Installé à Grignan dans la Drôme, Philippe Jaccottet n'a jamais rompu son lien avec le pays romand. © F. Poncet
Révérence amicale au poète (1925-2021), qui vient d'être délivré du poids du monde. C'était un des derniers grands poètes de langue française que Philippe Jaccottet, dont l’œuvre fut la première, d'un auteur romand vivant, à faire son entrée dans la prestigieuse collection de La Pléiade.
Pour mémoire, rappelons que Philippe Jaccottet est né à Moudon le 30 juin 1925, qu’il a fait des études de lettres à Lausanne et s’est établi en 1953 à Grignan, dans la Drôme, en compagnie de son épouse Anne-Marie, artiste peintre. Le lien de Jaccottet avec le pays romand n’a jamais été brisé pour autant, entretenu par de fidèles amitiés (avec Gustave Roud, Maurice Chappaz, Jean Starobinski et Anne Perrier, notamment) autant que par ses relations avec nos éditeurs et autres journaux et revues accueillant longtemps ses textes de chroniqueur littéraire.
C’est cependant à l’enseigne de Gallimard que son œuvre a acquis sa notoriété internationale, avant d’être traduite en plusieurs langues et commentée dans les universités du monde entier.
Poète de la présence au monde le plus immédiat, dans la proximité constante de la nature, Philippe Jaccottet s’est également fait connaître pour ses traductions de très haut vol, dont celle de L’Homme sans qualités de Robert Musil et L’Odyssée d’Homère, entre autres auteurs italiens, allemands, espagnols ou russes.
Dans sa préface à un recueil de Jaccottet (Poésie 1946-1967), Jean Starobinski célébrait la recherche, dans son œuvre, d’une « parole loyale, qui habite le sens, comme la voix juste habite la mélodie ». On ne saurait mieux résumer la démarche du poète de Grignan, quête de sens et de perles sensibles au jour le jour, notamment dans ses merveilleuses notations de rêveur solitaire, aux modulation musicale de joies et de douleurs captées au plus près.
Dans la lumière de Grignan. Une rencontre, cette année-là...
C’est à la lumière, déjà, qu’on se sent approcher du lieu. Là-bas, au sud de Valence, lorsque la vallée du Rhône s’ouvre plus large au ciel et que les lavandes et les oliviers répandent leurs éclats mauve-argent dans les replis intimes d’un paysage encore montueux, à un moment donné vous sentez que la lumière à tourné et que vous allez retrouver un certain «ton» pictural et musical (au sens d’une peinture et d’une musique mentales mais sans rien d’abstrait) qui émane pour ainsi dire physiquement des livres de Philippe Jaccottet et des aquarelles de sa femme, comme il y a un ton propre à la lumière du Vaucluse de René Char, voisin d’en dessous, ou à celle du Lubéron de Giono, voisin d’en dessus.
La lumière de Grignan, un dimanche après-midi d’hiver, comme assourdie sous le ciel pur, dans les rues vides du bourg et plus encore sous les hauts murs du château de Madame de Sévigné, puis dans la chambre à musique de la vieille maison tout en hauteur où habitent les Jaccottet depuis plusieurs décennies dont la douce patine rend les lieux pleins de tableaux et de livres aussi simples et familiers que l’accueil de nos hôtes, cette lumière du dehors se prolongeant à l’intérieur nous renvoie naturellement aux promenades du poète et aux tableaux de sa compagne. C’est cette même lumière, d’ailleurs, et tout ce qu’elle relie, qui a constitué l’une des «surprises» fondamentales de la vie des Jaccottet à Grignan, où ils s’installèrent dès 1953 et qui devint leur véritable «foyer» poétique.
«Nous voulions vivre autrement qu’en Suisse, remarque Anne-Marie Jaccottet. Nous étions attirés par le Sud et, comme nous avions peu de moyens, nous avons imaginé cette solution». Pour l’écrivain contraint de gagner sa vie, la traduction fut estimée la possible alternative à la plus confortable carrière de professeur en Suisse romande, permetant en outre au poète de se tenir plus libre et concentré devant «la chose», loin de l’agitation du milieu littéraire parisien. Ainsi, avec une famille bientôt agrandie (Antoine vint au monde en 1954, et Marie en 1960), et sans que le travail de l’un n’écrase jamais l’autre (on se rappelle la femme de Ramuz renonçant bientôt à la peinture...), les démarches du poète et de l’artiste, marquées par la même recherche de la lumière, s’épanouirent-elles à la même approche du réel.
Comme nous évoquons l’origine de l’acte créateur, à propos de la rêverie merveilleuse sur laquelle s’ouvre le Cahier de verdure, où le poète parle de ce qui le pousse encore à écrire «pour rassembler les fragments plus ou moins lumineux et probants, d’une joie dont on serait tenté de croire qu’elle a explosé un jour, comme une étoile intérieure, et répandu sa poussière en nous», Philippe Jaccottet s’est mis à parler, non sans précautions scrupuleuses, avec son refus coutumier de toute certitude assenée, de ce qui s’est révélé dans la lumière de Grignan.
En 1991. © Erling Mandelmann
«Ces surprises étaient d’ordre lumineux, donc si on commence à réfléchir prudemment, on pourrait dire que cette multiplicité d’éclats pourait provenir d’un centre auquel on pourrait doner le nom de joie, très lointainement, parce qu’il s’agit de la manifestation d’un sentiment qui semble avoir été beaucoup plus intense en d’autres temps. Dans certaines oeuvres du passé, je pense à Homère, ces éclats qui reflètent la réalité sont, en tout cas, beaucoup moins soumis au doute qu’aujourd’hui. De la même façon, je pourrais trouver, dans mes souvenirs d’enfance ou d’adolescence, des moments où se sont manifestés des éclats de cette joie, mais rien ne s’en est déposé par écrit. D’ailleurs le mot joie, l’idée centrale adviennent après des expériences frêles et immédiates qui me sont venues ici au fil de nos promenades. C’est ici que mes yeux se sont ouverts sur le monde sans que cela participe d’aucun programme ou d’aucune décision. J’essaie toujours d’être dans le présent et le plus possible dans l’immédiat.»
Cette présence immédiate, qui se traduit dans ses livres par la recherche constante du plus simple et du plus juste (tous ses commentateurs relèvent cette incomparable justesse d’une parole qui investit le réel avec une sorte de douceur puissamment irradiante), Philippe Jaccottet, et sa femme tout pareillement à l’évidence, la vit au quotidien et sans pose. Ses lecteurs savent, dans son oeuvre, autant que ces feux épars de la joie que symbolise notamment tel cerisier au bord de la nuit, la présence du doute et d’une «éternelle inquiétude», le poids aujourd’hui du vieillissement et le rappel quotidien des atrocités qui ensanglantent le monde. Or plus que les massacres suscitant l’indignation ostentatoire de nos grands intellectuels, c’est, soudain, dans la chambre à musique, le rappel de la disparition de deux amis chers de longue date qui fait peser toute l’ombre de la mort avec une espèce de densité physique.
Naguère critiqué par tel pair politiquement engagé lui reprochant de se «promener sous les arbres» au lieu de le faire «sur les barricades», Philippe Jaccottet n’a rien pour autant de l’esthète diaphane qu’on imagine parfois et l’on sent, à ses côtés, sa femme participer à l’accablement, voire au dégoût que peut susciter le spectacle de notre drôle de monde.
«S’il m’arrive, précise le poète, de faire mention de faits d’actualité qui m’indignent, je me vois mal les rappeler comme des mérites particuliers... L’oeuvre de Mandelstam vaut-elle par ses rares implications «politiques» ou par son total engagement poétique et existentiel ? Et ne voit-on pas aujourd’hui qu’un Rilke, supposé s’être complu dans le voisinage de dames aristocrates, reste plus «réel» et agissant sur de jeunes lecteurs que tant de littérateurs dits «engagés» ? Philippe Jaccottet lui-même , qui s’est posé maintes fois la question de la légitimité de toute parole «après Auschwitz», écrit cependant «que la poésie peut infléchir, fléchir un instant, le fer du sort. Le reste, à laisser aux loquaces»...
Anne-Marie Jaccottet peint «d’après nature», comme on dit, avec des éclats de joie chez elle aussi qui rappellent un peu, en plus modeste, les contemplatifs lumineux à la Bonnard. «Ce que l’on voit dans ces paysages et dont on sent l’odeur, c’est la terre au matin», écrivait Paul de Roux à propos de ses aquarelles, faisant comme un écho à Jean Starobinski qui disait Philippe Jaccottet «l’un de nos plus merveilleux poètes de l’aube.»
Avec une attention émouvante, le poète lui-même commentait ainsi la progression de sa compagne: «Ayant vu cette oeuvre s’élaborer lentement, à travers les obstacles qu’une femme, embarrassée d’autres tâches inévitables, rencontre chaque jour, ce qui n’a cessé de me surprendre, c’est la façon dont le temps, qui nous use, sait aussi nous aider: on ne voyait pas se faire les exercices, les essais, les retouches qu’on imagine indispensable, il y avait même des périodes, impatiemment subies, d’inactivité forcée; et comme brusquement, on se trouvait dans une phase nouvelle, on était monté d’un étage; comme si le changement, le progrès (manifeste) s’étaient fait «en dormant», comme si c’étaient les jours eux-mêmes, et les nuits (presque autant que l’oeil et la main) qui avaient agi». Et ces mots aussi, du poète à propos de l’artiste, ne pourraient-ils être retournés au premier?
Ce qui saisit, en tout cas, dans la lumière déclinante de l’après-midi d’hiver à Grignan (plus tard, de la terrasse du château ouverte aux lointains pénombreux, ce seront ces «couleurs des soirs d’hiver: comme si l’on marchait de nouveau dans les jardins d’orangers de Cordoue»...), et alors même que Philippe Jaccottet récuse avec insistance son accession à la sérénité de l’âge, c’est la justesse, là encore, d’un partage vivant de la lumière des jours.
Musique du silence
Morandi vu par Philippe Jaccottet. Ce texte figure dans le volume de La Pléiade sous le titre Le Bol du pèlerin.
Philippe Jaccottet s’est le plus souvent gardé de parler des peintres qui le touchent le plus, et l’on comprend que, devant l’art éminemment dépouillé et «silencieux» de Giorgio Morandi, le poète ait trouvé vain d’ajouter à «ces poèmes peints un poème écrit». Et pourtant il semble bien légitime, aussi, que le contemplatif de Grignan, touché par les toiles du peintre autant que par les «rencontres» faites dans la nature (un verger, une prairie, un flanc de montagne) s’interroge sur le pourquoi de cette émotion commune et de cet étonnement répété, renvoyant à l’énigme du visible et de notre présence au monde.
Tout un chacun peut d’ailleurs se le demander: pourquoi cet art si statique et répétitif apparemment, voire apparemment insignifiant, avec ses paysages comme assourdis et ses natures mortes (que Jaccottet propose, à l’allemande, d’appeler plutôt «vies silencieuses») de plus en plus sobres et dépouillées, pourquoi cet art des lisières du silence et du «désert» monacal nous parle-t-il avec tant d’insistante douceur, et, plus on y puise, avec tant de rayonnante intensité?
Révélant l’attachement profond de Morandi aux oeuvres de Pascal et de Leopardi, tous deux poètes des abîmes métaphysiques qu’il rapproche sur le même «fond noir» constituant l’arrière-plan de Morandi et Giacometti, et figurant en outre le «ciel» de notre siècle cerné d’horreur et de vide, Philippe Jaccottet montre bien que, loin de se détourner de «la vie», comme on a pu le lui reprocher à lui-même, le peintre travaille, avec une intensité extrême, à ce qui pourrait représenter une démarche de survie: «Comme si quelque chose valait encore d’être tenté, même à la fin d’une si longue histoire, que tout ne fût pas absolument perdu et que l’on pût encore faire autre chose que crier, bégayer de peur ou, pire, se taire».
A plusieurs reprises, citant Jean-Christophe Bailly qui compare le rituel pictural de Morandi à la cérémonie du thé japonaise, Jean Leymarie évoquant les fleurs du peintre «coupées, peut-être, par des anges», ou Valéry célébrant la «patience dans l’azur», Jaccottet fait siennes et rejette à la fois ces variations rhétoriques en concluant qu’«il y a de quoi désespérer le commentaire, mais «pour la plus grande gloire de l’oeuvre». Et de risquer cependant lui-même de passer pour «un fameux niais» en se livrant tout de même au commentaire, bien plus éclairant d’ailleurs, à nos yeux, que ceux de maints «spécialistes».
Sans paradoxe, Philippe Jaccottet confirme aussi bien notre sentiment que l’eau dormante de Morandi contient un feu puissant, une puissance d’unification et un élan du bas vers le haut que le poète rapproche, d’une manière saisissante, de l’apparition de l’ange incandescent surgi, du fond du paysage, au deuxième chant du Purgatoire de Dante. Rien pourtant de symboliste ni même d’explicitement religieux dans l’art de Morandi, que Jaccottet apparente néanmoins à une «conversation sacrée» et à un art de transfiguration qui ferait de chaque humble objet un petit monument, une stèle à la lisière du temps, ou ce bol blanc (blanc de neige, de cendre ou de lait matinal) dans lequel le pèlerin, à l’étape du «puits du Vivant qui voit», recueillera l’eau de survie.
Philippe Jaccottet, Oeuvres. Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 1626 p.
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Et de risquer cependant lui-même de passer pour «un fameux niais» en se livrant tout de même au commentaire, bien plus éclairant d’ailleurs, à nos yeux, que ceux de maints «spécialistes».</p> <p>Sans paradoxe, Philippe Jaccottet confirme aussi bien notre sentiment que l’eau dormante de Morandi contient un feu puissant, une puissance d’unification et un élan du bas vers le haut que le poète rapproche, d’une manière saisissante, de l’apparition de l’ange incandescent surgi, du fond du paysage, au deuxième chant du Purgatoire de Dante. 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C’est cette même lumière, d’ailleurs, et tout ce qu’elle relie, qui a constitué l’une des «surprises» fondamentales de la vie des Jaccottet à Grignan, où ils s’installèrent dès 1953 et qui devint leur véritable «foyer» poétique.</p> <p>«Nous voulions vivre autrement qu’en Suisse, remarque Anne-Marie Jaccottet. Nous étions attirés par le Sud et, comme nous avions peu de moyens, nous avons imaginé cette solution». Pour l’écrivain contraint de gagner sa vie, la traduction fut estimée la possible alternative à la plus confortable carrière de professeur en Suisse romande, permetant en outre au poète de se tenir plus libre et concentré devant «la chose», loin de l’agitation du milieu littéraire parisien. 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Le reste, à laisser aux loquaces»...</p> <p>Anne-Marie Jaccottet peint «d’après nature», comme on dit, avec des éclats de joie chez elle aussi qui rappellent un peu, en plus modeste, les contemplatifs lumineux à la Bonnard. «Ce que l’on voit dans ces paysages et dont on sent l’odeur, c’est la terre au matin», écrivait Paul de Roux à propos de ses aquarelles, faisant comme un écho à Jean Starobinski qui disait Philippe Jaccottet «l’un de nos plus merveilleux poètes de l’aube.» </p> <p>Avec une attention émouvante, le poète lui-même commentait ainsi la progression de sa compagne: «Ayant vu cette oeuvre s’élaborer lentement, à travers les obstacles qu’une femme, embarrassée d’autres tâches inévitables, rencontre chaque jour, ce qui n’a cessé de me surprendre, c’est la façon dont le temps, qui nous use, sait aussi nous aider: on ne voyait pas se faire les exercices, les essais, les retouches qu’on imagine indispensable, il y avait même des périodes, impatiemment subies, d’inactivité forcée; et comme brusquement, on se trouvait dans une phase nouvelle, on était monté d’un étage; comme si le changement, le progrès (manifeste) s’étaient fait «en dormant», comme si c’étaient les jours eux-mêmes, et les nuits (presque autant que l’oeil et la main) qui avaient agi». 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Je suis née à Jérusalem, imagine-toi Idan. Je suis née dans cette ville que tous les juifs durant toutes les générations espérèrent comme la fin de l’exil, la fin de la haine, la fin des pogroms et du gaz, et des crachats et de la peur»… </p> <p>Et la vieille épouse de Rafi de poursuivre au nom de celui-ci: «Le sionisme nous avait promis plein de choses et notre expérimentation collective de deux mille ans d’exil était tentée d’y apporter foi. Les juifs qui ont toujours espéré quelque chose ont été trahis chaque fois par de faux messies venus de leurs rangs, le sionisme semblait pour certains une espérance crédible qui avait répondu à sa première promesse – le retour du peuple juif sur sa terre ancestrale. Mais il y avait d’autres promesses, Idan. Celle d’être une démocratie généreuse, mais aussi celle d’être le seul endroit au monde où les juifs seraient en sécurité. Et ces deux promesses-là, le sionisme ne les a pas tenues. Notre démocratie? 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De la même façon, Patricia Highsmith – elle-même vive admiratrice de Simenon mais ne prisant guère le genre policier en tant que tel -, n’appréciait pas du tout le titre de « reine du crime » que d’aucuns lui accolaient. </p> <p>Or s’il est vrai que les « purs littéraires », et surtout en France, aiment à séparer ce qui est « vraie littérature » des genres dits mineurs (polar, science-fiction, fantastique, littérature populaire en un mot), il n’est pas moins évident que le roman policier, dit aussi roman noir, thriller ou polar, a ses règles spécifiques qui en font, qu’on le veuille ou non, et sans mépris, un genre particulier.</p> <p>Simenon reconnaissait, le premier, que la série de Maigret obéissait à certains schémas dont il éprouva, à un moment donné, le besoin de se libérer. Cela ne signifie pas que ses Maigret soient forcément schématiques, mais le fait est que le meilleur de Simenon échappe aux normes du polar. Un volume en partie « biographique » de la prestigieuse Pléiade, paru en 2009, témoigne à la fois de la reconnaissance et du niveau de qualité et de profondeur d’au moins une trentaine de romans qu’on taxe tantôt, comme l’auteur, de « romans durs », ou de « romans de l’homme ».</p> <p>C’est ainsi que <em>Lettre à mon juge</em><em> </em>ou <em>le balzacien</em><em> Bourgmestre de Furnes</em>, <em>La neige était sale</em>, <em>Les inconnus dans la maison</em>, <em>Feux rouges</em>, <em>Les gens d’en face</em><em> </em>ou <em>L’homme qui regardait passer les trains</em>, pour ne citer que ceux-là, ressortissent bel et bien à la meilleure littérature, comme il en va de <em>Crime et châtiment</em><em> </em>de Dostoïevski, si proche à l’inverse de certains romans noirs.</p> <p>Mais qui était Simenon, formidable personnage lui-même de roman sans rien de « policier » ? De <em>Pedigree</em> à la <em>Lettre à ma mère</em>, entre sept autres romans, le volume de La Pléiade éclairait incidemment la personnalité même du grand romancier.</p> <h3><strong>Quand le « je » devient « il »</strong></h3> <p>Il aura fallu, à l’été 1940, qu’un médecin lui annonce sa mort à brève échéance (deux ans au plus) pour que Georges Simenon entreprenne soudain, pour son premier fils Marc en bas âge, de rédiger l’histoire de sa propre enfance et de son clan liégeois, «afin qu’il sache »...</p> <p>Dans l’immédiat, interdiction lui était faite de fumer, de boire ou de faire l’amour. Dur, dur pour un homme aussi porté sur la chair que sur la chère, incroyablement fécond (dix romans rien qu’en 39-40 !) et qui venait de payer de sa personne dans l’accueil de 18.000 réfugiés belges à La Rochelle, en tant que « haut commissaire » spécial…</p> <p>À 38 ans, déjà célèbre et richissime, le romancier avait signé plusieurs centaines de romans, sans jamais parler de lui-même. Or c’est en « je » qu’il allait rédiger les cent premiers feuillets d’un texte (réédité plus tard sous le titre de <em>Je me souviens</em>) qu’il soumit à André Gide, lequel lui conseilla de passer à la troisième personne pour se raconter plus librement, comme… dans un roman de Simenon.</p> <p>Ainsi fut écrit <em>Pedigree,</em> pavé de 400 pages et tableau vibrant de vie et d’humanité d’un quartier populaire de Liège au début du XXe siècle. Au premier rang : le jeune Roger Mamelin, entre un père sensible et digne (très proche de Désiré Simenon), et une mère castratrice, découvre tout un monde de petites gens attachants, les vertiges du sexe éprouvés par l’enfant de chœur courant au bordel avec les sous du curé, enfin la vie profuse de la ville ouvrière. 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Bref, une galaxie humaine à ne cesser de découvrir, comme en témoigne l’expo à voir ces jours à la fondation Michalski.</p> <h3><strong>Figures de l’humiliation</strong></h3> <p>Autre univers personnel à découvrir : l’arrière-monde de Patricia Highsmith, dont les <em>Écrits intimes</em> de plus de mille pages, parus en 2021 chez Calmann-Lévy, constituent la meilleure introduction. </p> <p>Bien plus que les secrets d’une « reine du crime », nous y découvrons les soubassements émotionnels et le quotidien professionnel et affectif souvent très difficile d’une insatiable amoureuse qualifiée justement de « poète de l’angoisse » par le grand romancier anglais Graham Greene. Autant que Simenon, Patricia Highsmith a signé des romans et des nouvelles qui ne s’intéressent guère aux aspects techniques policiers ou judiciaires de la criminalité, constituant le fonds des auteurs actuels de polars, mais essentiellement aux motivations obscures de celles et ceux qui « passent à l’acte ». Dès ses premiers écrits de jeune fille, le crime la scotche, mais des flics et des « enquêtes » elle n’a que fiche… </p> <p>Lors d’une visite que je lui rendis en 1988 dans le hameau tessinois d’Aurigeno, me recevant en l’humble maison de pierres où elle logeait avant sa dernière installation sur les hauts d’Ascona, la romancière, peu soucieuse de parler d’elle-même, répondit, à la question que je lui posai, relative à l’origine, selon elle, de la plupart des crimes, par un seul mot : l’humiliation.</p> <p>Or celle-ci est la base évidente de la psychologie du plus emblématique de ses personnages, au nom de Tom Ripley, dont tous les agissements paraissent un exorcisme à l’humiliation nourrie d’envie, de frustration et d’esprit de revanche.</p> <p>On croit avoir tout dit de Ripley en le réduisant à un pervers inquiétant se plaisant en eaux troubles, mais le personnage est beaucoup plus que cela : un homme perdu de notre temps, un type qui rêve d’être quelqu’un, au sens de la société, et le devient en façade, sans être jamais vraiment satisfait, calmé ou justifié.</p> <p>Il faut lire la série des romans dans l’ordre de leur composition pour bien voir d’où vient Tom Ripley, survivant comme par malentendu à la disparition accidentelle de ses parents. C’est un peu la version thriller de <em>L’homme sans qualités,</em> dont l’écriture apparemment plate de Patricia Highsmith ne tisse pas moins un arrière-monde aux insondables profondeurs. Ripley l’informe rêve d’art et y accède par tous les biais, y compris le faux (l’invention de Derwatt) et le simulacre - il peint lui-même à ses heures, comme on dit…</p> <p>Ripley est un humilié qui se rachète en douce, comme il peut, un pas après l’autre. C’est un peu par malentendu qu’il commet son premier meurtre, parce qu’un jeune homme l’a vexé, et pour tout le reste qui justifiait cet énervement du moment, tout ce que symbolisait ce fils d’enfant gâté. Mais Ripley lui-même est un monde, qui suscite de multiples interprétations, comme on l’a vu au cinéma sous les visages successifs du (trop) bel Alain Delon (<em>Plein soleil</em> de René Clément), du plus équivoque Matt Damon (<em>Le talentueux M. 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Pedigree et autres romans, Lettre à ma mère. Edition établie et préfacée par Jacques Dubois et Benoît Denis. Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 699p.</p> <p>Montricher. 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img-fluid left " width="200" height="307" /></p> <h4>«La mort seul à seul», Péter Nádas, traduit du hongrois par Marc Martin, Editions Noir sur Blanc, 110 pages.</h4> <h4><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1711628486_9782330189518.jpg" class="img-responsive img-fluid left " width="200" height="378" /></h4> <h4>«Une singularité», Bastien Hauser, Editions Actes Sud, 257 pages.</h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'quand-le-trou-noir-de-notre-corps-donne-du-sens-a-l-ecriture', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 36, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 675, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ 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Comme dans «Vie et destin» de Vassili Grossman, les ténèbres de la tragédie russe s’humanisent sous le regard d’un écrivain impliqué et solidaire, qui oppose son chant du monde au poids de l’Histoire. A (redécouvrir) en ces temps de folie belliqueuse relancée…', 'subtitle_edition' => 'A l’enseigne de La Bibliothèque de Dimitri, salutaire opération de sauvetage du trésor littéraire de L’Age d’Homme, «Une rue à Moscou» de Michel Ossorguine (Mikhaïl dans la présente réédition), représente un fleuron relativement méconnu des fameux Classiques slaves dirigés par Jacques Catteau et Georges Nivat. Comme dans «Vie et destin» de Vassili Grossman, les ténèbres de la tragédie russe s’humanisent sous le regard d’un écrivain impliqué et solidaire, qui oppose son chant du monde au poids de l’Histoire. A (redécouvrir) en ces temps de folie belliqueuse relancée…', 'content' => '<p>D'entre tous les écrivains russes de la première moitié du XXème siècle, la figure lumineuse et solitaire de Michel Ossorguine rayonne d'équilibre et d’empathie, contrastant avec les visages souvent tourmentés de ses contemporains. Peu connu jusque-là (seul <i>Une rue à Moscou</i> fut traduit en français il y a plus de cinquante ans de ça, chez un petit éditeur, mais restait introuvable jusqu’en 1973, date de la première édition à L’Age d’Homme), Michel Ossorguine n'a pourtant pas été épargné par la tourmente historique, son goût inaliénable de la justice l'ayant poussé, tout au contraire, à militer sur tous les fronts où il estima devoir défendre la liberté.</p> <p>C'est ainsi que, né en 1878 à Perm, il commença par lutter contre le régime tsariste dans les rangs du Parti social-révolutionnaire. Condamné à mort une première fois, puis libéré, exilé en Italie, voyageant de là en France où il se livra au journalisme, il revint en Russie dès 1916, adhéra à la Révolution de Février, mais s'éleva contre celle d'Octobre et, en 1919, passa une nouvelle fois à deux doigts de la mort, séjournant quelque temps dans la sinistre fosse du «vaisseau de la mort» de la Loubianka (prison de la Tchéka) qu'il décrit dans les deux livres auxquels le lecteur de langue française a désormais accès: <i>Saisons</i>, son autobiographie, et <i>Une rue à Moscou. </i></p> <p>Expulsé d'Union soviétique en 1922, réfugié à Paris jusqu'en 1940, puis finissant ses jours dans une petite maison située au cœur de la France occupée, Michel Ossorguine semble n'avoir gardé aucun ressentiment à l'égard d'un régime qu'il a certes combattu, acceptant comme une composante de l'âme et de l'histoire de son peuple bien-aimé le dernier état, catastrophique, de la révolution trahie.</p> <p>Aussi peu marxiste que peut l'être un individualiste ennemi des systèmes simplificateurs, ayant éprouvé la vérité de ses opinions au trébuchet de l'expérience et des souffrances humaines, il nous a laissé, avec <i>Une rue à Moscou</i>, le témoignage artistique le plus extraordinaire qui soit sans doute, recouvrant la période de 1914 aux années 1920 – exceptionnel en cela qu'il prend le parti des humains contre celui des idées, celui des destins particuliers contre celui des concepts abstraits.</p> <h3>Une journée merveilleuse</h3> <p>Roman de presque cinq cents pages serrées divisé en tout petits chapitres, <i>Une rue à Moscou</i> s'ouvre sur une merveilleuse journée, dans la maison d'angle d'une ruelle connue sous le nom de Sivtzev Vrajek, domicile d'un vieil ornithologue savant, célèbre dans le monde entier pour ses travaux. </p> <p>C'est le temps du retour des hirondelles, et la délicieuse Tanioucha, petite-fille du professeur, apparaît à la fenêtre, qui va éclairer de son sourire jusqu'aux pages les plus tragiques du livre. Le soir, tout un monde d'amis et de connaissances afflue dans la maison de Sivtzev Vrajek – que l'auteur nous présente d'emblée comme le centre de l'univers –, l'on converse et l'on écoute les dernières compositions d'un musicien de grand talent, Edouard Lvovitch.</p> <p>Il y a là un étudiant ratiocineur, l'une des premières victimes de la guerre toute proche, un savant biologiste, le jeune Vassia préparateur à l'université, un jeune officier plein d'avenir (et l'on verra duquel!) du nom de Stolnikov, la grand-mère Aglaya Dmitrievna, et bien d'autres personnages encore que nous suivrons dans leur destinée.</p> <p>De fait, tandis qu'Edouard Lvovitch exécute au piano son improvisation sur le thème du «Cosmos», la vie, elle, poursuit son œuvre féconde et destructrice à la fois. Pour annoncer la guerre, Ossorguine décrit alors une bataille rangée de fourmis: «Comme un invisible ouragan, comme une catastrophe universelle, une force divine, irrésistible et destructrice traversa l'espace, inconnu même à l'esprit de la fourmi la plus avisée». Et d'enchaîner aussitôt après: «Les armées des fourmis ne furent pas les seules à périr»...</p> <p>Et l'on entre dans le tourbillon. Mais que le lecteur n'imagine pas que le mouvement du livre va s'accélérer, pour céder au pathétique. Non: patiemment, posément, Ossorguine agence sur la muraille chaque élément de son immense fresque, laquelle comptera des visions d'une horreur insoutenable, pondérées cependant par le contrepoint des zones lumineuses de la vie reprenant ses droits.</p> <h3>La duperie compliquée et grandiose</h3> <p>De quoi est faite l'Histoire? A en croire Michel Ossorguine, qui en parle assez longuement dans <i>Saisons,</i> ce ne sont pas les historiens brassant leurs papiers poussiéreux qui nous renseigneront les mieux. Le «bruit du temps», dont parle Ossip Mandelstam, n'est pas à écouter dans les bibliothèques ou les archives, mais c'est dans la rue, dans les cours intérieures des maisons, dans les trains et sur les places qu'il faut lui prêter l'oreille. Et c'est ce que fait le romancier.</p> <p>A cette guerre, ainsi, toutes les justifications <i>a posteriori</i> seront données, tandis que les milliers d'Ivan, de Vassili et de Nikolaï lancés contre des milliers de Hans et de Wilhelm n'ont eu à se satisfaire que de mots d'ordre: «Des mots simples, faciles à prononcer, ainsi qu'un certain nombre de belles expressions, les mêmes dans toutes les langues, pour remplacer la pensée...»</p> <p>«De cette façon, continue le romancier, grâce à une purification méticuleuse, les turpitudes et les mensonges des ronds-de-cuir se trouvaient, en dernier lieu, transformées en bel héroïsme et en larmes pures. Quant aux gens bornés, ils parlaient de simple duperie, ce qui était injuste: la duperie était très compliquée et grandiose…»</p> <p>Plus compliquée et plus grandiose, encore, car née du peuple, et non plus seulement orchestrée par les puissants de ce monde, sera la duperie de la Révolution, et la vision qu'Ossorguine nous en donnera, multipliant les points de vue, saura nous apprendre, par le détail, à replacer chaque élan légitime et chaque erreur dans le contexte dramatique d'alors: «Des deux côtés, il y avait des héros, des cœurs purs, des sacrifices, des hauts faits, de l'endurcissement, une noble humanité non livresque, de la cruauté bestiale, la crainte, les désillusions, la force, la faiblesse, le morne désespoir. Il eût été beaucoup trop simple, et pour les survivants et pour l'histoire, qu'il existât une vérité unique ne combattant que contre le mensonge. Car il y avait deux vérités et deux honneurs luttant l'un contre l'autre. Et le champ de bataille était jonché des cadavres des meilleurs et des plus braves.»</p> <h3>Le peuple russe en fresque</h3> <p>Concentré sur une vingtaine de personnages, <i>Une rue à Moscou</i> déploie à vrai dire la chronique du peuple russe tout entier durant ces années terribles. Si toutes les classes sociales ne sont pas représentées par Ossorguine (point de bourgeois ni d'aristocrates, par exemple), il nous invite néanmoins à suivre les faits et gestes d'une poignée de braves gens, parmi lesquels il s'en trouvera de plus vulnérables que les autres – ou de moins chanceux, tout simplement –, qui succomberont à la première vague d'événements.</p> <p>Il en va ainsi du beau Stolnikov, les jambes sectionnées par un obus, homme-tronc monstrueux qui finira par se jeter du haut d'une fenêtre; et d'autres qui, lors des années de famine, «s'arrangeront» comme ils pourront avec le nouveau régime, tel le misérable Zavalichine, devenu bourreau de la Tchéka en sorte de toucher de plus abondantes rations.</p> <p>Or Michel Ossorguine ne juge pas, et n'accuse jamais. Ce n'est pas «omnitolérance» de sa part, car on sent bien la sourde colère qu'il entretient à l'endroit des «grosses légumes», mais cela participe bien plutôt de son choix de décrire et d'expliquer le sort et les réactions d'une humanité moyenne prise dans un engrenage qui la dépasse.</p> <p>C'est là justement que réside l'immense intérêt d'<i>Une rue à Moscou</i>, sans compter la foison de détails observés par l'auteur. Le roman s'achève, après l'audition de l'Opus 37, dernière œuvre d'Edouard Lvovitch dans laquelle le génial musicien (on pense à Chostakovitch) concentre les aboutissants de la tragédie: «Le sens du chaos est né. 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