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La fameuse première fois reste gravée en chacun. Que l’expérience fût magique et détendue. Ou qu’elle fût tendue et embarrassante. En exclusivité pour BPLT, le récit d’une première fois. D’un dépucelage… littéraire. Alexandre, 32 ans, a lu un livre pour la première fois de sa vie. Il nous raconte son aventure.
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Il se ruine, il est boudé, ridicule, mais sait prendre sa revanche sur la critique, en s’élevant là où il se voyait déjà, «en haut de l’affiche». Rolls, fourrures, Vegas, mais aussi travail et encore travail, sans oublier les drames et un malheur qui le poursuit. Et le film s’achève, à l’aube des années 70.</p> <h3>Critique</h3> <p>Si j'avais été grincheux, j’aurais dit que le film était un raté grotesque, dirigé par une équipe d’amateurs, interprété selon une performance proche de celle des kermesses, rythmé de façon banale, sans originalité aucune, ne sachant pas rendre à l’écran une once de qui fut ce «Monsieur Aznavour», pompeusement nommé, ni de son œuvre infiniment plus riche que celle qui passe comme une musique de fond sous le jeu d’un acteur qui singe Aznavour. Mais je ne suis pas grincheux. 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Le jeu de Tahar Rahim, avec les qualités de ses défauts, est davantage une imitation, parfois exagérée aux confins du ridicule, qu’une interprétation. Sans parler des colères surfaites de Charles qui auraient eu davantage leur place sur des planches de théâtre que sur un plateau de cinéma. Quant à la famille Aznavourian et leur entourage, jamais n’a été livrée une mise en scène aussi caricaturale des gentils Arméniens qui aiment la poésie et les fêtes, et qui sont très pauvres mais vraiment très très gentils, généreux et accueillants alors. On est à la limite du racisme.</p> <p>La musique et les paroles d’Aznavour passent comme une bande-son qui font compagnie aux images. Et la trame est agencée sans aucune originalité. Comme un défilé de clowns, on voit tantôt apparaître un Johnny Hallyday, tantôt un Sinatra, tantôt tel compositeur, tel imprésario, telle femme à séduire, telle autre qui viennent remplir la scénario d’une lourdeur insupportable.</p> <p><i>Et pourtant, pourtant…</i>, le film a certes du cœur, et c’est l’essentiel, mais il compte aussi de réelles qualités. Si aucun acteur adulte ne crève l’écran, les enfants eux, notamment les interprètes de Charles et de sa sœur, sont fascinants tant ils inspirent de la sympathie, mais surtout tant ils rendent le sentiment et la vie de l’époque où les Aznavourian étaient des réfugiés en terre de France.</p> <p>Autre grande qualité du film par son scénario, c’est la complexité avec laquelle est dépeinte l’artiste: loin d’être idéalisé, il est montré dans sa gloire, certes, mais aussi dans ses échecs, ses erreurs et avec une tristesse qui le suit jusqu’au sommet. Coup de maître en matière d’originalité, d’avoir introduit dans le film un <i>sample</i> d’Aznavour par Eminem et Dr. Dre avec «What’s the Difference», qui vient bouleverser le rythme du film le rendant plus pimpant et plus vrai. Bel hommage, enfin, aux origines du chanteur en ayant placé dignement des images d’archives du génocide arménien.</p> <h3>Rétrospective</h3> <p><i>Et pourtant, pourtant…</i> la plus grande réussite du film reste son effet de rétrospective. Ceux qui auront été mitigés par <i>Monsieur Aznavour</i> auront au moins été séduits et emportés par l’occasion de réécouter et de célébrer Monsieur Aznavour. L’occasion aussi d’en apprendre davantage sur la vie de l’artiste. Quand on admire une personnalité, on aime partager, ou en l’occurrence repartager, ses joies dans ses conquêtes professionnelles ou amoureuses, et pleurer avec elle sur ses misères, comme le décès de son fils Patrick, qui a donné lieu d’ailleurs à «<a href="https://www.youtube.com/watch?v=Ll-C2ExMBXs" target="_blank" rel="noopener">L’aiguille</a>», l’une des chansons les plus émouvantes de son répertoire.</p> <p>Revenir sur la vie et l’œuvre d’Aznavour c’est accompagner chacune des étapes de sa propre vie par l’une de ses chansons. Et son répertoire est l’un des rares à offrir ce champ de textes propres à chaque occasion. Où est-ce qu’Aznavour me rejoint par son œuvre?</p> <p>J’abordais cette question dans une série d’articles rédigés en 2018, à l’occasion de son décès. Aznavour me rejoint dans ma <a href="https://leregardlibre.com/musique/la-dimension-chretienne-de-loeuvre-daznavour/" target="_blank" rel="noopener">vie spirituelle</a>, dans ma vie sexuelle – ou du moins telle que je la <a href="https://leregardlibre.com/musique/aznavour-un-chanteur-du-sexe/" target="_blank" rel="noopener">phantasme</a> – et surtout dans ma vie de <a href="https://leregardlibre.com/musique/aznavour-chante-les-loosers/" target="_blank" rel="noopener"><i>loser</i></a>. Aznavour chante les <i>losers</i>. Aznavour est un <i>loser</i>. J’en suis un aussi. <i>Et pourtant, pourtant…</i> le <i>loser</i> n’est pas celui qui a tout raté, loin de là. 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Alexandre est en pleine discussion avec un ami, du genre intelligent et entrepreneur. Cet ami lui fait comprendre que quelque chose ne va pas. «T’es vraiment un branleur! La seule chose que tu sais faire c’est bosser, bosser, bosser, mais t’entreprends rien à côté de ton travail. T’es pas motivé à apprendre de nouvelles choses… à devenir un gars un peu plus cultivé. Tout ce que tu sais faire, en rentrant du boulot, c’est regarder la télé.»
Alexandre ne l’a pas très bien pris. Franchement vexé. Lui, le beau gosse, le winner, celui qui se donne un mal de chien pour gravir les échelons au travail, voilà ce qu’il se ramasse en pleine poire! Un «branleur»… Encore un peu remonté, Alexandre se met à faire de l’ordre dans sa tête. Puis de l’ordre dans son appartement. Il commence à disposer joliment quelques livres sur une étagère. Et il se rend compte qu’il ne les a pas lus. Qu’il n’a jamais lu un livre. Pourquoi ne pas s’y mettre directement alors? Problème: les quelques livres qu’il possède ne l’inspirent pas.
Direction la librairie. Il faut acheter un livre. Il faut lire. Mais quoi? «Bonjour, je cherche un livre – Oui, quel genre de livre? – Je ne sais pas… un livre pour avoir quelque chose à lire, parce qu’en fait je n’ai jamais lu un livre de ma vie.» Non, pas possible… il serait passé pour un con, pense-t-il. Il tournicote dans la librairie, perdu.
Il reprend ses esprits et se dirige vers l’étal des nouveautés. Là, il est rassuré par un visage connu: Barack Obama. Enfin quelque chose qui lui parle! Il prend le livre en mains: Une terre promise. 829 pages, quand même… pour débuter, ça fait beaucoup. Mais puisque cet Obama a une sacrée bonne gueule, ça passe. Il achète.
Difficile mais en douceur
Le dépucelage commence en douceur. Il apprivoise le livre comme on apprivoise son premier partenaire. Il a très envie, il est excité. Mais il a peur de se lancer. Peur de ne pas jouir à hauteur de ses espoirs. Mais quand il faut y aller, il faut y aller. Il ouvre une première page, il commence à lire. Ça l’intéresse.
Première difficulté: il ne comprend pas tout. Certains mots lui échappent, certaines références aussi. Il cherche leur signification en ligne. Il s’égare aussi sur Wikipédia. Obama parle de Martin Luther King, alors Alexandre tape son nom. Il lâche sans arrêt le livre. Reste bloqué sur son téléphone portable. Ça commence mal. Il se dit qu’il n’arrivera jamais au bout.
Le lendemain, il continue. Toujours distrait par son téléphone. En allant chercher des mots, il en profite pour s’aventurer sur WhatsApp et consorts. Ça ne va pas. Il se décourage. Mais il ne veut pas lâcher l’affaire. «Tu vas voir que je vais te lire, toi!» Le jour d’après, il retente le coup. Cette fois-ci, il éteint son téléphone. Il gobe plus de vingt pages. Malheureusement, Alexandre a l’impression de n’avoir rien retenu. Trop de mots pas compris, trop de références passées à la trappe. Il soupire. Il angoisse.
Il se décide à appeler son père, un bouffeur de livres. Son conseil: recommencer l’ouvrage depuis le début et se munir d’un crayon à papier. Qu’il souligne les mots qu’il ne comprend pas, qu’il marque les passages où l’auteur écrit quelque chose d’important ou qui l’inspire. Qu’il les reprenne à la fin de sa lecture du jour, qu’il cherche les mots qu’il ne comprend pas.
Il se remet à sa lecture, depuis le début, crayon en main. Et ça va mieux. Même beaucoup mieux au bout d’une semaine. Il apprend un tas de choses, il comprend ce qu’il lit. Ça lui plaît. Il commence à se passionner. Comme le jeune homme qui se détend après quelque va-et-vient hésitants.
La passion le prend tellement qu’il avance à coups de cinquante pages par jour. Chaque jour, impatient de reprendre sa lecture. C’est bon de fréquenter un livre. C’est bon de l’étreindre. Et puis vient l’orgasme. Oh oui! Il l’a fait! 829 pages! Fini! Il se sent tout bizarre. Il est fier. Emu.
Une première fois, un premier bonheur
Alors c’était comment? Difficile au début, mais après «wow!» Qu’est-ce que ça a été de lire un livre pour la première fois? Premièrement, Alexandre s’est rendu compte qu’il pouvait se passer de la télévision. Il ne l’a pas reniée, mais il lui accorde une place plus équilibrée.
Il dit avoir aussi rechargé les batteries en matière de confiance en soi. Il se sent plus intelligent, et surtout capable de le devenir toujours davantage. Un livre peut offrir un espace de réflexion illimité. Un livre aide à cerner un personnage, à saisir l’humain, à comprendre le monde.
Et Une terre promise? «J’ai voyagé avec Obama. J’avais l’impression de le suivre. Même parfois d’être dans sa peau. J’ai vécu des émotions fortes avec lui. Il m’a fait goûter au rêve américain. Je ne vise pas de devenir président des Etats-Unis, mais j’ai envie de lui ressembler. C’est fou! Avoir passé ces trois semaines avec lui, ça a dopé ma volonté. Devenir quelqu’un, me dépasser. Avoir “l’audace d’espérer”, comme dit Obama. Vivre mes rêves et pas juste rêver ma vie.»
Une bonne lecture ça vous change un homme. Une première fois, ça marque. Ça vous donne envie de le refaire, encore et encore. Aux puceaux de la littérature, ou à ceux qui ne l’ont plus fait depuis si longtemps, et si vous tentiez le coup? Et si vous trouviez un livre qui vous inspire, que vous le pénétriez en profondeur? Que vous retrouviez la passion torride d’une première fois?
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Le film est bien décevant sous certains aspects, il comporte bien des problèmes tant au niveau du jeu que de la réalisation. <i>Et pourtant, pourtant…</i> ce film a du cœur.</p> <p>Aussi, être grincheux face à cette équipe de jeunes qui aiment sincèrement Aznavour et qui se sont donnés de la peine pour réaliser ce film, ce serait jouer les scribouillards qui critiquent tout sans avoir jamais rien fait par soi. La critique aurait eu de quoi se déchaîner si le film et son équipe étaient prétentieux. <i>Et pourtant, pourtant…</i> il n’en est rien. Etre grincheux, c’eût été encore faire le jeu de ces critiques qui s’en prenaient à Aznavour lui-même en écrivant, pour l’un d'eux cité dans le film, «comment peut-on laisser un infirme chanter?», avant de venir présenter ses excuses à un Aznavour bonhomme qui n’en tient pas rigueur et qui offre même une coupe de champagne à son détracteur.</p> <p><i>Et pourtant, pourtant…</i> disons ce qu’il y a à dire. Le jeu de Tahar Rahim, avec les qualités de ses défauts, est davantage une imitation, parfois exagérée aux confins du ridicule, qu’une interprétation. Sans parler des colères surfaites de Charles qui auraient eu davantage leur place sur des planches de théâtre que sur un plateau de cinéma. Quant à la famille Aznavourian et leur entourage, jamais n’a été livrée une mise en scène aussi caricaturale des gentils Arméniens qui aiment la poésie et les fêtes, et qui sont très pauvres mais vraiment très très gentils, généreux et accueillants alors. On est à la limite du racisme.</p> <p>La musique et les paroles d’Aznavour passent comme une bande-son qui font compagnie aux images. Et la trame est agencée sans aucune originalité. 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