Chronique / Place des Héros et héros ordinaires
Touristes et selfies dans le brouillard, place des Héros. © 2018 Bon pour la tête / Marie Céhère
Marie Céhère est partie en Hongrie et livre ses impressions quotidiennes à «Bon pour la tête» sous forme de journal de bord. Découvrez, jour après jour, les épisodes de cette série hongroise.
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Des scènes crues, des situations inquiétantes, une réflexion profonde et dérangeante sur le viol, l’emprise et les mécanismes d'adaptation, tout cela creuse loin. Le «petit renne», l’explication sera donnée en toute fin du dernier épisode, c’est un jeune humoriste un peu raté et barman dans la vie, Donny, arrivé à Londres depuis l’Ecosse pour tenter de se faire un nom. Un jour, Martha, une grosse dame mal fagotée débarque dans le pub où il travaille, elle pleure, semble bouleversée, il lui offre une tasse de thé, sa vie devient un enfer. Donny observe que Martha lui voue un attachement malsain, qui se change en véritable harcèlement qu’il finit par se résoudre à dénoncer à la police. Mais, surprise ou non, cela ne règle en rien les insomnies, les angoisses, les incertitudes de Donny. Cette histoire est véritablement arrivée à son créateur, Richard Gadd, qui interprète également le personnage principal. 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Plus d’un millier de types de bactéries le composent, et peuvent différer en fonction de l’alimentation, des médicaments ingérés, des événements de la vie tels qu'un accouchement, le stress, etc. Son rôle est capital: le microbiote permet l’élimination des toxines, la protection de l’intestin contre d’autres bactéries pathogènes, et contribue au fonctionnement du système immunitaire.</p> <p>Dernièrement, des hypothèses selon lesquelles ce petit monde aurait aussi un rôle dans la psychopathologie semblent se confirmer. En menant des recherches sur les tumeurs colorectales, l’oncologue Daniel Martínez et un collège international de cancérologues ont découvert que le microbiote intestinal pouvait présenter des variations importantes dans sa composition, d’un individu à l’autre, et que ces variations prédisposent les individus à plusieurs pathologies. 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Même les budapestois les plus branchés ne déjeunent pas après treize heures. C’est un truc de Parisiens, nous souffle-t-on ici ou là. Il est quinze heures passées quand je pousse la porte de l’Eco Café, une adresse «bobo» sur la très belle et chic avenue Andrassy. Du café commerce équitable, du lait de soja, des serveurs et des serveuses jeunes, avec piercings et cheveux coupés courts, des étudiants qui pianotent sur leur MacBook, des profs qui corrigent des copies devant une bière... C’est un endroit cool. On peut y déjeuner presque à toute heure, d’un sandwich au pain de sésame, tomates et mozzarella, et d’un paquet de chips de betteraves et panais. La nuit tombe à quatre heures moins dix, sur un ciel rose bonbon.
À l’Eco Café, avenue Andrassy. © 2018 Bon pour la tête / Marie Céhère
Je saute dans le métro 1, la plus ancienne ligne et ses charmants wagons jaune empire, jusqu’à l’arrêt Hősök tere. Toute la rame, occupée par doudounes, sacs à dos et appareils photos, descend là. La place des Héros. Un épais brouillard est tombé. On voit à peine à deux mètres devant soi le dallage géométrique de la place, on devine seulement, de loin, l’obélisque et les magistrales colonnades. Le monument du millénaire, érigé pour célébrer les mille ans de la présence magyare, en impose. Cavaliers moustachus, guerriers des grandes plaines, chevaux énormes couverts de fourrures, le tout drapé dans la brume et le froid qui ne semblent même pas les chatouiller. La tombe du soldat inconnu, au pied des conquérants magyars, est légèrement plus grande que sa cousine parisienne. Solennité onirique. Certains prennent des selfies, la plupart marchent la tête en l’air, se taisent. On vient ici rendre hommage à de très nobles ancêtres, se souvenir que la Hongrie est vieille de mille ans.
Aux alentours, pas de marchands de cartes postales, pas de boutiques de colifichets. Personne ne rigole avec la Hongrie millénaire, pas même les Hongrois. Surtout pas les Hongrois.
J’en ai croisé le matin-même, qui paraissaient pourtant en avoir soupé, de la Grande Hongrie et toutes ses légendes. À la librairie Atlantisz, place Deák, spécialisée dans l’import et la vente d’ouvrages américains, anglais, français, italiens, espagnols, allemands, dans la promotion des sciences humaines et dans l’ouverture européenne, large et précieuse. Entre autres curiosités et trésors introuvables en France, j’acquiers la biographie non hagiographique de Viktor Orbán par Paul Lendvai, journaliste autrichien d’origine hongroise, contributeur du Financial Times. Le libraire me conseille de payer en forints plutôt qu’en euros, le taux de change est plus avantageux. Il range mes achats dans un sac en plastique et grimace devant le Orbán. «Vous avez déniché le meilleur!». J’avais lu des papiers qui présentaient la biographie de Lendvai comme amusante, impertinente et très informée. J’avance cet argument, une sorte d’excuse à l’adresse du libraire, qui me répond du tac au tac: «Il n’y a vraiment rien de drôle, vu d’ici. Enfin, bref... » Il sourit. Ses yeux sont cernés. Il n’y a rien de drôle à tenir une librairie qui s’appelle «Atlantisz» à Budapest en 2018, oui, j’en conviens.
Achats à la librairie Atlantisz. © 2018 Bon pour la tête / Marie Céhère
Le libraire de la place Deák peut toujours courir pour trôner un jour sur la place des Héros. Il n’y tient pas, de toute façon. C’est pourtant grâce à lui, et à ses confrères et consoeurs, les éditeurs, les journalistes, les écrivains, les essayistes, les documentaristes, les cinéastes, les penseurs, les artistes, les rebelles, les ricaneurs, les curieux, la communauté sans frontières des lecteurs, que la Hongrie continue d’être grande.
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