Actuel / «Mon colon, celle que je préfère, c’est la guerre de quatorze-dix-huit»
En ce temps de commémoration, les radios ne passent guère la chanson de Georges Brassens. Le doux provocateur. Il a raison pourtant. La Première guerre mondiale fut la plus folle. © DR
Bizarre… En ce temps de commémoration, les radios ne passent guère la chanson de Georges Brassens. Le doux provocateur. Il a raison pourtant. La Première Guerre mondiale fut la plus folle. Parce qu’au début personne ne la voulait. Puis tout le monde en a rêvé. Tous s’y sont lancés. Et ce fut une atroce tuerie. Emmanuel Macron et une ribambelle de présidents ont pris des airs pénétrés pour en saluer la mémoire. Mais en ont-ils tiré toutes les leçons? Pas sûr, quoi qu’ils en disent.
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Quant aux nombreux Blancs qui quittèrent cette terre qu’ils croyaient leur, ils furent réintégrés dans la mère-patrie, amers certes, mais sans trop de mal. Pour la plupart ce fut pourtant un déchirement terrible. Nous avions filmé leur attente de l’embarquement, au port de Beira, veillant jour et nuit sur leurs caisses et valises, chargées de leur passé.</span></p> <p><span>Le livre du journaliste Jean-Jacques Fontaine (voir ci-dessous) raconte, à travers des portraits, plusieurs en lien avec la Suisse, le tournant du 25 juillet 1974 et ce qui s’ensuivit. Abordant ensuite la présence si nombreuse des Portugais chez nous, non pas du fait de la Révolution des Œillets mais en quête d’un meilleur sort économique. D’ailleurs souvent oublieux de cet épisode historique. </span></p> <p><span>Lors de la présentation de l’ouvrage au Club suisse de la presse, la journaliste genevoise Joelle Kuntz qui suivit les évènements sur place a mis en exergue avec éloquence une autre leçon du Portugal. Le demi-siècle passé depuis lors y a été remarquablement apaisé et démocratique. Rejetant les extrêmes de droite et de gauche, l’électorat a alterné ses préférences entre le centre-droit et le centre-gauche, applaudi aussi l’entrée dans l’Union européenne dont les soutiens ont permis au pays de se moderniser. Trains, routes, équipements publics… le Portugal a basculé dans une ère nouvelle, heureuse. Il est vrai qu’en mars dernier, le jeune parti dit d’extrême droite, en tout cas libéral et conservateur, a obtenu 18% des voix. Il ne se nourrit pas de quelque nostalgie salazariste mais d’une addition de mécontentements. Comme ailleurs autour de l’immigration – les Brésiliens affluent! –, autour des lourdeurs bureaucratiques, autour des frustrations sociales. Il faut dire que les dernières années ont été dures. En 2020, l’Etat outrepassait toutes les limites de l’endettement. Et en 2023, le gouvernement de centre-gauche sortant, battu aux dernières élections, a redressé la barre avec un budget bénéficiaire. Au prix d’efforts peu communs, des mesures drastiques à tous les étages, coupes dans le domaine social et augmentation de certains impôts.</span></p> <p><span>Qu’en conclure? Les Portugais sont pragmatiques, réalistes, entreprenants. A la différence d’autres Européens – n’est-ce pas, amis Français? – ils ne rabâchent pas les couplets aigris et masochistes du déclin. Leurs débats politiques sont chauds mais ne tournent pas aux empoignades haineuses et violentes comme on a pu le voir ailleurs. Ils témoignent, sur la durée est sur le fond, d’une forme de sagesse.</span></p> <p><span>Les Portugais en Suisse sont au nombre de 420’000 (dont 162’000 de double-nationaux). Socialement très bien intégrés mais la plupart </span><span>restant sur leur quant à soi civique. Beaucoup nous quittent, plus qu’il n’en arrive. 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Plonger dans ce passé amène toutes sortes de réflexions utiles au présent. Pour autant qu’on le veuille.
1 Les Somnambules de Christopher Clark, Ed. Flammarion, 926 pages.
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Mais franchement, la France est-elle crédible dans son rôle de grande prêtresse de la paix universelle alors qu’elle est la troisième exportatrice d’armes dans le monde? L’a fournisseuse de l’Arabie saoudite empêtrée dans la sordide guerre du Yemen? Beau coup diplomatique, d’accord. Rien de plus.</p><p><span style="font-size: 1.6rem;">L’autre hic, c’est que le bon élève de l’Elysée paraît assez nul en histoire. Il commence par se prendre les pieds dans le tapis des hommages aux maréchaux, avec ou sans Pétain, le traître de 1940. Des héros, ces généraux qui, bien à l’abri à l’arrière, envoyaient des millions de pauvres types dans des batailles sans issues et follement meurtrières? Qu’on les oublie dans leurs tombes solennelles! Et que l’on fleurisse </span>plutôt<span style="font-size: 1.6rem;"> les milliers de monuments qui gardent le nom des morts dans tous les villages. <br></span></p><p>Et puis, avec le recul d’un siècle, le moment est venu de comprendre comment tout a commencé. L’historien australien-britannique a produit une œuvre capitale qui nous éclaire: <em>Les Somnambules</em><sup>1</sup>. Titre génial pour une description minutieuse de la montée du drame, inattendu quelques semaines encore avant son déclenchement. Voulu par une partie seulement des pouvoirs en place. Des généraux allemands qui voulaient en découdre avec la Russie, puissante à l’époque, et avec la France qui songeait à la revanche après la défaite de 1870. Des militaires et des politiciens français de droite qui pensaient dans la foulée en finir avec la montée des socialistes et le succès de leurs revendications (dont l’introduction, ainsi stoppée d’ailleurs, de l’impôt sur le revenu). Des stratèges de l’empire austro-hongrois le regard fixé sur leurs difficultés dans les Balkans. Un empereur de Russie, secoué par les révolutionnaires, de caractère faible et influençable. 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Le doux provocateur. Il a raison pourtant. La Première Guerre mondiale fut la plus folle. Parce qu’au début personne ne la voulait. Puis tout le monde en a rêvé. Tous s’y sont lancés. Et ce fut une atroce tuerie. Emmanuel Macron et une ribambelle de présidents ont pris des airs pénétrés pour en saluer la mémoire. Mais en ont-ils tiré toutes les leçons? Pas sûr, quoi qu’ils en disent. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
2 Commentaires
@Astoria 13.11.2018 | 08h15
«Merci Jacques pour cette clarification avec une seule réserve y’a critique de Macron un peu catégorique. Reconnaissons qu’il fait un travail de mémoire important, avec toutefois tes précisions »
@stef 23.12.2018 | 13h31
«Magnifique rappel d’une histoire que l’on a trop tendance à oublier et à ne pas tenir compte...»