Actuel / Exportations de matériel de guerre suisse: un jeu à deux étages
Le débat sur l’exportation d'armes constitue un élément récurrent de notre politique et de notre histoire. © Prévention suisse de la criminalité
Engagement humanitaire d’une part, exportation d'armes de l’autre: La Suisse louvoie depuis des siècles. La priorité revient principalement au commerce.
Cet article, signé Hans-Ulrich Jost, de l’Université de Lausanne, a été publié sur Infosperber
Traduction: Manon Mariller
Le 8 septembre 1939, soit huit jours après le début de la deuxième guerre mondiale, le Conseil Fédéral décide de lever l'interdiction d'exportation de matériel de guerre. Cette décision fut tenue secrète. Lors d’une réunion du Conseil Fédéral, Guiseppe Motta justifie cette décision en faisant référence à la première guerre mondiale. A cette époque, les vastes exportations de matériel de guerre auraient aidé à maintenir la prospérité de la Suisse. Et, toujours grâce à cela, de très nombreuses places de travail auraient pu être créées.
Aujourd'hui, le Conseil Fédéral souhaite à nouveau assouplir la réglementation sur l’exportation de matériel de guerre. Il a d’ailleurs initié une modification du règlement correspondant en juin 2018. Cette complaisance face à l'industrie d'armement est combattue par une alliance formée de politiciens ainsi que d'œuvres d’entraide. Cette alliance projette à ce sujet de lancer une initiative populaire (plus d’informations à ce sujet en fin d’article).
Toujours les trois mêmes arguments
En plus de l’assouplissement de la réglementation liée à l’exportation de matériel de guerre, le gouvernement ajoute un autre argument déjà énoncé: l’accroissement des exportations est nécessaire au maintien de la capacité industrielle liée aux besoins de la défense nationale. Le Conseil Fédéral ne souhaite cependant pas donner d’informations concernant les besoins que l'armée suisse semble avoir dans ce domaine.
Trois points – la protection de l’emploi, les échanges commerciaux avec l’étranger et le maintien d'une production nationale importante pour l'armée suisse – constituent donc, depuis des décennies, l’argumentaire du Conseil Fédéral et des représentants économiques. Le simple fait qu'il s'agisse en premier lieu de maintenir les profits des entreprises concernées est quant à lui tu.
Une constante de l'histoire suisse
Le débat sur l’exportation d'armes constitue un élément récurrent de notre politique et de notre histoire. On peut en trouver des traces dès le 16ème siècle, période à laquelle le mercenariat trouve également son origine. Dès lors, des centaines de milliers de jeunes hommes furent «exportés» au service des forces militaires étrangères. Grâce à cela, les entrepreneurs recevaient non seulement des pensions abondantes, mais profitaient également de privilèges grâce auxquels l'industrie nationale pouvait accéder aux prémices du commerce international.
Ce commerce lucratif entrait bien entendu en conflit avec la neutralité que les grandes puissances imposèrent à la Suisse en 1815, lors du Congrès de Vienne. Avec l'interdiction du mercenariat par la constitution fédérale de 1848, ce problème semblait surmonté. Il fit cependant son retour à l'ordre du jour lorsque l’industrie suisse commença à exporter du matériel de guerre.
Ce commerce d’armes atteint sa première apogée lors de la «grande guerre» en 1914-1918. Le besoin énorme en matériel et en munitions de la part des pays en guerre ouvrait de larges et lucratifs marchés à la Suisse. Les pouvoirs étrangers ne se contentaient cependant pas de l’achat de matériel de guerre. Ils imposaient également des contrôles économiques et avoyaient massivement la souveraineté suisse. En outre, une économie de guerre internationale illégale se développait.
Entre image de paix et commerce d'armes
Ces activités entraient en contradiction avec l'image auto-proclamée de la Suisse comme îlot de paix et de neutralité. Le Conseil Fédéral montrait habituellement peu de zèle en matière de contrôle du commerce d'armes. Il existe à ce sujet une liste impressionnante d’exemples. Ainsi il accordait, après la première guerre mondiale, la permission aux entreprises suisses d’armement de produire du matériel de guerre destiné à la défense de l’empire allemand. Parmi ces entreprises figurait notamment l'usine d'armes de Soleure dont le président, Hermann Obrecht, a été élu au Conseil Fédéral en 1935. Il avait d’abord œuvré comme conseiller national lorsque l'administration fédérale instaurait les demandes d’usine d’armement.
Plus largement, mais aussi dans un climat plus riche en conflits, l’usine d’outillage Bührle se profile dans le commerce d’armes à Oerlikon (ZÜ). L'entreprise se développe lors de la deuxième guerre mondiale, encouragée par le Conseil Fédéral, et devient le plus grand fournisseur d'armes suisse. Aussi longtemps que l'Allemagne soumettait l'Europe avec succès, les services de l’entreprise Bührle étaient les bienvenus. Mais en septembre 1944, lorsque la défaite du troisième Reich devenait inévitable, le Conseil Fédéral édicte alors une nouvelle interdiction d'exportation d'armes. Ceci devait alors permettre d’apaiser quelque peu les alliés, lesquels critiquaient nettement l'attitude de la Suisse envers l’Allemagne nazie.
Face à la politique changeante et opportuniste de la Suisse en matière d’exportation d'armes, Bührle tente différentes interventions directes auprès du Conseil Fédéral et de l’administration. Bührle est aidé dans cette tâche par un ami, le colonnel Eugen Bircher, conseillé national au PAB – Parti des paysans, artisans et indépendants (l'actuelle UDC). Emil Georges Bührle passait souvent outre les directives du Conseil Fédéral. Comme par exemple en 1952 – alors que la guerre de Corée faisait rage – où il livrait plus de 200'000 missiles aux États-Unis malgré les doutes émis par les conseillers fédéraux.
Il viola également régulièrement les dispositions en matière d'exportation au cours des années suivantes. Le cas le plus spectaculaire fut la livraison de canons au plus fort de la guerre du Biafra (Nigéria). Pendant que l’entreprise Bührle – désormais sous la direction du fils Dieter – livrait des canons, le Comité International de la Croix Rouge (CICR) menait des actions humanitaires. Afin de lutter contre le commerce illégal mené par Bührles, le Ministère public fédéral ouvrait alors – après une certaine hésitation – une enquête en 1968. Suite à cela, de très nombreuses contrefaçons de déclarations d'exportation furent mises en lumière.
Conseiller fédéral Spühler en 1968 : «Le lourd dommage»
Ce commerce nuisait évidemment fortement à la réputation de la Suisse, ce qui était également reconnu à Berne. Dans sa réponse à une motion déposée par Walter Renschler, le conseiller fédéral Willy Spühler explique en décembre 1968:
«A l’époque où une tragique guerre civile se déroulait au Nigéria et que le peuple suisse a exprimé sa volonté d'apporter son aide au travers de nombreuses actions humanitaires, nous sommes confrontés au fait qu'une entreprise suisse importante a elle-même compromis ces manifestations humanitaires souhaitées par le peuple par des exportations d'armes illégales vers ce pays et a ainsi causé un lourd dommage à la réputation de notre pays».
A travers cette réponse, seule une toute petite partie des problèmes posés par l'exportation de matériel de guerre était alors adressée. Les conflits perpétuels concernant l'exportation d'armes auxquels de nombreuses entreprises participaient comptent parmi les aspects les plus sombres de la politique fédérale. Le gouvernement ne réussissait jamais à mener une politique claire dans ce domaine. Les initiatives populaires ont d’ailleurs toujours remporté peu de succès. En 1970, le peuple a même rejeté à 50,3% une initiative déposée après le scandale de Biafra, appelant à un contrôle renforcé de l'exportation de matériel de guerre dès 1972.
Le bilan que l’on peut dresser depuis le début du mercenariat jusqu'à l'exportation de matériel de guerre ne contribue pas à la bonne réputation de la Suisse. Le modèle de commerce helvétique dans ce domaine est fondé sur un comportement à double tranchant. Avec d’un côté des références à la neutralité, à la mission humanitaire ainsi qu’à la vertu démocratique, un autoportrait non taché, abondamment propagé tant à l'intérieur qu’à l’extérieur du pays – et de l’autre, des oscillations entre politique et intérêts économiques, la Suisse participe aux nombreux conflits de notre époque de par l’exportation de matériel de guerre ainsi que par des opérations financières.
«Dépasser la ligne rouge»
Avec la modification prévue de la réglementation sur le matériel de guerre, qui permet notamment l’exportation d'armes dans des pays frappés par une guerre civile, le Conseil Fédéral dépasse clairement une «ligne rouge». Ainsi en jugent une alliance se composant de politiciennes issues du Parti Socialiste, des Verts, des Verts Libéraux, du Parti bourgeois-démocratique et du Parti Evangélique, ainsi que des personnes actives au sein d’organisations religieuses et d’aide au développement. Cette alliance veut combattre l’assouplissement de la réglementation en matière d'exportation d'armes au moyen d’une initiative populaire, étant donné qu'un référendum n’est possible que contre une loi, et non pas contre un règlement fédéral.
En permettant l’exportation de matériel de guerre dans des pays impliqués dans des conflits armés, le gouvernement s’est soumis aux souhaits de l'industrie d'armement, comme l’expliquaient des représentantes de l'alliance dans les médias. Il ne s'agit pas de relâcher complètement les exportations d'armes. Les porteuses de l’initiative veulent revenir aux règles plus sévères qui étaient alors valables jusqu'en 2014.
La question de savoir si l'initiative sera effectivement lancée demeure encore ouverte. L'alliance souhaite attendre de voir si 25’000 personnes soutiennent l'initiative et se déclarent prêtes à faire une recherche de signatures pour que le nombre minimum nécessaire de 100’000 signatures soit effectivement atteint.
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Les initiatives populaires ont d’ailleurs toujours remporté peu de succès. En 1970, le peuple a même rejeté à 50,3% une initiative déposée après le scandale de Biafra, appelant à un contrôle renforcé de l'exportation de matériel de guerre dès 1972. </p><p>Le bilan que l’on peut dresser depuis le début du mercenariat jusqu'à l'exportation de matériel de guerre ne contribue pas à la bonne réputation de la Suisse. Le modèle de commerce helvétique dans ce domaine est fondé sur un comportement à double tranchant. Avec d’un côté des références à la neutralité, à la mission humanitaire ainsi qu’à la vertu démocratique, un autoportrait non taché, abondamment propagé tant à l'intérieur qu’à l’extérieur du pays – et de l’autre, des oscillations entre politique et intérêts économiques, la Suisse participe aux nombreux conflits de notre époque de par l’exportation de matériel de guerre ainsi que par des opérations financières. </p><h3>«Dépasser la ligne rouge»</h3><p>Avec la modification prévue de la réglementation sur le matériel de guerre, qui permet notamment l’exportation d'armes dans des pays frappés par une guerre civile, le Conseil Fédéral dépasse clairement une «ligne rouge». Ainsi en jugent une alliance se composant de politiciennes issues du Parti Socialiste, des Verts, des Verts Libéraux, du Parti bourgeois-démocratique et du Parti Evangélique, ainsi que des personnes actives au sein d’organisations religieuses et d’aide au développement. 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Si le cadre institutionnel, les techniques de soin et les méthodes de recherche scientifique ont une longue (et passionnante) histoire, il n’en demeure pas moins que leur évolution est définie par des principes sociaux stables, qui trouvent leur première formulation à l’aube de notre civilisation.</p> <p>De même que <a href="https://theconversation.com/aux-origines-de-lirresponsabilite-penale-des-fous-160654">l’irresponsabilité pénale</a> des individus dont le jugement est aboli est une règle de droit observée dès le sortir de la Préhistoire, de même, il existe bien une psychiatrie antique, pensée et nommée comme telle. Les auteurs de langue latine la désignent comme « soin des aliénés » (<em>curatio furiosi</em>). Elle est le reflet, dans la sphère médicale, du traitement civique des malades désigné par les auteurs juridiques comme « protection des déments » (<em>cura furiosi</em>).</p> <h3>Naissance de la psychiatrie</h3> <p>Les modalités du traitement médical des personnes atteintes de trouble mental sévère (les <em>furiosi</em>) sont élaborées par des auteurs de langue et souvent d’origine grecque, puisque la médecine est une discipline enracinée dans la culture de la civilisation grecque. Mais cette invention a lieu dans un contexte romain, c’est-à-dire à l’époque romaine et dans la ville de Rome, dans le milieu sénatorial et bourgeois de la fin de la République (du temps de César et Cicéron, ou peu avant).</p> <p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p> <p>La naissance de cette psychiatrie est inséparable du nom d’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ascl%C3%A9piade_de_Bithynie">Asclépiade de Bithynie</a> (dans l’actuelle Turquie), un personnage singulier, orateur peut-être dans les premières années de sa vie professionnelle, venu ensuite exercer la médecine dans la Ville éternelle où il évolue dans l’entourage de Crassus le Riche. Mais dans l’ombre d’Asclépiade, les soins médicamenteux, incluant notamment le recours aux psychotropes et aux sédatifs, s’étaient sans doute déjà diffusés, dans une mesure qu’il est impossible d’évaluer.</p> <p>Par la suite, la méthode du soin psychiatrique se développe et se consolide dans le contexte impérial, notamment à l’apogée de l’Empire incarné par la dynastie antonine (Trajan, Hadrien, Marc Aurèle…). Dans ce sens, la psychiatrie antique est moins une invention romaine qu’une invention du philhellénisme romain : une invention proprement « impériale », dans le sens où elle naît de la rencontre entre l’art d’une civilisation conquise (l’art médical grec, mais aussi sa culture gymnique ou son art oratoire) et les usages d’une société conquérante, dont les élites acquièrent des niveaux de fortune inédits, au point de pouvoir financer pour leurs malades des soins quotidiens sur la longue durée. La naissance de la psychiatrie bénéficie aussi de la première « mondialisation » d’époque hellénistique et romaine, qui donne accès à de nouvelles épices et à de nouveaux médicaments.</p> <p>Dans ses modalités, la psychiatrie ancienne est avant tout un art de la discipline. En plus des purges au cœur de tout traitement médical, le soin des déments articule discipline alimentaire, discipline comportementale et exercices physiques, sensoriels et intellectuels. La parole y tient une part non négligeable et l’état émotionnel du patient est l’objet d’une attention permanente. Si les médecins restent pudiques à leur sujet, les médicaments, spécialité d’une profession pharmacienne concurrente, semblent aussi, bien souvent, tenir un rôle central.</p> <h3>Corps et esprit, raison et sentiments</h3> <p>Comme son nom l’indique, la psychiatrie romaine (ou <em>curatio furiosi</em>) s’adresse en premier lieu aux « déments », aux « aliénés » (<em>furiosi</em>) : une catégorie médicale tardive et peu définie, dont le nom latin comme son équivalent grec (<em>mainomenos</em>) sont empruntés aux catégories de la vie sociale et juridique.</p> <p>Comme le dit encore le droit français du XX<sup>e</sup> siècle, le « dément », c’est d’abord l’individu dont la volonté est troublée au point de justifier un statut juridique spécial, combinant incapacité au civil et irresponsabilité au pénal. La situation exceptionnelle de ces personnes était déjà prise en considération par le <a href="https://theconversation.com/aux-origines-de-lirresponsabilite-penale-des-fous-160654">droit pré-historique</a> : ce n’est donc que dans un second temps que les médecins de l’Antiquité développent une prise en charge thérapeutique pour les individus en état de « démence », dont la maladie correspond dans ses grandes largeurs à la notion de psychose en médecine moderne.</p> <p>Mais la méthode de soins que les médecins gréco-romains mettent en place pour les guérir, ou pour les soulager, s’applique aussi, sous certains aspects, à des états voisins, désignés comme « phrénite » et comme « mélancolie ». La première, la « phrénite », est une catégorie médicale très ancienne qui désigne une affection fulgurante, et souvent mortelle, associée à des symptômes de confusion mentale sévère. Des auteurs modernes ont pensé y reconnaître l’encéphalite, la méningite, la malaria ou le syndrome délirant organique.</p> <p>Au contraire, la « mélancolie » est une catégorie d’invention tardive et incertaine, dont le sens varie considérablement d’un auteur à l’autre. Chez les auteurs d’époque romaine, elle entretient le plus souvent un lien étroit avec la « démence », avec laquelle elle a en commun d’être un trouble psychique grave et de longue durée. Mais par différence avec la « démence », elle en vient à désigner les désordres d’ordre affectif (phobiques, paranoïaques, dépressifs…) plutôt que d’ordre cognitif ou intellectuel (délire, illusions, déraison…).</p> <p>Les soins prodigués par la psychiatrie varient d’une maladie à l’autre, et en un sens, c’est la méthode de soin qui définit les maladies. Mais le corps malade est toujours le premier objet de l’action thérapeutique des médecins. Par exemple contre la phrénite, qui est nettement une affection du corps, la psychiatrie antique mobilise d’abord les remèdes ordinaires de la médecine ancienne, tels que la saignée ou les purges. Contre cette maladie, les soins de l’esprit, destinés à soulager les symptômes confusionnels, ne sont appliqués que de manière superficielle, pour la même raison qu’aujourd’hui, la méningite n’est pas prise en charge par nos services de psychiatrie : l’une et l’autre sont des affections aiguës, qui relèvent de la seule médecine organique.</p> <p>Le soin des « déments » est lui aussi, en premier lieu, un soin du corps, parce qu’il est pensé au départ sur le modèle du soin corporel des phrénitiques : la démence, catégorie d’abord étrangère à la médecine, tardivement naturalisée dans la classification des maladies, est conçue par comparaison avec cette vieille catégorie de « phrénite » et reçoit donc aussi les traitements de base prévus contre cette autre maladie « de l’intérieur » qu’il s’agit d’évacuer. Cet aspect de la psychiatrie ancienne est, en d’autres termes, le produit d’un syllogisme : soigner une maladie, c’est purger le corps, donc si le dément est un malade, son corps doit être purgé. Mais la démence reçoit en outre une multiplicité de soins destinés à redresser la raison et à apaiser les émotions : des soins que nous pourrions qualifier de « psychothérapie ».</p> <p>Les « mélancoliques » sont les principaux bénéficiaires de cette « psychothérapie », bien qu’ils soient nettement distingués des « déments » par la médecine ancienne selon une logique qui reflète celle du droit. En effet devant les tribunaux, les mélancoliques qui souffrent de leurs émotions ne bénéficient pas du régime juridique d’exception des déments, parce que leur mal n’abolit ni la capacité de comprendre, ni la volonté. Pour autant, les soins psychiques appliqués aux « déments » sont aussi (et davantage encore) prodigués aux mélancoliques, pour la même raison que nos services psychiatriques prennent en charge la dépression : c’est-à-dire en raison de la gravité de leur mal-être et de la menace qu’il fait peser sur la vie de ceux qui en souffrent.</p> <p>Pour les « déments » à proprement parler, l’aliénisme antique qui se structure à Rome associe donc un <a href="https://journals.openedition.org/crdf/1910">régime de protection juridique</a> (<em>cura furiosi</em>) à un régime médical (<em>curatio furiosi</em>), selon une distinction qui tient compte du double aspect individuel et civique de la psychose, et qui en confie la charge à des professions différentes. Constater l’origine antique, voire préhistorique, de ce double rapport à la maladie mentale, c’est y reconnaître un principe fondamental de notre vie sociale.</p> <hr /> <h4>Cet article puise en bonne partie dans les sources rassemblées dans l’ouvrage <a href="https://www.lesbelleslettres.com/livre/9782251455419/la-psychiatrie-a-rome"><em>La psychiatrie à Rome, Comprendre et soigner la folie d’après Celse et Caelius Aurelianus</em></a>.<img src="https://counter.theconversation.com/content/224658/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></h4> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/pierre-henri-ortiz-1228625">Pierre-Henri Ortiz</a>, Maître de conférences en histoire romaine, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/universite-dangers-2619">Université d'Angers</a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
4 Commentaires
@Kesako 16.09.2018 | 15h13
«Merci de rendre cette intéressante mise en perspective historique (un exercice trop rare) accessible aux lecteurs francophones. Dommage que la traductrice n'ait pas pris le temps de se relire, se fiant probablement au correcteur automatique (fut-elle trop pressée?).»
@Lagom 18.09.2018 | 09h10
«@Kesako: Manon Mariller ne semble pas être une traductrice professionnelle à qui on paye 20 centimes le mot. Si vous allez voir son profile sur Linkedin je suis presque certain que vous lui présenterez des excuses. Moi j'ai adoré la fluidité du texte et sa lecture fut agréable.»
@Lise 22.09.2018 | 17h57
«Très intéressant ! Ne faudrait-il pas rajouter qu’il s’agit uniquement du profit de cette industrie, vu que l’armée suisse s’approvisionne Largement à l’étranger! Contrairement à l’argumentation officielle . »
@[email protected] 01.10.2018 | 21h07
«Merci. Ça fait plaisir de pouvoir lire des articles de fond.»