A vif / Peut-on encore voyager à l'ère des smartphones?
«L'immersion est-elle véritablement possible à l'heure des iPhones et autres partenaires particuliers qui rendraient jaloux n'importe qui tant ils sont familiers de notre toucher?» © Bon pour la tête / Jonas Follonier
Choisir une destination, après réflexion ou non, faire sa valise, donner un dernier coup de ménage à son appartement, et partir. Partir au loin, partir à côté, mais partir. Le voyage a la cote. Mais qu'en est-il du véritable voyage, celui qui rime avec immersion dans une autre réalité? Est-il encore possible de vivre l'altérité tout en étant connecté avec le monde, avec son monde?
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Une vaste histoire d'aventures merveilleuses et scandaleuses, dans laquelle nous nous inscrivons.</p><p>Sauf que depuis quelques années, tout comme la possibilité de voyager, les outils technologiques aussi se sont démocratisés, au service d'un mondialisme de moins en moins consenti par les peuples européens dans leurs votes, mais bel et bien ancré dans leurs actes. Ce petit objet que nous avons tous dans notre proche en cet instant même, oui, le fameux smartphone, régente et régit nos vies. Et peu d'entre nous le laissent à la maison au moment d'aller prendre l'avion.</p><p>«Cela change-t-il vraiment quelque chose?» dira le sceptique. «Oui», lui répondrai-je. Imaginez: je m'envole au matin du 1er janvier pour Londres, où je vais séjourner pendant un mois pour améliorer mon anglais et me plonger dans l'atmosphère anglo-saxonne. Je relève une énième fois mes e-mails – mais enfin, il n'est même pas midi et je l'ai déjà fait une vingtaine de fois! – envoie quelques messages, lance une <em>playlist</em> musicale et mets l'appareil sous mode avion. L'interaction avec mon voisin s'est résumée à un «<em>Hello</em>» et à un sourire. Je me réjouis d'arriver dans la capitale anglaise une heure et demie plus tard, pour enfin découvrir cette ville et vivre une immersion.</p><p>Mais l'immersion est-elle véritablement possible à l'heure des iPhone et autres partenaires particuliers qui rendraient jaloux n'importe qui tant ils sont familiers de notre toucher? Pas si sûr. Voilà la réflexion qui fut la mienne et qui m'accompagna jusqu'à ce que je couche ces quelques réflexions sur papier. C'est bien beau, me suis-je reproché à de multiples reprises, de tenter d'entrer dans l'Altérité si c'est pour toujours en revenir à une connexion avec son petit monde. Déclencher la liaison internet de mon téléphone pour n'entendre que dans l'anglais? Impossible, il faut bien continuer à naviguer la moindre, journalisme oblige.</p><p>Heureusement, les choses ne sont pas toujours noires ou blanches. A part les colombes et les corbeaux. Des moyens existent pour s'adapter au lieu dont on veut s'approcher pour quelque temps. Ne converser qu'en anglais avec ses proches par messages, se forcer à aller le plus possible en ville, dans les pubs (<em>oh my God</em>, quelle règle difficile à suivre...), regarder tous les films en anglais, changer les paramètres de son téléphone (justement). Et, tout à coup, le voyage semble retrouver un sens. Oui, la société actuelle nous pousse au nombrilisme; mais y échapper représente une réussite autant excitante qu'elle est difficile.</p><p>Alors, vous commencez à vous comporter comme les Mister Bean que vous croisez dans la rue, à penser et rêver en anglais, à avoir une réelle interaction avec les nouvelles personnes rencontrées... Bref, à vivre une véritable immersion. Le voyage, l'exploration et le reportage n'en auront jamais fini de nous offrir leurs trésors. A nous d'enjamber les obstacles mis sur notre route par notre temps, comme put l'être jadis le manque de mobilité. Le voyage est sans doute le meilleur moteur d'inspiration, avec l'ennui. Contrairement aux clichés, voyage et ennui vont de pair: figurez-vous que l'idée du roman <em>Madame Bovary</em> est venue à Flaubert alors qu'il s'ennuyait ferme dans une croisière sur le Nil. 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Le rectorat a négocié avec la faîtière d’étudiants un accord commun – incluant tous les étudiants et collaborateurs de l’université – portant sur la défense de valeurs fondamentales telles que la liberté académique, la liberté d’expression, le refus de la violence, etc. Mais le <a href="https://www.unige.ch/communication/communiques/2022/luniversite-et-ses-etudiant-es-reaffirment-les-valeurs-de-linstitution">communiqué de l’université</a> souffre d’une certaine ambiguïté:</p> <p>«Par cette déclaration commune, le rectorat et les étudiant-es replacent (…) le débat dans son contexte académique et souhaitent rappeler des principes essentiels: le respect dû aux personnes passant par la lutte contre toute forme de discrimination, notamment de genre, d’origine ou de classe; le refus de la violence sous toutes ses formes; le respect de la liberté académique dans la recherche et l’enseignement, <em>encadrée par les valeurs précitées</em><sup><strong>1</strong></sup>. Ces convictions partagées permettent au Rectorat de renoncer au dépôt de plainte pénale initialement envisagé (…)»</p> <p>Faut-il en déduire que les conférences empêchées par les activistes LGBTQI+ n’auraient pas dû être organisées? Autrement dit, l’université donne-t-elle raison aux manifestants – au-delà de la violence dont ils ont fait usage – sur le bien-fondé de leur indignation? On pourrait le croire en lisant également ce passage: «Indépendamment de sa forme, l’action menée par les manifestant-es le 17 mai est révélatrice de la souffrance qui affecte certains groupes vulnérables – dont les personnes trans – et qui implique pour l’institution un devoir particulier de protection.»</p> <h3>Cotisations obligatoires et fonctionnement démocratique</h3> <p>Il ne sera pas question ici d’établir qui a gagné ce «match» (comme si on ne le savait pas, du reste), mais de livrer quelques informations sur cette faîtière d’étudiants et ses équivalents romands. Qui sont ces groupes désormais puissants dans les rapports de force idéologiques qui parcourent l’université et la société de manière générale (pour vous en convaincre, songez au fait qu’à Neuchâtel, les représentants des étudiants avaient réussi à ne faire comptabiliser que les réussites d’examens, et pas les échecs, en période de Covid)? Nous n’avons malheureusement pas réussi à contacter la CUAE, mais les informations à disposition de tous et les contacts pris auprès d’autres faîtières suffisent à répondre aux besoins de cet article.</p> <p>De manière générale, toutes les faîtières d’associations étudiantes nichées dans les universités romandes poursuivent les mêmes objectifs: mettre en réseau la communauté estudiantine, défendre ses intérêts auprès du rectorat et auprès du canton, favoriser l’égalité des chances, financer des événements ou des activités d’associations d’étudiants, etc. Bref, soutenir les étudiants.</p> <p>Pour être membre de la CUAE, il suffit de s’affilier à l’une des associations étudiantes de l’Université de Genève, qui elles-mêmes composent la CUAE. Une contribution de 5 CHF est alors prélevée dans les taxes universitaires que paient de toute manière les étudiants. Mais il est aussi possible de s’engager pour la CUAE à titre individuel. Par comparaison, «l’Association Générale des Etudiant·e·s de l’Université de Fribourg» (AGEF) vit grâce à une cotisation obligatoire de 20 CHF pour tout étudiant, dont une bonne partie repart dans les sections de la faîtière (une section par département ou faculté). C’est à peu près la même chose à Neuchâtel, où tous les étudiants sont <em>de facto</em> membres de la «Fédération des étudiant·e·s neuchâtelois·e·s» (FEN) et paient ainsi une cotisation de 15 CHF, comprise dans la taxe d’étude. Si quelqu’un ne souhaite pas la payer, il doit démissionner par écrit de la faîtière.</p> <p>On part alors du principe que les faîtières en question doivent se sentir responsables de leur caractère représentatif vis-à-vis des étudiants qu’elles fédèrent. Mais pas besoin de trop gratter pour se rendre compte qu’il ne s’agit pas vraiment du genre de la maison. La CUAE se définit sur son site comme «association faîtière et syndicat des étudiant.e.x.s de l’Université de Genève, et leur porte-parole auprès des autorités universitaires et politiques». Déjà, même s’il s’agit d’une volonté des individus qui composent la CUAE, son statut de syndicat pose question, dans la mesure où il reflète une certaine culture politique: n’y a-t-il pas incompatibilité entre cette nature de syndicat (unique en Suisse parmi les universités) et le fait de devoir représenter les étudiants dans leur diversité (y compris politique, diversité qu’on oublie souvent)?</p> <h3>Revendications politiques «si ça concerne les étudiants»</h3> <p>En partant de cette interrogation, on peut tirer un fil logique pour questionner les types de revendications portées par la CUAE et par leurs émules romandes. Si les représentants de toutes les autres faîtières estudiantines nous ont déclaré qu’ils condamnaient les moyens violents utilisés par les manifestants genevois pour faire entendre leur cause, ils sont également unanimes sur la limite que leurs associations se fixent concernant leurs revendications politiques. En effet, toutes les faîtières se donnent la compétence de prendre publiquement position «quand le sujet concerne les étudiants». Voici comment par exemple Guillaume Haas détaille le cas de l’AGEF, qu’il co-préside:</p> <p>«Notre grande différence avec la CUAE (Genève) est que l’AGEF (Fribourg) est représentée à tous les niveaux de l’université de Fribourg. Et quand je dis à tous les niveaux, c’est à tous les niveaux: au Sénat, qui est l’organe suprême de l’université, mais aussi dans la moindre des petites commissions. L’UniFR est l’une des universités les plus démocratiques d’Europe. C’est ce qui explique que l’AGEF ait peu de coups d’éclat, contrairement à nos camarades de la CUAE. Je ne leur en fait pas le reproche: c’est leur seul moyen de se faire entendre. Sur le plan des idées politiques, j’observe qu’il y a des personnes de tous bords à l’AGEF. Il y a des sensibilités différentes qui s’expriment lors de discussions sur les budgets et l’allocation des fonds, par exemple. Mais l’AGEF est apolitique: nous ne fonctionnons pas avec un système de représentants par partis. On ne parle que de politique quand le sujet concerne les étudiants.»</p> <p>Or, cela devient plus difficile à appliquer dans des exemples concrets. C’est que cette ligne de conduite a priori juste et inoffensive est on ne peut plus floue. A partir de combien d’étudiants concernés une affaire est censée «concerner les étudiants»? Outre l’intégration des étudiants transgenres dans la forme des statuts de l’Union des étudiant-e-s de Suisse (UNES), les délégués de cette «faîtière des faîtières» ont par exemple traité d’une initiative populaire en assemblées des délégués, parce que la votation faisait courir un risque au programme ERASMUS, même si les étudiants n’étaient pas cités dans le texte. Rebelote avec la question de l’accord-cadre et HORIZON2020. Un ancien responsable de la FEN, la faîtière neuchâteloise, confie:</p> <p>«Peu de personnes s’engagent dans ces structures. Il y a eu des assemblées générales de la FEN où nous étions dix. Le fait que trop peu de gens s’y engagent ouvre la porte au fait que des activistes de groupes très virulents, qui ont l’habitude de participer et de mobiliser leurs "troupes" pour une cause, ramènent tous leurs amis.»</p> <p>Notre source explique avoir été prise de cours avec le reste du comité il y a quelques années: certains cercles militants qui connaissaient bien le système de la fédération ont requis une AG extraordinaire et ont pu avancer leurs pions en quasi-unanimité. A Genève, la CUAE indique elle-même sur son site que «l’association adopte la ligne et l’opinion de la majorité des gens qui s’y engagent». Les absents ont donc toujours tort, comme en démocratie. D’un certain point de vue, cela coule de source. Et il est vrai que si des étudiants ne se sentent pas représentés, ils ont intérêt à s’y engager.</p> <h3>Effet d'entre-soi</h3> <p>Mais d’un autre point de vue, comment en vouloir à des étudiants, qui n’adhèrent pas à la tendance «woke» ou «intersectionnelle» souvent représentée par ces associations qui raffolent d’écriture inclusive, de ne pas venir s’y impliquer? Un fait psychologique simple: quand la Fédération des Associations d’Etudiant-e-s-x (Lausanne) convoque une assemblée «ouverte à tou-x-te-s», un étudiant qui trouve cette graphie laide, contestable sur le fond, ridicule ou les trois à la fois se dira peut-être que le comité n’est sans doute pas si ouvert que cela à tout le monde, du moins pas aux idées qu’il défendrait s’il venait y parler en toute honnêteté.</p> <p>C’est un fait et non un commentaire, ni même une analyse: une idéologie radicale de gauche identitaire suinte du vocabulaire, du propos et des actions de la CUAE, comme de bien d’autres associations, y compris, mais dans une moindre mesure, les faîtières d’étudiants des autres universités. Et quand on se réunit autour de croyances sur les ressorts cachés du «système» et de la «société», par exemple leurs soi-disants ressorts «racistes» ou «transphobes», tout en excluant ou en méprisant – ne serait-ce que par un regard – toute autre approche, cela ressemble plus à une secte qu’à une association d’étudiants.</p> <p>Nous nous permettrons alors cette remarque personnelle: face à ce constat, au lieu de traquer les manifestations d’idéologie là où elles apparaîtront forcément à un moment donné, l’être humain étant ce qu’il est, ne vaudrait-il par mieux porter haut la valeur du pluralisme? Et se donner les moyens – pourquoi pas inventifs – de garantir cette diversité d’idées? Fait amusant, dans la Berne fédérale, l’association des étudiants s’organise autour… de représentants de partis. Cette solution a le mérite d’assumer la dimension politique de la démarche, tout en lui garantissant un certain équilibre. 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Mais il est parfois utile de jeter un coup d’œil plus affuté sur les représentants que nous avons encore actuellement à Berne. Car la composition d’un législatif dit quelque chose de la sociologie politique d’un pays. Deux prismes sont choisis ici: la diversité d’idées parmi les élus de chaque parti ainsi que leur profil socio-professionnel. Deux entrées a priori indépendantes mais qui touchent néanmoins à un thème commun: le pluralisme, garant, selon beaucoup de théories, d’une certaine représentativité de la société dans sa diversité.</p> <h3>Le pluralisme des idées, un gros mot à gauche?</h3> <p>On parle toujours de «l’avis des partis» sur tel ou tel sujet. Certes, les diverses formations politiques, par les votes de leurs délégués lors des assemblées, adoptent des résolutions, des prises de position, etc. Mais on oublie souvent que les partis sont composés de personnes, dont les plus importantes politiquement, dans une démocratie représentative, sont les élus. 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Il fut un temps où les jeunes issus des bonnes familles européennes effectuaient leur «Tour d'Europe», pour découvrir le monde et se former. Même si cette sorte de tradition n'était réservée qu'à une élite, elle dit quelque chose de notre identité d'Européens. Partir, aller à la rencontre de l'altérité, de l'exotisme, écrire des récits de voyage, voilà une chose que chérit le Vieux Continent. Partir à la conquête du monde, en quelque sorte, pour le meilleur et pour le pire. Fonder un Nouveau Monde, ou revenir dans le sien. Une vaste histoire d'aventures merveilleuses et scandaleuses, dans laquelle nous nous inscrivons.
Sauf que depuis quelques années, tout comme la possibilité de voyager, les outils technologiques aussi se sont démocratisés, au service d'un mondialisme de moins en moins consenti par les peuples européens dans leurs votes, mais bel et bien ancré dans leurs actes. Ce petit objet que nous avons tous dans notre proche en cet instant même, oui, le fameux smartphone, régente et régit nos vies. Et peu d'entre nous le laissent à la maison au moment d'aller prendre l'avion.
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Mais l'immersion est-elle véritablement possible à l'heure des iPhone et autres partenaires particuliers qui rendraient jaloux n'importe qui tant ils sont familiers de notre toucher? Pas si sûr. Voilà la réflexion qui fut la mienne et qui m'accompagna jusqu'à ce que je couche ces quelques réflexions sur papier. C'est bien beau, me suis-je reproché à de multiples reprises, de tenter d'entrer dans l'Altérité si c'est pour toujours en revenir à une connexion avec son petit monde. Déclencher la liaison internet de mon téléphone pour n'entendre que dans l'anglais? Impossible, il faut bien continuer à naviguer la moindre, journalisme oblige.
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Je relève une énième fois mes e-mails – mais enfin, il n'est même pas midi et je l'ai déjà fait une vingtaine de fois! – envoie quelques messages, lance une <em>playlist</em> musicale et mets l'appareil sous mode avion. L'interaction avec mon voisin s'est résumée à un «<em>Hello</em>» et à un sourire. Je me réjouis d'arriver dans la capitale anglaise une heure et demie plus tard, pour enfin découvrir cette ville et vivre une immersion.</p><p>Mais l'immersion est-elle véritablement possible à l'heure des iPhone et autres partenaires particuliers qui rendraient jaloux n'importe qui tant ils sont familiers de notre toucher? Pas si sûr. Voilà la réflexion qui fut la mienne et qui m'accompagna jusqu'à ce que je couche ces quelques réflexions sur papier. C'est bien beau, me suis-je reproché à de multiples reprises, de tenter d'entrer dans l'Altérité si c'est pour toujours en revenir à une connexion avec son petit monde. Déclencher la liaison internet de mon téléphone pour n'entendre que dans l'anglais? Impossible, il faut bien continuer à naviguer la moindre, journalisme oblige.</p><p>Heureusement, les choses ne sont pas toujours noires ou blanches. A part les colombes et les corbeaux. Des moyens existent pour s'adapter au lieu dont on veut s'approcher pour quelque temps. Ne converser qu'en anglais avec ses proches par messages, se forcer à aller le plus possible en ville, dans les pubs (<em>oh my God</em>, quelle règle difficile à suivre...), regarder tous les films en anglais, changer les paramètres de son téléphone (justement). Et, tout à coup, le voyage semble retrouver un sens. Oui, la société actuelle nous pousse au nombrilisme; mais y échapper représente une réussite autant excitante qu'elle est difficile.</p><p>Alors, vous commencez à vous comporter comme les Mister Bean que vous croisez dans la rue, à penser et rêver en anglais, à avoir une réelle interaction avec les nouvelles personnes rencontrées... Bref, à vivre une véritable immersion. Le voyage, l'exploration et le reportage n'en auront jamais fini de nous offrir leurs trésors. A nous d'enjamber les obstacles mis sur notre route par notre temps, comme put l'être jadis le manque de mobilité. Le voyage est sans doute le meilleur moteur d'inspiration, avec l'ennui. Contrairement aux clichés, voyage et ennui vont de pair: figurez-vous que l'idée du roman <em>Madame Bovary</em> est venue à Flaubert alors qu'il s'ennuyait ferme dans une croisière sur le Nil. 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Le rectorat a négocié avec la faîtière d’étudiants un accord commun – incluant tous les étudiants et collaborateurs de l’université – portant sur la défense de valeurs fondamentales telles que la liberté académique, la liberté d’expression, le refus de la violence, etc. Mais le <a href="https://www.unige.ch/communication/communiques/2022/luniversite-et-ses-etudiant-es-reaffirment-les-valeurs-de-linstitution">communiqué de l’université</a> souffre d’une certaine ambiguïté:</p> <p>«Par cette déclaration commune, le rectorat et les étudiant-es replacent (…) le débat dans son contexte académique et souhaitent rappeler des principes essentiels: le respect dû aux personnes passant par la lutte contre toute forme de discrimination, notamment de genre, d’origine ou de classe; le refus de la violence sous toutes ses formes; le respect de la liberté académique dans la recherche et l’enseignement, <em>encadrée par les valeurs précitées</em><sup><strong>1</strong></sup>. 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Qui sont ces groupes désormais puissants dans les rapports de force idéologiques qui parcourent l’université et la société de manière générale (pour vous en convaincre, songez au fait qu’à Neuchâtel, les représentants des étudiants avaient réussi à ne faire comptabiliser que les réussites d’examens, et pas les échecs, en période de Covid)? 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Par comparaison, «l’Association Générale des Etudiant·e·s de l’Université de Fribourg» (AGEF) vit grâce à une cotisation obligatoire de 20 CHF pour tout étudiant, dont une bonne partie repart dans les sections de la faîtière (une section par département ou faculté). C’est à peu près la même chose à Neuchâtel, où tous les étudiants sont <em>de facto</em> membres de la «Fédération des étudiant·e·s neuchâtelois·e·s» (FEN) et paient ainsi une cotisation de 15 CHF, comprise dans la taxe d’étude. Si quelqu’un ne souhaite pas la payer, il doit démissionner par écrit de la faîtière.</p> <p>On part alors du principe que les faîtières en question doivent se sentir responsables de leur caractère représentatif vis-à-vis des étudiants qu’elles fédèrent. Mais pas besoin de trop gratter pour se rendre compte qu’il ne s’agit pas vraiment du genre de la maison. La CUAE se définit sur son site comme «association faîtière et syndicat des étudiant.e.x.s de l’Université de Genève, et leur porte-parole auprès des autorités universitaires et politiques». Déjà, même s’il s’agit d’une volonté des individus qui composent la CUAE, son statut de syndicat pose question, dans la mesure où il reflète une certaine culture politique: n’y a-t-il pas incompatibilité entre cette nature de syndicat (unique en Suisse parmi les universités) et le fait de devoir représenter les étudiants dans leur diversité (y compris politique, diversité qu’on oublie souvent)?</p> <h3>Revendications politiques «si ça concerne les étudiants»</h3> <p>En partant de cette interrogation, on peut tirer un fil logique pour questionner les types de revendications portées par la CUAE et par leurs émules romandes. Si les représentants de toutes les autres faîtières estudiantines nous ont déclaré qu’ils condamnaient les moyens violents utilisés par les manifestants genevois pour faire entendre leur cause, ils sont également unanimes sur la limite que leurs associations se fixent concernant leurs revendications politiques. En effet, toutes les faîtières se donnent la compétence de prendre publiquement position «quand le sujet concerne les étudiants». Voici comment par exemple Guillaume Haas détaille le cas de l’AGEF, qu’il co-préside:</p> <p>«Notre grande différence avec la CUAE (Genève) est que l’AGEF (Fribourg) est représentée à tous les niveaux de l’université de Fribourg. Et quand je dis à tous les niveaux, c’est à tous les niveaux: au Sénat, qui est l’organe suprême de l’université, mais aussi dans la moindre des petites commissions. L’UniFR est l’une des universités les plus démocratiques d’Europe. C’est ce qui explique que l’AGEF ait peu de coups d’éclat, contrairement à nos camarades de la CUAE. Je ne leur en fait pas le reproche: c’est leur seul moyen de se faire entendre. Sur le plan des idées politiques, j’observe qu’il y a des personnes de tous bords à l’AGEF. Il y a des sensibilités différentes qui s’expriment lors de discussions sur les budgets et l’allocation des fonds, par exemple. Mais l’AGEF est apolitique: nous ne fonctionnons pas avec un système de représentants par partis. On ne parle que de politique quand le sujet concerne les étudiants.»</p> <p>Or, cela devient plus difficile à appliquer dans des exemples concrets. C’est que cette ligne de conduite a priori juste et inoffensive est on ne peut plus floue. A partir de combien d’étudiants concernés une affaire est censée «concerner les étudiants»? Outre l’intégration des étudiants transgenres dans la forme des statuts de l’Union des étudiant-e-s de Suisse (UNES), les délégués de cette «faîtière des faîtières» ont par exemple traité d’une initiative populaire en assemblées des délégués, parce que la votation faisait courir un risque au programme ERASMUS, même si les étudiants n’étaient pas cités dans le texte. Rebelote avec la question de l’accord-cadre et HORIZON2020. Un ancien responsable de la FEN, la faîtière neuchâteloise, confie:</p> <p>«Peu de personnes s’engagent dans ces structures. Il y a eu des assemblées générales de la FEN où nous étions dix. 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Et il est vrai que si des étudiants ne se sentent pas représentés, ils ont intérêt à s’y engager.</p> <h3>Effet d'entre-soi</h3> <p>Mais d’un autre point de vue, comment en vouloir à des étudiants, qui n’adhèrent pas à la tendance «woke» ou «intersectionnelle» souvent représentée par ces associations qui raffolent d’écriture inclusive, de ne pas venir s’y impliquer? 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Mais il est parfois utile de jeter un coup d’œil plus affuté sur les représentants que nous avons encore actuellement à Berne. Car la composition d’un législatif dit quelque chose de la sociologie politique d’un pays. Deux prismes sont choisis ici: la diversité d’idées parmi les élus de chaque parti ainsi que leur profil socio-professionnel. Deux entrées a priori indépendantes mais qui touchent néanmoins à un thème commun: le pluralisme, garant, selon beaucoup de théories, d’une certaine représentativité de la société dans sa diversité.</p> <h3>Le pluralisme des idées, un gros mot à gauche?</h3> <p>On parle toujours de «l’avis des partis» sur tel ou tel sujet. Certes, les diverses formations politiques, par les votes de leurs délégués lors des assemblées, adoptent des résolutions, des prises de position, etc. Mais on oublie souvent que les partis sont composés de personnes, dont les plus importantes politiquement, dans une démocratie représentative, sont les élus. 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Les résultats du sondage «Smartvote» le montrent (voir les trois graphiques ci-dessous).</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1648117898_capturedcran2022032411.30.40.png" class="img-responsive img-fluid center " width="551" height="616" /></p> <h4 style="text-align: left;"><em>Elus du Conseil national en 2019, sondage Smartvote.</em></h4> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1648118007_capturedcran2022032411.32.44.png" class="img-responsive img-fluid center " width="547" height="596" /></p> <h4><em>Elus du Conseil des Etats (premier tour) en 2019, sondage Smartvote.</em></h4> <p><em><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1648118085_capturedcran2022032411.34.13.png" class="img-responsive img-fluid center " width="549" height="568" /></em></p> <h4><em>Elus du Conseil des Etats (second tour) en 2019, sondage Smartvote.</em></h4> <p>Cette enquête demande aux candidats d’une élection en Suisse de répondre à 75 questions d’ordre politique («Etes-vous favorable à une hausse de l'âge de la retraite (p. ex. à 67 ans)?», «L’expansion du réseau mobile selon la norme 5G doit-elle se poursuivre?», «Le financement des partis ainsi que celui des campagnes pour les élections et les votations devrait-il être transparent?», ou encore «Les conditions de naturalisation devraient-elles être revues à la hausse?»). Sur la base des réponses, ces candidats sont classés selon un axe des abscisses «gauche-droite» et un axe des ordonnées «libéral-conservateur». Les résultats servent ensuite à générer des recommandations de vote pour tout citoyen qui participe à son tour au sondage.</p> <p>La première conclusion que l’on peut tirer des graphiques ci-dessus, c’est qu’il semble régner, au sein de l’Assemblée fédérale actuelle, un plus grand écart d’idées politiques au sein d’un parti de droite ou du centre qu’au sein d’un parti de gauche. On pourrait objecter, avec raison, que les critères «libéral» versus «conservateur» sont moins pertinents à gauche qu’à droite, et que l’écart observé verticalement sur le graphique est donc biaisé. Or, on remarque également une plus grande distance sur l’axe <i>horizontal</i> entre les points les plus éloignés d’un même parti de droite que ceux d’un même parti de gauche. Ce qui signifie bien qu’il y a plus de différences entre les ailes gauche et droite d’un parti de droite (ou du centre) qu’entre les ailes gauche et droite d’un parti de gauche. Fait éclairant, le constat peut être vérifié avec d’autres élections sur le site de Smartvote, par exemple l’actuel scrutin vaudois.</p> <p>Interrogé sur ces données, l’historien et juriste Olivier Meuwly, membre du PLR, prêche d’abord pour sa paroisse: «Le pluralisme des idées est une vertu sur le plan intellectuel». Mais il nuance aussitôt: «Cela peut être aussi un facteur de confusion ou de division sur le plan électoral.» Historiquement, les libéraux-radicaux ont toujours eu cette caractéristique, explique le spécialiste. Une caractéristique qu’il juge donc neutre: les partis de droite n’en ressortent pas plus légitimes. Il constate en revanche un écart entre le discours de gauche et la réalité de son corps d’élus: «La pluralité et la tolérance, brandies si souvent par le PS et les Verts, sont bien plus présentes chez leurs adversaires dans les faits. On le constate aussi dans des débats de société actuels, avec par exemple le courant woke de la gauche qui souhaite restreindre la liberté d’expression, censurer des œuvres, interdire certaines discussions, etc.»</p> <h3>La diversité des profils socio-professionnels, un atout? </h3> <p>La discussion devient encore plus intéressante quand on se penche sur un autre schéma: celui de l’observatoire des élites suisses (OBELIS), de l’Université de Lausanne, représentant le profil socio-professionnel des politiciens actuellement sous la Coupole. Ceux-ci sont répertoriés selon la distinction «ayant suivi des hautes études - n’ayant pas suivi de hautes études». Le résultat semble comme calqué sur les graphiques précédents (pluralisme des idées):</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1648117695_capturedcran2022032411.27.09.png" class="img-responsive img-fluid center " width="555" height="386" /></p> <h4><em>Observatoire des élites suisses (Obelis) de l’Université de Lausanne, graphique publié dans <i>Le Temps</i> le 24 octobre 2019.</em></h4> <p>Là encore, Olivier Meuwly sourit: «Il y a une contradiction évidente entre le fait de se proclamer le parti des prolétaires et de ne plus l’être depuis longtemps au niveau de ses représentants, comme d’une partie de ses électeurs d’ailleurs.» Il n’empêche, en théorie, rien ne défend à un professeur d’université de s’intéresser à la condition des ouvriers. Mais il faut noter toutes les fois où la gauche, dans notre pays, place au premier plan de ses revendications l’égalité des chances, la dignité de chaque individu, le fait que chacun puisse et doive s’engager en politique ou dans un conseil d’administration, etc. Il y a donc un paradoxe évident entre la forte présence de ces thèmes au niveau de la posture de la gauche et la réalité des origines socio-professionnelles au niveau de ses représentants.</p> <p>Encore une fois, il n’a pas été question ici d’évaluer positivement ou négativement une homogénéité d’opinions ou de parcours. Mais de pointer des faits et de les mettre en perspective avec le langage de la gauche. Cette famille de pensée, incontournable dans la vie politique suisse, devrait davantage se pencher sur ses paradoxes. «C’est une des conditions pour que la social-démocratie, prise dans ses contradictions internes, ne subisse pas une dégringolade à la française – moins violente, mais quand même. 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Le deuxième tour dans le Canton de Vaud sera un bon test», conclut Olivier Meuwly, pour qui rien n’est encore écrit.</p>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'les-partis-de-droite-sont-plus-diversifies-que-les-partis-de-gauche', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 556, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 8, 'person_id' => (int) 2374, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' } ] $embeds = [] $images = [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) { 'id' => (int) 5088, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'Londres @ Bon pour la tête : Jonas Follonier.jpg', 'type' => 'image', 'subtype' => 'jpeg', 'size' => (int) 2079540, 'md5' => '32cae51bf8398538cbc85575a992e5e5', 'width' => (int) 4032, 'height' => (int) 3024, 'date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'title' => '', 'description' => '«L'immersion est-elle véritablement possible à l'heure des iPhones et autres partenaires particuliers qui rendraient jaloux n'importe qui tant ils sont familiers de notre toucher?»', 'author' => '', 'copyright' => '© Bon pour la tête / Jonas Follonier', 'path' => '1547219048_londresbonpourlattejonasfollonier.jpg', 'embed' => null, 'profile' => 'default', '_joinData' => object(Cake\ORM\Entity) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Attachments' } ] $audios = [] $comments = [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Comment) { 'id' => (int) 1445, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'status' => 'ACCEPTED', 'comment' => 'Je suis allée il y a quelques années dans un endroit où il n'y avait ni électricité, ni internet, ni eau courante, hormis l'eau de pluie. 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2 Commentaires
@cldega 11.01.2019 | 20h50
«Je suis allée il y a quelques années dans un endroit où il n'y avait ni électricité, ni internet, ni eau courante, hormis l'eau de pluie. Je m'en souviens comme des plus belles vacances de ma vie. Les relations humaines n'étaient soumises à aucun parasite. De vraies rencontres.
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@Gio 16.01.2019 | 08h46
«Actuellement en traitement au soleil pour une durée d’un mois en Espagne, mon smartphone est l’inven Géniale qui me relie aux miens , enfants, famille, amis. Il me permet de trouver des phrases en espagnol et de m’exprimer chaque jour un peu mieux. Il y a smartphone et smartphone, celui des jeunes, un poison en puissance qui peut causer l’addiction et le smartphone des anciens qui , par les temps qui courent, courent de plus en plus vite et laissant de moins en moins de temps pour les relations humaines, est l’outil indispensable contre la solitude. C est triste certes, mais autant suivre ce mouvement plutôt que plus aucun mouvement.»