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Lu ailleurs

Lu ailleurs / Le mystère des passeurs ukrainiens

Anna Lietti

31 octobre 2019

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La principale voie d’accès migratoire à l’Italie passe désormais de la mer Egée à la mer Ionienne, sur la route des anciens contrebandiers en cigarettes. Les voyageurs sont kurdes, pakistanais ou venus d’Asie du Sud-Est. Les passeurs, immanquablement ukrainiens dans une organisation à dominante turque. Le «Corriere della sera» a documenté cette nouvelle «immigration de première classe».



C’est ce qui s’appelle une arrestation au faciès. Mais, une fois n’est pas coutume, les traits physiques qui ont trahi les deux suspects arrêtés il y a trois semaines par les carabiniers de Reggio Calabria sont les cheveux blonds et les yeux bleus. Et pour cause: sur les 80 passeurs arrêtés depuis 2016 en Calabre et dans les Pouilles, tous étaient ukrainiens, sauf deux Lettons. Leurs clients avaient déboursé 10 000 euros pour une traversée de la mer ionienne qui s’effectue souvent en voilier. Non sans une pointe d’ironie, les spécialistes du terrain parlent d’«immigration de première classe».

Dans un reportage paru dans le Corriere della sera, Marco Imarisio a documenté cette route migratoire réactivée il y a 3 ans, qui emprunte l’ancien tracé des contrebandiers en cigarettes, au départ des côtes turques ou grecques. Le procureur de Crotone, Giuseppe Capoccia, explique la différence avec la migration nettement plus précaire qui va de l’Afrique à la Sicile: «Il s’agit de deux phénomènes complètement différents. On parle ici d’immigrés kurdes, pakistanais, souvent venus du Sud-Est asiatique, presque tous en route vers l’Allemagne. Ce sont des migrants économiques, bien scolarisés, informés, qui voyagent souvent par familles entières. Ils paient cher, ils voyagent dans des conditions presque acceptables, au point que, au moment de juger les passeurs, nous peinons à plaider le traitement inhumain et dégradant.»

Les enquêtes mettent en évidence l’existence d’un «réseau criminel trasnational» bien organisé, scruté de près par la direction antimafia de Catanzaro. Voici le témoignage d’Y.K, 29 ans, passeur ukrainien arrêté cet été: «En mars dernier, j’ai mis une annonce dans un journal ukrainien, en quête d’un travail bien payé au vu de mes qualités de marin et d’ex militaire. Après quelques jours une personne m’a contacté, elle m’a proposé 2600 euros pour faire un voyage en bateau, sans plus de détails. Je suis parti avec deux autres membres d’équipage d’une ville fluviale ukrainienne, où on m’a fourni les documents et la clé du bateau. Du fleuve, nous avons rejoint la mer, puis la Turquie, avec des arrêts à Canakkale et Babakale. Là, nous avons embarqué les personnes. Nous avons voyagé cinq jours. J’avais l’interdiction d’accepter de l’argent des migrants.» La majorité des bateaux sont loués dans les ports de départ, certains résultent volés en Biélorussie. Sur le portable de tous les passeurs arrêtés on trouve un message venu de Turquie avec les coordonnées pour le débarquement.

Les migrants, eux, parlent tous d’une somme d’environ 10 000 euros, versée à des intermédiaires turcs. Le témoignage d’un agronome pakistanais confirme une organisation bien dotée: «Les passeurs étaient munis de nourriture pour tous et d’un équipement pour échapper aux contrôles. Après avoir reçu un message, ils puisaient dans un caisson les drapeaux à hisser en fonction des eaux territoriales. Nous sommes partis avec le drapeau turc, puis il y a eu le grec, et enfin l’italien.»

En 2018, les carabiniers ont dénombré 48 débarquements, dont 18 sur le seul littoral calabrais de Crotone, très prisé. Cette année, ils sont en augmentation: 15 arrivées pour le seul mois de septembre entre Crotone et Reggio Calabria. Les bateaux transportent entre 30 et 60 migrants. «La route de l’Est qui passe par la mer Egée représente désormais la principale voie d’accès à l’Italie», conclut le Corriere della sera.


Pour lire l'article original en italien, c'est par ici 

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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

1 Commentaire

@stef 23.12.2019 | 22h26

«Tant que la répartition des richesses de ce monde sera inégale, les êtres humains rêveront d’un avenir meilleur pour leurs enfants, dans un lieu meilleur.
Les premières migrations humaines ont suivi ce principe, cela continue à présent et c’est logique.

Les opprimeurs sont toujours la cible des opprimés ! »


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