Actuel / Paris: les manifs paradoxales des anti-pass
Bouclage du quartier Saint-Michel à Paris: l'Etat montre ses muscles. © M.F.
Bouclage du quartier Saint-Michel à Paris: l'Etat montre ses muscles. © M.F.
Paris, 21 août 2021, place du Châtelet. La manif va se mettre en place. Je sirote un dernier café sur une terrasse à moitié vide ou à moitié pleine, c’est selon. J’ai présenté mon pass, je suis vacciné.
Mais le p’tit gars vacciné que je suis se pose des questions. Comment un pays de liberté comme la France peut-il interdire à quelqu’un qui a envie de faire pipi de prendre un café en terrasse pour pouvoir se soulager dans les toilettes de l’établissement? Cette mesure est-elle proportionnée au risque sanitaire qu’on met en avant pour la justifier? Qu’ont à craindre les vaccinés puisqu’ils sont vaccinés? Quant aux non-vaccinés, ne peut-on pas les laisser assumer le danger qu’ils courent à refuser le vaccin plutôt que de les mettre en marge de la société? Bien des questions sur les libertés propres à se faire allumer par les aficionados du «tout sanitaire», questions cependant que même certains convaincus du bien-fondé vaccinal – comme moi – se posent. Autrement dit – et en ne parlant bien sûr que de l’Europe qui a un taux de vaccination élevé –, on est en droit de se demander si cet «apartheid» vaccinal ne serait pas plus politique et opportuniste que sanitaire?
Alors j’ai voulu aller voir sur place. Non pour trouver réponse à mes questions, non pour vociférer des dogmes haineux (il y en a déjà tellement), mais pour sentir une ambiance… et profiter des musées vides dans cette belle ville désertée par ses habitants (tous à la plage) et par les touristes étrangers (tous restés chez eux). Pour participer à ma première manif aussi, une expérience dont j’ai envie et dont je redoute l’éventuelle violence, genre petite appréhension qu’on a avant un saut à l’élastique tout en sachant qu’on ne risque pas grand-chose.
La manif qui fait pas peur
Peu de monde au départ, quelques centaines de personnes. Les manifestants sont calmes, sympathiques, bien dans leur peau. Quelques fragiles et délicieuses mémés indignées parsèment le cortège. Pas mal de jeunes aussi, qui semblent là en promenade estivale. Pas de casseurs, pas de cagoules. Pas de police non plus. Une organisatrice m’explique: «Il y a quatre cortèges, ça divise les forces de l’ordre.» Elle a raison, notre cortège «Paris pour la liberté!» est jugé peu dangereux. Nous ne sommes pas politiques, nous ne sommes pas Gilets Jaunes, nous ne sommes pas l'extrême-droite. Ils concentrent leurs forces ailleurs. Nous serons encadrés par un policier en scooter. C’est une image, j’aime bien les images. A Londres, j’aurais dit un bobby à cheval. Les consignes de départ sont claires, rassurantes: «Soyez pacifiques, jamais agressifs, nous voulons être irréprochables!»; «Respectez la police, les journalistes aussi!»; «Nous manifestons pour la liberté, pas contre les vaccins; nous manifestons contre le pass, contre la division, contre la ségrégation!» Les CRS ont raison de ne pas nous craindre. J’avais tort avec ma poussée d’adrénaline anticipatrice.
Pancarte au goût surréaliste: son porteur a oublié de masquer le verso. © M.F.
Notre cortège passera par la très chic rue de Rivoli, frôlera la pyramide du Louvre, déambulera sur le quai Mitterrand, traversera le Pont-Neuf, remontera Saint-Germain, puis Saint-Michel, et aboutira place Edmond-Rostand, au bord du jardin du Luxembourg, devant le Sénat. Nous serons quelques milliers à l’arrivée. Puis assez rapidement, après un peu de violence verbale tout de même – «qu'un sang impur abreuve nos sillons!» –, la troupe se dispersera.
La manif qui fait peur
Je m’installe alors à une autre terrasse, sur cette place de l'auteur de Cyrano, pour siroter un autre café, profitant une autre fois de ce privilège incroyable qui m’est accordé de m’asseoir à l’air libre. C’est ce que réclament mes compagnons d’un instant. Ce simple droit élémentaire leur est refusé. «Vous voulez boire un verre d’eau? — Allez le boire chez vous!»
Mais ça n’est pas fini. Une surprise m’attend. Je vois se mettre en place, très tranquillement, très lentement, trois cars de CRS qui bloquent l’avenue devant le café où je me trouve. Ils se mettent en épi, en travers de la route. Puis arrive un camion-canon-à-eau. Puis 16 fourgons de police qui bloquent le boulevard Saint-Michel, 16 autres la rue Soufflot, 4 rangs de 4 fourgons dans les deux cas. Plus personne ne passe. Ça fait déjà 35 fourgons, il y en aura au final plus de cent. Pas loin d’un kilomètre de cars de police et de CRS si on les met bout à bout. Les gyrophares bleus tournent, nous encerclent, ambiance de scène de crime hollywoodienne. Les CRS débarquent, par centaines, quelques-uns fusils à flashballs en bandoulière. Le quartier est bouclé! Je me demande ce qui se passe et réalise que j’assiste à l’encadrement de l’arrivée d’un autre cortège, celui des Gilets Jaunes. Et eux, ils font peur!
Leur cortège arrive, sa tête est encadrée par un cordon de CRS de chaque côté, qui marchent avec eux comme les œillères accompagnent le cheval. Le but est le même: éviter que le cortège ne dévie de l’itinéraire prévu. La manif, encadrée, entre dans la nasse installée pour la contenir. Tout est calme.
Les Gilets Jaunes sont détendus, dignes, peu d'excités (qui d’ailleurs peinent à se faire entendre). Après un temps de discours modérés, la foule commence à se disperser, tranquillement. Les gens voudraient rentrer chez eux, mais voilà, le quartier est bouclé. Plus personne ne passe. Le ton monte, les esprits s’échauffent, et je comprends comment une manif peut dégénérer.
Un policier qui me barre la sortie, boulevard Saint-Michel, répond à mes questions. On ne leur a pas encore coupé la langue. «Pourquoi m’empêchez-vous de passer? — On veut éviter les attroupements. — Et c’est en empêchant les gens de sortir que vous évitez les attroupements? — On veut éviter les attroupements hors de l’enceinte qu’on contrôle. — Et on fait comment pour sortir? — Vous pouvez sortir rue Soufflot. — Une seule sortie possible? — Oui. — Et vous pensez que c’est la meilleure façon d’éviter le risque d’attroupement à la sortie de l’enceinte? — On applique les ordres.» Je n’en saurai pas plus.
© M.F.
Un peu de distance
Tant de moyens pour si peu de danger. Etait-ce une opportunité d’exercice pour eux, un rodage de leurs tactiques? avaient-ils vraiment peur de débordements? voulaient-ils montrer leurs muscles? Je traîne encore un peu dans les parages, regarde la nasse se vider petit à petit, renonce à quelques pas perdus impossibles au jardin du Luxembourg, grilles verrouillées, gros cadenas, jardin tristement vide un samedi après-midi ensoleillé. Enfin, moi aussi je rentre chez moi, en passant par la rue Soufflot, seule ouverture d’un ballon de baudruche qui se dégonfle en faisant pschitt. Perplexe.
Je ne pense personnellement pas que le pass soit une mesure sanitaire très efficace, en tout cas pas dans les restaurants, musées et sur les terrasses; mais je garde prudence et réserve: ils sont déjà bien trop nombreux les lanceurs d’oukases. En revanche, je peux conclure cet article en citant un conseiller ministériel (propos rapporté dans Valeurs Actuelles du 23 juillet): «Ça va être primauté aux vaccinés et vie de merde pour les non-vaccinés.» Et ça, c’est parfaitement réussi!
Pour terminer sur un sourire, deux photos volées lors de mes balades collatérales dans les musées.
Regard réprobateur d’une statuette vaccinée (musée des Arts Premiers du quai Branly). © M.F.
Regard réprobateur d’une femme responsable lisant Le Figaro (entendez par-là vaccinée) sur l’insouciance coupable de la jeunesse (photo Henri Cartier-Bresson au musée Carnavalet).
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Les gens voudraient rentrer chez eux, mais voilà, le quartier est bouclé. Plus personne ne passe. Le ton monte, les esprits s’échauffent, et je comprends comment une manif peut dégénérer.</p> <p>Un policier qui me barre la sortie, boulevard Saint-Michel, répond à mes questions. 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En revanche, je peux conclure cet article en citant un conseiller ministériel (propos rapporté dans <i>Valeurs Actuelles</i> du 23 juillet): «Ça va être primauté aux vaccinés et vie de merde pour les non-vaccinés.» Et ça, c’est parfaitement réussi!</p> <p>Pour terminer sur un sourire, deux photos volées lors de mes balades collatérales dans les musées.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1630487580__musegauche.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;"><em>R</em><i>egard réprobateur d’une statuette vaccinée (musée des Arts Premiers du quai Branly). © M.F.</i></h4> <p><i><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1630487637__muse_droite.jpg" class="img-responsive img-fluid center " width="753" height="1032" /></i></p> <h4 style="text-align: center;"><em>Regard réprobateur d’une femme responsable lisant </em>Le Figaro<em> (entendez par-là vaccinée) sur l’insouciance coupable de la jeunesse (photo Henri Cartier-Bresson au musée Carnavalet). </em></h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'paris-les-manifs-paradoxales-des-anti-pass', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 821, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 3085, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Edition) {} ], 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'locations' => [], 'attachment_images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {}, (int) 1 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {}, (int) 1 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 4 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 5 => object(App\Model\Entity\Comment) {} ], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' } $relatives = [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4880, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Le suicide, notre dernière liberté?', 'subtitle' => '«Il n’y a qu’un problème philosophique vraiment sérieux, c’est le suicide.» Ainsi Albert Camus commence-t-il son «Mythe de Sisyphe», par cette phrase qui cloue. 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Cette loi pose cinq critères, seuls les deux derniers nous intéressent: </p> <ul> <li> Critère 4: Si votre «pronostic vital» n’est pas engagé <i>à court ou moyen terme</i>, vous pouvez toujours repasser (la Haute Autorité de santé définit la fin du moyen terme à 12 mois nous dit la ministre en charge du dossier). </li> <li>Critère 5: Il faut souffrir pour mourir:<i> physiquement ou psychologiquement, de façon réfractaire ou insupportable</i>.</li> </ul> <p>Ces deux critères doivent être simultanément satisfaits pour pouvoir bénéficier d’une aide à mourir. Ainsi, si l’horizon de la fin de vos souffrances est proche, on peut les abréger. Mais si la mort se fait attendre, si vos souffrances peuvent durer des années, alors il ne vous reste plus qu’à en profiter aussi longtemps que requis par la loi. Même si elles sont réfractaires à tout traitement permettant de les soulager, même si elles sont insupportables. Bonjour la logique. Et au fait, qui décide si vous souffrez ou pas?… pas vous évidemment, il faut des experts! J’imagine la carte de visite: «Expert en souffrances». </p> <p>Bon, pour l’aide à mourir, ça bouge un peu quand même et ça c’est plutôt bien. Mais il n’y a pas que les grands malades qui sont concernés. Elargissons un peu le débat.</p> <p>L’envie de mourir n’est pas un apanage catégoriel. «<i>Le suicide touche tout le monde. C’est un phénomène banal, et de façon saisissante. 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Tandis que pour un cancer, une maladie incurable: «Oh là là c’est la fatalité que voulez-vous! Un cancer du poumon?… et dire qu’il ne fumait même pas le pauvre! Et puis c’est incurable, on n’peut rien y faire, c’est ben triste mais c’est comme ça.» De ceux-là, on ose parler; on ose en débattre, argumenter, légiférer. Pour le reste, c’est trop douloureux, déstabilisant, presque honteux. Alors on se tait.</p> <p>Trois crépuscules, trois histoires:</p> <p><strong>Stefan Zweig</strong> a choisi de mourir au Brésil, un 22 février 1942. Il avait tout, le succès, l’amour, la santé, la sécurité, mais n’en pouvait plus de ce monde de brutes. Bien sûr je ne suis pas dans sa tête, pas dans sa peau, je caricature, mais toutes les valeurs de ce grand pacifiste brûlaient avec l’Europe à feu et à sang. C’était un amputé de l’espoir. Avec sa femme, Lotte, ils ont décidé d’en finir. Des barbituriques, comme Marylin, comme tant d’autres. Peut-être en vente libre à l’époque. En tout cas ça ne semblait pas un problème d’en trouver. Elle a posé sa tête sur son épaule, ils se sont endormis, pas réveillés.</p> <p>Et puis il y a <strong>cet homme</strong> qui voulait en finir avec ses souffrances, partir sous sédatif, accompagné. Ses frères s’y opposèrent. Procéduriers, ils mirent des bâtons dans sa roue. L’homme n’avait ni la force ni le temps ni l’envie de se battre. Il a dit d’eux «[…] ils m'empêchent d'avoir un accompagnement en fin de vie harmonieux et paisible, entouré de personnes qui m'aiment. […] Littéralement, ils me torturent.» Alors il a mis fin à ses jours dans la solitude. Sans vraiment savoir, je l’imagine comme Bruno Bettelheim se mettre la tête dans un sac en plastique et attendre de n’avoir plus d’oxygène pour s’en aller. Ça, personne ne peut l’empêcher.</p> <p>Enfin <strong>cette dame</strong> de 86 ans qui voulait mourir avec son mari, condamné, en lui tenant la main. Un médecin engagé et compatissant l’aida. Le Ministère public genevois l’attaqua. Le médecin, n’étant pas agi par un motif égoïste dont il se serait rendu coupable, ne pouvait être poursuivi pénalement. Alors la «justice», dans une contorsion indigne déplaça l’accusation vers la loi sur les stupéfiants. Elle voulait le faire condamner comme un vulgaire dealer, lui qui s’était rendu coupable d’un acte de compassion. Condamné, puis acquitté, le Ministère public ayant la dent dure porta l’affaire devant le Tribunal fédéral. En vain. Les Sages savent parfois être sages!</p> <p>Dialogue imaginaire en épilogue de cette histoire: «Vous n’avez pas le droit Madame, lui dit la loi. — Mais c’est ma vie, répondit-elle, je ne veux pas rester toute seule, déchirée, malheureuse, je vous en supplie, laissez-moi mourir avec lui. — Pas question, Madame, il faut être gravement malade pour mourir. Lui l’est, vous pas. Vous devez attendre. — Pitié, je ne veux pas de l’enfer du survivant! — Non Madame, pas question! Et puis… c’est pour votre bien!» </p> <p>Trois histoires, trois morales.</p> <p>Et des histoires, il y en a tant. Des poignantes, des tristes, des belles aussi. Allez, encore une petite, presque tendre. Tout récemment, un ami cher me parla de son oncle, alpiniste, qui un jour organisa une soirée en famille, plaisantant, riant, apparemment heureux – et sans doute l’était-il – en ce dernier moment qu’il s’offrait, fier de cette dernière image de lui qu’il laissait. Tout le monde était bien. Une soirée euphorique. Personne ne se doutait, personne ne savait. Il avait préparé un petit plat mijoté, tout simple, qu’il préférait aux sophistications exotiques, ouvert une bonne bouteille de Dézaley et même dansé le French Cancan. Et comme il était grand, pourvu de longues jambes, ses pieds touchaient presque le plafond, me confia mon ami, ému. Le lendemain, on l’a retrouvé mort au pied d’une falaise, une lettre d’adieu dans la poche. Il était monté, lentement, jusqu’au sommet de la Cape au Moine. Sa descente ne dura que le temps de son dernier souffle. On ose imaginer une ultime bouffée de bonheur, contemplant le Léman en majesté, perché tout en haut de cette chaîne de l’arrière-pays montreusien qu’il aimait tant.</p> <p>Derrière tout ça, il y a ce qu’on appelle une question éthique. Faut-il aider ceux dont on sait que de toute façon, ils arriveront à leurs fins? Faut-il à un moment donné comprendre que leur décision est irrévocable et leur éviter l’euphémisme de <i>l’accident de personne</i>, de la <i>chute accidentelle en randonnée</i>, ou de <i>l’overdose</i> <i>médicamenteuse</i>. Moi, je ne sais pas. Mon éthique est personnelle, pas sociétale. Mais ce que je sais, c’est qu’il faut en parler.</p> <p>Sinon, celui qui a du temps et de l’argent ira à Tijuana chercher la mort en flacon pour 50 dollars, un autre s’ouvrira les veines dans sa baignoire après avoir pris un sédatif, un troisième finira comme un oiseau qui perd ses ailes, au fond d’un ravin. Pour celui qui veut en finir avec la vie, il y a l’embarras du choix. Il y eut même un livre, <i>Suicide mode d’emploi</i>. Il fut censuré. Il faut dire qu’il donnait, produit par produit, les doses recommandées, létales. Il donnait le moyen de ne pas se rater. Et ça, ça ne se fait pas! Affirmer: «Sauter du 5ème étage, mort probable, du 10ème, mort certaine; sur les rails, mort certaine aussi», c’est permis, mais écrire: «<i>Nembutal : DM [dose minimale] 6 à 8 g., DS [dose suggérée] 10 g. soit 100 comp. à 100 mg (4 flacons de 25 comp.), ou 4 flacons de soluté injectable à 2.5 g. Effet rapide. Tableau C</i>», ça c’est interdit! On peut prescrire une mort violente dans une déclaration approximative avec dégâts collatéraux (ramasser les corps brisés, déchiquetés), mais pas question de favoriser une mort douce, voulue en conscience.</p> <p>En conclusion de cet article par nature réducteur et évidemment limité, je reviens à la case philosophie. «<i>Aucune liberté ne devrait être retirée à celui qui ne nuit pas à autrui</i>» écrit John Stuart Mill dans<i> De la Liberté</i>. Cela, même s’il se nuit à lui-même gravement, précise-t-il en substance. Cette maxime, aussi simple à comprendre que délicate à appliquer (je n’y reviens pas, j’ai développé le sujet dans <a href="https://bonpourlatete.com/actuel/liberte-j-ecris-ton-nom-1" target="_blank" rel="noopener">un précédent article</a>), résume tout des dérives du contrat social. 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Parce qu’existentiellement, c’est autre chose… Et puis ils sont quand même gonflés ces empêcheurs de mourir en rond, tous ceux qui nous promettent un paradis céleste et veulent nous empêcher d’y aller, qui veulent faire durer un enfer sur terre à ceux qui y sont englués.</p>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'le-suicide-notre-derniere-liberte', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 538, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 13, 'person_id' => (int) 3085, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4446, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Ok boomer!', 'subtitle' => 'Les boomers sont responsables de tous les maux de la terre, c’est bien connu. 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Alors je veux au moins «tenter» de chuchoter que notre génération n’a pas fait que des bêtises. Ethiquement parlant. </p> <p>En premier lieu, les combats pour la liberté et pour l’égalité. Pour la fraternité, c’est raté.</p> <p>Il reste beaucoup à faire en matière d’égalité, c’est entendu, mais voyez les progrès réalisés pendant cette génération boomer. Comparez la situation des femmes de 1960 à celle de 2020, ça n’est pas rien nom de Dieu! Et en ce qui concerne la liberté, itou. Je me souviens que <em>Charlie Hebdo</em> (son ancêtre), déjà lui, fut interdit parce qu’il avait titré, suite la mort du général: «<i>Bal tragique à Colombey: 1 mort!</i>» Et paf! Censuré! Contraire à l’ordre moral. Ce qui était «contraire à l’ordre moral» fondait la justification de la censure. Une forme de dictature de la liberté d’expression, on appelait ça <i>les Ciseaux d’Anastasie</i>. Eh bien ce sont les boomers qui ont fait voler en éclats cette dictature déguisée, pour le meilleur et pour le pire! Mai 68, Black Power, Flower Power aussi, manifestations contre l’imbécile guerre du Vietnam, <i>Make Love not War</i>, <i>Hair</i> – en comédie musicale, en film –, c’est les boomers. La jouissance décomplexée – et pas seulement masculine –, encore eux! Aujourd’hui on n’ose même plus monter dans un ascenseur si on n’est pas au moins trois pour se défendre en cas de procès, mais dans quel monde vit-on? Bien sûr les extrémistes de toutes sortes et les racistes gluants utilisent cette liberté à mauvais escient, mais interdit-on les couteaux en cuisine au prétexte qu’ils peuvent tuer dans la rue?</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1693423117_bpltcharlielove.jpg" class="img-responsive img-fluid center " width="607" height="399" /></p> <h4 style="text-align: center;"><em>Arrêter la censure, arrêter la guerre. © DR</em></h4> <p>En marge de ces grandes valeurs, j’ai encore envie de parler de deux ou trois «petites choses» que la jeunesse doit aux boomers. D’abord, cet étrange rectangle lumineux dont on use et souvent abuse et qu’on appelle chez nous <i>Natel</i> et ailleurs <i>portable</i>… héhé ce sont les boomers qui l’ont inventé. Ils ont créé cet instrument dont personne ne peut plus se passer, celui-là même qui permet aux jeunes générations de les vilipender. Soit dit en passant, les boomers ont aussi inventé internet et les réseaux sociaux… sur lesquels ils sont parfois détestés. Dans un tout autre registre, ils ont construit les stations d’épuration. Aujourd’hui, nous baigner dans des lacs propres va presque de soi alors que quand j’avais vingt ans, les lacs étaient dits <i>en état d’eutrophisation </i>avancée (manque d’oxygène, mort des poissons) et il fallait nager en zigzagant entre les étrons et les capotes usagées. On pourrait bien sûr encore évoquer l’excellence du système éducatif, du système de santé, et de tous les systèmes qui font que notre société tourne plutôt pas trop mal, mais je m’arrête là, l’idée de cet article n’est pas de faire défensivement la liste des actifs favorables, mais de prendre du recul sur les critiques exagérées et d’instiller de la nuance dans le texte.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1693423182_bpltplageselfie.jpg" class="img-responsive img-fluid center " width="742" height="266" /></p> <h4 style="text-align: center;"><i>La fera et les perches frétillent de nouveau </i><em>© DR / L’appareil est moderne, le geste est antique © M.F.</em></h4> <p>Dans toute activité humaine, il y a du bon et du mauvais. En 1953, Hergé écrivait <i>On a marché sur la lune</i>. En 1969, à l’aube des boomers, on l’a fait. En y envoyant des hommes, le président Kennedy a contribué à l’effet de serre autant qu’il a fait avancer la connaissance humaine, il a marqué son territoire géopolitique jusque dans l’espace autant qu’il a permis à des millions de gens de rêver. En faisant la guerre au Vietnam en revanche, pas grand-chose de bon à retenir, comme pour toutes les guerres. A propos de guerres, relevons que les boomers ont assuré la paix en Europe durant toute leur génération, ce qui n’était jamais arrivé dans l’histoire de ce continent! Une paix qui a créé de la prospérité, une prospérité qui a causé le réchauffement climatique. 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Sera-ce une réussite? «L’avenir nous dira ce que nous réserve le futur» comme l’a si bien exprimé un lauréat du <i>Prix Champignac</i>.</p> <p>Après ces quelques exemples qui soulignent la complexité du jugement, l’ambivalence de chaque situation et la nécessité de la nuance, je conclurai cet article en passant le micro à Michel Polnareff qui a composé ce qui pourrait être l’hymne des bommers: «<i>On ira tous au paradis… même moi!</i>» Car après tout, après avoir honteusement profité des bontés de la Terre, on a bien l’intention de profiter de celles du ciel. 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En classe de gym, les ados s’affrontent autour d’un ballon. Aujourd’hui, les combattants se feront face par deux, le décor des batailles épiques planté sur des tables banales. Vingt-et-une tables pour quarante-deux compétiteurs.</p> <p>La journée va être longue, trois rounds de combats, trois rounds de 3 heures 30. Sur chaque table, des figurines, un décor. L’imagination est fertile, la créativité présente, le futurisme au rendez-vous (le futurisme pour mémoire est aussi un mouvement littéraire et artistique du début du XXème siècle qui rejette toute tradition passée et exalte le futur). Les joueurs créent et peignent leurs figurines comme les anciens créaient les soldats de plomb, la filiation n’est pas rejetée. Le décor est planté avec le soin d’un maquettiste de trains électriques. 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Pierrick accompagne la transition numérique dans une grande enseigne de sport, il est président du club régional de warhammer, moteur de l’organisation.</p> <p><strong>M.F.</strong>: <strong>Vous êtes manifestement tombé tout jeune dans cette marmite, comment cela s’est-il passé?</strong></p> <p><strong>Pierrick</strong>: J’avais neuf ans. Un anniversaire, une initiation dans un magasin de jouets. J’habitais Cahors. La passion ne m’a plus quitté. J’ai fait plus tard de l’accompagnement en environnement de jeux comme conseil en entreprise. Les jeux de rôle sont une façon ludique, donc efficace, d’apprendre. C’est devenu mon métier pour un temps.</p> <p><strong>Qu’est-ce qui vous a tellement plu dans ce jeu?</strong></p> <p>L’attrait du fantastique, le fait qu’on se projette dans un scénario, on le vit, la créativité. J’ai toujours aimé la compétition, on peut en tirer le meilleur de nous-mêmes.</p> <p><strong>L’univers du jeu vidéo véhicule une image de déconnexion avec la société, de dangereux isolement des joueurs cloitrés dans leur chambre et n’ayant plus que des contacts virtuels avec le monde, qu’en pensez-vous?</strong></p> <p>C’est bien le contraire qui se passe ici, il vous suffit d’ouvrir les yeux pour le voir. Au-delà du jeu virtuel, ce sont des rencontres bien physiques qui ont lieu, une communauté soudée, des figurines réalisées et peintes avec de la vraie matière, de la vraie peinture, un espace bien réel pour nos champs de bataille. Le virtuel n’empêche pas le réel.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1679562329_capturedcran2023032310.03.50.png" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;"><i>L’équipe de mise en place. © M.F.</i></h4> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1679562365_capturedcran2023032310.03.56.png" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;"><i>Et en avant la zizique. © M.F.</i></h4> <p>Toute cette équipe est bien sympathique. Ça n’est pas la bénichon, mais l’ambiance kermesse est sensible derrière le sérieux du jeu, la buvette au rendez-vous. Les tactiques font penser aux échecs, peut-être aussi en raison du système de pendules de contrôle du temps de jeu de chacun. Je n’ai manifestement pas affaire à des écervelés, alors je demande à Pierrick si, au-delà des combats qui se mettent ici en scène, il s’intéresse aussi à l’histoire des champs de bataille et si cela lui apporte plus que du divertissement dans sa vie courante. La culture est au rendez-vous.</p> <p><strong>Pierrick</strong>: J’ai lu plusieurs fois <i>L’Art de la Guerre</i> de Sun Tsu, lu Clausewitz, étudié les batailles napoléoniennes, je suis passionné des légendes arthuriennes. Notre univers permet de fédérer des armées comme elles le furent dans le passé. Notre façon de penser, d’agir dans le jeu se répercute dans la vie professionnelle.</p> <p><strong>M.F.</strong>: <strong>De quelle façon?</strong></p> <p>Le jeu nous apprend à faire des choix stratégiques, nous exerce sans conséquence autre que perdre la partie quand nos choix sont mauvais. On apprend sans avoir peur de perdre. Il y a aussi un côté psychologique, poker et bluff, on apprend à feinter pour désarçonner l’adversaire. C’est très précieux dans la vraie vie.</p> <p><strong>Quelque chose à ajouter?</strong></p> <p>Il ne faut pas avoir peur d’essayer. Le montage des figurines est un acte créatif, les maquettes une dynamique sociale et la communauté crée de solides amitiés. On peut nous joindre sur Facebook ou Instagram, groupe <i>Adeptus Geekus</i>.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1679562459_capturedcran2023032310.06.52.png" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;"><i>Espace, hasard et temps. © M.F.</i></h4> <p>Frédéric, 48 ans, capitaine de l’équipe suisse de warhammer, cadre dans l’administration fédérale suisse, complète le propos de Pierrick.</p> <p><strong>M.F.</strong>: <strong>Qu’est-ce qui vous a amené vers ce jeu, Frédéric?</strong></p> <p><strong>Frédéric</strong>: J’ai commencé à 13 ans, dans un cercle d’amis. Collectivement, l’intérêt était dans les jeux de rôle et la sociabilité. Individuellement, dans une création de l’ordre du modélisme avec ces figurines qui réunissent peinture, jeu et collection.</p> <p><strong>Quand vous aviez 13 ans, c’était le tout début des jeux, non?</strong></p> <p>Oui, il s’agissait de dénicher les bons coins, aller acheter à Paris, se frotter au monde anglo-saxon, pionnier en la matière, trouver les magazines. L’accès était difficile, cela faisait partie de l’intérêt.</p> <p><strong>Vous y trouvez aussi un intérêt pour votre travail?</strong></p> <p>Non, je joue pour me vider la tête. Je cloisonne, ça me permet justement de penser à autre chose qu’au travail. C’est la convivialité des groupes, des tournois qui me plaît.</p> <p><strong>Comme capitaine d’équipe, comment voyez-vous la victoire dans les tournois?</strong></p> <p>Comme la satisfaction personnelle de chacun, la reconnaissance au sein du groupe. C’est toujours la convivialité qui compte. Se retrouver en groupe, dans les conventions, développer le côté amical est important.</p> <hr /> <p>C’est le hasard qui m’a amené à ce reportage. J’ai été surpris de constater à quel point les quelques préjugés que je pouvais avoir étaient infondés. Bien sûr, je ne suis pas naïf, je sais bien aussi que l’isolement excessif derrière les écrans est un danger sociétal préoccupant. Alors message aux guerriers isolés: allez donc rejoindre ces groupes! L’affrontement est une pulsion de l’homme, innée pour Hobbes, acquise pour Rousseau. Le jeu aussi, tant qu’on ne perd pas son âme d’enfant. Il reste omniprésent dans nos vies. Certains sont passionnés par le foot, le tennis ou le ski, d’autres par le warhammer, l’un n’empêche pas l’autre.</p> <p>L’archétype du guerrier est présent en nous. Là, il est canalisé par des règles, ces règles dont seuls les grands et petits voyous s’affranchissent pour le plus grand malheur de tous; comme tout, c’est ce qu’on en fait qui compte. Ce que j’ai découvert aujourd’hui me rassure partiellement sur le monde de ces jeux guerriers que je connais si mal. La passion et l’amitié de ceux qui s’y adonnent orientent l’action, peu de risque qu’ils appuient un jour sur un bouton pour envoyer, planqués derrière un écran guerrier, un missile hypersonique sur de pauvres gens. Ça n’est pas le genre de la maison.</p> <p>Ayant parlé de Sun Tsu, je terminerai en citant le livre d’une auteure qui a transposé l’Art de la Guerre en stratégie de la bienveillance en entreprise: Juliette Tournand, <i>Un Art de la Paix</i>, paru aux éditions Interéditions.</p>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'jeu-de-geeks-mode-d-emploi-pour-les-nuls', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 435, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 3085, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 3928, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Liberté, j’écris ton nom!', 'subtitle' => '«Aucune liberté ne devrait être retirée à celui qui ne nuit pas à autrui», telle est la doctrine que conceptualisa il y a deux siècles John Stuart Mill (1806-1873), philosophe anglais. 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Il faut définir sa nature et un seuil qui justifient une restriction. On ne va pas décimer le cheptel des vaches sous prétexte qu’elles émettent du méthane en ruminant.</p> <h3>Quelle légitimité ont ceux qui imposent?</h3> <p>Alors, ça nous mène à la question suivante, essentielle: qui décide de cette nature acceptable ou non de la nuisance et de son seuil, donc de nos libertés? Et avec quelle légitimité?</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1668674955_rvolutionfrancaise.jpg" class="img-responsive img-fluid center " width="606" height="408" /></p> <h4 style="text-align: center;"><em>© DR</em></h4> <p>Les autocraties sont par nature illégitimes, n’en parlons donc pas. Mais qu’en est-il des systèmes dits démocratiques? Ecoutons ce qu’en pense Churchill: «La démocratie est la pire forme de gouvernement… si l’on excepte tous les autres.» Intéressant. Et dire qu’un tout récent Premier ministre de la démocratie de son pays – considérée comme une référence historique – fut portée au pouvoir par moins de 1% des citoyens… pour 44 jours. Au-delà de cette anomalie, il faut bien constater que 51% des citoyens peuvent imposer leur volonté aux 49% restants (dans les institutions démocratiques pas trop alambiquées), et que ces 51% peuvent voter des lois parfois moralement illégitimes, discriminatoires ou excessives. Mais on n’a guère trouvé mieux. Mill nomma ces abus <i>la Tyrannie de la majorité</i>. Cette «tyrannie» mise en œuvre par des actes légaux se double parfois d’une tyrannie de l’opinion. Ecoutons encore la voix de Mill: «Il faut aussi se protéger contre la tyrannie de l’opinion, (…) contre la tendance de la société à imposer (…) ses propres idées et ses propres pratiques comme règles de conduite à ceux qui ne seraient pas de son avis.» Une petite musique qui bourdonne encore aux oreilles des non-vaccinés.</p> <h3>L’effet panique des pandémies</h3> <p>Après ces généralités, entrons dans vif du sujet. Voyons comment tout ça fonctionne dans ce cas qui nous intéresse, les pandémies. En période pandémique, tant que la compréhension n’est pas là et que les remèdes (préventifs ou curatifs) restent absents, on peut comprendre états d’urgence et lois d’exception. Notre mémoire collective des pestes passées est à l’œuvre: protection à tout prix, même au prix de la liberté. Mais quand tout le monde est en mesure de se protéger – accès au vaccin – ou de se soigner – anticorps monoclonaux–, l’heure de l’infantilisation devrait disparaître et la possibilité de choix personnels libres être réhabilitée.</p> <h3>Un point de vue médical sur les restrictions de liberté</h3> <p>Pour y voir clair, le Professeur Antoine Flahault, directeur de l’Institut de Santé Globale en faculté de médecine de l’université de Genève, a eu la gentillesse de nous recevoir et de répondre à nos questions. Je précise d’emblée que lui comme moi sommes persuadés de la nécessité d’une large couverture vaccinale, non pour éradiquer le Covid mais pour transformer la pandémie en maladie endémique, contrôlée. Personnellement, je considère en revanche la politique du pass vaccinal comme abusive, et je m'attendais à entendre une argumentation implacable de sa part me démontrant l’immaturité de ma position. Eh bien non!</p> <p>Lui aussi est critique, très critique même à l'égard de cet <i>Ausweiss</i> responsable d’une nouvelle forme d’<i>apartheid</i>. Il commença par qualifier cette politique coercitive de «spécieuse», terme autant désuet que délicieux. Le Professeur Flahault le souligne bien, le vaccin – et particulièrement depuis le variant Omicron (mais aussi les autres avant) – n’empêche pas un vacciné d’être porteur du virus ni de contaminer son entourage, et notamment les plus faibles, ceux qu’on veut protéger. C’est donc une fausse sécurité qui est mise en place. En fait, les personnes immunodéprimées ou à comorbidité, même vaccinées, devraient tout simplement renoncer aux lieux publics dans la mesure du possible car ils peuvent de toute façon s’y faire contaminer… que les lieux soient soumis au pass ou non.</p> <p>Toujours pour ces personnes dites les plus fragiles (car le problème ne se pose pratiquement que pour elles, nous allons le voir ci-dessous), si renoncer pour un temps limité au resto est juste un désagrément, il est des lieux où elles n’ont souvent pas le choix de ne pas se rendre. L’hôpital. Le travail. Et malheureusement, là aussi elles sont confrontées à la contamination, vu les trous dans la raquette du pass vaccinal. D’autres politiques – tests en pool pour les personnels, individuels pour les visiteurs, mesures de CO<sub>2</sub> et aération renforcée, distanciation et jauges – auraient mérité plus d’attention, mais ces mesures moins drastiques sont aussi moins spectaculaires et impropres à satisfaire une opinion majoritaire qui a soif d’action forte. En fait, personne n’est dupe, le pass n’est pas fait pour protéger de la contagion mais pour forcer les récalcitrants à se faire vacciner. Et c’est presque un détail par rapport à ce qui suit.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1668675028_cpourtonbien.jpg" class="img-responsive img-fluid center " width="514" height="289" /></p> <h4 style="text-align: center;"><em>Ce n’est pas pour embêter qu’on limite, oblige, verbalise: «c’est pour ton bien!» © M.F.</em></h4> <h3>Les dommages collatéraux du passe-vaccinal</h3> <p>Le gros problème que le Professeur Flahault relève avec la politique du pass vaccinal est un problème de santé globale, sa spécialité. Outre cette illusion de protection qui peut amener à diminuer les gestes-barrières ou inciter à se rendre dans des lieux qu’il serait préférable d’éviter, le pass pénalise en santé morale et mentale tous les malades qui n’ont pas pu tenir la main d’un proche à l’hôpital, tous ceux qui n’ont pas pu accompagner un mourant en soins palliatifs, tous ceux qui n’ont pas pu assister à l’enterrement d’un proche, tous ceux qui n’ont pas pu sourire tendrement à un aîné en maison de retraite, accentuant un isolement déjà considérable. Le toucher, l’étreinte, le sourire participent à la guérison, aident à soulager les souffrances. Et puis il y a bien sûr aussi tous ceux qui furent forcés à renoncer à leur emploi. Résultat: psychiquement, les plus fragiles sont devenus plus fragiles encore. D’un point de vue de santé globale, le bilan du pass est plus que douteux.</p> <p>Le Professeur Flahault poursuit en expliquant qu’en fait, une des raisons d’être du pass vaccinal est d’éviter de potentielles poursuites judiciaires aux personnels concernés… et indirectement aux institutions hospitalières qui les emploient. Le personnel soignant, qu’il soit vacciné ou non, peut contaminer, on le sait. Mais du personnel non-vacciné serait plus vulnérable juridiquement en cas de plainte d’un «fragile» qui aurait été contaminé, ou de sa famille si le patient décède. De ce point de vue, le pass signifie: «On a fait le mieux qu’on a pu, même si c’est excessif. Et de plus, le personnel non-vacciné est à l’abri de toute poursuite juridique… puisqu’absent.» Ainsi le principe de <i>prévention</i> sanitaire s’est transformé en principe de <i>précaution</i> juridique.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1668675121_hpital.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;"><em>Votre passe svp! On ne vous garantit pas que vous ne serez pas contaminé, mais on vous garantit que si vous l’êtes, nous serons juridiquement couverts. © M.F.</em></h4> <p>Tout ce que nous venons d’évoquer vaut pour les personnes dites «à risque». Pour toutes les autres, la question du pass ne devrait tout simplement pas se poser. Aux vaccinés, parce qu’ils ne risquent par définition pas grand-chose en terme d’hospitalisation (c’est pour ça qu’ils se font vacciner), aux non-vaccinés parce que c’est leur choix. Ils prennent leurs responsabilités, et personne n’a à décider à leur place ce qui est bon pour eux. C’est en tout cas l’avis de Mill. Et le mien.</p> <h3>Les bénéfices collatéraux du pass vaccinal</h3> <p>Lorsque j’ai soumis mon article au Professeur Flahault pour approbation de sa partie, il m’a fait remarquer – à juste titre – qu’il convient de parler aussi des réels bénéfices du pass vaccinal, ceux relatifs à la couverture vaccinale. Il me prie de compléter mon propos par: «Les passes instaurés au Danemark en avril 2021 (Coronapass), en Italie en juillet, en France en août (passe sanitaire), puis en Suisse (certificat covid) en septembre de la même année, ont eu un effet spectaculaire sur la couverture vaccinale, propulsant la France, par exemple, parmi les pays à la plus forte couverture vaccinale d’Europe alors qu’elle stagnait jusque-là avec des taux de vaccination relativement médiocres.» Sa déclaration souligne en fait ce que je disais précédemment, à savoir que le pass est fait pour forcer les récalcitrants et les indécis à se faire vacciner. Et sur ce plan, la réussite est totale.</p> <h3>Ceux qui refusent le vaccin pour eux-mêmes sont-ils tous irresponsables, débiles et analphabètes sociaux?</h3> <p>Je suis, je l’ai dit, convaincu des bienfaits du vaccin. Je suis à un niveau de crainte zéro et me suis fait vacciner dès que j’ai pu, encore hier par du bivalent. Mais je décide pour moi, pour me protéger, et pas pour les autres; malgré ma confiance presque totale en la vaccination, je suis tout aussi convaincu qu’il faut respecter ceux qui en ont peur ou qui pensent autrement. Mais de quoi ont-ils peur au juste?</p> <p>On ne connaît pas les effets à long terme du vaccin puisqu’il n’existe que depuis peu de mois, c’est une tautologie. Mais on sait aujourd’hui que le virus provoque des lésions neurologiques dont on ne comprend pas encore bien les mécanismes; pour le vaccin, on n’a pas de certitudes et ceux qui disent en avoir sont hors de la logique scientifique. A quelques exceptions près (thromboses), tout semble bien se passer, mais le doute reste permis: la parole dominante est parfois vacillante. Dès lors, quand on connaît les scandales passés (Médiator, crise des opioïdes, sang contaminé), il n’est pas complètement délirant de se méfier du futur, surtout quand tout se fait très vite en bousculant – légitimement – les processus de tests cliniques sous une pression émotive certaine. Alors, un jeune qui ne risque pas grand-chose s’il attrape le Covid serait-il complètement stupide de préférer s’abstenir, par prudence, de s’injecter dans le corps un produit dont il se méfie?</p> <h3>Les cafouillages</h3> <p>Dans cette crise, la communication et les postures étatiques ont été suffisamment, disons maladroites, pour ne pas traiter d’imbéciles sphériques les nombreux «méfiants modérés» qui refusent les pleins pouvoirs des tiers sur leur corps?</p> <p>Pour se rendre compte de la faillibilité du jugement politique, il suffit de se souvenir des tonitruantes déclarations d’inutilité du masque… précédant son obligation; de penser en France à la destruction de millions de masques encore utilisables au plus fort de la crise en mars 2020 – un des motifs de la récente convocation d’Edouard Philippe devant la Cour de la République; de réaliser que, toujours en France, les promenades sur les plages furent interdites aux riverains (les autres ne pouvaient de toute façon pas se déplacer pour y accéder); que s’aérer dans les parcs fut également interdit; et que les sentiers de randonnées furent surveillés par des drones pour renvoyer chez eux les pauvres randonneurs qui n'aspiraient qu’à respirer un peu d’air pur. Tout cela pour confiner des familles dans la contagiosité de leurs studios ou appartements exigus. Sans parler des prévisions exagérément catastrophistes qui ont souvent fait <i>pschiiit</i>! Tous ces cafouillages devraient rendre humbles les autocrates de salon qui se croient infaillibles et ne respectent pas ceux qui sont d’un avis différent.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1668675218_cadavresain.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;"><em>N’approchez pas sans pass vaccinal, cet homme est mort en bonne santé, </em><br /><em>il ne faut pas risquer de le contaminer! © MF</em></h4> <h3>Vers un nouveau totalitarisme global?</h3> <p>Intéressons-nous en passant à la Chine dont on connaît l’approche zéro-covid et la volonté de contrôle des comportements. Il est intéressant de relever que l’approche de ce pays a peu changé au cours des siècles. Déjà au temps de Mill, il en parlait en ces termes: «Ils ont réussi [à] uniformiser un peuple en faisant adopter par tous les mêmes maximes et les mêmes règles pour les mêmes pensées et les mêmes conduites. (...) Et, si l’individualité n’est pas capable de s’affirmer contre ce joug, l’Europe, malgré ses nobles antécédents (…) tendra à devenir une autre Chine.»</p> <p>Ecrit en 1859! Cette vision, très générale, semble être aussi celle du Professeur Michael Esfeld, spécialiste de philosophie des sciences, qu’on ne peut soupçonner ni d’incompétence, ni d’irresponsabilité, ni de complotisme: «Une grande partie des formes d’organisation des groupes sociaux ainsi que des partis politiques – y compris ceux qui utilisent l’étiquette libérale – ont rejoint la tendance vers le nouveau totalitarisme du contrôle global.» C’est inquiétant.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1668676457_scfem.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;"><em>Nos intervenants directs et indirects, de gauche à droite et par ordre d’apparition: </em><br /><em>John Stuart Mill, Winston Churchill, Antoine Flahault, Michael Esfeld, Pierre-Yves Maillard. © DR</em></h4> <p>Et maintenant, tournons notre oreille vers le politique et écoutons ce qu’un homme, reconnu par ses pairs pour son intégrité… et par le fait de ne pas avoir la langue dans sa poche, pense de tout ça. J’ai nommé Pierre-Yves Maillard, conseiller d’Etat du canton de Vaud responsable du département de la santé et de l’action sociale pendant 15 ans, député au Conseil national, président de l’Union syndicale suisse. </p> <p>PYM: J’ai vécu comme responsable de la santé dans le canton de Vaud de nombreuses alarmes, allant du H1N1 à l’alerte Ebola, en passant par le SARS-COV2, les grippes aviaires, et il faut à chaque fois se préparer à la suivante. Bien sûr, la pandémie du Covid a eu une tout autre ampleur. Mais, comme pour les autres crises, des jeux d’influence sont toujours en jeu. On se souvient par exemple du <i>Tamiflu </i>presque imposé par l’OMS aux gouvernements lors de la crise SARS-COV2 alors que ses recommandations étaient fortement influencées par le lobbyisme de Roche au plus haut niveau.</p> <h3>Tyrannie de la majorité, tyrannie de l’opinion, tyrannie des médias?</h3> <p>MF: Nous avons évoqué en début d’article la tyrannie de la majorité et de l’opinion… auxquelles on pourrait ajouter celle du matraquage médiatique. Pierre-Yves Maillard, vous avez dans une interview à <i>Anti </i>| <i>Thèse</i> évoqué la difficulté de faire entendre une voix qui pense au-delà de la seule question de la réduction de circulation du virus; que pensez-vous de ces situations où toute réflexion qui s’éloigne d’une forme de pensée unique vous ostracise?</p> <p>PYM: Il y a eu une inflation médiatique qui a nourri la peur, c’était fou. La pression sur les gouvernements qui en découla fut énorme. Toute critique à leur égard devait être modérée car tout le monde les rendait responsables du nombre de morts. Pour les spécialistes médicaux et les épidémiologistes, dans leur préoccupation naturelle de sauver des vies, tout le reste est devenu accessoire. Ils eurent une tribune permanente dans les médias, on n’entendait plus qu’eux. Des chiffres furent sortis de leur contexte, tout était en place pour orienter l’opinion publique vers une unique préoccupation. Des dégâts sanitaires importants autres que ceux causés par la circulation du virus, comme la dépression et le risque suicidaire qu’elle entraîne chez les jeunes, l’explosion de la dépendance aux écrans, les risques pour la santé liés au chômage et ceux liés à l’arrêt de l’école passèrent au second plan. On aurait pu éviter le passe-vaccinal, mais la Suisse a néanmoins été plutôt modérée dans ce domaine et a évité des excès qu’ont connus nos voisins. Je suis personnellement opposé à l’obligation de vaccination, y compris chez les soignants. Ce qui permet par ailleurs d’éviter d’aggraver les problèmes de pénurie de personnel. Mais surtout, même si le vaccin démontre une efficacité, son innocuité ne peut être démontrée avec certitude qu’après un certain temps. Donc une obligation vaccinale ne me paraît pas pouvoir être introduite dans un délai si court, sauf à provoquer des tensions extrêmes dans la société.</p> <p>MF: Tout cela a amené à une forme de pensée unique?</p> <p>PYM : Comme responsable politique, j’ai plaidé pour une certaine retenue. C’était difficile, mais possible. J’ai été un peu attaqué, mais j’étais préparé à cela. D’autres façons de voir les choses et de les dire étaient possibles. Quand il s’est agi de voter la loi sur le Covid avec ses restrictions, je l’ai fait, malgré quelques réticences. C’était un «paquet» et ne pas le voter aurait pu entraîner d’autres dégâts, un risque de fermeture de tout, d’empêcher la reprise d’activité dans un certain nombre de branches. C’était une question d’arbitrage.</p> <p>MF: Ce type de pression extrême sur les libertés va-t-il se reproduire lors des prochaines pandémies?</p> <p>PYM: Là où il y a eu exagération, il y aura un effet «retour de balancier». La résistance future sera plus grande. C’était l’un des risques en agissant trop fort: rendre des mesures éventuellement utiles plus difficiles à prendre à l’avenir. </p> <h3>Des politiques différentes dans des pays différents</h3> <p>Chaque pays, ou presque, a mené sa propre politique sanitaire. La Suède a été libérale, la Chine coercitive. Les réponses à la crise ne furent pas partout identiques, loin s’en faut. Peut-on a posteriori tirer des enseignements d’un point de vue global de ces politiques diverses et variées? Que pensez-vous du cas de la Suède qui fut si fortement critiquée, systématiquement vilipendée?</p> <p>PYM: C’était très étrange et pénible, cette agressivité des médias à l’égard de la Suède. Dans sa stratégie, elle jouissait d’un soutien populaire. Rappelons que la Suède était échaudée par une précédente crise: elle avait massivement vacciné sa population sur une base volontaire, et il y a eu des effets secondaires différés sous forme de graves narcolepsies. Elle déboursa d’importantes indemnités pour dédommager les victimes. Elle a fait un choix pas uniquement centré sur la lutte contre le virus, mais elle a aussi voulu éviter un trop fort stress sur la société. Elle a pris davantage en compte la santé psychique de sa population.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1668676531_autrichesude.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;"><em>Courbes de contamination pour l’Autriche et la Suède. Johns Hopkins University</em></h4> <p>MF: Elle s’en est pourtant plutôt bien tirée, autant en terme d’incidence (contaminations) que de mortalité. Pour la mortalité, elle est à ce jour classée 47ème avec 2’038 morts par million d’habitants alors que l’Autriche, pays comparable à bien des égards mais qui fut beaucoup plus répressive (allant jusqu’à l’obligation vaccinale générale votée par son parlement) eut plus de décès: 38ème avec 2'375 morts par million d'habitants. </p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1668676590_mortalit2022.png" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;"><em>Tableau de mortalité dans le monde à ce jour (Source : </em>Le Monde<em>)</em></h4> <p>PYM: On peut tirer des enseignements des différentes façons d’agir dans différents pays. Si tout le monde fait exactement la même chose, on ne peut faire un bilan et apprendre de la crise. Ce qui compte, c’est que les choix faits soient démocratiquement légitimes et raisonnablement inspirés des connaissances du moment.</p> <p>Notons que la Suisse, qui ne confina pas, ne figure même pas dans ce tableau. Ceci ne veut évidemment pas dire que moins on prend de mesures moins on a de morts, mais simplement qu’une approche différente de la doxa «on confine point-barre et ceux qui ne le font pas sont des crétins» mérite écoute et respect.</p> <h3>Le cas particulier de la France</h3> <p>Nos frères de langue sont souvent savoureux dans leur art administratif de l’usine à gaz. Là, ça n’a pas raté, évidemment. Seul pays au monde capable d’inventer des attestations auto-signées autorisant à sortir de chez soi. Outre ce singulier rapport à ses lois, la France a aussi osé le principe de nuisance étatique. Mesdames et Messieurs, écoutez la déclaration stupéfiante du Président de tous les Français: «Là, les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder. Et donc on va continuer à le faire jusqu’au bout. C’est là la stratégie.» </p> <p>Ici, le but de «nuire aux autres» est explicitement déclaré en tant que politique publique; le concept de non-nuisance est officiellement inversé. Et ça marche puisqu’il fut réélu. Mais avec une telle absence de pédagogie, peut-on vraiment en vouloir à ceux qui se méfient… de se méfier et aux récalcitrants… de <em>récalcitrer</em>?</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1668676648_paysflahault.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;"><em>Restrictions de libertés: justifiées par des mesures proportionnées? (estimation Pr. Flahault)</em></h4> <p>Revenons un court instant au professeur Flahault à qui nous avons demandé, pour illustrer ces différences d’approche et de respect des libertés individuelles selon les pays, de juger sur une échelle de 0 à 10 si les pays cités respectaient les droits de leur minorité non-vaccinée, ou, ce qui revient au même, si les mesures prises étaient proportionnées et justifiées. Le tableau parle de lui-même, il n’y a pas lieu de le commenter.</p> <h3>Coûts des soins intensifs, saturation des hôpitaux</h3> <p>Ce sont les non-vaccinés qui finissent aux soins intensifs. Ils coûtent cher, c’est une réalité qu’il ne s’agit pas de nier. Les intégristes du pass vaccinal en font un argument, peut-être à tort, peut-être à raison. Ainsi, veut-on les empêcher de se rendre sur des lieux où ils pourraient se faire contaminer, mais surtout on veut, par ces restrictions de liberté, leur tordre le bras pour les obliger à se faire vacciner, on l’a compris. C’est entrer dans un débat moralement délicat, celui de la charge financière aux autres dans le cadre de la mutualisation des risques. Un fumeur coûte aux non-fumeurs, un habitué de la chopine aux abstinents. </p> <p>Même si le problème d'absorption de pics est moins critique pour les cirrhoses et les cancers du poumon parce qu’ils sont dilués dans un temps long, fondamentalement la question de la solidarité «sans restriction de liberté» est analogue. Faut-il pénaliser ceux qui ont choisi pour eux un comportement «à risque»?</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1668676719_fumebibine.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;"><em>N’entrez surtout pas ici pas sans pass vaccinal, vous risqueriez d’encombrer nos hôpitaux! © Photo Mariposa Fa</em></h4> <p>PYM: Je suis résolument contre. La question de savoir si ces personnes devraient payer une surprime d’assurances ou être moins remboursées est régulièrement posée, mais une telle pratique impliquerait une société de surveillance d’une telle complexité qu’il est préférable de s’abstenir. </p> <p>MF: Et en ce qui concerne la saturation des hôpitaux qui était peut-être le problème le plus sensible de la crise, quelle est votre vision des différents malades qui y participent?</p> <p>PYM: C’est un point-clé. Il est normal qu’il y ait eu auparavant des réductions du nombre de lits car la durée des séjours à l’hôpital a régulièrement baissé ces dernières années, pour diverses raisons. Mais ce qui manque, c’est une capacité de réserve mobilisable en temps de pic pandémique. Bien sûr ça coûte et ça doit faire l’objet d’un financement complémentaire au financement par l’acte, mais c’est possible. C’est une question de choix politique, idéologique. Il y a de fortes résistances car nous sommes pollués par 30 ans de néolibéralisme. Actuellement, la loi Covid contraint les cantons à augmenter leur capacité de réserve. Vaud et Zürich ont déjà évolué dans ce sens. Quand on compare ce que coûte un confinement (ou l’arrêt de pans entiers de secteurs de l’économie), on parle de 30 à 40 milliards en Suisse pour le Covid. Avoir une capacité de réserve mobilisable a un coût certain, évidemment, mais au final bien inférieur. Une des causes principales de ces très coûteux <i>lockdowns</i> [confinements] était la volonté d’éviter les drames de saturation des hôpitaux, situation insupportable, tel celui de Bergame au début de l’épidémie. </p> <p>MF: Alors est-il juste que les non-vaccinés soient les boucs émissaires des décisions prises par les politiques qui ont réduit la capacité hospitalière pour fonctionner en flux tendu?</p> <p>PYM: Il y a des horreurs qui ont été dites quand certains ont parlé de leur refuser l’accès aux soins. Mais le mouvement anti-vax a aussi eu ses outrances. Dans ces moments, chacun devrait essayer d’agir et parler avec retenue.</p> <h3>A-t-on toujours le choix?</h3> <p>«Si on a le choix, la possibilité de se soustraire à la nuisance de l’autre, on ne peut pas l’en tenir pour responsable», écrivit Mill. A nouveau, si l’idée est séduisante et donne cohérence à sa doctrine libérale, à nouveau elle se heurte au mur de la réalité. Ainsi, si un non-vacciné a le choix plutôt facile de renoncer à aller au théâtre, au restaurant ou au musée, c’est moins évident pour lui de renoncer à son emploi, et, insistons, à voir ses proches à l’hôpital ou en EMS.</p> <p>J’ai parlé dans <a href="https://bonpourlatete.com/actuel/sur-la-route-avec-les-convois-de-la-liberte" target="_blank" rel="noopener"><i>Les Convois de la Liberté</i></a> de la chanteuse Hana Horka qui est morte à l’âge de 57 ans, après avoir délibérément contracté le virus afin d’obtenir l’équivalent du pass vaccinal pour pouvoir continuer à vivre une vie un tant soit peu normale. Hana Horka payait ses impôts, n’enfreignait aucune loi, ne faisait de mal à personne. Elle est morte d’être exclue de la vie courante par le pass vaccinal. On peut pour le moins dire que le gouvernement et ses lois lui a nui… et donc qu’il devrait être sanctionné pour cela. Mais Hana Horka avait le choix de ne pas le faire, elle a donc engagé sa responsabilité individuelle, et si ça c’est mal terminé pour elle, il n’y a, selon Mill, pas lieu d’en blâmer les autres. On a le droit d’être d’accord ou pas. </p> <h3>Et le futur?</h3> <p>Alors Mill, du vent? Comme tout concept, il a ses limites, mais ce vent est néanmoins rafraîchissant. Il décille nos yeux embrumés qui peinent à voir l’Etat qui tend à contrôler plus que nécessaire. La solidarité citoyenne est un acquis précieux, mais ne doit pas servir les causes autoritaires. Qu’en sera-t-il du futur? Une nouvelle pandémie se déroulera-t-elle selon le même schéma? Plus largement, les restrictions de liberté vécues lors de cette crise vont-elles s’accentuer? Mill craint qu’on ne suive l’exemple de la Chine, Michael Esfeld craint un totalitarisme du contrôle global, et personnellement je crains qu’ils aient raison. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
6 Commentaires
@Ph.L. 03.09.2021 | 14h51
«La question de l'efficacité du "pass sanitaire" sur le plan épidémiologique est absolument sans intérêt, tant il est évident qu'il ne s'agit que d'une contrainte indirecte à la vaccination. Du coup, on peut légitimement se demander si tout ce qui a précédé le "pass sanitaire" en matière de mesure "pour lutter contre l'épidémie" ne relevait pas de la même logique, étant entendu qu'il est infiniment meilleur marché de vacciner le bon peuple en masse que de soigner chacune et chacun de manière individuelle, comme on le fait depuis toujours dans la médecine véritable (Tolstoï le soulignait déjà dans "La guerre et la paix", soit dit en passant). De fait, l'économisme gestionnaire néo-nihiliste règne en maître absolu dans la post-modernité où nous vivons (plus ou moins déguisée sous diverses utopies à la mode) et M. Macron en est la parfaite incarnation. Plus personne ne reconnaît la France, de fait - pas même les Français.»
@simone 03.09.2021 | 16h29
«Merci de cet excellent article dont la pointe d'humour atténue l'attristant réalisme!
Suzette Sandoz»
@volovron 05.09.2021 | 16h24
«Vous oubliez,et ce n'est que mon avis,qu'on a mis une échéance..renouvelable,à ce truc de pass,mais,vous voyez aussi que,d'une façon si simple (?),on a reússi à donner un pas si petit coup de pouce pour se faire vaciner à un pas non plus si petit % de insouciant(e)s.Et c'est ça qu'on va faire en Suisse,toujours à la traîne de ces voisins, cette semaine,pas plus tard
Merci pour l'article»
@Michel Finsterwald 08.09.2021 | 06h50
«"Commentaire-cocorico" rapporté d'un de mes profs de français à l'uni (voir ma situation en cliquant sur mon nom là-haut en tête d'article), lequel lut l'article sous mon identifiant : "Cher Michel, je vois que ces derniers mois ne vous ont pas perdre votre énergie ! Ni votre talent d’ailleurs ! Votre article est un régal à lire. Je suis sans doute plus sévère que vous envers les anti-passe, mais je trouve comme vous qu’il y a une démesure dans le déploiement policier (mais il en va toujours ainsi, hélas)." Michel Finsterwald»
@Philippe37 09.09.2021 | 08h33
«Bon, un laissez-passer pour un café, deux cafés....c’est votre choix. Mais si vous regardiez - vous êtes journaliste ?- le projet d’un ordre mondial technocratique (technologies +techniques autoritaires de management) à la clé dont la plandémie et l’injection ARN expérimentale sont la pierre angulaire et l’épouvantail... Et que tous les media - occupés à nous distraire - taisent, sans exception. Vous avez dit BPLT ?»
@camomille 26.11.2021 | 14h26
«« Primauté aux vaccinés et vie de merde aux non vaccinés », c’est en parallèle à l’injonction autrichienne « vaccinés, guéris ou morts » … Bref, un bel avenir pour tout le monde - le 31.12, on pourra se souhaiter une excellente année 2022!
C Foetisch»