Histoire / Comment un ex-président de la Confédération, proche du Reich, obtint la libération de 1'500 Juifs
Portrait de Jean-Marie Musy par Paul Hogg (détail), 1934. Musée gruérien, Bulle.
Ce chapitre de l’histoire suisse, longtemps ignoré, reste enfoui dans la mémoire collective. Un livre qui vient de paraître, signé du journaliste gruérien Jacques Allaman, nous le rappelle: «La Liste de Musy». Cette curieuse péripétie apparaît par bribes dans une trame romanesque compliquée où le narrateur et son ami passent du conservatisme catholique, de la prêtrise, à l’engagement en faveur du judaïsme ou de la cause palestinienne. En prolongement de douloureux mystères familiaux, ancrés dans des milieux fribourgeois sympathisants du fascisme.
Ceux-ci étaient plus larges que ne le retient la mémoire collective. Ainsi, par exemple, trois professeurs allemands, nazis notoires, ont enseigné à l’université de Fribourg jusqu’en 1945, puis ont été révoqués en dépit du soutien sans faille que leur apportait le Conseiller d’Etat Joseph Piller. Un ami de Musy.
Ce récit fait une large place à des péripéties familiales complexes, son auteur paraît fasciné par l’écrivain Léon Bloy qui, à la fin du XIXème siècle, passa de la franc-maçonnerie au mysticisme chrétien dans une relation intense avec le judaïsme. On se dit qu’une étude plus factuelle et complète sur Musy et ses compagnons idéologiques serait bienvenue. Car le fameux rapport Bonjour laisse dans l’ombre la plupart de ces compromissions. C’est bien plus tard que divers travaux ont commencé à les révéler. Notamment avec ceux de Hans-Ulrich Jost, et plus récemment, sur cet ex-Conseiller fédéral proche du Reich, la thèse fouillée (plus de mille pages) du Fribourgeois Daniel Sebastiani. Document remarquable à tous égard, disponible sur internet.
Jean-Marie Musy (1876-1952) fut Conseiller fédéral de 1919 à 1934 et deux fois président de la Confédération. Conservateur catholique à tout crin, obsédé par la «menace» communiste et de la gauche en général. Dans les années qui suivirent son départ du gouvernement, élu au Conseil national jusqu’en 1939, il ne cessa de se rapprocher non seulement du fascisme de Mussolini, assez en vogue à l’époque dans la droite romande, mais aussi, c’était plus rare, du nazisme, vu comme le seul barrage possible face au «bolchévisme». Celui qui tenait les rênes de l’économie en ultra-libéral même pendant la désastreuse crise des années 20 aspira ensuite à «l’Ordre nouveau».
Il s’active au sein de l’Action nationale suisse contre le communisme (ANSC) qui se livre à une véritable chasse aux sorcières de gauche. Dès les débuts de cette formation, les autorités allemandes l’applaudissent et l’encouragent. L’un des proches collaborateurs de Musy, le médecin lucernois Franz Riedweg, auteur avec lui du film de propagande «La Peste rouge», le quitte pour demander son adhésion à la SS en Allemagne, où il sera chargé du recrutement de volontaires à l’étranger. En 1947, le Tribunal pénal fédéral le condamnera par contumace à seize ans de prison. Il finira paisiblement ses jours à Munich.
En habile politicien, Musy multiplie les conférences, les articles dans les feuilles brunes et les contacts avec les représentants du Reich. Il se rend à Munich, à Berlin. Jusque dans les années de guerre. En 1944, il se lie d’amitié avec le jeune et brillant Walter Schellenberg, chef du SD-Ausland, les services secrets à l’étranger, qui par ailleurs est en contact étroit avec le brigadier Masson, chef des services de renseignement de la Confédération. Qui s’adresse à ce général du Reich en l’appelant affectueusement «Schelli».
Ledit agent organise pour Musy diverses rencontres avec son supérieur, Heinrich Himmler. Dans un but particulier. Les deux hauts responsables ont en vue l’inexorable défaite du Reich. Ils cherchent alors, par maintes voies, à convaincre les Britanniques et les Américains de s’allier à ce qui reste de l’armée allemande pour repousser les Soviétiques. Ils promettent de cesser tout combat à l’Ouest et de libérer les Juifs détenus dans les camps. En quête de crédibilité, ils décident de faire quelques gestes dans ce sens. Or Jean-Marie Musy, dont les organisations juives connaissent les accointances avec Himmler, est assailli de demandes. Des familles de détenus l’implorent de faire libérer leurs proches. Moyennant finances! Pour le premier voyage que le Fribourgeois fera dans ce but en Allemagne avec son fils, fin 1944, il recevra 60’000 francs pour l’achat d’une voiture et d’une assurance-vie. Plus, ici et là, quelques versements discrets mais substantiels. Il obtient quelques succès. A Paris aussi, où il se rend dès le printemps 1944 à la demande des familles Loeb et Thorel-Burrus. Il obtiendra partiellement satisfaction. Mais le grand coup, c’est en février 1945: il concourt à l’envoi de 1'200 prisonniers juifs en Suisse à partir du camp de Theresienstadt, qui était utilisé comme centre de triage des détenus et vitrine montrable aux visiteurs étrangers, comme les délégués du CICR. Avec l’accord réservé de Himmler qui réclamait en échange des camions et des équipements, ce qu’il n’obtint pas. Les autorités helvétiques avaient été laissées totalement à l’écart du projet et furent surprises par l’arrivée de ce train à Kreuzlingen. Elles admettront sans enthousiasme l’entrée de ces malheureux chanceux… à condition que l’organisation juive (intégriste mais non favorable à un Etat d’Israël) proche de Musy paie leurs frais d’entretien et qu’ils partent au plus vite vers une autre destination, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne ou la Palestine. Ce que firent presque tous.
A noter que deux autres convois semblables, avec 1'700 Juifs hongrois, étaient arrivés en Suisse, en août et décembre 1944, en provenance du camp de Bergen Belsen, à l’initiative d’une autre organisation juive – sioniste celle-ci –, rivale des amis de Musy. Ces dissensions ont contribué à l’interruption de ces libérations, mais celles qui divisaient Himmler et ses rivaux y furent aussi pour beaucoup.
Certains, comme feu Gaston Castella, professeur d’histoire à l’université de Fribourg, auteur d’une hagiographie «officielle», ont voulu voir dans cette opération un revirement moral de Musy, si longtemps antisémite attesté, qui soudain retrouvait le sens de la charité chrétienne. C’est évidemment grotesque. Il aurait reçu en fait une somme de 160’000 francs de la seule famille Sternbuch. Et lui réclamait encore de l’argent bien après la guerre. En outre cinq millions avaient été déposés dans une banque suisse par les organisations juives pour satisfaire à la demande de Himmler en échange de libérations ultérieures. On ne sait ce qu’ils sont devenus. Musy a décliné toute responsabilité à ce sujet. Ce point, pourtant non négligeable, ne semble avoir fait l’objet d’aucune enquête.
Il est vrai que ce triste individu put avoir un grand cœur. N’est-il pas allé déposer au Tribunal de Nüremberg, en 1948, pour dire combien son ami Walter Schellenberg avait cherché la paix vers la fin de la guerre et contribué à la libération de quelques milliers de Juifs? Ledit super-agent du Reich, gravement malade, fut laissé en semi-liberté, le temps de faire de longues confidences aux services britanniques… et, enfin relaxé, d’aller se faire soigner à Billens, dans le canton de Fribourg, où il avait donc une précieuse connaissance. Il mourut du cancer en 1952, à l’âge de 42 ans, dans un hôpital de Turin. Dont la facture et celle de son enterrement furent payées… par Marlène Dietrich qui séjournait alors au Lausanne-Palace. Il reste des histoires et des personnages à raconter.
«La Liste de Musy», Jacques Allaman, Editions de l'Aire, 128 pages.
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Peu audible d’ailleurs chez lui et chez ses partenaires, guère enthousiastes de cette prétention au leadership. En termes exaltés et alarmistes, le président français en appelle au renforcement massif de la défense européenne. Non sans raisons. Mais pour quoi faire? Affronter la menace de la Russie? Voyons son armée. Elle s’escrime autour de quelques villages dans l’est de l’Ukraine, à quelques kilomètres de chez elle, elle peine à prendre la ville voisine de Karkhiv malgré d’horribles destructions. Elle n’est manifestement pas de taille à s’en prendre aux pays de l’OTAN, ni matériellement ni humainement. Les divers pays européens sont loin d’être démunis de moyens militaires. Même si leur base industrielle a des lacunes. On le sait aussi au Kremlin, où, quoi qu’on en dise, on est réaliste, on n’a pas la folie des grandeurs. Point effectivement à soulever: il est vrai que les Européens feraient bien de se préoccuper davantage de la défense anti-drones et anti-missiles. Ces engins, peu coûteux à produire mais ruineux pour s’en défendre, jouent un rôle-clé dans les conflits d’aujourd’hui. Et les Russes ne sont pas seuls à en disposer. Dans la cybersécurité aussi, il y a aussi de sérieux efforts à faire. Comme en Suisse, où le Département de la Défense confie cette tâche à son entreprise boiteuse Ruag qui s’appuie elle-même sur l’entité issue de Crypto AG, célèbre pour le scandale de ses tricheries. La Confédération a misé en plus sur une société bernois brinquebalante, Xplain, et admet aujourd’hui le désastre. Même des informations confidentielles sur les Conseillers fédéraux ont été balancés dans le «darknet». </span></p> <p><span>Mais nos militaires et leur cheffe ne rêvent que d’acquérir toujours plus d’avions, de blindés et de canons… à acheter aux Etats-Unis bien sûr. Viola Amherd se frotte les mains: une curieuse proposition agite le Parlement. Il s’agit de faire sauter la limite aux dépenses fédérales et de consacrer dix milliards supplémentaire pour l’armée et cinq pour l’Ukraine d’ici à 2030. C’est un groupe inhabituel de femmes parlementaires alémaniques qui est à la besogne. Dont une centriste, Marianne Tinder («Je suis en mesure d'évaluer la gravité de la menace même sans jours de service militaire»), sa collègue de parti entrée au Parlement en décembre dernier («Quand j'entends que l'armée n'a même pas assez de gilets de protection, cela me fait réfléchir»), la socialiste Franziska Roth («Nous ne pouvons pas nous cacher constamment derrière des lignes rouges»). A compter aussi dans ce que le <em>Tagesanzeiger</em> appelle les «dealmakers»: une autre centriste, Andrea Gmür, la socialiste Sarah Wyss, la verte libérale Corina Gredig. 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La politique sort alors du champ rationnel, de l’analyse froide des réalités, elle entre dans l’escalade des émotions morales, détermine dans le mode binaire, gagner ou perdre la guerre. Or l’histoire récente donne tant d’exemples où les conflits ont fini par des pourparlers. Plus ceux-ci ont tardé, plus se sont inutilement prolongées les souffrances.</span></p> <p><span>Rester fidèles à nos principes? Bien sûr. Mais alors pourquoi ne pas s’activer plutôt au chapitre de la paix? Pourquoi ne pas tirer toutes les ficelles en vue de véritables négociations dans le conflit Ukraine-Russie? Dans son emportement Emmanuel Macron n’a même pas prononcé ces mots. Et en l’occurence helvétique, les chantres féminins du pactole aux armes n’en ont eu aucun dans ce sens. Et le grand raout prévu au Bürgenstock, direz-vous? L’intention est certes louable mais le cadrage est défini par un seul des camps en présence et par les Etats-Unis. Cela en fait un simulacre de négociations. Qui pourrait bien en rajouter une couche à la frénésie belliqueuse. Alors même que le moment approche où les belligérants, plus ou moins épuisés, devront bien se résoudre à cesser le feu et à engager des pourparlers. Plus ils attendront, plus la malheureuse Ukraine sera mal prise. Regrettant que l’accord à bout touchant du tout début de la guerre ait été sabordé.</span></p> <p><span>Quant à l’autre guerre qui nous bouleverse, au Moyen Orient, elle est promise à durer longtemps, très longtemps, sous une forme ou une autre. Totalement dépassée et discréditée, la Suisse ne songe même pas à proposer une négociation, ni sur l’immédiat, ni sur le fond. Peu dit: un autre pays tente discrètement cet effort, non sans expérience. La Norvège.</span></p> <p><span>Mais le Conseil fédéral paraît tenir à réaffirmer son alignement sur la ligne d’Israël. Après avoir concédé une aide réduite, la commission parlementaire des Affaires étrangères propose de supprimer à terme tout soutien à l’UNRWA. 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Quel parcours pour cet autodidacte fou de cinéma, travailleur acharné, si bellement doté d’empathie créatrice! ', 'content' => '<p><span>Quel parcours pour cet autodidacte fou de cinéma, travailleur acharné, si bellement doté d’empathie créatrice! Ces trente dernières années, son entreprise, sise à Lausanne, CAB-Productions, a permis à de nombreux cinéastes, locaux et internationaux, de s’exprimer librement. Tournant en Suisse, avec des comédiens, des techniciens d’ici et d’ailleurs. De Francis Reusser à Dominique de Rivaz, d’Alain Tanner à Jean-François Amiguet, de Marcel Schüpbach à Pierre-Yves Borgeaud, de Greg Zlingski à Olivier Assayas, de Benoît Mariage à Claude Chabrol, et tant d’autres. Dernier en date, Roman Polanski. Avec le tournage à Gstaad de <em>The Palace</em>, en coproduction avec l’Italie et la Pologne. </span></p> <p><span>Lié d’amitié avec cette grande figure du cinéma européen, Porchet a tout fait, trois ans durant, pour que ce film se fasse. Contre vents et tempêtes. Face aux campagnes des ultra-féministes qui rabâchent et déforment une histoire vieille de quarante ans, aux Etats-Unis, impliquant une jeune fille qui aujourd’hui est dans les meilleurs termes avec le prétendu coupable. L’offensive «wokiste» a mis Polanski au ban. En Suisse comme en France, aucun soutien public n’a été apporté au film. Une fois terminé, au début de cette année, il a pu être présenté à Venise mais n’a été diffusé que dans quelques rares salles, les distributeurs et les exploitants craignant des manifestations féministes. Il est même totalement proscrit en France. </span></p> <p><span>Pour Jean-Louis Porchet les difficultés du début ont tourné à la descente aux enfers. Faute de rentabiliser les droits d’exploitation, sous le poids des dettes contractées pour boucler le financement du tournage, son entreprise est menacée de faillite. L’accumulation des tracas finit par accabler le solide cueilleur de champignons. </span></p> <p><span>Le dimanche 24 mars, en route vers un ami à Rennaz, il s’arrête près de Cully, fume un cigare, son péché parcimonieux, et laisse flotter ses pensées sur le lac. Il repart et là, sans pouvoir l’expliquer encore, dans un blanc soudain, traverse la chaussée et écrase sa voiture du haut mur de Lavaux. Fracassé, il la voit prendre feu, reste prisonnier. Et attend les secours dans d’horribles douleurs. Les deux jambes et des côtes cassées, de graves brûlures.</span></p> <p><span>Le voilà, cinq semaines plus tard, dans une chambre du CHUV. Avec le sens de l’humour. «Les jours d’avant, je me disais sans cesse que j’allais dans le mur. 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La cheffe du groupe LFI à l’Assemblée nationale, Mathilde Panot, ainsi que la septième de la liste du même parti aux élections européennes, Rima Hassan, ont été convoquées devant un juge pour «apologie du terrorisme» en raison de leurs déclarations sur la guerre à Gaza. La gauche socialiste en désaccord politique profond avec cette formation proteste contre cette atteinte à la liberté d’expression. </span></li> <li><span>Franc enfin. Le directeur des rédactions du groupe breton <em>Le Télégramme</em>, Samuel Petit, s’indigne: plusieurs de ses journalistes ont été harcelés par des convocations judiciaires pour «violation du secret de fonction», autrement dit pour excès de curiosité quant au fonctionnement des administrations. Et même pour avoir osé photographié un incendie à l’aide d’un drone. Tendance aussi constatée dans d’autres journaux régionaux. 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