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Culture / Qui ose encore se lancer dans l’édition en Suisse romande?


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Vous rêvez de travailler d’arrache-pied tout en restant définitivement à l’abri de la richesse? De remplir des piles de formulaires et collecter des montagnes de paperasses? De lire des centaines de manuscrits parfois indigestes dans l’espoir de dénicher LA pépite qui justifie votre sacerdoce? Tout cela pour rester dans l’ombre d’auteurs vindicatifs et souvent insatisfaits de vos services? Si vous cochez toutes les cases, vous allez peut-être fonder la prochaine maison d’édition romande.



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Paradoxalement, on en trouve, des gens prêts à cette folle aventure. Quitte à perdre de l'argent, à endurer reproches et récriminations, à voir leur travail déborder sur les soirées et les week-ends et à concocter patiemment des dossiers plus épais que les œuvres complètes de Proust pour espérer, parfois en vain, un modeste soutien. Il faut une dizaine d'années pour commencer à récolter un brin de reconnaissance et quelques subsides. Pour être enfin pris au sérieux. Qui sont donc ces fous, ces inconscients, ces passionnés? Qu'est-ce qui peut bien les motiver? Rencontre.

«Nous croyons en la diversité des voix et en l'importance de faire émerger de nouveaux auteurs qui enrichissent le paysage littéraire», explique Ilir Xheladini, directeur de I-liredition fondée en juin 2021. «En les soutenant, nous souhaitons apporter une contribution significative à la littérature contemporaine. Mais surtout, j'avais l’idée de repousser les limites du livre traditionnel et de le faire évoluer vers une expérience de lecture immersive unique et enrichissante que nous avons appelée le Livre 2.0. Dans nos romans, nous avons introduit à certains endroits clés des QR codes qui permettent au lecteur d’écouter une mélodie qui a inspiré l'auteur, de visualiser une image en lien avec le texte ou encore de profiter de passages de lecture audio pour se reposer les yeux. Cette approche novatrice se veut interactive et multisensorielle, tout en respectant l'essence même du livre.»

Pour Antoine Viredaz et Alexandre Metzener de Presses inverses, tout est parti en 2019 de l’idée d’un cadeau de Noël destiné à leurs proches: «Avec un ami archéologue et photographe, nous avons produit sur nos propres imprimantes un livre d’artiste tiré à 50 exemplaires. Il s’agissait d’un choix de six poèmes grecs antiques, traduits par Antoine Viredaz, avec le texte original en regard et une photo de paysage grec.» Le succès rencontré par ce premier ouvrage dans la librairie où travaillait alors Alexandre Metzener les a incités à faire un second tirage augmenté d’une petite étude critique, chez un imprimeur professionnel. Et à sortir deux autres titres par la même occasion. Prélude à leur «Collection originale» dont les auteurs sont des habitués de la librairie ou des collègues d’Antoine Viredaz à l’Unil.

C’est aussi le hasard des rencontres de «plumes souvent talentueuses mais peu reconnues» qui a donné à Christian Dick l’idée d’occuper intelligemment son temps à la retraite et de parer aux délais interminables des éditeurs: «Ça m’est venu comme ça un soir, témoigne le fondateur des éditions de la Rive créées en 2022. J’avais une entreprise inactive qu’il a été facile de transformer.» L’envie de laisser un projet à ses trois enfants y a aussi contribué. Mais l’écriture reste le moteur. Car Christian Dick a publié plusieurs livres chez Encres fraîches et Mon Village avant de se lancer lui-même dans l’édition.

Passé cet enthousiasme initial, la réalité correspond-elle à ce qu’ils avaient imaginé, en termes de charge de travail, de visibilité, de succès commercial, etc.? Ont-ils eu des surprises, bonnes ou mauvaises?

Christian Dick reconnaît que c’est beaucoup plus de travail et de disponibilité qu’il ne pensait: «Le succès commercial n’a jamais été le but. Mais à force de travail et de persévérance, j’ai donné une certaine visibilité à cette maison d’édition.» Les fondateurs de Presses inverses ne s’attendaient pas à un travail facile. Ils ont décidé de n’avancer que la somme nécessaire à l’impression des trois premiers titres et de financer les suivants avec le produit des ventes des premiers. Comme cette stratégie a toujours fonctionné, «on peut dire que, jusqu’ici, le succès correspond à nos attentes», estime Antoine Viredaz.

Ilir Xheladini relève quant à lui que la visibilité est un défi, car il faut rivaliser avec de nombreuses autres maisons d'édition, surtout celle venues de France qui font imprimer leurs livres dans d’autres continents. Mais pas question pour lui de se simplifier la tâche: «Nous cherchons activement à travailler avec des imprimeries situées à proximité, afin de réduire les émissions de carbone liées au transport. Et nous privilégions l'utilisation de papier provenant de forêts gérées de manière responsable.»

Peut-on conjuguer autant d’idéalisme avec le sens des réalités économiques? 

Ilir Xheladini estime que le rôle le plus important d'un éditeur est de défendre à la fois l'auteur et le lecteur, ce qui implique de comprendre le marché du livre, d'identifier les tendances et les demandes des lecteurs et de sélectionner des ouvrages qui répondent à ces critères. Christian Dick part du principe que ce qui se vend le mieux est ce qui vous a le mieux convaincu. Enfin, Antoine Viredaz et Alexandre Metzener soulignent que si l’objectif de leur formation en Lettres n’a jamais été explicitement de former un projet éditorial, c’est néanmoins un débouché qui existe pour leurs études et que l’Unil les y a, en fin de compte, bien préparés.

Qu’en pensent donc les éditeurs confirmés et à l’assise financière plus solide que sont par exemple Slatkine et Okama? L’expérience les a-t-elle rendus plus pragmatiques?

Si la stratégie de Slatkine consiste à diversifier les genres et à ne publier que 40% environ de littérature au sens strict, les éditions OKAMA misent essentiellement sur le fantastique et la fantasy. Récemment, elles ont toutefois cocréé une collection de littérature policière dirigée par le fondateur des éditions BSN Press Giuseppe Merrone.

Laurence Malé des éditions Okama n’a jamais demandé de subsides pour la maison d’édition à proprement parler et la seule aide structurelle dont bénéficie Slatkine de la part de l’OFC représente moins de 5% des charges. Ces éditeurs effectuent l’un et l’autre des demandes de subventions ponctuelles auprès des fondations et des institutions pour les titres qu’ils souhaitent publier. Cela implique un lourd travail administratif qui requiert des compétences en matière de gestion, de connaissance des coûts de production, etc. et d’anticipation, puisqu’il faut prévoir au moins six mois à l’avance les titres à mettre au catalogue. Laurence Malé consacre une bonne partie de son temps au suivi et à la vision d’ensemble. La partie édition, relation avec les auteurs et communication est la face la plus valorisante, mais ne représente qu’une moitié de son travail.

La publication à compte d’auteur fait partie des solutions adoptées par les éditions Slatkine, mais de moins en moins depuis le lancement de leur plateforme d’autoédition isca-livres.ch. Chez Okama en revanche, on s’y refuse par souci de garder une ligne éditoriale équilibrée au niveau du fond comme de la forme.

Il semble donc que la diversité des parutions s’accompagne d’une grande variété de stratégies commerciales dans le microcosme de l’édition romande.

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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

1 Commentaire

@Tom Gonthier 20.07.2023 | 11h12

«Je m'insurge contre cette image de l'auteur pénible et ingrat. Cliché des plus ignobles et mensonger s'il en est. L'auteure de l'article étant auteure elle-même sauf erreur, il y a là motif à empoignade dans les vignes ou dans une caverne.»