Culture / Sur les traces de mon aïeul dans l’Oberland bernois
Partir en vacances en Suisse, rien de plus exaltant. Si, si. La preuve avec Roland Sauter, secondé par son aïeul. La Jungfrau vue depuis Wengernalp. © Roland Sauter
En ces temps de pandémie, les voyages à l’étranger ne sont guère possibles. En 1852, un aïeul du photographe suisse Roland Sauter avait fait un petit voyage dans l’Oberland Bernois, et avait noté ses impressions dans un carnet. Retour sur ses pas, mais cette fois à vélo.
Comme tous nos articles depuis le début de la crise du coronavirus, celui-ci est en accès libre. Nous revenons à notre fonctionnement habituel dès lundi 8 juin.
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Août 1852: mon arrière-grand-père Joseph Sauter a 24 ans. Il se rend à Thoune, pour assister aux manoeuvres militaires qui ont lieu sur la place d’armes. Il consigne ses impressions de voyage dans un petit carnet.
Il écrit en allemand, avec cette écriture gothique si difficile à déchiffrer.
La couverture et la première page du carnet.
Mai 2020: je décide de partir sur les traces de mon aïeul, et de refaire le voyage qu’il avait fait à pied - mais je ferai ce voyage à vélo.
Joseph part de Berne le 28 août vers 5 heures de l’après-midi, marche 4 heures pour atteindre Kiesen, où il trouve une auberge.
“Nous avons été bien servis, mais j’ai très mal dormi à cause du bruit de la foule de gens qui allaient à Thoune, et qui vers le matin engorgeaient toute la route. Nous sommes repartis à 4h30, au milieu des attelages et des gens en costume traditionnel bernois.”
Arrivé tôt à Thoune, Joseph visite d’abord le château “bâti sur un rocher solitaire, d’où l’on a une vue grandiose sur les géants de glace, sur les falaises colossales de la chaîne du Stockhorn, sur le lac de Thoune, ses baies charmantes à l’embouchure de l’Aar, sur la merveilleuse vallée de l’Aar avec ses vil lages, ses collines couronnées de châteaux. Cette vue grandiose, majestueuse et pourtant si charmante n’a pas manqué de me faire un effet profond, et il m’était presque impossible de quitter cet endroit secret où l’on croit être près du Créateur”.
Le château de Schadau
Joseph nous raconte sa visite au château qui venait d’être construit:
“Je suis allé voir le château Schadau, niché dans un lieu romantique, et de très belle facture. Pas une tour, pas une façade, pas un pignon de toit, pas même une fenêtre ne ressemble à une autre. Une partie est de style romain, l’autre de style byzantin, une troisième de style gothique pur. Une tour est de gothique ancien, une autre évoque une forteresse, une troisième ressemble à une porte de couvent. [...] Les jardins abritent des milliers et des milliers de fleurs et de plantes étrangères, on se croit dans un palais de fée. Au charme de ce vrai paradis s’ajoute une situation merveilleuse au bord du lac, avec une vue inoubliable.”
Le château de Schadau en 1855.
Le château aujourd'hui.
Ce château a été construit par Alfred de Rougemont. La construction a duré neuf années, a été terminée en 1852 - l’année du voyage de mon aïeul. Alfred était le fils de Denis, banquier parisien. Denis avait acheté l’Hôtel DuPeyrou à Neuchâtel, comme pied-à-terre, ainsi que le domaine de Loewenberg à Morat. Alfred fit une carrière militaire en Suisse, épousa Sophie de Pourtalès. Après de nombreux changements de propriétaires, c’est finalement la ville de Thoune qui reprit le bâtiment; depuis 2019, c’est un hôtel avec neuf chambres, au charme désuet et délicieux. Je n’ai pas résisté à la tentation de passer une nuit dans ce palais de rêve... qui était à moitié vide, Corona oblige.
Le Niesen et son sosie
On comprend que ce lac ait fasciné Hodler le géomètre. Le Niesen, triangle si parfait, côtoie son image inversée: c’est comme si l’on avait enlevé un triangle de montagne pour laisser apparaître le massif de la Blümlisalp.
Le massif de la Blümlisalp, vu depuis le château de Schadau.
Les grandes manœuvres de l'armée suisse
Tous les deux ans, de grandes manœuvres étaient organisées sur la place d’armes de Thoune: elles attiraient de très nombreux spectateurs - dont bien sûr mon aïeul Joseph. Il raconte:
“Je n’avais jamais vu cela, des centaines de tentes, 5000 soldats venus de Berne, Lucerne, St-Gall, Vaud, Valais... Les mouvements de troupe ont débuté vers une heure, une partie de l’armée prend position sur l’autre rive de l’Aar. Les pontonniers commencent à construire un pont de bateaux quand l’ennemi ouvre le feu. [...] Le soir ils essayèrent cinq fusées avec parachute, qui montèrent dans le ciel, explosèrent en faisant une forte lumière, bien plus forte que la lune. Au-dessus de ces lumières, une sorte de parapluie de deux mètres de diamètre ralentissait la chute, de sorte que les lumières furent visibles durant 4 5 minutes. Ensuite on tira au canon des boulets chauffés au rouge, qui mirent le feu à un cabanon”.
Cette aquarelle montre les manoeuvres de 1842 (elles avaient lieu tous les deux ans).
Le vieux pont de Thoune
C’est ce pont que Joseph a dû franchir pour aller sur l’Allmend, où avaient lieu les manoeuvres militaires. Aujourd’hui, c’est le paradis des surfeurs. Accrochés à une corde, ils gagnent le milieu de l’Aar, là où se forme la grosse vague. Larguez les amarres, le sport commence ! Les meilleurs tiennent plusieurs minutes sur la vague, avant d’être emportés par le courant.
Le pont “Scherzligschleuse” date de 1726
Oberhofen
Joseph prend un bateau à vapeur pour aller à Interlaken:
“Le petit vapeur que j’ai pris était plein de monde, de toutes les classes; des gens qui voulaient profiter du beau temps pour visiter Interlaken. [...] Sur les deux rives, de charmants villages, de belles propriétés et des châteaux, notamment celui d’Oberhofen, si bien situé et si joliment construit”.
Le château d’Oberhofen, sur la rive nord du lac de Thoune.
La haute route de Thoune à Interlaken
Moins d’un mètre de largeur, à 180 mètres au-dessus de la gorge. Et ça swing !
Mon aïeul avait choisi de voyager en bateau à vapeur. Pandémie oblige, les beaux vapeurs de la Belle Epoque restent à quai. Je fais donc ce trajet à vélo. Pour éviter la grande route, j’emprunte un chemin pédestre joliment dessiné sur les hauteurs du lac.
Coquin de Niesen !
Le Niesen, vu depuis Merligen.
Non content d’afficher son profil iconique, le Niesen se permet de nous offrir, dans le lac, son image triangulaire renversée.
Le four à chaux
Intrigué par une construction bizarre, je m’arrête. Un panneau explique qu’il s’agit d’un ancien four à chaux. Mais ce qui fascine, c’est le lézard si peu craintif qui se réchauffe sur une poutre.
Cinquante attelages devant le “Neuhaus”
Joseph a voyagé sur Lac de Thoune en bateau à vapeur. Ecoutons-le:
“Le bateau a mis quatre heures pour traverser le lac. Devant l’auberge ‘Neuhaus’, plus de 50 attelages attendaient les voyageurs étrangers. [...] Partout de splendides hôtels, des jardins luxuriants, des boutiques offrant des sculptures sur bois - tout cela pour soustraire quelques sous à ces touristes aux lourdes bourses, surtout les Anglais.”
L’auberge “Neuhaus” à Unterseen
Les jardins d’Interlaken
Une digitale blanche se déchire et se rêve en papillon.
Joseph décrivait ces jardins d’Interlaken, si parfaitement soignés avec leurs fleurs exotiques. Je les ai retrouvés. Intacts après 168 ans...
Interlaken
Interlaken: une ville qui ne semble exister que pour les touristes. Une ville qui partage les misères de Barcelone ou de Lisbonne. Et aujourd’hui: le vide. Personne. Pas un seul étranger. Presque tous les restaurants fermés. Quelques rares hôtels qui accueillent deux ou trois touristes suisses. Dans les rares restaurants ouverts, c’est la visière de plexi, ou le masque. Obligation de donner son nom, son adresse. Les hôtels exigent que l’on signe une déclaration attestant que l’on a pas de maladie, que l’on a pas croisé un malade, que l’on respectera les procédures sanitaires, que l’on informera immédiatement l’hôtel si l’on tombe malade.
La Place de l’Hôtel de Ville, telle que Joseph l’aura vue en 1852.
Au même endroit, en 2020: pas un chat en vue.
Pour échapper à cette sinistrose, j’essaie de m’imaginer comment devait être Interlaken en 1852. Je trouve quelques gravures d’époque: la vie semblait bien plus animée alors qu’aujourd’hui...
Interlaken: un vrai de vrai
L’hospitalité au temps du Coronavirus.
Giessbach au bois dormant
Je continue ma balade à vélo, poussant une pointe jusqu’à Brienz. Superbe parcours sur la rive nord. De Brienz, je reviens par la rive sud - et le chemin passe par Giessbach. Interdiction de pénétrer le site, pas âme qui vive. Face au torrent impétueux, un calme d’outre-tombe.
Le Grand Hôtel de Giessbach - le grand vide.
Hôtel fantôme
J’avais l’habitude de voir des hôtels abandonnés en Casamance, en Abkhazie, en Géorgie. Mais voir ce spectacle en Suisse, c’est un choc. Même si l’abandon n’est que temporaire.
J’essaie de photographier à travers la porte vitrée: elle me renvoie l’image d’un cycliste couronné et fleuri...
Sur la terrasse de l’hôtel, les chaises trompent leur ennui en dessinant des ombres facétieuses.
Tricolore
Depuis Giessbach, je descends jusqu’au bord du lac, là où part le funiculaire qui mène à l’hôtel. Je suis le sentier des rives qui mène à Iseltwald. Un sentier pour piétons, petite merveille, mais franchement acrobatique avec un vélo chargé de lourdes sacoches.
Lac tricolore, vrai miroir
Staubbach
Depuis Interlaken, Joseph s’est mis en marche en direction de Lauterbrunnen. Ecoutons-le:
“A pas rapides, nous arrivons à Lauterbrunnen. Qui eut cru trouver dans cette vallée perdue, qui mesure à peine un quart de lieue de large, un restaurant aussi grandiose, où vient de descendre le Roi Oscar I de Suède, qui avait assisté hier aux manoeuvres militaires. Un bon verre de vin épanche ma soif, et je pars vers le Staubbach. Quantité de sculpteurs sur bois et d’innombrables mendiants effrontés sur le chemin. Le soir venant, alors que les arcs-en-ciel disparaissaient dans l’ombre, j’ai eu le plaisir de contempler le majestueux Staubbach avec l’aimable roi Oscar, le fils du maréchal Bernadotte. Il y avait aussi des Français, des Russes et Allemands - le Staubbach est connu dans le monde entier. Il m’est impossible de décrire l’effet que me fait cette chute de plus de 900 pieds. Après la pluie, elle entraîne avec elle des blocs de rochers, des arbres déracinés, pour se fondre au milieu dans une douce pluie que le vent pousse tantôt d’un côté, tantôt de l’autre.”
Bon, aujourd’hui, la chute est plutôt maigrelette...
Jungfrau
Joseph raconte:
“Après deux heures de montée, la vue grandiose de l’imposante ‘Jungfrau’, recouverte de neige et de glace. Elle porte sur son dos immense des montagnes entières, des vallées pleines de neige et de glace. Splendeur sublime dans le bruit de tonnerre des innombrables avalanches.”
Je fais le même trajet, à vélo; même émerveillement quand, au détour du chemin, le massif de la Jungfrau apparaît dans toute sa magnificence.
La Jungfrau vue depuis Wengernalp.
Les prix d’Anglais
Joseph raconte sa montée - à pied - vers Wengernalp:
“Un petit chemin serpente dans les pâturages où paissent des moutons. Un groupe de voyageurs rompt ma solitude: c’est un Allemand, très distingué, avec deux dames, en chaise à porteur; pour chaque chaise, quatre porteurs. Un peu plus tard, je croise un Anglais à cheval.”
La loi du moindre effort perdure: alors que je sue sang et eau dans cette montée sans fin, je croise une tentaine de cyclistes, tous ont des vélos électriques.... à mon tour bientôt ?
“J’arrive enfin à l’auberge, que de loin je prenais pour une étable. D’autres voyageurs arrivent: les Anglais discutent devant un café, les Français parlent fort en buvant leur vin patriotique, alors que les Allemands écrivent et dessinent dans leur journal de voyage.”
Jolie frayeur le lendemain matin:
“J’apprends que les Anglais ont dû payer entre 7 et 10 francs par personne - une somme astronomique qui aurait mis à mal ma pauvre bourse. Mais l’aubergiste ne me demande que 1 franc 50 pour la nuit et le logis”.
Cette petite histoire me rappelle que mon père, quand nous étions dans un restaurant plutôt cher, avait l’habitude de dire: “Ce sont des prix d’Anglais”.
Joseph continue sa balade jusqu’à la Petite Scheidegg, puis redescend vers Grindelwald.
2020: je fais de même, découvre une Petite Scheidegg abandonnée.
Ensuite une très jolie descente à vélo dans les forêts de pins jusqu’à
Grindelwald, puis vers Zweilütschinen et Lauterbrunnen.
Un grand merci à mon aïeul de m’avoir suggéré ce délicieux voyage...
Découvrez le travail et les autres reportages (Caucase, Russie, Iran, Japon, Sénégal,...) de Roland Sauter sur son site internet.
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Il consigne ses impressions de voyage dans un petit carnet.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1591006436_joseph.png" class="img-responsive img-fluid center " width="403" height="516" /></p> <p>Il écrit en allemand, avec cette écriture gothique si difficile à déchiffrer.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1591006462_p1carnet.png" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1591006512_page.png" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;">La couverture et la première page du carnet.</h4> <p><strong>Mai 2020</strong>: je décide de partir sur les traces de mon aïeul, et de refaire le voyage qu’il avait fait à pied - mais je ferai ce voyage à vélo.</p> <p>Joseph part de Berne le 28 août vers 5 heures de l’après-midi, marche 4 heures pour atteindre Kiesen, où il trouve une auberge.</p> <p><em>“Nous avons été bien servis, mais j’ai très mal dormi </em><em>à cause du bruit de la foule de gens qui allaient à </em><em>Thoune, et qui vers le matin engorgeaient toute la </em><em>route. Nous sommes repartis à 4h30, au milieu des attelages </em><em>et des gens en costume traditionnel bernois.”</em></p> <p><em><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1591006826_vue.png" class="img-responsive img-fluid center " /></em></p> <p>Arrivé tôt à Thoune, Joseph visite d’abord le château <em>“bâti sur un rocher solitaire, d’où l’on a une vue grandiose sur les géants de glace, sur les falaises colossales de la chaîne du Stockhorn, sur le lac de Thoune, ses baies charmantes à l’embouchure de l’Aar, sur la merveilleuse vallée de l’Aar avec ses vil lages, ses collines couronnées de châteaux. Cette vue grandiose, majestueuse et pourtant si charmante n’a pas manqué de me faire un effet profond, et il m’était presque impossible de quitter cet endroit secret où l’on croit être près du Créateur”.</em></p> <h3>Le château de Schadau</h3> <p>Joseph nous raconte sa visite au château qui venait d’être construit:</p> <p>“Je suis allé voir le château Schadau, niché dans un lieu romantique, et de très belle facture. Pas une tour, pas une façade, pas un pignon de toit, pas même une fenêtre ne ressemble à une autre. Une partie est de style romain, l’autre de style byzantin, une troisième de style gothique pur. Une tour est de gothique ancien, une autre évoque une forteresse, une troisième ressemble à une porte de couvent. [...] Les jardins abritent des milliers et des milliers de fleurs et de plantes étrangères, on se croit dans un palais de fée. Au charme de ce vrai paradis s’ajoute une situation merveilleuse au bord du lac, avec une vue inoubliable.”</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1591007099_capturedcran2020060112.12.59.png" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;">Le château de Schadau en 1855.</h4> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1591007139_capturedcran2020060112.12.32.png" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;">Le château aujourd'hui.</h4> <p>Ce château a été construit par Alfred de Rougemont. La construction a duré neuf années, a été terminée en 1852 - l’année du voyage de mon aïeul. Alfred était le fils de Denis, banquier parisien. Denis avait acheté l’Hôtel DuPeyrou à Neuchâtel, comme pied-à-terre, ainsi que le domaine de Loewenberg à Morat. Alfred fit une carrière militaire en Suisse, épousa Sophie de Pourtalès. Après de nombreux changements de propriétaires, c’est finalement la ville de Thoune qui reprit le bâtiment; depuis 2019, c’est un hôtel avec neuf chambres, au charme désuet et délicieux. Je n’ai pas résisté à la tentation de passer une nuit dans ce palais de rêve... qui était à moitié vide, Corona oblige.</p> <h3>Le Niesen et son sosie</h3> <p>On comprend que ce lac ait fasciné Hodler le géomètre. Le Niesen, triangle si parfait, côtoie son image inversée: c’est comme si l’on avait enlevé un triangle de montagne pour laisser apparaître le massif de la Blümlisalp.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1591007413_capturedcran2020060112.22.51.png" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;">Le massif de la Blümlisalp, vu depuis le château de Schadau.</h4> <h3>Les grandes manœuvres de l'armée suisse</h3> <p>Tous les deux ans, de grandes manœuvres étaient organisées sur la place d’armes de Thoune: elles attiraient de très nombreux spectateurs - dont bien sûr mon aïeul Joseph. Il raconte:</p> <p><em>“Je n’avais jamais vu cela, des centaines de tentes, 5000 soldats venus de Berne, Lucerne, St-Gall, Vaud, Valais... Les mouvements de troupe ont débuté vers une heure, une partie de l’armée prend position sur l’autre rive de l’Aar. Les pontonniers commencent à construire un pont de bateaux quand l’ennemi ouvre le feu. [...] Le soir ils essayèrent cinq fusées avec parachute, qui montèrent dans le ciel, explosèrent en faisant une forte lumière, bien plus forte que la lune. Au-dessus de ces lumières, une sorte de parapluie de deux mètres de diamètre ralentissait la chute, de sorte que les lumières furent visibles durant 4 5 minutes. Ensuite on tira au canon des boulets chauffés au rouge, qui mirent le feu à un cabanon”.</em></p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1591007964_capturedcran2020060112.31.07.png" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;">Cette aquarelle montre les manoeuvres de 1842 (elles avaient lieu tous les deux ans).</h4> <h3>Le vieux pont de Thoune</h3> <p>C’est ce pont que Joseph a dû franchir pour aller sur l’Allmend, où avaient lieu les manoeuvres militaires. Aujourd’hui, c’est le paradis des surfeurs. Accrochés à une corde, ils gagnent le milieu de l’Aar, là où se forme la grosse vague. Larguez les amarres, le sport commence ! Les meilleurs tiennent plusieurs minutes sur la vague, avant d’être emportés par le courant.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1591008423_capturedcran2020060112.31.14.png" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;">Le pont “Scherzligschleuse” date de 1726</h4> <h3>Oberhofen</h3> <p>Joseph prend un bateau à vapeur pour aller à Interlaken:</p> <p><em>“Le petit vapeur que j’ai pris était plein de monde, de toutes les classes; des gens qui voulaient profiter du beau temps pour visiter Interlaken. [...] Sur les deux rives, de charmants villages, de belles propriétés et des châteaux, notamment celui d’Oberhofen, si bien situé et si joliment construit”.</em></p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1591008439_capturedcran2020060112.32.27.png" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;">Le château d’Oberhofen, sur la rive nord du lac de Thoune.</h4> <h3>La haute route de Thoune à Interlaken</h3> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1591008484_capturedcran2020060112.32.32.png" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;">Moins d’un mètre de largeur, à 180 mètres au-dessus de la gorge. Et ça swing !</h4> <p>Mon aïeul avait choisi de voyager en bateau à vapeur. Pandémie oblige, les beaux vapeurs de la Belle Epoque restent à quai. Je fais donc ce trajet à vélo. Pour éviter la grande route, j’emprunte un chemin pédestre joliment dessiné sur les hauteurs du lac.</p> <h3>Coquin de Niesen !</h3> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1591008576_capturedcran2020060112.32.49.png" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;">Le Niesen, vu depuis Merligen.</h4> <p>Non content d’afficher son profil iconique, le Niesen se permet de nous offrir, dans le lac, son image triangulaire renversée.</p> <h3>Le four à chaux</h3> <p>Intrigué par une construction bizarre, je m’arrête. Un panneau explique qu’il s’agit d’un ancien four à chaux. Mais ce qui fascine, c’est le lézard si peu craintif qui se réchauffe sur une poutre.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1591010952_capturedcran2020060112.52.56.png" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h3>Cinquante attelages devant le “Neuhaus”</h3> <p>Joseph a voyagé sur Lac de Thoune en bateau à vapeur. Ecoutons-le:</p> <p><em>“Le bateau a mis quatre heures pour traverser le lac. Devant l’auberge ‘Neuhaus’, plus de 50 attelages attendaient les voyageurs étrangers. [...] Partout de splendides hôtels, des jardins luxuriants, des boutiques offrant des sculptures sur bois - tout cela pour soustraire quelques sous à ces touristes aux lourdes bourses, surtout les Anglais.”</em></p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1591011035_capturedcran2020060112.53.02.png" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;">L’auberge “Neuhaus” à Unterseen</h4> <h3>Les jardins d’Interlaken</h3> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1591011055_capturedcran2020060112.53.10.png" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;">Une digitale blanche se déchire et se rêve en papillon.</h4> <p>Joseph décrivait ces jardins d’Interlaken, si parfaitement soignés avec leurs fleurs exotiques. Je les ai retrouvés. Intacts après 168 ans...</p> <h3>Interlaken</h3> <p>Interlaken: une ville qui ne semble exister que pour les touristes. Une ville qui partage les misères de Barcelone ou de Lisbonne. Et aujourd’hui: le vide. Personne. Pas un seul étranger. Presque tous les restaurants fermés. Quelques rares hôtels qui accueillent deux ou trois touristes suisses. Dans les rares restaurants ouverts, c’est la visière de plexi, ou le masque. Obligation de donner son nom, son adresse. Les hôtels exigent que l’on signe une déclaration attestant que l’on a pas de maladie, que l’on a pas croisé un malade, que l’on respectera les procédures sanitaires, que l’on informera immédiatement l’hôtel si l’on tombe malade.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1591011162_capturedcran2020060112.53.24.png" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;">La Place de l’Hôtel de Ville, telle que Joseph l’aura vue en 1852.</h4> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1591011215_capturedcran2020060112.54.06.png" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;">Au même endroit, en 2020: pas un chat en vue.</h4> <p>Pour échapper à cette sinistrose, j’essaie de m’imaginer comment devait être Interlaken en 1852. Je trouve quelques gravures d’époque: la vie semblait bien plus animée alors qu’aujourd’hui...</p> <h3>Interlaken: un vrai de vrai</h3> <h4><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1591011721_capturedcran2020060112.54.41.png" class="img-responsive img-fluid center " /></h4> <h4 style="text-align: center;">L’hospitalité au temps du Coronavirus.</h4> <h3>Giessbach au bois dormant</h3> <p>Je continue ma balade à vélo, poussant une pointe jusqu’à Brienz. Superbe parcours sur la rive nord. De Brienz, je reviens par la rive sud - et le chemin passe par Giessbach. Interdiction de pénétrer le site, pas âme qui vive. Face au torrent impétueux, un calme d’outre-tombe.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1591012416_capturedcran2020060113.33.01.png" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;">Le Grand Hôtel de Giessbach - le grand vide.</h4> <h3>Hôtel fantôme</h3> <p>J’avais l’habitude de voir des hôtels abandonnés en Casamance, en Abkhazie, en Géorgie. Mais voir ce spectacle en Suisse, c’est un choc. 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Il consigne ses impressions de voyage dans un petit carnet.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1591006436_joseph.png" class="img-responsive img-fluid center " width="403" height="516" /></p> <p>Il écrit en allemand, avec cette écriture gothique si difficile à déchiffrer.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1591006462_p1carnet.png" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1591006512_page.png" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;">La couverture et la première page du carnet.</h4> <p><strong>Mai 2020</strong>: je décide de partir sur les traces de mon aïeul, et de refaire le voyage qu’il avait fait à pied - mais je ferai ce voyage à vélo.</p> <p>Joseph part de Berne le 28 août vers 5 heures de l’après-midi, marche 4 heures pour atteindre Kiesen, où il trouve une auberge.</p> <p><em>“Nous avons été bien servis, mais j’ai très mal dormi </em><em>à cause du bruit de la foule de gens qui allaient à </em><em>Thoune, et qui vers le matin engorgeaient toute la </em><em>route. 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Larguez les amarres, le sport commence ! Les meilleurs tiennent plusieurs minutes sur la vague, avant d’être emportés par le courant.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1591008423_capturedcran2020060112.31.14.png" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;">Le pont “Scherzligschleuse” date de 1726</h4> <h3>Oberhofen</h3> <p>Joseph prend un bateau à vapeur pour aller à Interlaken:</p> <p><em>“Le petit vapeur que j’ai pris était plein de monde, de toutes les classes; des gens qui voulaient profiter du beau temps pour visiter Interlaken. 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Je trouve quelques gravures d’époque: la vie semblait bien plus animée alors qu’aujourd’hui...</p> <h3>Interlaken: un vrai de vrai</h3> <h4><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1591011721_capturedcran2020060112.54.41.png" class="img-responsive img-fluid center " /></h4> <h4 style="text-align: center;">L’hospitalité au temps du Coronavirus.</h4> <h3>Giessbach au bois dormant</h3> <p>Je continue ma balade à vélo, poussant une pointe jusqu’à Brienz. Superbe parcours sur la rive nord. De Brienz, je reviens par la rive sud - et le chemin passe par Giessbach. Interdiction de pénétrer le site, pas âme qui vive. 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Même si l’abandon n’est que temporaire.</p> <p>J’essaie de photographier à travers la porte vitrée: elle me renvoie l’image d’un cycliste couronné et fleuri...</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1591012532_capturedcran2020060113.33.14.png" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1591012558_capturedcran2020060113.33.30.png" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <p>Sur la terrasse de l’hôtel, les chaises trompent leur ennui en dessinant des ombres facétieuses.</p> <h3>Tricolore</h3> <p>Depuis Giessbach, je descends jusqu’au bord du lac, là où part le funiculaire qui mène à l’hôtel. Je suis le sentier des rives qui mène à Iseltwald. 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Mais l’aubergiste ne me demande que 1 franc 50 pour la nuit et le logis”.</em></p> <p>Cette petite histoire me rappelle que mon père, quand nous étions dans un restaurant plutôt cher, avait l’habitude de dire: <em>“Ce sont des prix d’Anglais”.</em></p> <p>Joseph continue sa balade jusqu’à la Petite Scheidegg, puis redescend vers Grindelwald.</p> <p>2020: je fais de même, découvre une Petite Scheidegg abandonnée.</p> <p>Ensuite une très jolie descente à vélo dans les forêts de pins jusqu’à</p> <p>Grindelwald, puis vers Zweilütschinen et Lauterbrunnen.</p> <p>Un grand merci à mon aïeul de m’avoir suggéré ce délicieux voyage...</p> <hr /> <h4>Découvrez le travail et les autres reportages (Caucase, Russie, Iran, Japon, Sénégal,...) de Roland Sauter <a href="http://www.roland.photography" target="_blank" rel="noopener">sur son site internet</a>.</h4>', 'content_edition' => null, 'slug' => 'sur-les-traces-de-mon-aieul-dans-l-oberland-bernois', 'headline' => false, 'homepage' => 'col-md-12', 'like' => (int) 594, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 2389, 'homepage_order' => (int) 2629, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [], 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'locations' => [], 'attachment_images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' } $relatives = [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5295, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Un bien cruel conte de Noël (1)', 'subtitle' => 'Catherine et Pierre forment un couple épanoui. 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La fidélité absolue est un concept éculé et hypocrite qui a pour but principal que les hommes soient certains que les enfants qui sortent des ventres de leur épouse soient bien le produit de leurs spermatozoïdes à eux. Transmettre ses gènes est un réflexe très animal, si Sapiens est vraiment un être supérieur, il devrait se détendre sur cette question. En plus, Pierre et moi n’avons pas fait d’enfants, trop concentrés sur nous-mêmes et nos vies à réussir. Marie, ma sœur, prétend que pour les femmes, l’importance de la fidélité n’a pas pour but la perpétuation de l’espèce mais plutôt la conservation à leur côté du mâle qui assure leur protection. Elle se trompe. Si Pierre et moi sommes toujours ensemble après trente-cinq ans de mariage, c’est justement parce que nous nous laissons la liberté d’aller de temps en temps voir ailleurs. Marie, elle, ne souhaitait plus de rapports sexuels tout en menaçant son mari de le quitter s’il la trompait. C’est lui qui est parti avec la première maîtresse qu’il s’est autorisée.</p> <p>Mais Pierre a changé.</p> <p>Nous nous sommes connus dans une manifestation contre le racisme alors que nous avions vingt-sept ans. Il était graphiste tandis que moi j’enseignais le français à des réfugiés dans un centre géré par l’Eglise protestante. Je l’avais déjà remarqué à d’autres occasions au fil des ans – Lausanne est une petite ville – notamment lors d’une soirée chez Jean-Luc, lequel a été mon amant lorsque j’avais vingt ans et que j’hésitais entre le trotskisme et l’écologie politique. Lorsque Jean-Luc, figure de proue des trotskistes locaux, m’avait quittée pour une camarade d’origine kurde plus valorisante pour lui, j’avais renoncé aux principes de la Quatrième Internationale et milité pour la sauvegarde de la planète, jusqu’à ma rencontre avec un zapatiste belge avec qui je suis partie au Mexique où j’ai attrapé une infection sexuellement transmissible. De retour en Suisse, j’ai soigné ma salpingite et terminé mes études de lettres. Entre deux amants de passage, je traversais de longues périodes d’abstinence sexuelle sans que cela me coûte. A la manif, j’ai trouvé Pierre très beau avec sa moustache et sa barbe de cinq jours. Et je l’ai trouvé irrésistible lorsqu’il a jeté une bouteille vide en direction des forces de l’ordre qui voulaient nous empêcher d’accéder à la salle où se déroulait une assemblée de l’UDC, ce parti d’extrême droite honni par nous. Pierre s’est fait réprimander par les camarades communistes qui assuraient le service d’ordre et il a fini par en venir aux mains avec eux. J’ai spontanément pris sa défense, nous nous sommes faits bousculer et avons quitté la manifestation, lui avec une arcade sourcilière fendue, moi avec un fort désir pour lui. Je l’ai emmené chez moi pour soigner sa blessure et nous avons fait l’amour toute la nuit. Deux semaines plus tard nous emménagions ensemble; nous ne nous sommes plus quittés.</p> <p>L’autre soir, alors que nous avions des invités à la maison, il m’a semblé reconnaître chez Pierre les signes d’une tension extrême. Depuis le temps, je le connais bien. Serge et Mireille, nos invités, l’ont eux aussi sentie, cette tension. Ce sont tout à la fois des amis et des clients. Des amis parce que comme nous ils sont de centre gauche, des clients car ils font appel à notre agence de communication pour promouvoir leur commerce. Après avoir été de grands voyageurs, Serge et Mireille vendent aujourd’hui des produits venus d’Asie, principalement d’Inde mais aussi de Birmanie et du Cambodge. Ils sélectionnent avec soins les artisans, privilégiant les structures coopératives respectueuses de l’environnement et du bien-être des populations locales. Nous gérons leur site internet et leur publicité, et tournons même pour eux des clips promotionnels. Pierre est devenu agressif avec Mireille lorsque celle-ci a déclaré que les néo-féministes exagéraient et que #MeToo décourageait toute tentative de séduction de la part des hommes. «Je n’ai pas peur de le dire, j’aime bien que l’on me tienne la porte et que les hommes me fassent sentir qu’ils me désirent…» Pierre lui a rétorqué que le patriarcat était une forme de fascisme et qu’en tant que progressiste nous devions tout faire pour l’abattre. J’ai essayé de dévier la conversation sur la nourriture bio mais très vite c’est l’écriture inclusive qui a fait s’échauffer les esprits. Serge, qui se pique d’aimer la littérature, a déclaré que le français était en danger, qu’il fallait le sauver des points médians et des réformes de l’orthographe. Pierre a rétorqué que pour rester vivantes les langues devaient changer, que les normes les étouffaient, que les règles orthographiques avaient été inventées pour empêcher les pauvres d’accéder aux études. «Etes-vous allés récemment au cinéma?» ai-je incidemment demandé à Mireille?</p> <p>Le lendemain, elle m’a appelée. «Avec Serge, on se demande si Pierre n’est pas en train devenir woke…» Mon sang s’est figé dans mes veines, une sourde angoisse est montée de mon estomac jusque dans ma gorge. «Non, non… Vous vous trompez… Vous avez bien vu, il continue de manger de la viande», ai-je rassuré Mireille. Mais le doute s’était instillé en moi, je me suis mise à mieux observer Pierre et, pour la première fois, j’ai fouillé dans ses poches et ses agendas, même dans son ordinateur. 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En jeu, rien de moins que les causes de la crise de la pollution plastique et les solutions appropriées pour y remédier.</p> <ul> <li> <p>D’un côté, la <a href="https://hactoendplasticpollution.org/fr/">Coalition de haute ambition</a> (HAC), les activistes du «zéro déchet» et de <a href="https://theconversation.com/traite-mondial-contre-la-pollution-plastique-en-coulisses-le-regard-des-scientifiques-francais-presents-234046">nombreux scientifiques</a> insistent sur la nécessité d’une <a href="https://hactoendplasticpollution.org/hac-member-states-ministerial-joint-statement-for-inc-5/">approche globale portant sur l’ensemble du cycle de vie des plastiques</a>, y compris leur production.</p> </li> <li> <p>De l’autre côté, une <a href="https://medium.com/points-of-order/spoiler-alert-f737a24292e6">petite minorité d’Etats</a> ainsi que l’industrie pétrochimique ont à de nombreuses reprises détourné l’attention de cette question de la production des plastiques. 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Il s’agit des travailleurs qui récupèrent, réutilisent ou revendent les plastiques, les textiles, l’aluminium et d’autres matériaux précieux issus des déchets.</p> <p>Dans le cadre du traité sur les plastiques, pour que ces travailleurs informels soient reconnus, que leurs conditions de travail puissent être améliorées et qu’ils puissent bénéficient d’une transition écologique plus équitable, les solutions politiques doivent aller au-delà des mécanismes économiques basés sur le seul marché et des stratégies axées sur le profit.</p> <p>Si ce n’est pas le cas, les efforts en faveur d’un recyclage plus inclusif et du développement de l’économie circulaire risquent de renforcer les injustices mêmes qu’ils prétendent combattre.</p> <h3>Qui sont les ramasseurs informels de déchets?</h3> <p>Les collecteurs de déchets – et les autres personnes travaillant avec eux dans un cadre informel et coopératif – effectuent une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921344924001824#sec0021">grande partie du travail de recyclage à l’échelle mondiale</a>. Ils réduisent de manière significative la quantité de plastique qui se retrouve dans les océans.</p> <p>Malgré cela, et parce qu’ils font un travail salissant et vivent dans des endroits sales, ils sont souvent tenus pour responsables du problème de la pollution plastique. Dans les discours politiques des villes et des Etats, leur travail a longtemps été <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0956247816657302">tourné en dérision, considéré comme non qualifié et inefficace</a>. <a href="https://www.undp.org/blog/unsung-heroes-four-things-policymakers-can-do-empower-informal-waste-workers">L’absence de reconnaissance officielle</a> de leur travail rend leurs revenus particulièrement instables et précaires. Les réglementations environnementales peuvent <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/ac6b49">aggraver ces menaces</a> en accélérant la privatisation du traitement des déchets.</p> <p>Alors que les efforts de lutte contre la pollution plastique gagnent du terrain, les ramasseurs informels sont soumis à une double pression:</p> <ul> <li> <p>Ils doivent protéger leur accès aux déchets, car c’est l’un des rares moyens de subsistance dont ils disposent.</p> </li> <li> <p>En même temps, ils cherchent à améliorer leurs conditions de vie et de travail.</p> </li> </ul> <p>Un groupe de ramasseurs de déchets a donc profité de l’ouverture des négociations pour <a href="https://globalrec.org/document/just-transition-waste-pickers-un-plastics-treaty/">plaider en faveur de la reconnaissance de leur travail</a>. Il a été demandé que leurs contributions historiques à la réduction de la pollution plastique soient explicitement reconnues, et qu’un objectif explicite de transition juste soit intégré au traité sur les plastiques.</p> <h3>Avec l’économie circulaire, tout le monde est gagnant?</h3> <p>La <a href="https://theconversation.com/quatre-idees-recues-sur-la-transition-juste-227569">transition juste</a> est un principe défendu par les groupes de travailleurs et les défenseurs de la justice sociale afin de garantir que les politiques de transition écologique protègent, améliorent et compensent équitablement les moyens de subsistance des travailleurs et des communautés affectés par l’environnement.</p> <p>Les ramasseurs de déchets ont utilisé ce terme pour réclamer que le traité comprenne des dispositions pour améliorer leurs conditions de travail et de sécurité. Mais également pour que le traité intègre davantage les travailleurs informels aux systèmes de gestion des déchets, et pour exiger que les systèmes de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/responsabilite-elargie-du-producteur-67766">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP) soutiennent aussi les travailleurs du secteur des déchets, en particulier les <a href="https://www.wiego.org/gender-waste-project">femmes et d’autres groupes vulnérables</a>.</p> <p>Etonnamment, ces demandes ont obtenu le soutien d’un large éventail de parties prenantes puissantes. Par exemple la <a href="https://www.businessforplasticstreaty.org/vision-statement#Key-elements">Business Coalition for a Plastics Treaty</a>, les <a href="https://news.un.org/en/story/2024/10/1156301">dirigeants des Nations unies</a> et même <a href="https://resolutions.unep.org/resolutions/uploads/american_chemistry_council.pdf">l’industrie pétrochimique</a>.</p> <p>Certaines de ces demandes ont été intégrées aux projets de traité sur les plastiques discutés au cours des négociations, ce qui représente une victoire majeure pour les travailleurs du secteur informel des déchets.</p> <p>Un consensus se dégage sur le fait qu’une économie circulaire inclusive peut être bénéfique à la fois pour l’environnement, l’économie et les travailleurs en améliorant la gestion de la pollution, les moyens de subsistance et les opportunités de croissance économique pour les entreprises.</p> <p>Ces promesses demandent toutefois à être vérifiées sur le terrain. Et c’est là que les choses se compliquent.</p> <h3>« Gagnant-gagnant », mais la victoire de qui ?</h3> <p>Dans mon livre <a href="https://mitpress.mit.edu/9780262546973/recycling-class/"><em>Recycling Class</em></a>, j’examine comment les efforts de recyclage inclusif ont été mis en œuvre à Bengaluru, l’une des plus grandes villes de l’Inde.</p> <figure><a href="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a> <figcaption><span></span></figcaption> </figure> <p>Dans cet ouvrage, je défends que l’intégration dans des programmes d’économie circulaire basés sur le marché n’est pas une solution miracle aux injustices ancrées dans les systèmes de production, de consommation et de production des déchets.</p> <p>La plupart des politiques d’économie circulaire et de recyclage inclusif reposent sur des mécanismes de marché, partant du principe que la création de marchés pour les déchets incitera les acteurs du marché à récupérer efficacement les déchets et à les convertir en ressources.</p> <p>Pour remplir leurs obligations en matière de <a href="https://theconversation.com/faire-payer-plus-les-entreprises-pour-quelles-reduisent-les-emballages-130073">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP), les marques peuvent alors s’engager à acheter des plastiques recyclés et à financer la collecte des déchets en achetant des <a href="https://www.worldbank.org/en/programs/problue/publication/unlocking-financing-to-combat-the-plastics-crisis">crédits plastique</a>.</p> <p>Cette approche vise à améliorer le prix des déchets, à augmenter les salaires et à encourager les efforts de collecte, tout en attirant des investissements pour financer l’amélioration des infrastructures et des technologies.</p> <p>Cependant, les mécanismes fondés sur le marché aggravent les inégalités existantes en matière d’accès au marché. Les efforts visant à donner la priorité à la traçabilité et à la transparence – dans le but d’améliorer l’efficacité du marché et le respect de la réglementation – désavantagent souvent les travailleurs informels.</p> <p>Ces derniers ne disposent pas des ressources et des capacités techniques nécessaires pour adopter des systèmes de suivi complexes basés sur les SIG ou la blockchain, et se retrouvent exclus des processus formalisés. Les start-up financées par le capital-risque et les grandes entreprises s’emparent alors du secteur du recyclage.</p> <p>Les multinationales préfèrent d’ailleurs les partenariats avec des start-up technologiques qui offrent des services à «valeur ajoutée» tels que des indicateurs et des tableaux de bord environnementaux, permettant aux entreprises de mettre en scène leur propre récit sur le développement durable. Souvent issus de milieux éduqués et privilégiés, les employés de ces firmes <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S001671852300057X">concurrencent les travailleurs informels existants, les subordonnant au passage</a>.</p> <p>A l’inverse, les femmes et les membres des minorités ethno-raciales et religieuses, qui constituent la majorité des travailleurs des économies informelles des déchets, sont confrontés à des obstacles supplémentaires. Notamment des <a href="https://mouvements.info/recuperateurs-de-dechets/">stigmates sociaux bien ancrés</a> qui limitent leur capacité à participer sur un pied d’égalité à ces marchés émergents. 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Une étude de <a href="https://www.circle-economy.com/resources/decent-work-in-the-circular-economy">Circle Economy</a> souligne que la plupart des emplois du secteur de l’économie circulaire restent ad-hoc et informels et ne bénéficient pas des garanties d’un emploi décent.</p> <p>En fin de compte, les travailleurs informels sont confrontés à un choix difficile: soit ils acceptent d’être exploités au sein des circuits de traitements des déchets en tant que simples ressources, soit ils risquent de perdre complètement leurs moyens de subsistance.</p> <p>Les systèmes actuels de production et de consommation du plastique déplacent donc la charge des déchets sur des communautés autochtones ou ethniques marginalisées, créant ainsi des <a href="https://www.dukeupress.edu/pollution-is-colonialism">zones sacrifiées</a>. Ce déplacement permet de maintenir la rentabilité, tout en perpétuant les atteintes à l’environnement et les inégalités sociales.</p> <p>En promouvant des technologies de <a href="https://www.bbc.com/afrique/monde-57087908">recyclage chimique</a> non éprouvées et en étendant les marchés du plastique, les entreprises <a href="https://theconversation.com/comment-lindustrie-fossile-influence-les-negociations-mondiales-sur-le-plastique-222112">pétrochimiques</a> et de matières plastiques <a href="https://direct.mit.edu/glep/article/21/2/121/97367/Future-Proofing-Capitalism-The-Paradox-of-the">s’approprient le langage de l’économie circulaire</a>. Cela leur permet de donner un vernis écologique à leurs propositions, tout en maintenant le <em>statu quo</em> sur les inégalités.</p> <p>Pendant ce temps, la HAC, plusieurs ONG et même certains ramasseurs de déchets invoquent également l’économie circulaire comme solution à la crise du plastique, en mettant l’accent sur le réemploi et le recyclage inclusif.</p> <h3>Demander des comptes aux pollueurs plutôt que compter sur l’efficacité du marché</h3> <p>Pour que l’économie circulaire aille au-delà de la simple protection du capitalisme fossile, elle doit prendre en compte les collecteurs de déchets et recycleurs informels dans le Sud et reconnaître les limites des mécanismes basés sur le marché. C’est vrai aussi bien pour le traité international sur la pollution plastique que pour d’autres démarches régionales comme le <a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/ATAG/2021/679066/EPRS_ATA(2021)679066_FR.pdf">plan d’action de l’UE pour l’économie circulaire</a>.</p> <p>En effet, toute stratégie de lutte contre la pollution plastique basée sur le marché et axée sur le profit est susceptible de reproduire ces schémas d’inégalité. Et par la même occasion, de pérenniser les injustices systémiques qui soutiennent le statu quo. Pour une transition vraiment juste, la lutte contre la pollution plastique ne doit donc pas devenir une opportunité de croissance économique ou de profit.</p> <p>Au contraire, nous avons besoin d’une approche centrée sur la réparation. Il faut d’abord, pour cela, reconnaître les contributions historiques des collecteurs informels du plastique ainsi que les préjudices qu’ils subissent. Puis redistribuer les ressources aux personnes les plus touchées et créer des systèmes qui donnent la priorité à la restauration de l’environnement et à la justice sociale plutôt qu’au profit des entreprises.</p> <p>Une économie circulaire bien financée devrait d’abord renforcer le pouvoir des travailleurs, puis améliorer les capacités des infrastructures et réduire la concentration de ces déchets en produits chimiques toxiques, plutôt que de s’appuyer sur des solutions basées sur le marché qui aggravent les inégalités.</p> <p>Les vraies solutions consistent à demander des comptes aux pollueurs et à adopter des approches circulaires fondées sur la sobriété et la réparation, et non sur l’efficacité du marché.<img src="https://counter.theconversation.com/content/244065/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/manisha-anantharaman-1526162">Manisha Anantharaman</a>, Assistant Professor, Center for the Sociology of Organisations, CNRS/Sciences Po, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/sciences-po-2196">Sciences Po </a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. 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Gasche</strong>, article publié sur <a href="https://www.infosperber.ch/medien/medienkritik/die-usa-finanzieren-internationales-journalisten-kollektiv/" target="_blank" rel="noopener"><em>Infosperber</em></a> le 5 décembre 2024, traduit par <em>Bon Pour La Tête</em></p> <hr /> <p>Parmi de nombreux autres médias, la <em>NZZ</em> et le <em>Tages-Anzeiger</em> ont diffusé à plusieurs reprises des révélations du réseau international de journalistes Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP). Ce faisant, ils n'ont pas rendu transparent le fait que les services gouvernementaux américains paient la moitié du budget de l'OCCRP. 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De plus, l'agence gouvernementale américaine interdit d'utiliser son argent pour mettre au jour la corruption aux Etats-Unis.</p> <p>Certaines subventions étaient même affectées à un but précis: le Department of State, par exemple, a versé 173 000 dollars à l'OCCRP pour «détecter et combattre la corruption au Venezuela». Ou l'<a href="https://www.usaid.gov/">Agence pour le développement international (USAID)</a> a versé plus de deux millions de dollars dans le but de «mettre au jour la criminalité et la corruption à Malte et à Chypre».</p> <p>Le journal en ligne français indépendant <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">« Mediapart »</a> en a parlé le 2 décembre 2024 <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">.</a></p> <p>Le fondateur de l'OCCRP est un ancien employé <a href="https://www.rockwellautomation.com/de-ch.html">de Rockwell</a> devenu journaliste: <a href="https://www.occrp.org/en/staff/drew-sullivan">Drew Sullivan</a>. L'OCCRP a été créé à l'instigation de fonctionnaires du gouvernement américain. Selon Mediapart, Sullivan a reçu pour cela, en 2008, un financement de départ de 1,7 million de dollars du <a href="https://www.state.gov/bureaus-offices/under-secretary-for-civilian-security-democracy-and-human-rights/bureau-of-international-narcotics-and-law-enforcement-affairs/">Bureau of International Narcotics and Law Enforcement Affairs</a>(INL). Il s'agit d'une agence d'application de la loi du Département d'Etat américain.</p> <p>L'OCCRP s'appuie souvent sur des documents divulgués provenant de sources non identifiées. La qualité des recherches et des révélations de l'OCCRP n'est pas mise en doute. L'orientation unilatérale des recherches et le manque de transparence des informations sur le financement donnent lieu à des critiques.</p> <p>L'ampleur des liens personnels et financiers de l'OCCRP avec le gouvernement américain va à l'encontre de «tous les principes de l'éthique journalistique». C'est ce qu'a déclaré Leonard Novy, directeur de l'Institut allemand des médias et de la politique de communication, à la chaîne NDR. Cela laisse supposer que les journalistes peuvent être utilisés ou instrumentalisés à des fins politiques.</p> <p>Sullivan et l'OCCRP ont également laissé les médias partenaires et leurs lecteurs dans l'ignorance de leur proximité avec le gouvernement américain. Selon Leonard Novy, l'organisation a ainsi dépassé les limites.</p> <h3><strong>Sullivan n'a pas voulu parler clairement aujourd'hui encore</strong></h3> <p>Sullivan a d'abord affirmé à la chaîne NDR que l'OCCRP avait «un groupe de donateurs largement répandu», parmi lesquels «aucun donateur individuel ne domine». Il a ajouté que «le gouvernement américain [...] est l'un des plus grands donateurs, mais ce n'est pas un pourcentage énorme». 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[...] Je suis très reconnaissant au gouvernement américain.»</p> <p>Par écrit, Sullivan a renchéri: «Nous avons dû décider si nous voulions accepter de l'argent du gouvernement ou ne pas exister.» Sur le site web de l'OCCRP, les montants des sponsors ne sont pas indiqués.</p> <h3><strong>Conditions posées</strong></h3> <p>Sullivan a confirmé à la NDR le pouvoir d'influence des autorités américaines: «Dans le cadre d'accords de coopération que nous n'aimons pas conclure, ils ont un droit de regard sur le choix des personnes [...] Ils peuvent mettre leur veto sur quelqu'un [...] Ils n'ont jamais mis leur veto sur quelqu'un.»</p> <p>L'OCCRP ne peut pas enquêter sur des affaires américaines avec l'argent fourni par Washington. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Sullivan à la NDR. «Je pense que le gouvernement américain ne le permet pas. Mais même dans d'autres pays où ces dispositions n'existent pas, nous ne le faisons pas parce que cela vous place dans une situation de conflit d'intérêts et que vous préférez rester à l'écart de telles situations.»</p> <p>Ainsi, le paradis fiscal américain du Delaware n'a jamais fait l'objet de toutes les recherches sur l'évasion fiscale et l'argent de la corruption.</p> <p>L'OCCRP a tout de même effectué des recherches isolées aux Etats-Unis: par exemple sur les <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/meet-the-florida-duo-helping-giuliani-investigate-for-trump-in-ukraine">hommes d'affaires</a> qui avaient soutenu l'avocat de Donald Trump pour nuire à Joe Biden, ou sur la manière dont le Pentagone a dépensé des sommes énormes pour <a href="https://www.occrp.org/en/project/making-a-killing/revealed-the-pentagon-is-spending-up-to-22-billion-on-soviet-style-arms-for-syrian-rebels">fournir des armes</a> à des groupes rebelles en Syrie, ou encore sur un <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/flight-of-the-monarch-us-govt-contracted-airline-once-owned-by-criminals-with-ties-to-russian-mob">contrat</a> entre le gouvernement américain et une compagnie aérienne dont les propriétaires sont liés au crime organisé en Russie.</p> <p>Ces recherches ont manifestement respecté une autre condition imposée par les autorités américaines à l'OCCRP: l'activité doit être «en accord avec la politique étrangère et les intérêts économiques des Etats-Unis et les promouvoir.» (<a href="https://www.govinfo.gov/content/pkg/COMPS-1071/pdf/COMPS-1071.pdf">US Foreign Assistance Act</a>).</p> <h3><strong>Voici comment la «NZZ» et Tamedia ont présenté la source OCCRP</strong></h3> <p><strong>«NZZ» du 19 juillet 2023</strong></p> <p>«L'Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) est un réseau d'organisations journalistiques fondé en 2006, basé dans de nombreux pays différents et fonctionnant sous cette forme en tant que filiale du Journalism Development Network à but non lucratif, dont le siège est dans le Maryland.»</p> <p><strong>«Tages-Anzeiger» du 21 juin 2023</strong></p> <p>«Grâce à l'organisation OCCRP, des journalistes femmes de plusieurs pays ont pu étudier ces données, dont <em>Der Standard</em> en Autriche et <em>Der Spiegel</em> en Allemagne. 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