mais les autres membres de l'AELE, dont plusieurs ont signalé leur désir d'adhérer à la CE. «Il est vrai que la partie institutionnelle ne peut pas satisfaire la dignité de la Suisse, car on peut parler de satellisation», constate Jean-Pascal Delamuraz, qui défend néanmoins les avantages économiques du traité. Il a toujours le soutien de René Felber et, désormais, celui d'Arnold Koller. Adolf Ogi et Kaspar Villiger soufflent le chaud et le froid, Otto Stich campe sur son refus, Flavio Cotti n'est pas convaincu: l'élément institutionnel «amplement insuffisant suffit à refuser le traité», dit-il.</p> <p>C'est dans cette configuration pour le moins fragile, sans connaître le résultat final de la négociation, sans avoir fait connaître ses lignes rouges et majoritairement rétif à une future adhésion, que le Conseil fédéral accepte, «par consensus et sans vote», le traité EEE comme solution transitoire vers une adhésion à l'UE qui devient l'objectif officiel du gouvernement. Charge aux deux Romands du collège d'annoncer la bonne nouvelle au peuple...</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1641289003_capturedcran2022010119.54.40.png" class="img-responsive img-fluid center " width="495" height="659" /></p> <h3>Rétrospectivement</h3> <p>Trente ans plus tard, l'Histoire a rattrapé le gouvernement suisse. 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Dans le cas contraire, il faudra annoncer que le traité EEE n'est pas acceptable et que le Conseil fédéral va revoir sa politique d'intégration européenne.»</p> <p>Acceptable, le traité ne l'était certainement pas sur un point central, dénoncé à maintes reprises – non pas publiquement, mais entre eux – par les conseillers fédéraux: l'aspect institutionnel, celui-là même qui fera capoter les discussions sur l'accord-cadre avec l'UE trente ans plus tard.</p> <p>Pour savoir ce qui s'est passé et comprendre, dans la foulée, le traumatisme qui a poussé le gouvernement à prendre la décision très inhabituelle d'enterrer unilatéralement cet accord-cadre en mai 2021, il vaut la peine d'explorer le passé récent.</p> <p>L'enjeu et les positions de chacun sont déjà clairs le 17 avril 1991. Lors de la 13ème séance du gouvernement, Jean-Pascal Delamuraz donne le ton: «L'offre de la CE se rétrécit sans cesse. (…) C'est avec les représentants de la CE et des pays membres que les expériences les plus pénibles ont été reçues». «La situation actuelle est misérable», surenchérit Arnold Koller, inquiet de voir la Suisse «se laisser dépecer». Kaspar Villiger: «La CE a mis la Suisse dos au mur et présente sans cesse de nouvelles exigences. Nous sommes sur le chemin d'un Etat colonisé avec statut d'autonomie. L'Alleingang (voie solitaire) serait supportable et préférable à cet EEE». «Dans ce climat, nous n'avons aucune chance devant le peuple», estime Adolf Ogi.</p> <p>Alors, on arrête tout? Non, répond Delamuraz, appuyé par René Felber, car la seule possibilité qui resterait ouverte serait que la Suisse fasse cavalier seul, un scénario «où elle aurait tout à perdre».</p> <p>Dans un courrier personnel adressé à son collègue vaudois le 28 mars, le président de la Confédération Flavio Cotti résume son double scepticisme: «L'EEE ne peut plus être matériellement considéré comme un accord favorable pour notre pays. De plus, il contient toute une série de "bombes", menues mais effectives; l'espoir de le voir approuver par le peuple suisse semble très mince. J'en viens à imaginer qu'une adhésion pure et simple à la CE pourrait être envisagée avec davantage de sympathie; mais ne nous méprenons pas, à ce sujet aussi ma vision à moyenne échéance reste très pessimiste.»</p> <p>De cette analyse qui pousserait d'autres à jeter l'éponge, le Conseil fédéral va paradoxalement tirer un scénario offensif que résume Arnold Koller dans la fameuse séance du 17 avril: «Nous pourrions essayer de sauver ce contrat (l'EEE, ndlr.), bien que mauvais, en le considérant comme une solution transitoire». C'est-à-dire comme un premier pas vers une future adhésion. Sinon, il faudrait «reprendre la main» en traçant et en rendant publiques les limites à ne pas dépasser dans les négociations, quitte à assumer l'échec de ces dernières.</p> <h3>Sauver ce contrat, bien que mauvais</h3> <p>Or à aucun moment le Conseil fédéral ne définit clairement ces lignes rouges évoquées à plusieurs reprises. Les a-t-il posées par écrit? Ce n'est pas clair, on le verra plus loin. Le voici donc qui s'embarque dans une stratégie d'une audace peu banale: vendre un traité mal fichu en le présentant comme une étape vers une adhésion... dont il répété pendant des lustres qu'elle était hors de question. Ce qui équivaut à ajouter un morceau de bœuf dans une soupe insipide pour convaincre des végétariens de l'avaler.</p> <p>«Nous avons imaginé une tactique qui n'a pas marché», reconnaîtra sobrement René Felber le 4 décembre 2012 dans une des rares interviews qu'il a données après sa retraite.</p> <p>Avant de juger la stratégie du gouvernement, rappelons ce qu'était cette peu banale année 1991. L'URSS implose, la guerre civile éclate en Yougoslavie, les Américains et leurs alliés déclarent la guerre à Saddam Hussein, l'Allemagne achève sa réunification en choisissant Bonn pour capitale. Les événements s'accélèrent, pour la Communauté européenne aussi. Si, à aucun moment, le Conseil fédéral ne montre le moindre enthousiasme pour en devenir membre, un argument revient en boucle dans ses discussions: si la Suisse attend trop pour négocier une adhésion, elle risque d'être traitée «comme la Pologne, la Tchécoslovaquie ou la Hongrie» (Arnold Koller). Humiliante perspective pour le conseiller fédéral qui présente en 1991 le modèle migratoire dit des «trois cercles», les ressortissants de l'Est gravitant quelque part entre le deuxième et le troisième.</p> <p>Otto Stich n'a pas besoin de se référer à la Pologne pour dire tout le mal qu'il pense de la solution qui se met en place: «On a d'abord vu dans l'EEE une possibilité de ne pas adhérer. Maintenant, on le présente comme un pas vers l'adhésion. Un mauvais contrat n'est jamais un pas dans la bonne direction. L'EEE tel qu'il se dessine signifie une satellisation de la Suisse.» Le Soleurois ne variera pas d'un pouce dans son opposition.</p> <p>A l'issue de sa séance du 17 avril, le Conseil fédéral décide – si l'on peut dire – «de se pencher sur la suite à donner, lors de sa prochaine séance, sur la base d'un document de travail qui définira les <em>bottom lines</em> absolues pour la Suisse. Il décidera après discussion de l'information du public sur la position adoptée.»</p> <p>Aucun document publié ne porte la trace de ces <em>bottom lines, </em>ni de leur discussion<em>. </em>Sur le PV de la séance du 8 mai 1991, on lit que «le président Cotti souhaite que les <em>bottom lines</em> que le Conseil a définies lors de sa dernière séance fassent l'objet d'un procès-verbal de décision». Puis, deux paragraphes plus bas: «La proposition de publier des <em>bottom lines</em> n'est plus opportune. 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Des parlementaires suisses sont rentrés choqués après avoir entendu le commissaire européen Frans Andriessen déclarer que «la Suisse a profité depuis 40 ans de la CE».</p> <p>Delamuraz, appuyé par Felber, n'en répète pas moins sa conviction: «Il est impossible, irréaliste et inimaginable de dégager à long terme une autre solution qu'une adhésion à la CE». Otto Stich, Flavio Cotti, Adolf Ogi et Arnold Koller ne sont pas d'accord. Il est trop tôt pour parler d'adhésion, estiment-ils; Koller dénonce «une fuite en avant qui ne serait pas comprise». Kaspar Villiger louvoie.</p> <p>La discussion part dans tous les sens, ponctuée de récriminations contre les hauts fonctionnaires (Franz Blankart en particulier) qui donnent leur avis publiquement. Elle se conclut par un curieux communiqué: on annoncera au peuple suisse que les discussions sur l'EEE se poursuivent et que la perspective d'une future adhésion «a significativement gagné en importance». Et tant pis si ladite perspective suscite le scepticisme ou la franche opposition de cinq conseillers fédéraux sur sept.</p> <p>Lors de sa séance extra-muros de Gerzensee les 18 et 19 octobre 1991, le gouvernement suisse ne peut plus jouer la montre. Le sort de l'EEE se joue trois jours plus tard, il ne concerne pas que la Suisse, mais les autres membres de l'AELE, dont plusieurs ont signalé leur désir d'adhérer à la CE. «Il est vrai que la partie institutionnelle ne peut pas satisfaire la dignité de la Suisse, car on peut parler de satellisation», constate Jean-Pascal Delamuraz, qui défend néanmoins les avantages économiques du traité. Il a toujours le soutien de René Felber et, désormais, celui d'Arnold Koller. Adolf Ogi et Kaspar Villiger soufflent le chaud et le froid, Otto Stich campe sur son refus, Flavio Cotti n'est pas convaincu: l'élément institutionnel «amplement insuffisant suffit à refuser le traité», dit-il.</p> <p>C'est dans cette configuration pour le moins fragile, sans connaître le résultat final de la négociation, sans avoir fait connaître ses lignes rouges et majoritairement rétif à une future adhésion, que le Conseil fédéral accepte, «par consensus et sans vote», le traité EEE comme solution transitoire vers une adhésion à l'UE qui devient l'objectif officiel du gouvernement. Charge aux deux Romands du collège d'annoncer la bonne nouvelle au peuple...</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1641289003_capturedcran2022010119.54.40.png" class="img-responsive img-fluid center " width="495" height="659" /></p> <h3>Rétrospectivement</h3> <p>Trente ans plus tard, l'Histoire a rattrapé le gouvernement suisse. Répétons-le, il n'est pas question de juger les décisions prises dans une période très particulière. Tout au plus l'ex-journaliste auteur de ces lignes peut-il se livrer à une autocritique: je travaillais alors à <em>L'Hebdo</em>, favorable à l'intégration de la Suisse dans l'Europe; agréablement surpris par un revirement allant dans le sens de mes idées, je n'ai pas suffisamment questionné un acte étonnant, courageux à première vue mais qui exprimait en fait le désarroi d'un collège divisé - comme l'était et l'est restée la Suisse sur le sujet.</p> <p>Les documents diplomatiques publiés ces jours renferment aussi quelques perles. Le 7 juin 1991, Flavio Cotti et Jean-Pascal Delamuraz reçoivent le président de la République François Mitterrand, et parlent d'intégration, celle de la Suisse bien sûr mais aussi celle des pays de l'Est. Et le finaud Mitterrand de lâcher: «Pour les pays de l'Est, il s'agit d'une situation difficile, parce qu'ils se présentent en pays quémandeurs. 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Déficit dans les processus décisionnels, législatifs, de conscience solidaire et finalement dans les mentalités.</p> <p>A la lecture des documents déclassifiés, on peut difficilement lui donner tort sur les processus décisionnels. Quant aux lois, le conseiller national Roger Nordmann a demandé, en 2006, que l'administration fédérale indique systématiquement lesquelles sont copiées-collées du droit européen. Trop compliqué et trop cher, lui a-t-on répondu. On sait juste que cette part de notre droit est de plus en plus importante.</p>', 'content_edition' => 'L'étonnement fut donc considérable, ce 22 octobre 1991, quand au terme d'un dernier round de négociations sur l'Espace économique européen (EEE), le gouvernement annonça que non seulement il avait signé un traité que beaucoup considéraient comme mort-né, mais envisageait dans la foulée l'adhésion de la Suisse à la CE. Quelle révolution copernicienne avait frappé l'esprit des sept Sages? On connaît la suite de l'histoire: l'EEE échoue de peu en votation populaire le 6 décembre 1992 (50,3% de non, une participation de 78%, et une forte majorité de oui en Suisse romande); la Suisse et la CE (devenue depuis Union européenne) négocient des traités bilatéraux pour combler le vide; la Suisse retire sa demande d'adhésion en 2016, puis interrompt unilatéralement des négociations sur un accord-cadre en mai 2021. Les faits parlent d'eux-mêmes. La question, elle, demeure: Qu'est-ce qui avait amené le Conseil fédéral au virage pro-européen de 1991? Les documents s'y rapportant – dont les fameux feuillets verts «vertraulich-confidentiel» résumant les séances du Conseil fédéral, des courriers diplomatiques et notes internes – viennent d'être rendus publics. Ce qu'on y lit stupéfie. En fait, la majorité du gouvernement n'avait pas changé d'avis et n'était favorable ni au traité EEE, ni à l'adhésion. 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Certes, en variant quelque peu les approches, en améliorant ma technique au fil des ans mais, en un mot comme en cent: papi-photographe.</p> <p>Ce qui est une des raisons pour lesquelles j'aime venir à Vevey Images. On y est bousculé dans ses habitudes, le foisonnement d'idées me fait sentir bien peu de chose – et même un peu couillon avec mon propre appareil photographique en bandoulière qui pèse soudain toue le poids d'un accessoire démodé. 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Et vive le ciel menaçant car oui, il y a urgence à goûter l'instant, quelle que soit l'apocalypse qui nous attend!</p> <p>En plus, Vevey Images est gratuit, habilement mis en scène dans les musées, en plein air ou d'improbables endroits comme une ancienne serrurerie ou un sous-sol aménagé comme un abri anti-atomique (des années 50, il serait non-réglementaire aujourd'hui…).</p> <p><wow-image><img src="https://static.wixstatic.com/media/94c3e2_cc63a606c28c40eb8d330edaf87afa71~mv2.jpg/v1/fill/w_600,h_480,al_c,q_80,usm_0.66_1.00_0.01,enc_auto/Vevey6.jpg" alt="Vevey6.jpg" width="500" height="400" /></wow-image></p> <p>Sur ce, parlons de l'édition 2024 (jusqu'au 29 septembre). De ce qui précède, le lecteur aura déjà deviné que ma nature me porte plutôt vers les séries dont l'aspect humain est documenté de manière qui parle à mon cœur. Pour ne pas charger le bateau, je recommande quatre expositions, par ordre de préférence décroissant:</p> <p><strong>1.</strong> <a href="https://debsuddha.com/portfolio.html" target="_blank" rel="noopener">Debsuddha</a> (No 10 sur le plan officiel) au musée Jenish, prix du Livre Images Vevey 2023-24. Ce photographe de 35 ans basé à Kolkota (Calcutta) a deux tantes, Gayatri and Swati Goswami, qui depuis leur enfance ont subi l'ostracisme réservé aux personnes albinos. Aujourd'hui âgées, elles se sont réfugiées dans la musique et un maison vieille de presque deux siècles dont elles ne sortent guère que la nuit. Leur neveu, complice de leur solitude, restitue leur univers dans des tonalités crépusculaires, à travers des portraits magnifiques.</p> <p><wow-image><img src="https://static.wixstatic.com/media/94c3e2_d40103b570604af897c9e852447bb273~mv2.jpg/v1/fill/w_600,h_359,al_c,q_80,usm_0.66_1.00_0.01,enc_auto/Vevey9.jpg" alt="Vevey9.jpg" width="500" height="299" /></wow-image></p> <p><strong>2.</strong> <a href="https://www.images.ch/artistes/alessandra-sanguinetti/" target="_blank" rel="noopener">Alessandra Sanguinetti </a>(No 43, dépendance du Château de l'Aile, Grand-Place). Photographe reconnue (elle est chez Magnum), elle suit depuis 1999 la vie de deux cousines, Guillermina Aranciaga et Belinda Stutz, dans une ferme en Argentine, partageant leurs jeux, drôles ou morbides, leurs moments de joie et de tristesse, leurs mises en scène. Images magnifiques là aussi, parfaitement cadrées, pleines de pudeur et troublantes en même temps.</p> <p><wow-image><img src="https://static.wixstatic.com/media/94c3e2_13d9a9f0af0a476f9591afe81c8ad351~mv2.jpg/v1/fill/w_415,h_561,al_c,q_80,usm_0.66_1.00_0.01,enc_auto/Vevey8.jpg" alt="Vevey8.jpg" width="400" height="541" /></wow-image></p> <p><strong>3.</strong> <a href="https://www.images.ch/artistes/gauri-gill/" target="_blank" rel="noopener">Gauri Gill</a> (No 16, quai Perdonnet). Dans le Maharashtra, la photographe a rencontré les artistes d’un village connu pour sa fabrication de masques créés pour des festivals indigènes rejouant des récits mythologiques. En 2015, elle a commandé la confection de nouvelles pièces montrant des êtres humains, animaux ou objets usuels. Gill photographie les villageois improvisant des scénarios ancrés dans la réalité contemporaine de l’Inde.</p> <p><wow-image><img src="https://static.wixstatic.com/media/94c3e2_533c30d3d6ec4ee9b16bb5a152f6757c~mv2.jpg/v1/fill/w_443,h_568,al_c,q_80,usm_0.66_1.00_0.01,enc_auto/Perdonnet.jpg" alt="Perdonnet.jpg" width="400" height="513" /></wow-image><wow-image><img src="https://static.wixstatic.com/media/94c3e2_fa6433d18f874a08ae3b829857952525~mv2.jpg/v1/fill/w_421,h_568,al_c,q_80,usm_0.66_1.00_0.01,enc_auto/Vevey3.jpg" alt="Vevey3.jpg" width="400" height="540" /></wow-image></p> <h4><em>Le profil sévère de Vincent Perdonnet et une enseigne "Guillaume Tell" au Musée historique de Veve</em>y</h4> <p><strong>4.</strong> <a href="https://sashakurmaz.com/" target="_blank" rel="noopener">Sasha Kurmaz</a> (No 26, musée Jenisch), grand prix Images Vevey 2023-24. Aux antipodes des reportages élaborés décrits ci-dessus, l'artiste ukrainien tient, dans l'urgence et la précarité, une chronique de la guerre que subit son pays depuis plus de deux ans. Collage de photos d'amateurs, de dessins, bouts de papier, textes rédigés pendant les alertes, «ce projet extrêmement personnel documente l’expérience vécue par l’artiste depuis février 2022 et contribue à l’enrichissement des archives collectives sur le conflit en cours», a estimé – avec raison – le jury. Quelques phrases griffonnées, que j'ai relevées au passage: «Qui n'a pas vécu la peur au ventre ne peut savoir ce que cela représente»; «le pacifisme est la mauvaise réponse à la guerre en Ukraine»; «en Occident, le mot nationalisme est mal vu; c'est le contraire à l'Est, car il signifie la résistance à la Russie»; «dans la société ukrainienne, le mot "héros" devient de plus en plus courant. Pourtant, il faut garder à l'esprit la vérité pénible que très souvent, l'héroïsme est la conséquence des erreurs d'autres personnes».</p> <p><wow-image><img src="https://static.wixstatic.com/media/94c3e2_68b5352c71c9415a86ffd7a9af3d7aa0~mv2.jpg/v1/fill/w_894,h_528,al_c,q_85,usm_0.66_1.00_0.01,enc_auto/Vevey12.jpg" alt="Vevey12.jpg" width="799" height="472" /></wow-image></p> <p>A voir également, au Musée historique de Vevey, le film fascinant de Kaya et Blank (No 24) suivant le lent et lourd ballet des derricks pompant le pétrole jusqu'au cœur de la ville de Los Angeles (peut-être la dame du Bout-du-Monde a-t-elle raison après tout, <em>the end is near</em>!). Un autre film, grinçant, mérite le détour: celui de l'ex-mannequin Marianna Rothen recréant (avec de vrais mannequins en celluloïd et une malheureuse débutante en chair et en os) l'envers de l'univers de la mode et de la publicité.</p> <p><wow-image><img src="https://static.wixstatic.com/media/94c3e2_c93724048b214a4f82a62f4e59c8c299~mv2.jpg/v1/fill/w_600,h_398,al_c,q_80,usm_0.66_1.00_0.01,enc_auto/Vevey7.jpg" alt="Vevey7.jpg" width="499" height="331" /></wow-image></p> <p>J'ai été moins convaincu par les projets grand format largement médiatisés. Accrocher sur la façade du centre administratif Nestlé la reproduction (2'000 mètres carrés!) d'un vapeur du Léman naviguant sur un lac et sous un ciel qui se confondent dans un gris laiteux est peut-être un exploit technique, cela ne lui confère pas plus de sens, d'autant plus que la lumière, très souvent défavorable, n'arrange pas les affaires. Il en va de même pour l'image géante du glacier d'Aletsch réalisée par le célèbre Andreas Gurski (l'homme-qui-a-vendu-la-photo-la-plus-chère-du-monde), symbolisant le réchauffement climatique sur la façade BCV face à la gare. Je me souviens de l'ancien caissier-projectionniste du Bellevaux à Lausanne, écologiste avant que cela devienne à la mode, qui affichait à l'entrée du cinéma, dans les années 1980, des images «avant-après» montrant la fonte des glaciers. Près d'un demi-siècle plus tard, c'est un cliché.</p> <p><wow-image><img src="https://static.wixstatic.com/media/94c3e2_c3f1cf7448eb4c98860c1421750e34b8~mv2.jpg/v1/fill/w_600,h_979,al_c,q_85,usm_0.66_1.00_0.01,enc_auto/Vevey1.jpg" alt="Vevey1.jpg" width="500" height="816" /></wow-image></p> <h4 style="text-align: center;"><em>Les livres et le smartphone: des écolières passent sous la photographie géante de la George Peabody Library à Baltimore réalisée par Candida Höfer</em></h4> <p>Que dire de l'avion gonflable géant (rigolo, certes) d'Aleksandra Mir (No 35) sous les stucs del Castillo? Ou d'Olivier Frank Chanarin (église Sainte-Claire No 7) qui, d'un bon travail de portraits analogiques sur la Grande-Bretagne post-Brexit, n'a gardé que des épreuves-test, encadrées et confiées à une machine sophistiquée qui les accroche et décroche selon un algorithme aléatoire? La belle prise de tête que voilà pour en arriver à oublier les images! Peut-être était-ce le but, mais alors pourquoi les avoir faites d'abord</p> <p>Inévitablement, plusieurs expositions jouent avec l'intelligence artificielle, que ce soit pour créer de fausses photos-souvenir de famille ou trafiquer des portraits. Ces démarches «interpellantes» m'ont toujours paru relever de l'escroquerie intellectuelle. Au-delà d'un haussement de sourcils entendu, d'un soupçon d'interrogation vite effacé, en quoi font-elles avancer le réflexion sur l'image et son utilisation? Baudelaire, Benjamin, Bataille, Baudrillard, Günter Anders et bien d'autres ont écrit des textes – oui, des textes – agitant plus efficacement nos neurones sur ces sujets, et cela il y a des décennies, voire bientôt deux siècles.</p> <p><wow-image><img src="https://static.wixstatic.com/media/94c3e2_74f65819a9b74007abc3088221fa8d39~mv2.jpg/v1/fill/w_884,h_469,al_c,q_85,usm_0.66_1.00_0.01,enc_auto/Vevey14.jpg" alt="Vevey14.jpg" width="601" height="319" /></wow-image></p> <h4 style="text-align: center;"><em>Vincent Jendly détient le record de la plus grande photographie sur la façade du centre administratif Nestlé</em></h4> <p>Pour la bonne bouche, j'ai conservé ce petit morceau d'anthologie à propos de Sarah Carp (No 5): «Durant le confinement de 2020, elle photographie quotidiennement ses deux filles. Après le succès de cette série, elle décide d’en publier un livre. Mais leur père s’y oppose, invoquant la protection du droit à l’image des enfants. Carp revisite alors ses clichés en masquant les visages. Face à un nouveau refus de son ex-mari, elle fait rejouer les scènes quotidiennes à deux enfants modèles, du même âge que ses filles. La photographe intègre numériquement une trame d’impression sur les visages, troublant l’identité des sujets. A travers un jeu de distance et de regard, les points colorés apparaissent petit à petit, glissant l’individu·e dans l’anonymat. Exposée à proximité d’une place de jeux, Sans Visage soulève le débat autour de la représentation de l’enfance à l’heure des réseaux sociaux.»</p> <p>Dans le genre «pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué» en emmerdant son ex…</p> <p>Je vous avais prévenu: je suis un esprit simple.</p> <p><wow-image><img src="https://static.wixstatic.com/media/94c3e2_54e1e1d61f314543bb550838070f4353~mv2.jpg/v1/fill/w_511,h_278,al_c,q_80,usm_0.66_1.00_0.01,enc_auto/Vevey17.jpg" alt="Vevey17.jpg" width="500" height="272" /></wow-image><wow-image><img src="https://static.wixstatic.com/media/94c3e2_9978bc3469184258b2f0cd16e4e4afba~mv2.jpg/v1/fill/w_490,h_304,al_c,q_80,usm_0.66_1.00_0.01,enc_auto/Vevey18.jpg" alt="Vevey18.jpg" width="500" height="310" /></wow-image><wow-image><img src="https://static.wixstatic.com/media/94c3e2_97fb5dbc4f514fa9afe78e12b855db29~mv2.jpg/v1/fill/w_480,h_304,al_c,q_80,usm_0.66_1.00_0.01,enc_auto/Vevey16.jpg" alt="Vevey16.jpg" width="499" height="316" /></wow-image><wow-image><img src="https://static.wixstatic.com/media/94c3e2_d68775deb457489ea818deea17bc02c5~mv2.jpg/v1/fill/w_884,h_539,al_c,q_85,usm_0.66_1.00_0.01,enc_auto/Vevey13.jpg" alt="Vevey13.jpg" width="602" height="367" /></wow-image></p>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'vevey-images-images-de-vevey', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 103, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => 'https://www.pecletphoto.com/vevey-images-2024?fbclid=IwY2xjawFWS0NleHRuA2FlbQIxMAABHbzNG7SL5b1Yu9pCsPsVpS5rCpTJ1JtLgqg3GO-Ig4nLMnpa0PSF477W1w_aem_HP11_LcudmKmcFYFelvZ1g', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 1497, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4043, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Fin du monde, un mode d'emploi valaisan', 'subtitle' => '«Quand notre sire Dieu eut ainsi fait et ordonné le ciel, la terre et toutes les autres choses qui y sont, Dieu créa les anges pour le servir et il leur donna une vie éternelle. 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Dans son <i>Traité du catéchisme</i>, Augustin d'Hippone (354-430) établit une équivalence entre les six âges de l'homme (naissance/enfance/adolescence/jeunesse/maturité/vieillesse) à ceux du monde (de la Création au Déluge/jusqu'à Abraham/jusqu'à David/jusqu'à la captivité à Babylone/jusqu'à la Nativité/jusqu'à la fin du monde).</p> <p>Mais attendez… Si la naissance du Christ nous a fait entrer dans le sixième et dernier âge, chacun durant entre mille et deux mille ans, le Jugement dernier se rapproche à grands pas! L'ultime combat entre les forces du Bien et celles du Mal, entre Dieu et Lucifer... L'Apocalypse.</p> <p>Certes, l'Apocalypse chrétienne n'a rien à voir avec les terreurs pyrotechniques des séries B hollywoodiennes. Le Prophète revient, c'est plutôt une bonne nouvelle. Meilleure, évidemment, pour ceux qui ont suivi les bons exemples du Manuscrit que pour les autres, dans la perspective du Jugement dernier. Alors comment s'y préparer? En faisant le bien, sans doute, mais cela ne suffit peut-être pas. Au Moyen Age s'y ajoute l'idée qu'il faut anticiper collectivement l'ultime affrontement entre Dieu et et le Diable.</p> <p>C'est ainsi que commencent à circuler des rouleaux tels que celui conservé en Valais. Son auteur anonyme – plusieurs personnes ont probablement contribué à son élaboration – s'est largement inspiré du <em>Compendium historiae in genealogia Christi</em> de Pierre de Poitiers, enseignant aux écoles attachées à la cathédrale de Notre-Dame de Paris à la fin du XIIème siècle. Le manuscrit de Sion, exécuté à la fin du XIVème siècle ou au tout début du XVème, n'est donc pas unique, mais c'est un des plus anciens, qui plus est remarquable par ses dimensions, la qualité de son exécution et son état de préservation.</p> <p>«Comment un document aussi précieux a-t-il abouti dans ce coin reculé qu'était le Valais?», demande une visiteuse de l'exposition à Stève Bobillier, que la question amuse. Au XVème siècle, Sion n'avait rien d'un trou perdu! Son prince-évêque Walter Supersaxo (1402-1482) puis son fils Georges étaient des personnages très puissants et respectés. Le second est aussi connu pour le conflit impitoyable qui l'opposa au cardinal Mathieu Schiner (1465-1522), ce dernier, diplomate et chef de guerre, entraînant les Suisses à Marignan avant de manquer d'un cheveu l'élection à la papauté. Ces trois figures ont marqué non seulement l'histoire valaisanne mais celle de l'Europe et viennent de la même commune du Haut-Valais: Ernen.</p> <p>Rien d'étonnant donc, à ce que le Manuscrit des Six Ages se retrouve dans la riche bibliothèque des Supersaxo, même si on ignore quand et en quelles circonstances il a été acquis. Sur l'utilité qu'il pouvait avoir pour le prince-évêque, Stève Bobillier émet quelques hypothèses. Avant de les développer, examinons le document de plus près. Ecrit en picard, donc en langue «vulgaire», il n'apprend rien aux exégètes lettrés des écritures saintes. D'Adam et Eve au Christ, le rouleau se présente comme un grand arbre généalogique jalonné d'exemples illustrés et édifiants – en bien ou en mal. On dirait aujourd'hui: il est plutôt destiné au grand public.</p> <p>Ce «grand public» est composé notamment des notables, subordonnés, propriétaires rivaux et petits seigneurs auprès desquels Walter puis Georges Supersaxo veulent affirmer leur autorité. Souvenons-nous maintenant des interrogations qui agitent l'époque autour d'un prochain Jugement dernier et des préparatifs que cela implique. Lucifer s'y est déjà mis, il veut «régner et attirer à lui une grande partie des anges», lit-on dans le Manuscrit. Ou prendre possession des faibles humains.</p> <p>Le canton du Valais se signale alors par une première dont il se serait passé: c'est sur son territoire qu'ont eu lieu les premières chasses aux sorcières, dès les années 1428-1430 (Chantal Ammann-Doubliez leur a consacré un livre, <i>Procès de sorcellerie dans la vallée de Conches</i>). Détenteur à la fois du pouvoir spirituel comme évêque et temporel (il possède des terres importantes, bat monnaie), Walter Supersaxo y joue un rôle important. Comme croyant, il anticipe ce Jugement dernier face auquel il ne saurait rester bras croisés. Comme possédant, il est intéressé à l'issue des procès qui se multiplient: un tiers des biens de «sorcières» et «sorciers» condamnés reviennent à l'église qu'il dirige… C'est aussi un moyen d'écarter tel nobliau qui lui fait de l'ombre. En outre, les Supersaxo font office de notaires. Bref, ils interviennent à tous les étages! On les voit ainsi disputer aux autorités civiles locales la haute main judiciaire sur ces procès.</p> <p>Nul ne peut dire aujourd'hui quelle part ont joué ces motifs contradictoires dans l'âme et conscience des Supersaxo. Ce qui est sûr, c'est que le Manuscrit, par sa symbolique et son déroulement chronologique, fournit un socle religieux et moral à leurs actions. Cela est si vrai que les éléments principaux des Six Ages se retrouvent dans le plafond de bois – chef d'œuvre européen d'ébénisterie – sculpté par Jacobinus Malacrida de Côme pour la somptueuse demeure sédunoise de Georges Supersaxo. La maison existe toujours et se visite.</p> <p>Supersaxo, un cynique exploitant les exégèses religieuses pour accroître ses richesses et son pouvoir? Les choses sont un peu plus compliquées que cela, prévient Stève Bobillier. Si le prince-évêque a condamné, il a souvent gracié. Probablement était-il imprégné, comme ses contemporains, de la pensée que des temps décisifs se profilaient.</p> <p>Pourquoi le Manuscrit est-il resté des siècles à l'abri des regards? Première explication, la bibliothèque Supersaxo, longtemps privée, n'a été inventoriée que dans les années 1970 par l'ancien archiviste cantonal et bibliothécaire André Donnet. Celui-ci nous apprend qu'elle «a été acquise en 1930 par l'Etat du Valais, pour le prix de 32'000 francs, grâce aux bons offices du Dr Rudolf Riggenback, de Bâle; elle a été transférée aux Archives au mois de décembre de la même année. Le magnifique rouleau de parchemin, <em>Les six âges du monde</em>, qui faisait partie de la bibliothèque, a été, quant à lui, acquis alors pour le prix de 8'000 francs par la Fondation Gottfried Keller (qui y a apporté une restauration légère, <em>ndlr</em>.), et déposé par elle aux Archives.»</p> <p>Huit mille francs (d'époque, bien sûr)... On n'ose imaginer le prix qu'atteindrait aujourd'hui cette pièce rarissime.</p> <p>La pratique des anciens archivistes explique aussi la discrétion qui a entouré le Manuscrit, explique Stève Bobillier. Leur priorité était la conservation des documents: moins on les montrait, mieux cela valait! Les techniques de reproduction modernes leur étaient inconnues, et la pratique voulait que l'on manipule le moins possible le précieux rouleau. Aujourd'hui, l'approche est un peu différente: on préfère dérouler délicatement le manuscrit de temps à autre pour permettre à la peau sur laquelle il est rédigé de respirer. Bien sûr, il n'est pas accessible au public, l'exposition des archives cantonales du Valais a créé pour l'occasion un fac-similé. L'original sera exposé à la fondation Bodmer à Genève du 3 mars au 9 juillet 2023.</p> <p>En refermant l'ouvrage très documenté de Stève Bobillier, une réflexion plus large se dessine. A partir du «siècle des Lumières», nos sociétés occidentales ont pris leurs distances avec la pratique religieuse comme avec le Moyen Age. Un Jules Michelet contribua à le discréditer en noircissant ses «superstitions» – parmi ces dernières, la fameuse «terreur de l'an mil», fable d'autant plus absurde que les habitants en majorité analphabètes vivant autour de l'époque avaient une autre notion du temps, d'autres calendriers et sans doute pas conscience de franchir un cap décisif.</p> <p>Si la conviction d'un prochain Jugement dernier s'est répandue, c'est plutôt au moment où circulaient des rouleaux tels que le Manuscrit, juste avant la diffusion de l'imprimerie. Celui de la bibliothèque Supersaxo étant un des plus anciens connus, il constitue donc un témoignage irremplaçable de l'histoire de la pensée en Europe.</p> <p>Mais sommes-nous vraiment sortis du schéma psychologique qui s'y déroule? A voir s'accumuler les sombres pronostics des «collapsologues» et autres théoriciens de «l'effondrement», les essais sur le «choc des civilisations» (Samuel Huntington), «la fin de l'Histoire» (Francis Fukuyama) ou la disparition annoncée de l'homo sapiens tel que nous le connaissons (Yuval Harari), on se dit que les craintes et questions revêtent aujourd'hui des formes moins religieuses que celles de nos ancêtres; mais, sur certains aspects, elles n'ont guère changé: le Jour J se profile à l'horizon, à la fois menace et promesse…</p> <p>Le Manuscrit des Six Ages se terminant avec la vie du Christ, certains auteurs ont été tentés d'en écrire la suite. Maurice Chappaz – qui était en contact avec l'archiviste André Donnet – avait-il conscience de le faire quand il publia en 1968 <em>Le match Valais-Judée</em> aux Cahiers de la Renaissance vaudoise? Cette fable hallucinée et truculente raconte la célébration fort agitée du second millénaire valaisan. Revenu sur terre pour l'occasion – incognito, bien sûr – le Bon Dieu est atterré par ce qu'il découvre en marge d'un banquet pantagruélique: égoïsme, mesquinerie et irrespect total de Sa création! Ça braille, rouscaille, ripaille, bataille, pinaille et emmouscaille à tous les étages. Fâché et dépité, le Bon Dieu songe à tout liquider. Allez ouste, fin du monde! On le supplie: «donnez-nous encore une chance!» Dieu se laisse fléchir, mais à une condition: lâchez Satan dans la nature, vous avez huit jours pour le rattraper, sinon…</p> <p>Je ne vous révélerai pas la fin, lisez le livre.</p> <hr /> <h4> Exposition «Toute l'histoire du monde dans un manuscrit», au Centre culturel Les Arsenaux, rue de Lausanne 45, Sion, entrée libre du lundi au samedi inclus. Une copie 1:1 du manuscrit est présentée. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
2 Commentaires
@rogeroge 07.01.2022 | 10h01
«Excellente analyse, qui en dit long sur la capacité à gouverner en se sentant européen sans y être tout en prévoyant un échec en votation populaire, mais en le proposant quand même. C'est le covid de l'époque.
»
@Yves 07.01.2022 | 18h43
«L'auteur a fait un vrai travail d'historien d'une époque charnière pour la Suisse, éclairant des décisions dont la logique a été longtemps obscure (ce qui a sans aucun doute contribué à l'échec final de l'EEE en votation, puis la polarisation extrême du sujet encore aujourd'hui). Les dirigeants de l'époque semblent s'être voulus des Machiavels, ils se sont révélés ce qu'ils étaient: pas à la hauteur de leurs aspirations. Dommage, vraiment dommage. Merci beaucoup à Jean-Claude Péclet, témoin privilégié de ce temps, d'avoir entrepris l'effort de ce travail de recherche et d'analyse fort utiles aujourd'hui en vue des enjeux européens de la Suisse de demain.»