Actuel / Plongée au cœur du parlement européen
La mobilité du travail, précisément, était l’un des thèmes forts de cette journée. © Jonas Follonier
Le mardi 16 avril 2019 a son importance dans l’histoire de l’Union parlementaire. Au parlement de Strasbourg, l’observateur suisse que je suis a pu assister à des décisions importantes concernant le droit du travail, à des discussions intenses entre les journalistes sur la succession de Juncker et au discours d’adieu de Jean-Marie Le Pen, notamment. Récit d’une première fois dans l’antre de l’hémicycle.
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La montée des forces eurosceptiques dans les Etats membres, l’incertitude quant à la succession de Jean-Claude Juncker et la confiance perdue des peuples envers l’Union débouchent sur une situation inédite. </p><h3>Le souverainisme contemporain </h3><p>Il y avait de l’émotion, aussi, en ce mardi 16 avril, dans la voix de plusieurs eurodéputés se représentant pour un nouveau mandat, ou pour d’autres qui, eux, s’en vont. Sans doute Jean-Marie Le Pen est-il un cas plus que spécial, dans la mesure où il ne va pas manquer au parlement – et il le lui rend bien. Cette Europe, il la hait, et le patriarche n’a pas manqué de l’exprimer de l’intérieur au cours de ses trente-quatre ans passés (parfois) dans l’hémicycle. Trop «technocratique», trop «fédéraliste», trop «néolibérale», l’Union européenne représente pour la figure de proue de la droite nationale française ce qu’elle déteste par-dessus tout: la négation des nations. 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Nous parlons de la censure d’opinions et de crachats au visage d’intellectuels français venus simplement présenter leur livre à un petit public curieux de se confronter à un avis nuancé sur les débats qui secouent actuellement la notion de genre. Les psychanalystes Céline Masson et Caroline Elliachef étaient venues le 29 avril parler de leurs critiques à l’égard de la médicalisation précoce des enfants qui désirent changer de sexe; le philosophe Eric Marty était quant à lui venu le 17 mai parler de la différence entre l’approche anglo-saxonne et l’approche européenne du genre dans l’histoire des idées. 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Ces convictions partagées permettent au Rectorat de renoncer au dépôt de plainte pénale initialement envisagé (…)»</p> <p>Faut-il en déduire que les conférences empêchées par les activistes LGBTQI+ n’auraient pas dû être organisées? Autrement dit, l’université donne-t-elle raison aux manifestants – au-delà de la violence dont ils ont fait usage – sur le bien-fondé de leur indignation? On pourrait le croire en lisant également ce passage: «Indépendamment de sa forme, l’action menée par les manifestant-es le 17 mai est révélatrice de la souffrance qui affecte certains groupes vulnérables – dont les personnes trans – et qui implique pour l’institution un devoir particulier de protection.»</p> <h3>Cotisations obligatoires et fonctionnement démocratique</h3> <p>Il ne sera pas question ici d’établir qui a gagné ce «match» (comme si on ne le savait pas, du reste), mais de livrer quelques informations sur cette faîtière d’étudiants et ses équivalents romands. 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Nous n’avons malheureusement pas réussi à contacter la CUAE, mais les informations à disposition de tous et les contacts pris auprès d’autres faîtières suffisent à répondre aux besoins de cet article.</p> <p>De manière générale, toutes les faîtières d’associations étudiantes nichées dans les universités romandes poursuivent les mêmes objectifs: mettre en réseau la communauté estudiantine, défendre ses intérêts auprès du rectorat et auprès du canton, favoriser l’égalité des chances, financer des événements ou des activités d’associations d’étudiants, etc. Bref, soutenir les étudiants.</p> <p>Pour être membre de la CUAE, il suffit de s’affilier à l’une des associations étudiantes de l’Université de Genève, qui elles-mêmes composent la CUAE. Une contribution de 5 CHF est alors prélevée dans les taxes universitaires que paient de toute manière les étudiants. Mais il est aussi possible de s’engager pour la CUAE à titre individuel. Par comparaison, «l’Association Générale des Etudiant·e·s de l’Université de Fribourg» (AGEF) vit grâce à une cotisation obligatoire de 20 CHF pour tout étudiant, dont une bonne partie repart dans les sections de la faîtière (une section par département ou faculté). C’est à peu près la même chose à Neuchâtel, où tous les étudiants sont <em>de facto</em> membres de la «Fédération des étudiant·e·s neuchâtelois·e·s» (FEN) et paient ainsi une cotisation de 15 CHF, comprise dans la taxe d’étude. Si quelqu’un ne souhaite pas la payer, il doit démissionner par écrit de la faîtière.</p> <p>On part alors du principe que les faîtières en question doivent se sentir responsables de leur caractère représentatif vis-à-vis des étudiants qu’elles fédèrent. Mais pas besoin de trop gratter pour se rendre compte qu’il ne s’agit pas vraiment du genre de la maison. La CUAE se définit sur son site comme «association faîtière et syndicat des étudiant.e.x.s de l’Université de Genève, et leur porte-parole auprès des autorités universitaires et politiques». Déjà, même s’il s’agit d’une volonté des individus qui composent la CUAE, son statut de syndicat pose question, dans la mesure où il reflète une certaine culture politique: n’y a-t-il pas incompatibilité entre cette nature de syndicat (unique en Suisse parmi les universités) et le fait de devoir représenter les étudiants dans leur diversité (y compris politique, diversité qu’on oublie souvent)?</p> <h3>Revendications politiques «si ça concerne les étudiants»</h3> <p>En partant de cette interrogation, on peut tirer un fil logique pour questionner les types de revendications portées par la CUAE et par leurs émules romandes. Si les représentants de toutes les autres faîtières estudiantines nous ont déclaré qu’ils condamnaient les moyens violents utilisés par les manifestants genevois pour faire entendre leur cause, ils sont également unanimes sur la limite que leurs associations se fixent concernant leurs revendications politiques. En effet, toutes les faîtières se donnent la compétence de prendre publiquement position «quand le sujet concerne les étudiants». Voici comment par exemple Guillaume Haas détaille le cas de l’AGEF, qu’il co-préside:</p> <p>«Notre grande différence avec la CUAE (Genève) est que l’AGEF (Fribourg) est représentée à tous les niveaux de l’université de Fribourg. Et quand je dis à tous les niveaux, c’est à tous les niveaux: au Sénat, qui est l’organe suprême de l’université, mais aussi dans la moindre des petites commissions. L’UniFR est l’une des universités les plus démocratiques d’Europe. C’est ce qui explique que l’AGEF ait peu de coups d’éclat, contrairement à nos camarades de la CUAE. Je ne leur en fait pas le reproche: c’est leur seul moyen de se faire entendre. Sur le plan des idées politiques, j’observe qu’il y a des personnes de tous bords à l’AGEF. Il y a des sensibilités différentes qui s’expriment lors de discussions sur les budgets et l’allocation des fonds, par exemple. Mais l’AGEF est apolitique: nous ne fonctionnons pas avec un système de représentants par partis. On ne parle que de politique quand le sujet concerne les étudiants.»</p> <p>Or, cela devient plus difficile à appliquer dans des exemples concrets. C’est que cette ligne de conduite a priori juste et inoffensive est on ne peut plus floue. A partir de combien d’étudiants concernés une affaire est censée «concerner les étudiants»? Outre l’intégration des étudiants transgenres dans la forme des statuts de l’Union des étudiant-e-s de Suisse (UNES), les délégués de cette «faîtière des faîtières» ont par exemple traité d’une initiative populaire en assemblées des délégués, parce que la votation faisait courir un risque au programme ERASMUS, même si les étudiants n’étaient pas cités dans le texte. Rebelote avec la question de l’accord-cadre et HORIZON2020. Un ancien responsable de la FEN, la faîtière neuchâteloise, confie:</p> <p>«Peu de personnes s’engagent dans ces structures. Il y a eu des assemblées générales de la FEN où nous étions dix. Le fait que trop peu de gens s’y engagent ouvre la porte au fait que des activistes de groupes très virulents, qui ont l’habitude de participer et de mobiliser leurs "troupes" pour une cause, ramènent tous leurs amis.»</p> <p>Notre source explique avoir été prise de cours avec le reste du comité il y a quelques années: certains cercles militants qui connaissaient bien le système de la fédération ont requis une AG extraordinaire et ont pu avancer leurs pions en quasi-unanimité. A Genève, la CUAE indique elle-même sur son site que «l’association adopte la ligne et l’opinion de la majorité des gens qui s’y engagent». Les absents ont donc toujours tort, comme en démocratie. D’un certain point de vue, cela coule de source. Et il est vrai que si des étudiants ne se sentent pas représentés, ils ont intérêt à s’y engager.</p> <h3>Effet d'entre-soi</h3> <p>Mais d’un autre point de vue, comment en vouloir à des étudiants, qui n’adhèrent pas à la tendance «woke» ou «intersectionnelle» souvent représentée par ces associations qui raffolent d’écriture inclusive, de ne pas venir s’y impliquer? Un fait psychologique simple: quand la Fédération des Associations d’Etudiant-e-s-x (Lausanne) convoque une assemblée «ouverte à tou-x-te-s», un étudiant qui trouve cette graphie laide, contestable sur le fond, ridicule ou les trois à la fois se dira peut-être que le comité n’est sans doute pas si ouvert que cela à tout le monde, du moins pas aux idées qu’il défendrait s’il venait y parler en toute honnêteté.</p> <p>C’est un fait et non un commentaire, ni même une analyse: une idéologie radicale de gauche identitaire suinte du vocabulaire, du propos et des actions de la CUAE, comme de bien d’autres associations, y compris, mais dans une moindre mesure, les faîtières d’étudiants des autres universités. 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C’est une dernière session plénière un brin particulière qui a lieu cette semaine. En ce mardi matin, l’ambiance est à l’émotion. L’incendie de Notre-Dame semble ébranler sincèrement aussi bien les européens convaincus que les eurosceptiques. C’est une partie de la civilisation occidentale qui s’est effondrée avec cette ancienne charpente et cette pointe qui s’élançait vers les cieux, un symbole qui montre la réalité d’une Europe géographique et culturelle unie malgré tout. Ce qui, en revanche, ne se retrouve pas dans l’Europe politique. La montée des forces eurosceptiques dans les Etats membres, l’incertitude quant à la succession de Jean-Claude Juncker et la confiance perdue des peuples envers l’Union débouchent sur une situation inédite.
Le souverainisme contemporain
Il y avait de l’émotion, aussi, en ce mardi 16 avril, dans la voix de plusieurs eurodéputés se représentant pour un nouveau mandat, ou pour d’autres qui, eux, s’en vont. Sans doute Jean-Marie Le Pen est-il un cas plus que spécial, dans la mesure où il ne va pas manquer au parlement – et il le lui rend bien. Cette Europe, il la hait, et le patriarche n’a pas manqué de l’exprimer de l’intérieur au cours de ses trente-quatre ans passés (parfois) dans l’hémicycle. Trop «technocratique», trop «fédéraliste», trop «néolibérale», l’Union européenne représente pour la figure de proue de la droite nationale française ce qu’elle déteste par-dessus tout: la négation des nations. Vu des tribunes, le nonagénaire semble très fatigué, déchiffrant ses feuilles à quelques centimètres de son œil, affalé sur son fauteuil. N’ayant pas manqué cependant de glisser ce qui s’apparente à une blague à son dauphin Bruno Gollnisch avant le début des votes du matin. Son discours d’adieu, dans l’après-midi, a retenti comme un coup de tonnerre.
Les souverainistes de la nouvelle génération, portés notamment par la fille Le Pen, iront-ils aussi loin dans la critique de l’UE que le fondateur du Front national? Rien n’est moins sûr. Pour ces derniers, l’heure est plutôt à la critique interne. Mais les observateurs avec lesquels j’ai pu discuter dans la cafétéria bondée de l’espace presse ont de la peine à croire à un quelconque réformisme: c’est tout sauf une démarche positive dont font preuve au parlement le Rassemblement bleu marine, le FPÖ autrichien, la Lega italienne ou le Parti pour la liberté néerlandais. Voici donc la grande question qui se pose à l’égard des nouvelles droites nationalistes: même dans le cas d’un nombre de sièges qui augmente, arriveront-elles à peser sur le plan politique? Il faudra bien plus que de la rhétorique anti-élites pour y parvenir: une vision est nécessaire. Et des propositions.
Il reste que le départ de Jean-Marie Le Pen symbolise la fin d’une certaine droite dure à la française. Les souverainistes européens représentent une nouvelle idéologie, plus axée sur la souveraineté nationale que sur l’identité et plus critique envers le libéralisme économique. Même si l’immigration, il est utile de le rappeler, reste le thème numéro un de ces mouvements. Une vision que partage l’eurodéputé français Vincent Peillon, du Parti socialiste: «L’obsession de l’immigration et la préférence nationale restent les préoccupations premières de l’extrême droite», me dit-il au bout du fil. «Son nouveau discours est certes de 'changer l’Europe', mais c’est au fond le discours que tient tout le monde actuellement. Il faut faire attention à ce que l’extrême-droite est capable de faire une fois arrivée au pouvoir. Nous sous-estimons cela.»
Le débat de France 2 Demain, quelle France dans quelle Europe?, réunissant le 10 avril dernier les responsables des principales formations politiques françaises, était symptomatique de ce phénomène: tous entendent changer profondément l’Europe. Même Stanislas Guerini de La République en marche, qui était dans ses petits souliers. Fait encore plus marquant, chacun des débatteurs tenait un discours teinté de souverainisme et de protectionnisme: le libéralisme économique, il faut le dire, n’a pas la cote en France. Alors même que c’est Emmanuel Macron qui a été élu à la présidence de la République. Incohérence, quand tu nous tiens. Dans l’hémicycle, c’est une grande majorité libérale que j’ai pu observer parler, les socio-démocrates et les démocrates-chrétiens se rejoignant sur la défense du libre marché et la volonté d’adapter l’Union aux réalités de la numérisation et de la mobilité.
Vers une Europe sociale
La mobilité du travail, précisément, était l’un des thèmes forts de cette journée. Le parlement a notamment adopté le règlement sur la création d’une Autorité européenne du travail. La proposition venait de la Commission européenne, lors de son discours sur l’état de l’Union en 2017. L’objectif de cette instance? Garantir que «toutes les règles de l’UE en matière de mobilité des travailleurs soient mises en œuvre de manière juste, simple et efficace.» C’est après de longues négociations que le Parlement était arrivé, le lundi 14 février 2019, à un compromis. Le parlement votait mardi dernier sur le règlement, qui définit les détails du projet. Durant les débats, l’ambiance était plus à la rhétorique de tribuns qu’aux marmonnements de technocrates. Les élections à venir prochainement n’y étaient certainement pas pour rien.
Les partis dits «populistes», de gauche comme de droite, ont critiqué cette avancée sur le respect des normes en matière de mobilité du travail lors des débats. C’est ainsi que l’élu Konstantinos Papadakis, du Parti communiste grec, a déclaré: «Vous protégez et promouvez la galère de la mobilité du travail et du travail noir non assuré!», avant d’ajouter, de manière totalement paradoxale comme on en a l’habitude chez les europhobes: «Voter pour le Parti communiste grec, c’est voter contre la jungle de l’Union européenne!» Quant à la danoise Rina Ronja Kari, elle n’a pas hésité à affirmer que «c’est le marché unique qui crée l’éloignement politique des Européens», avant de conclure: «Que leur répond l’UE? Qu’il faut plus d’UE. […] Mais eux demandent d’avoir plus de pouvoir pour eux, pas pour l’UE!»
Difficile de comprendre cette gauche de la gauche s’élever contre un texte ayant pour objectif de «faire en sorte que le dumping social devienne un mauvais souvenir plutôt qu’une triste réalité», pour reprendre les mots du député socialiste français Guillaume Balas. Jamais l’UE ne s’est autant dirigée vers une protection des travailleurs au sein du marché unique, sur la base d’un terrain d’entente entre les grands groupes de gauche et de droite. Ce qui est plutôt bon signe. Un constat que partage Vincent Peillon, notre interlocuteur téléphonique: «Je ne crois pas à la liberté de l’individu sans justice sociale. Je me réjouis bien sûr de cette avancée.»
L’eurodéputé nous explique avoir pu compter lors de ses mandats sur la construction de larges majorités, malgré le clivage gauche-droite qui reste bien réel sur des sujets comme la fiscalité, l’écologie ou les réfugiés. Il concède en revanche n’avoir pas réussi à obtenir un écho auprès de ses collègues sur la dimension civilisationnelle de l’esprit public européen, qu’il s’est efforcé de vouloir réhabiliter lors de ses débuts au parlement: «Malheureusement, peu s’en soucient. Nous n’avons pas encore réussi, Européens, à nous affirmer porteurs d’une histoire commune. Il manque cet échange qui nous permettrait de mieux connaître les valeurs et les mœurs que nous partageons.» Ne serait-ce pas en effet ce qui manque à cette Union? Intéressant, en tous les cas.
Des craintes populaires
Mais surtout, une chose m’a frappé au parlement comme déjà lorsque j’avais visionné les débats. Il ne faudra pas s’étonner d’une montée des partis les plus à droite de l’échiquier politique – c’est une éventualité – si les «démocrates» adoptent une attitude telle que celle que l’on a pu voir sur le plateau de France 2. Par exemple, cet insoutenable mépris du ténor écologiste, la tête dans ses mains, durant toute la partie du débat sur l’immigration, qu’il n’estime ne pas être un thème important, pas même un thème tout court, puisque selon lui «le seul enjeu est l’enjeu écologique». Affirmer cela et ne rien opposer d’autre à Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan que «ouvrons grand nos frontières», c’est négliger certaines craintes populaires.
Dans les restaurants, les bars et les cafés, j’ai pu constater à Strasbourg le ras-le-bol de toute une partie de la population vis-à-vis d’une immigration ressentie comme massive et, selon leurs dires, d’un «deux poids deux mesures» de la police. Celle-ci, d’après plusieurs des personnes avec qui j’ai dialogué sans même venir sur le sujet, n’ose même plus intervenir face à l’incivilité de certaines populations nord-africaines, par exemple. Que cette réalité soit fantasmée, déformée, grossie, il n’en demeure pas moins que les problèmes existent et que la France, au même titre que les autres nations d’Europe, faillit dans le domaine de l’intégration. Ces données bénéficieront-elles aux nationalistes? Nous le verrons du 23 au 26 mai prochain.
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Nous n’avons malheureusement pas réussi à contacter la CUAE, mais les informations à disposition de tous et les contacts pris auprès d’autres faîtières suffisent à répondre aux besoins de cet article.</p> <p>De manière générale, toutes les faîtières d’associations étudiantes nichées dans les universités romandes poursuivent les mêmes objectifs: mettre en réseau la communauté estudiantine, défendre ses intérêts auprès du rectorat et auprès du canton, favoriser l’égalité des chances, financer des événements ou des activités d’associations d’étudiants, etc. Bref, soutenir les étudiants.</p> <p>Pour être membre de la CUAE, il suffit de s’affilier à l’une des associations étudiantes de l’Université de Genève, qui elles-mêmes composent la CUAE. Une contribution de 5 CHF est alors prélevée dans les taxes universitaires que paient de toute manière les étudiants. Mais il est aussi possible de s’engager pour la CUAE à titre individuel. 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La CUAE se définit sur son site comme «association faîtière et syndicat des étudiant.e.x.s de l’Université de Genève, et leur porte-parole auprès des autorités universitaires et politiques». Déjà, même s’il s’agit d’une volonté des individus qui composent la CUAE, son statut de syndicat pose question, dans la mesure où il reflète une certaine culture politique: n’y a-t-il pas incompatibilité entre cette nature de syndicat (unique en Suisse parmi les universités) et le fait de devoir représenter les étudiants dans leur diversité (y compris politique, diversité qu’on oublie souvent)?</p> <h3>Revendications politiques «si ça concerne les étudiants»</h3> <p>En partant de cette interrogation, on peut tirer un fil logique pour questionner les types de revendications portées par la CUAE et par leurs émules romandes. Si les représentants de toutes les autres faîtières estudiantines nous ont déclaré qu’ils condamnaient les moyens violents utilisés par les manifestants genevois pour faire entendre leur cause, ils sont également unanimes sur la limite que leurs associations se fixent concernant leurs revendications politiques. En effet, toutes les faîtières se donnent la compétence de prendre publiquement position «quand le sujet concerne les étudiants». Voici comment par exemple Guillaume Haas détaille le cas de l’AGEF, qu’il co-préside:</p> <p>«Notre grande différence avec la CUAE (Genève) est que l’AGEF (Fribourg) est représentée à tous les niveaux de l’université de Fribourg. Et quand je dis à tous les niveaux, c’est à tous les niveaux: au Sénat, qui est l’organe suprême de l’université, mais aussi dans la moindre des petites commissions. L’UniFR est l’une des universités les plus démocratiques d’Europe. C’est ce qui explique que l’AGEF ait peu de coups d’éclat, contrairement à nos camarades de la CUAE. Je ne leur en fait pas le reproche: c’est leur seul moyen de se faire entendre. Sur le plan des idées politiques, j’observe qu’il y a des personnes de tous bords à l’AGEF. Il y a des sensibilités différentes qui s’expriment lors de discussions sur les budgets et l’allocation des fonds, par exemple. Mais l’AGEF est apolitique: nous ne fonctionnons pas avec un système de représentants par partis. On ne parle que de politique quand le sujet concerne les étudiants.»</p> <p>Or, cela devient plus difficile à appliquer dans des exemples concrets. C’est que cette ligne de conduite a priori juste et inoffensive est on ne peut plus floue. A partir de combien d’étudiants concernés une affaire est censée «concerner les étudiants»? Outre l’intégration des étudiants transgenres dans la forme des statuts de l’Union des étudiant-e-s de Suisse (UNES), les délégués de cette «faîtière des faîtières» ont par exemple traité d’une initiative populaire en assemblées des délégués, parce que la votation faisait courir un risque au programme ERASMUS, même si les étudiants n’étaient pas cités dans le texte. Rebelote avec la question de l’accord-cadre et HORIZON2020. Un ancien responsable de la FEN, la faîtière neuchâteloise, confie:</p> <p>«Peu de personnes s’engagent dans ces structures. Il y a eu des assemblées générales de la FEN où nous étions dix. Le fait que trop peu de gens s’y engagent ouvre la porte au fait que des activistes de groupes très virulents, qui ont l’habitude de participer et de mobiliser leurs "troupes" pour une cause, ramènent tous leurs amis.»</p> <p>Notre source explique avoir été prise de cours avec le reste du comité il y a quelques années: certains cercles militants qui connaissaient bien le système de la fédération ont requis une AG extraordinaire et ont pu avancer leurs pions en quasi-unanimité. A Genève, la CUAE indique elle-même sur son site que «l’association adopte la ligne et l’opinion de la majorité des gens qui s’y engagent». Les absents ont donc toujours tort, comme en démocratie. D’un certain point de vue, cela coule de source. Et il est vrai que si des étudiants ne se sentent pas représentés, ils ont intérêt à s’y engager.</p> <h3>Effet d'entre-soi</h3> <p>Mais d’un autre point de vue, comment en vouloir à des étudiants, qui n’adhèrent pas à la tendance «woke» ou «intersectionnelle» souvent représentée par ces associations qui raffolent d’écriture inclusive, de ne pas venir s’y impliquer? Un fait psychologique simple: quand la Fédération des Associations d’Etudiant-e-s-x (Lausanne) convoque une assemblée «ouverte à tou-x-te-s», un étudiant qui trouve cette graphie laide, contestable sur le fond, ridicule ou les trois à la fois se dira peut-être que le comité n’est sans doute pas si ouvert que cela à tout le monde, du moins pas aux idées qu’il défendrait s’il venait y parler en toute honnêteté.</p> <p>C’est un fait et non un commentaire, ni même une analyse: une idéologie radicale de gauche identitaire suinte du vocabulaire, du propos et des actions de la CUAE, comme de bien d’autres associations, y compris, mais dans une moindre mesure, les faîtières d’étudiants des autres universités. 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Il constate en revanche un écart entre le discours de gauche et la réalité de son corps d’élus: «La pluralité et la tolérance, brandies si souvent par le PS et les Verts, sont bien plus présentes chez leurs adversaires dans les faits. On le constate aussi dans des débats de société actuels, avec par exemple le courant woke de la gauche qui souhaite restreindre la liberté d’expression, censurer des œuvres, interdire certaines discussions, etc.»</p> <h3>La diversité des profils socio-professionnels, un atout? </h3> <p>La discussion devient encore plus intéressante quand on se penche sur un autre schéma: celui de l’observatoire des élites suisses (OBELIS), de l’Université de Lausanne, représentant le profil socio-professionnel des politiciens actuellement sous la Coupole. Ceux-ci sont répertoriés selon la distinction «ayant suivi des hautes études - n’ayant pas suivi de hautes études». 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