Avec un taux d'imposition unique de 0,05 pour mille sur toutes les transactions financières électroniques, les initiants assurent que les pouvoirs publics sortiraient gagnants de cette réforme radicale. © Marcel Grieder - CC via Flickr
L'initiative prévoyant de dynamiter le système fiscal actuel pour le remplacer par un microimpôt sur les transactions financières débute sa collecte de signatures début mars. Une occasion rêvée d'ouvrir un débat de fond sur un nouveau partage de la facture publique.
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La logique commande d’en tirer les conséquences: les biens gelés doivent servir à financer la reconstruction.</p> <h3>Précédents dans le Golfe</h3> <p>La question de l’utilisation des avoirs gelés est aussi ancienne que les sanctions elles-mêmes. Dès les premiers jours de la guerre, il a semblé clair pour de nombreux experts et décideurs occidentaux que les centaines de milliards de dollars appartenant à la Russie ne seraient jamais retournés au gouvernement responsable de la guerre, et pour cause: en septembre dernier, une estimation conjointe de la Banque mondiale, de la Commission européenne et du gouvernement ukrainien évaluait les coûts de reconstruction des infrastructures à 349 milliards de dollars. Lors de la Conférence de Lugano de l’été dernier, Kiev avait même présenté une facture de 750 milliards, incluant les pertes économiques imputables à la guerre. 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Le premier samedi soir de la guerre d'agression russe en Ukraine, le 26 février, la Maison-Blanche communiquait sa volonté, et celle de ses alliés britanniques, allemands, français, italiens, canadiens et de l'Union européenne, de «créer un groupe de travail transatlantique chargé de s'assurer de la bonne application des sanctions financières en identifiant et en gelant les actifs des individus et des entreprises basés dans nos juridictions».</p> <p>Et quelques lignes en-dessous, le communiqué précisait: «nous allons engager d'autres gouvernements». Lisez: ceux des pays qui ont massivement accueilli des fortunes de milliardaires russes, dont, évidemment, la Suisse, Chypre, les Emirats arabes unis et quelques autres paradis fiscaux.</p> <h3>Faire parler la carpe</h3> <p>Chacun a bien compris la portée de la charge lancée à toute vapeur dans la stupeur et la colère des premiers jours du conflit. La dynamique créée par la rupture de l'ordre international est de celle qui a le potentiel de se transformer en «game changer», c'est-à-dire de modifier durablement les règles du jeu. Comme celle des attentats du 11-Septembre, qui ont abouti à la criminalisation internationale de l'argent du terrorisme, ou celle de la crise financière de 2008, qui a débouché, comme les banquiers suisses le savent, sur la disparition du secret bancaire pour les questions fiscales.</p> <p>En clair: pour traquer les secrets financiers de Vladimir Poutine et des près de 900 autres personnes ciblées par les sanctions occidentales, il faut commettre ce qui n'avait jamais été sérieusement tenté jusqu'ici: s'enfoncer dans la jungle des sociétés offshore, trusts, fondations, sociétés de domicile, «limited partnerships» et autres. Démêler les cachotteries des avocats, des notaires, des fiduciaires et des hommes et femmes de paille. Amener les banquiers à parler. Et donc, convaincre des professions entières de passer à table alors qu'elles avaient jusqu'ci fermement tout mis en œuvre pour surtout ne pas le faire, en employant une arme redoutable: convaincre leurs gouvernements qu'ils avaient plus à perdre qu'à gagner en les obligeant à la transparence. Autant amener une carpe à parler.</p> <h3>Des yachts saisis, mais...</h3> <p>Pourtant, la dynamique de «perçage de coffres» a été confirmée le 11 mars lorsque le G7 (les mêmes pays que ceux ci-dessus, plus le Japon) et l'Australie annonçaient avoir «rendu opérationnel» le groupe de travail annoncé le 26 février. Baptisé REPO, pour Russian Elites, Proxies, and Oligarchs multilateral task force, il a explicitement pour but de «recueillir et partager les informations permettant de déclencher des actions concrètes, dont des sanctions, des gels d'avoirs et des saisies civiles et pénales d'actifs ainsi que des poursuites judiciaires», selon un communiqué du Trésor américain du 17 mars.</p> <p>Depuis lors, le travail avance. A quel rythme? C'est là que les choses se compliquent. Des yachts d'oligarques ont été saisis, certes. Des villas somptueuses ont été confisquées, certes. Des comptes en banques et autres actifs financiers ont été gelés pour un total de quelques milliards de francs, certes. Mais nombre d'autres yachts ont pu fuir et se réfugier qui en Turquie, qui aux Emirats, aux Seychelles ou aux Maldives (voire dans l'enclave russe de Kaliningrad pour l'un des navires personnels de Vladimir Poutine). Et des fortunes considérablement plus élevées continuent d'échapper aux enquêteurs. De quelle ampleur? Mystère. Les seuls avoirs de Vladimir Poutine ont fait l'objet d'estimations de plusieurs dizaines, voire centaines de milliards de dollars. Pour donner une idée: la Suisse a annoncé le blocage de 5,7 milliards de francs. Or, la fortune détenue par des personnes russes dans les banques suisses est estimée entre 150 et 200 milliards.</p> <h3>Des peines de prison</h3> <p>La première difficulté est de recueillir l'information. Or, celle-ci est dispersée à l'extrême entre des administrations qui ne sont pas forcément outillées pour appliquer des sanctions – comme les registres fonciers – et qui sont parfois en concurrence les unes avec les autres. Pour recueillir l'information, il faut aussi amener les gens à parler. 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Plus les fortunes qu'ils devront geler ou saisir seront élevées, plus leur responsabilité implicite dans l'accueil des milliards de Vladimir Poutine et de ses amis sera éclatante. Pas bon pour l'image. Mais il y a pire: l'entreprise de perçage de secrets russes risque fort d'aboutir à des révélations fort désagréables pour les maîtres de l'opacité financière. Les oligarques russes n'ont pas fait des affaires seuls dans leur coin: ils avaient nécessairement d'innombrables partenaires d'autres pays, à commencer par les Occidentaux.</p> <p>Aussi, en révélant les secrets de tel milliardaire russe, ce sont ceux de beaucoup d'autres milliardaires des pays du G7 et de leurs partenaires dans cette traque (dont la Suisse), de leurs banques, de leurs avocats, de leurs fiduciaires, de leurs hommes de paille qui vont être mis au jour. 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Le monde l'a bien compris, qui a porté le baril de brut au-delà de 100 dollars, et le boisseau de blé le niveau record de 9,26 dollars le boisseau (25 kilos), sitôt la nouvelle de l'agression de l'armée russe connue jeudi matin.</p> <p>Qui, plus est, la Russie jouit d'une situation macroéconomique et financière plus saine que la moyenne des pays développés. La balance commerciale est bénéficiaire (26,7 milliards de dollars), la dette publique est extrêmement basse par rapport aux pays développés (17,6% du PIB), les réserves de change sont très élevées (630,2 milliards de dollars). Les experts s'accordent depuis longtemps à dire que si le pays était exclu du système interbancaire SWIFT, comme l'envisagent très sérieussement les Etats-Unis et les Européens, le système bancaire domestique pourrait compter sur un système alternatif, SPFS (System for Transfer of Financial Messages), mis en place depuis 2016. Dire que la Russie est un colosse qui ne se laisse pas facilement impressionner tient du truisme.</p> <h3>Faiblesses structurelles</h3> <p>Un colosse aux pieds d'argile, pour reprendre la vieille image. Une fragilité qui réduit fortement ses chances de soutenir un effort de guerre sur la durée Les marchés financiers en sont bien conscients: les bourses et la monnaie russes ont chuté bien davantage que leurs homologues occidentales lors du premier jour de la guerre. Si le rouble était une monnaie-refuge, cela se saurait!</p> <p>La principale ressource du pays est la vente de pétrole et de gaz. Or, les principaux clients sont ces fameux Européens que l'on présente si dépendants. La Chine pourrait-elle racheter ce gaz que ces mêmes Européens boycotteraient? Certainement, à un problème près: les capacités de transport vers l'Empire du Milieu sont six fois moindres que celles développées depuis des décennies vers l'Ouest, selon le dernier numéro de <em>The Economist</em>.</p> <p>L'activité manufacturière, présentée comme la colonne vertébrale de la puissance économique d'un pays, est faible en Russie: elle ne représente qu'un dixième du PIB, soit une proportion de moitié moindre que celle de la France, un pays qui souffre pourtant de désindustrialisation. Aucun grand groupe industriel russe ne rivalise avec un Volkswagen allemand ou avec un Boeing américain, ni en taille ni en rayonnement international.</p> <p>Ce déséquilibre de la composition économique se reflète dans la composition des grandes entreprises russes: sur les dix plus grandes, quatre sont actives dans l'extraction et la commercialisation de pétrole et de gaz, deux sont des banques, deux sont de grands distributeurs, genre Coop-Migros. L'on y trouve aussi les chemins de fer. 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C'est probablement la proposition la plus décoiffante faite ces dernières années pour répondre aux déséquilibres de plus en plus flagrants entre la taxation des revenus du travail et du capital. L'initiative sur le microimpôt entame la collecte des signatures cette semaine après plus de deux ans de gestation. Si ses auteurs recueillent les 100 000 signatures d'ici à l'automne 2021, le peuple pourra se prononcer sur une mesure révolutionnaire, mais de plus en plus dans l'air du temps, taxer les transactions financières plutôt que les revenus du travail ou la consommation, actuellement les deux principaux piliers de la fiscalité.
Les initiants, qui se recrutent principalement dans les milieux académiques et financiers, proposent de supprimer tous les impôts sur le revenu ainsi que la TVA et – clin d'œil aux banques et aux assurances, dont c'est le cauchemar – le droit de timbre. Et de les remplacer par un impôt unique sur toutes les transactions financières passant par la voie électronique. Cet impôt concernerait bien sûr les gigantesques transactions interbancaires, et notamment boursières. Mais aussi les paiements faits par les entreprises à leurs clients et à leurs salariés, et même les retraits que tout un chacun fait au bancomat. Le taux serait évidemment très bas: 0,05 pour mille (50 centimes pour un retrait de 1000 francs à l'automate). En dépit de ce prélèvement insignifiant, les initiants assurent que les revenus seraient tels que les pouvoirs publics en sortiraient largement gagnants.
Des opposants résolus
On ne sera pas surpris toutefois que l'idée ne plaise ni aux banques ni aux cantons. Les premières critiquent le fait de s'aventurer en terrain inconnu. Aucun pays, estiment-elles, n'a franchi pareil pas. La mise en place serait difficile, particulièrement si elle ne se fait que dans un seul pays. En fait, ce qu'elles redoutent le plus, c'est de devoir assumer l'essentiel de la charge fiscale avec la taxation (même à échelle très réduite) de transactions gigantesques mais qui échappent aujourd'hui complètement à l'impôt.
Les seconds, quant à eux, redoutent de perdre une marge de manœuvre précieuse en matière fiscale. Quelle part de souveraineté leur resterait-ils si une tranche essentielle de leurs rentrées fiscales dépendait d'un taux unique valable dans tout le pays au lieu du système actuel, qui laisse une grande autonomie à chacun de nos micro-Etats? Le souci de nos administrations fiscales va jusqu'à se demander ce que deviendraient les myriades de conventions fiscales bilatérales avec d'autres pays. Il est vrai que rétablir des équivalences se transformerait vite en casse-tête pour experts et diplomates.
Ménages gagnants
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Le grand mystère
L'inconnu du comportement des principaux contribuables est la principale faiblesse de l'initiative sur le microimpôt. Comme aucune réponse concrète ne peut être apportée tant que la proposition n'est pas appliquée dans le monde réel, il faudrait réaliser des études pour tenter d'en estimer l'impact. Pas une seule étude, dont la conclusion sera dictée autant par la sensibilité et l'inclination de ses auteurs que par les faits, mais plusieurs, réalisées par des experts différents et indépendants aussi bien des initiants que des banques.
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Quelle part de souveraineté leur resterait-ils si une tranche essentielle de leurs rentrées fiscales dépendait d'un taux unique valable dans tout le pays au lieu du système actuel, qui laisse une grande autonomie à chacun de nos micro-Etats? Le souci de nos administrations fiscales va jusqu'à se demander ce que deviendraient les myriades de conventions fiscales bilatérales avec d'autres pays. Il est vrai que rétablir des équivalences se transformerait vite en casse-tête pour experts et diplomates.</p> <h3>Ménages gagnants</h3> <p>Mais les gagnants ne seraient-ils pas les ménages? Sur un revenu médian d'un peu plus de 100 000 francs, l'impôt à payer par an chuterait à quelque 50 francs, un chiffre qui fait évidemment rêver! On peut aussi y inclure les entreprises, qui verraient disparaître leur impôt sur le bénéfice.</p> <p>Le risque évidemment, c'est de faire reposer une part essentielle des revenus de l'Etat sur un seul pilier, les transactions financières. Or, si le travail est, par définition, peu mobile, tel n'est pas le cas des transactions financières. Nombre de celles-ci peuvent être délocalisées sans beaucoup d'autres efforts qu'un peu de logistique. Si tel est le cas, une part indéterminée de la base fiscale s'évanouirait tout simplement, contraignant l'Etat à refaire tout ses calculs... voire à relever le taux d'impôt, qui ne serait ainsi plus aussi insignifiant que prévu.</p> <h3>Le grand mystère</h3> <p>L'inconnu du comportement des principaux contribuables est la principale faiblesse de l'initiative sur le microimpôt. Comme aucune réponse concrète ne peut être apportée tant que la proposition n'est pas appliquée dans le monde réel, il faudrait réaliser des études pour tenter d'en estimer l'impact. 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La logique commande d’en tirer les conséquences: les biens gelés doivent servir à financer la reconstruction.</p> <h3>Précédents dans le Golfe</h3> <p>La question de l’utilisation des avoirs gelés est aussi ancienne que les sanctions elles-mêmes. Dès les premiers jours de la guerre, il a semblé clair pour de nombreux experts et décideurs occidentaux que les centaines de milliards de dollars appartenant à la Russie ne seraient jamais retournés au gouvernement responsable de la guerre, et pour cause: en septembre dernier, une estimation conjointe de la Banque mondiale, de la Commission européenne et du gouvernement ukrainien évaluait les coûts de reconstruction des infrastructures à 349 milliards de dollars. Lors de la Conférence de Lugano de l’été dernier, Kiev avait même présenté une facture de 750 milliards, incluant les pertes économiques imputables à la guerre. Depuis lors, les missiles et les obus ont continué de pleuvoir, faisant exploser la facture.</p> <p>Parallèlement, les avoirs publics russes bloqués en Occident dépassent 300 milliards de dollars, essentiellement sous la forme de réserves de change de la banque centrale russe (316 milliards au 31 décembre 2021). En octobre dernier, le <a href="https://fsi.stanford.edu/working-group-sanctions" target="_blank" rel="noopener">Groupe de travail international sur les sanctions russes</a> publiait un papier justifiant leur confiscation en fonction d’une interprétation du droit international appliquée précédemment lors de la première guerre du Golfe, lors de la reconstruction du Koweit, sur la résolution de l’Assemblée générale de l’ONU d’un retrait immédiat de l’armée russe d’Ukraine et sur un jugement de la Cour internationale de justice exigeant l’arrêt immédiat des opérations militaires. 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Le premier samedi soir de la guerre d'agression russe en Ukraine, le 26 février, la Maison-Blanche communiquait sa volonté, et celle de ses alliés britanniques, allemands, français, italiens, canadiens et de l'Union européenne, de «créer un groupe de travail transatlantique chargé de s'assurer de la bonne application des sanctions financières en identifiant et en gelant les actifs des individus et des entreprises basés dans nos juridictions».</p> <p>Et quelques lignes en-dessous, le communiqué précisait: «nous allons engager d'autres gouvernements». Lisez: ceux des pays qui ont massivement accueilli des fortunes de milliardaires russes, dont, évidemment, la Suisse, Chypre, les Emirats arabes unis et quelques autres paradis fiscaux.</p> <h3>Faire parler la carpe</h3> <p>Chacun a bien compris la portée de la charge lancée à toute vapeur dans la stupeur et la colère des premiers jours du conflit. 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Et donc, convaincre des professions entières de passer à table alors qu'elles avaient jusqu'ci fermement tout mis en œuvre pour surtout ne pas le faire, en employant une arme redoutable: convaincre leurs gouvernements qu'ils avaient plus à perdre qu'à gagner en les obligeant à la transparence. Autant amener une carpe à parler.</p> <h3>Des yachts saisis, mais...</h3> <p>Pourtant, la dynamique de «perçage de coffres» a été confirmée le 11 mars lorsque le G7 (les mêmes pays que ceux ci-dessus, plus le Japon) et l'Australie annonçaient avoir «rendu opérationnel» le groupe de travail annoncé le 26 février. Baptisé REPO, pour Russian Elites, Proxies, and Oligarchs multilateral task force, il a explicitement pour but de «recueillir et partager les informations permettant de déclencher des actions concrètes, dont des sanctions, des gels d'avoirs et des saisies civiles et pénales d'actifs ainsi que des poursuites judiciaires», selon un communiqué du Trésor américain du 17 mars.</p> <p>Depuis lors, le travail avance. A quel rythme? C'est là que les choses se compliquent. Des yachts d'oligarques ont été saisis, certes. Des villas somptueuses ont été confisquées, certes. Des comptes en banques et autres actifs financiers ont été gelés pour un total de quelques milliards de francs, certes. Mais nombre d'autres yachts ont pu fuir et se réfugier qui en Turquie, qui aux Emirats, aux Seychelles ou aux Maldives (voire dans l'enclave russe de Kaliningrad pour l'un des navires personnels de Vladimir Poutine). Et des fortunes considérablement plus élevées continuent d'échapper aux enquêteurs. De quelle ampleur? Mystère. Les seuls avoirs de Vladimir Poutine ont fait l'objet d'estimations de plusieurs dizaines, voire centaines de milliards de dollars. Pour donner une idée: la Suisse a annoncé le blocage de 5,7 milliards de francs. Or, la fortune détenue par des personnes russes dans les banques suisses est estimée entre 150 et 200 milliards.</p> <h3>Des peines de prison</h3> <p>La première difficulté est de recueillir l'information. Or, celle-ci est dispersée à l'extrême entre des administrations qui ne sont pas forcément outillées pour appliquer des sanctions – comme les registres fonciers – et qui sont parfois en concurrence les unes avec les autres. Pour recueillir l'information, il faut aussi amener les gens à parler. 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Le monde l'a bien compris, qui a porté le baril de brut au-delà de 100 dollars, et le boisseau de blé le niveau record de 9,26 dollars le boisseau (25 kilos), sitôt la nouvelle de l'agression de l'armée russe connue jeudi matin.</p> <p>Qui, plus est, la Russie jouit d'une situation macroéconomique et financière plus saine que la moyenne des pays développés. La balance commerciale est bénéficiaire (26,7 milliards de dollars), la dette publique est extrêmement basse par rapport aux pays développés (17,6% du PIB), les réserves de change sont très élevées (630,2 milliards de dollars). Les experts s'accordent depuis longtemps à dire que si le pays était exclu du système interbancaire SWIFT, comme l'envisagent très sérieussement les Etats-Unis et les Européens, le système bancaire domestique pourrait compter sur un système alternatif, SPFS (System for Transfer of Financial Messages), mis en place depuis 2016. Dire que la Russie est un colosse qui ne se laisse pas facilement impressionner tient du truisme.</p> <h3>Faiblesses structurelles</h3> <p>Un colosse aux pieds d'argile, pour reprendre la vieille image. Une fragilité qui réduit fortement ses chances de soutenir un effort de guerre sur la durée Les marchés financiers en sont bien conscients: les bourses et la monnaie russes ont chuté bien davantage que leurs homologues occidentales lors du premier jour de la guerre. Si le rouble était une monnaie-refuge, cela se saurait!</p> <p>La principale ressource du pays est la vente de pétrole et de gaz. Or, les principaux clients sont ces fameux Européens que l'on présente si dépendants. La Chine pourrait-elle racheter ce gaz que ces mêmes Européens boycotteraient? Certainement, à un problème près: les capacités de transport vers l'Empire du Milieu sont six fois moindres que celles développées depuis des décennies vers l'Ouest, selon le dernier numéro de <em>The Economist</em>.</p> <p>L'activité manufacturière, présentée comme la colonne vertébrale de la puissance économique d'un pays, est faible en Russie: elle ne représente qu'un dixième du PIB, soit une proportion de moitié moindre que celle de la France, un pays qui souffre pourtant de désindustrialisation. Aucun grand groupe industriel russe ne rivalise avec un Volkswagen allemand ou avec un Boeing américain, ni en taille ni en rayonnement international.</p> <p>Ce déséquilibre de la composition économique se reflète dans la composition des grandes entreprises russes: sur les dix plus grandes, quatre sont actives dans l'extraction et la commercialisation de pétrole et de gaz, deux sont des banques, deux sont de grands distributeurs, genre Coop-Migros. L'on y trouve aussi les chemins de fer. Et, enfin, un groupe technologique.</p> <p>Le pays, enfin, est très mal classé pour les question de gouvernance. Cela nuit à l'efficacité de son économie, de son administration et amoindrit la qualité de vie de sa population. L'ONG Transparency International le classe parmi les 25% de plus mauvais élèves à son indice de perception de la corruption. La Banque mondiale le classe certes à un honorable 28ème rang pour la facilité à y faire des affaires, mais tant l'IMD que le World Economic Forum le classent respectivement au 45ème et au 43ème rang en matière de compétitivité.</p> <h3>Deux fois la Suisse</h3> <p>Alors, bien sûr, la Russie est au deuxième rang mondial en matière de production d'armes. Mais le numéro un reste les Etats-Unis. Un pays qui se classe, là encore un truisme, loin devant dans tous les autres, dans les classements énumérés ci-dessus, pour le meilleur comme pour le pire. Enfin, en terme de production de richesses calculée par le PIB, l'addition des économies occidentales déterminées à sanctionner la Russie (Etats-Unis, UE, Royaume-Uni, Japon) est... 28 fois supérieure à celui du pays de Vladimir Poutine.</p> <p>L'économie russe est certes nettement plus solide, puissante, mieux organisée et protégée qu'il y a vingt ans. Mais elle ne représente jamais que deux fois celle de la Suisse, alors que le pays est 16,5 fois plus peuplé. Très solidement basée sur des activités dont l'importance stratégique n'échappe à personne (énergies, armement), elle accuse un retard croissant en matière technologique, qu'un isolement accru du fait de sanctions renforcées ne ferait qu'accentuer. Les hackers russes ont démontré leurs capacités de nuisance. Mais en face, il y a la Silicon Valley et tous ses avatars occidentaux. L'armée russe peut envahir son faible voisin (au PIB comparable à celui de... la Suisse romande). Mais le coût d'une guerre longue pourrait bien être trop élevé pour une économie russe qui n'en a sans doute pas les moyens.</p> <h3>Idéologie et réalité</h3> <p>L'historien français Olivier Wieviorka s'est attelé à comparer les potentiels économiques des belligérants de la Seconde guerre mondiale. Celui de l'Allemagne nazie, on le sait, avait été grandement accru par la politique protectionniste du IIIe Reich et optimisé par l'Organisation Todt. Mais cela n'a pas suffi face à l'immensité des ressources cumulées des Alliés occidentaux et... des Soviétiques.</p> <p>Le seul argument en faveur de Vladimir Poutine est le manque de motivation profonde des Européens et des Américains pour aller au combat pour l'Ukraine, d'où ses tentatives de diviser le camp occidental pour mieux faire valoir ses vues. Mais le maître du Kremlin, comme son intervention télévisée du mardi 21 janvier l'a démontré, se laisse aveugler: il privilégie son idéologie agressive aux réalités macroéconomiques. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
2 Commentaires
@Eggi 08.03.2020 | 19h00
«Voilà une première information sur un sujet nouveau de par l'initiative lancée en Suisse, mais déjà largement débattu ailleurs. L'idée selon laquelle il faudrait commencer par introduire cet impôt à côté des autres, ceux-ci en tenant évidemment compte, rencontre l'objection formulée par l'auteur de l'article, selon laquelle il est difficile d'évaluer les impacts multiples de la nouvelle assiette fiscale.»
@HCC 12.03.2020 | 16h04
«Merci de me dire où je peux trouver cette initiative ... que je puisse la signer !
HCC»