«Le rapport du Français à la bagnole, c'est quelque chose. Alors qu'est-ce que Macron vient faire là-dedans?» © Julien-T-Hamon
Rencontrer le chanteur français Miossec, c'est l'assurance de passer un bon moment à analyser de manière humoristique les (mé)faits du personnel politique français. C'est aussi un moyen de sonder la société hexagonale à travers le prisme d'un observateur engagé localement à gauche. Miossec joue le rôle de baromètre, les journalistes ont toujours apprécié ça chez l'auteur-compositeur et interprète de ce qu'on a appelé un temps la «Nouvelle chanson française».
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Il y a des «pays» comme ça en France, tu vas à Roubaix par exemple. Toute cette grande bourgeoisie du textile est partie, en fait tout le monde est parti. On a laissé le centre-ville de Roubaix s'effondrer. Tout est par terre, là-bas. Il y a des endroits qui perdent leurs habitants et ils ne savent plus comment faire rester les autres. Il n'y a plus d'industrie, plus de boulot...</p><p><strong>Est-ce que ça vous rassure que le pouvoir politique français soit inquiété?</strong></p><p>Oh oui, pour la démocratie française... On est les seuls en Europe à avoir cette monarchie déguisée. De toute façon, dès qu'il y a des gens qui descendent dans la rue, c'est bien, c'est qu'il y a quelque chose qui s'exprime. Et Emmanuel Macron a été élu avec 20%... Mais la violence économique, c'est trop. Il y a de grosses erreurs symboliques de commises alors que Macron est le roi des symboles. Sur la question des 80 km/h, il a fait chier tout le monde. Vraiment, les gens qui n'ont pas un avis politique, ils se disent que l’Etat vient les emmerder. Le rapport du Français à la bagnole, c'est quelque chose. Alors, qu'est-ce qu'il vient faire là-dedans? Et ce que ça a ramené l'ISF (impôt sur la fortune), c'est pas terrible au final. Et on ne cherche pas très bien où sont nos évadés fiscaux.</p><p><strong>Vous pensez que le France pourrait s'inspirer de la démocratie suisse?</strong></p><p>Le référendum permanent? Oui, ça pourrait marcher dans les régions françaises. Mais on n'a pas de «landers» en France. Les régions n'ont pas beaucoup de pouvoir et quand elles en ont, c'est n'importe quoi. Plus tu mets de l'argent dans les régions et plus tu délègues, eh bien plus le système français fait que ça devient mafieux. Tu décentralises mais est-ce que tu décentralises la mafia en même temps?</p><p><strong>En Belgique où vous avez vécu, un gouvernement à l'arrêt n'a pas eu de conséquences graves?</strong></p><p>La Belgique n'a pas eu de gouvernement pendant 150 jours et l'économie était en super forme car il n'y avait plus aucune loi contraignante qui était votée. Economiquement, ça se développait.</p><p><strong>Mais pour en revenir à cette crise politique française, c'est la redistribution qui pose aussi beaucoup problème, l'absence de preuves que les impôts sont reversés ensuite dans les caisses des services publics.</strong></p><p>Oui, pour les gens des campagnes, c'est un problème majeur. La France dans son ensemble râle car tu as le bureau de poste qui était le truc bien de chez nous. Et ils les ferment dans les bleds. Tu as les personnes du troisième âge qui n'ont plus de quoi s'y rendre. Si tu n'as pas la bagnole, tu es mort. Avec le prix de l'essence qui a augmenté, c'est pas la peine d'y compter.</p><p><strong>Est-ce que vous êtes de ceux qui aiment fumer des clopes dans une voiture diesel <em>(rires)</em>?</strong></p><p>Oui, c'est Benjamnin Griveaux, le porte-parole du gouvernement qui parlait de Laurent Wauquiez, le leader des Républicains, et de son entourage, en disant que c'est des mecs qui fument leurs clopes dans leur diesel. Je suis de ceux-là (<em>rires</em>)...</p><p><strong>Quel est l'espoir de voir la gauche redevenir forte en France, avec de nouvelles idées, applicables?</strong></p><p>Mais l'idée de la gauche, est-ce que les gens ont encore envie de ça? La notion de partage, d'ouverture... il y a des mots qui font tout bizarre aujourd'hui. Ce qui se passe aujourd'hui, c'est passionnant, mais on est dans une science fiction à court terme. On ne sait pas dans quel pays on va se retrouver, ça va être long pour Macron. Et le truc de l'écologie, Hulot est sorti, ça n'embraye pas, il n'y a pas de voix qui émerge car ça ne paye pas dans l’immédiat. Electoralement, il faut être populaire pour être élu. On touche aux limites du genre. Macron s'est fait élire sur une communication. Il est apparu déjà beaucoup dans <em>Un président ne devrait pas dire ça</em> (Stock, 2016, enquête menée par Gérard Davet et Fabrice Lhomme) et François Hollande n'y voit que du feu. Politiquement, c'est fabuleux, c'est Machiavel plus l'art de la guerre, bravo!</p><p><strong>Et l'élu local français, vous qui l'avez été brièvement au sein d'une équipe communale, un élu à l'ancienne proche de ses administrés, mais pas toujours libre de dire non aux plus puissants, c'est encore un système à l'ancienne qui prévaut?</strong></p><p>L'élu local est aussi ancien que l'élu national dans ce cas. François Hollande était tellement content de fréquenter des grands de France, ces grands décideurs, d'être invité à leur table, d'être un des leurs. Il veut revenir et il est persuadé d'y parvenir. Pour moi, c'est un ravi de la crèche et c'est indécent.</p><p><strong>Pour parler des personnes qui font en revanche avancer, il y a cette rencontre déterminante que vous avez faite à Ifremer, l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer à Brest, un chercheur nommé Laurent Chauvaud. En quoi ses recherches vous ont inspiré?</strong></p><p>L'Ifremer, c'est à côté de chez moi, mon père était plongeur sous-marin, ils ont le bathyscaphe, un submersible, tout cela fait partie de mon paysage depuis que je suis gamin. Laurent Chauvaud, je l'ai rencontré à une exposition de photos passionnante. J'y ai vu le travail de ce chercheur avec des tableaux remplis de chiffres criants. Il essaye un peu par tous les biais de faire entendre ses résultats et j'ai l'impression qu'il pisse parfois dans un violon, bref c'est un combat. Il a notamment fait un travail de recherche très précis sur les coquilles Saint-Jacques et leur raréfaction. C'est pris au sérieux par le monde scientifique car c'est un vrai directeur de recherche du CNRS. Il bénéficie donc d'un gros budget pour faire ses recherches. Mais c'est effrayant de voir combien c'est difficile, ce scientifique qui plonge sous la glace passe toute une vie à réunir les éléments qui font qu'on devrait sauter en l'air. Et les gens s'en foutent. Je lisais une étude commentée par <em>Le Monde</em> hier qui disait que pour les nouvelles générations de consommateurs nés après 1997 (les industriels veulent savoir comment sont les nouvelles générations pour pouvoir vendre leurs produits) et leurs préoccupations, par rapport aux «milléniums», ce n'est pas du tout l'écologie. Cette préoccupation se casse la gueule d'ailleurs.</p><p><strong>Pour finir, revenons à la musique si vous le voulez bien. On vient d'apprendre la mort de Michel Legrand: ça vous inspire quoi ce parcours de musicien du cinéma et du jazz, qui avait gagné trois Oscars à Hollywood?</strong></p><p>Depuis que je suis gamin, je le trouve insupportable. Des gens qui l'ont fréquenté le disent aussi. Il était sûr de lui-même, il parlait de lui en permanence... Sa musique s'en ressent: ça parle beaucoup. Il y a pas trop de silences chez Michel.</p><p><strong>On vous a lu et vu citer l'auteur français Henri Calet. Chez lui, il y a des notions récurrentes d'emprisonnement, d'arnaque, de prison mentale, de retour de prison (la vraie) ou d'enfermement, c'est toujours présent dans vos disques aussi, pourquoi un tel besoin de chanter ce thème?</strong></p><p>La musique, pour moi, c'est s’échapper, se trouver une liberté... Cette notion de faire de la musique pour ne pas retourner au bureau, ne pas se retrouver dans un environnement professionnel stressant, c'est ça en fait.</p><p><strong>Avez-vous encore beaucoup de doutes quand vous composez et enregistrez?</strong></p><p>Oui, qu'il n'y ait pas de doutes, ce n'est pas marrant. Je me retrouve encore à me persuader que je fais fausse route en me disant «Christophe t'as 54 balais là, ça merde... on se calme». Je me dis toujours que demain, ce sera peut-être mieux, que le prochain disque va être vraiment supérieur. C'est de la naïveté. Mais c'est marrant à voir. Je trouve bien d'être animé par cette volonté que ce soit vivant.</p><p><strong>Des dix albums précédents, quel est votre préféré?</strong></p><p>Le premier <em>Boire</em>. Après, tu ne vois que les erreurs. C'est pour cela que les concerts ont une vertu curative. 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Il y a des «pays» comme ça en France, tu vas à Roubaix par exemple. Toute cette grande bourgeoisie du textile est partie, en fait tout le monde est parti. On a laissé le centre-ville de Roubaix s'effondrer. Tout est par terre, là-bas. Il y a des endroits qui perdent leurs habitants et ils ne savent plus comment faire rester les autres. Il n'y a plus d'industrie, plus de boulot...</p><p><strong>Est-ce que ça vous rassure que le pouvoir politique français soit inquiété?</strong></p><p>Oh oui, pour la démocratie française... On est les seuls en Europe à avoir cette monarchie déguisée. De toute façon, dès qu'il y a des gens qui descendent dans la rue, c'est bien, c'est qu'il y a quelque chose qui s'exprime. Et Emmanuel Macron a été élu avec 20%... Mais la violence économique, c'est trop. Il y a de grosses erreurs symboliques de commises alors que Macron est le roi des symboles. Sur la question des 80 km/h, il a fait chier tout le monde. Vraiment, les gens qui n'ont pas un avis politique, ils se disent que l’Etat vient les emmerder. Le rapport du Français à la bagnole, c'est quelque chose. Alors, qu'est-ce qu'il vient faire là-dedans? Et ce que ça a ramené l'ISF (impôt sur la fortune), c'est pas terrible au final. Et on ne cherche pas très bien où sont nos évadés fiscaux.</p><p><strong>Vous pensez que le France pourrait s'inspirer de la démocratie suisse?</strong></p><p>Le référendum permanent? Oui, ça pourrait marcher dans les régions françaises. Mais on n'a pas de «landers» en France. Les régions n'ont pas beaucoup de pouvoir et quand elles en ont, c'est n'importe quoi. Plus tu mets de l'argent dans les régions et plus tu délègues, eh bien plus le système français fait que ça devient mafieux. Tu décentralises mais est-ce que tu décentralises la mafia en même temps?</p><p><strong>En Belgique où vous avez vécu, un gouvernement à l'arrêt n'a pas eu de conséquences graves?</strong></p><p>La Belgique n'a pas eu de gouvernement pendant 150 jours et l'économie était en super forme car il n'y avait plus aucune loi contraignante qui était votée. Economiquement, ça se développait.</p><p><strong>Mais pour en revenir à cette crise politique française, c'est la redistribution qui pose aussi beaucoup problème, l'absence de preuves que les impôts sont reversés ensuite dans les caisses des services publics.</strong></p><p>Oui, pour les gens des campagnes, c'est un problème majeur. La France dans son ensemble râle car tu as le bureau de poste qui était le truc bien de chez nous. Et ils les ferment dans les bleds. Tu as les personnes du troisième âge qui n'ont plus de quoi s'y rendre. Si tu n'as pas la bagnole, tu es mort. Avec le prix de l'essence qui a augmenté, c'est pas la peine d'y compter.</p><p><strong>Est-ce que vous êtes de ceux qui aiment fumer des clopes dans une voiture diesel <em>(rires)</em>?</strong></p><p>Oui, c'est Benjamnin Griveaux, le porte-parole du gouvernement qui parlait de Laurent Wauquiez, le leader des Républicains, et de son entourage, en disant que c'est des mecs qui fument leurs clopes dans leur diesel. Je suis de ceux-là (<em>rires</em>)...</p><p><strong>Quel est l'espoir de voir la gauche redevenir forte en France, avec de nouvelles idées, applicables?</strong></p><p>Mais l'idée de la gauche, est-ce que les gens ont encore envie de ça? La notion de partage, d'ouverture... il y a des mots qui font tout bizarre aujourd'hui. Ce qui se passe aujourd'hui, c'est passionnant, mais on est dans une science fiction à court terme. On ne sait pas dans quel pays on va se retrouver, ça va être long pour Macron. Et le truc de l'écologie, Hulot est sorti, ça n'embraye pas, il n'y a pas de voix qui émerge car ça ne paye pas dans l’immédiat. Electoralement, il faut être populaire pour être élu. On touche aux limites du genre. Macron s'est fait élire sur une communication. Il est apparu déjà beaucoup dans <em>Un président ne devrait pas dire ça</em> (Stock, 2016, enquête menée par Gérard Davet et Fabrice Lhomme) et François Hollande n'y voit que du feu. Politiquement, c'est fabuleux, c'est Machiavel plus l'art de la guerre, bravo!</p><p><strong>Et l'élu local français, vous qui l'avez été brièvement au sein d'une équipe communale, un élu à l'ancienne proche de ses administrés, mais pas toujours libre de dire non aux plus puissants, c'est encore un système à l'ancienne qui prévaut?</strong></p><p>L'élu local est aussi ancien que l'élu national dans ce cas. François Hollande était tellement content de fréquenter des grands de France, ces grands décideurs, d'être invité à leur table, d'être un des leurs. Il veut revenir et il est persuadé d'y parvenir. Pour moi, c'est un ravi de la crèche et c'est indécent.</p><p><strong>Pour parler des personnes qui font en revanche avancer, il y a cette rencontre déterminante que vous avez faite à Ifremer, l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer à Brest, un chercheur nommé Laurent Chauvaud. En quoi ses recherches vous ont inspiré?</strong></p><p>L'Ifremer, c'est à côté de chez moi, mon père était plongeur sous-marin, ils ont le bathyscaphe, un submersible, tout cela fait partie de mon paysage depuis que je suis gamin. Laurent Chauvaud, je l'ai rencontré à une exposition de photos passionnante. J'y ai vu le travail de ce chercheur avec des tableaux remplis de chiffres criants. Il essaye un peu par tous les biais de faire entendre ses résultats et j'ai l'impression qu'il pisse parfois dans un violon, bref c'est un combat. Il a notamment fait un travail de recherche très précis sur les coquilles Saint-Jacques et leur raréfaction. C'est pris au sérieux par le monde scientifique car c'est un vrai directeur de recherche du CNRS. Il bénéficie donc d'un gros budget pour faire ses recherches. Mais c'est effrayant de voir combien c'est difficile, ce scientifique qui plonge sous la glace passe toute une vie à réunir les éléments qui font qu'on devrait sauter en l'air. Et les gens s'en foutent. Je lisais une étude commentée par <em>Le Monde</em> hier qui disait que pour les nouvelles générations de consommateurs nés après 1997 (les industriels veulent savoir comment sont les nouvelles générations pour pouvoir vendre leurs produits) et leurs préoccupations, par rapport aux «milléniums», ce n'est pas du tout l'écologie. 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Et quand nous nous organisons nous-mêmes pour faire entendre notre voix, nous sommes systématiquement mises sous silence, si ce n’est insultées.<br />Concernant l’argument du «non-choix» dans la prostitution, c’est surtout un non-sens absolu. Aucun choix, quel qu’il soit, n’est jamais pris et défini uniquement par ma volonté. Le choix humain est toujours déterminé par un tas de choses, le contexte culturel, le besoin de se sentir reconnu par mes pairs, la représentation inconsciente que j’ai de moi, des autres… Du choix des vacances à celui de mon partenaire; du choix de ma tenue à celui de mon travail, tout est agencement comme dirait Deleuze.<br /><strong>Le problème viendrait-il surtout de notre besoin de s'insérer dans une société capitaliste?<br /></strong><strong></strong>Dans un système capitaliste déterminé par la nécessité de gagner de l’argent pour survivre, nous avons toutes et tous la contrainte de nous trouver un travail. 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On a 48 concerts. Comme on n’est pas dans la configuration open-air, tout est lié à la programmation. Avec Elton John, on a plus de billets à vendre qu’auparavant. On a deux affiches majeures comme Elton John et Sting qui ont été sold-out en deux jours.15'000 billets écoulés pour Elton dans un stade, c’est l’équivalent de 15 soirées au Stravinsky. On note par ailleurs que les artistes sont moins nombreux sur la route, que le modèle économique est en train de changer.</p> <p><strong>Quels sont vos objectifs pour un concert à Montreux?</strong></p> <p>On vise environ 60 ou 70% de la capacité de la salle. Mais je prends chaque concert individuellement. Il y a un changement ces dix dernières années avec la publicité sur les différents relais médiatiques. On a une concurrence forte en Suisse et en Europe en général. On doit relancer le public sur l’ensemble du programme constamment dans les médias du print. Le travail de communication se fait plus finement et est plus diversifié sur le digital. Avec les applications comme Spotify, on ne peut plus mettre le focus sur des artistes moins connus, ce qui est quelque chose d’intéressant.</p> <p><strong>Y a-t-il un effet Montreux avec des concerts conceptualisés, avec des artistes fidélisés?</strong></p> <p>Oui. Pour Thom Yorke dont le nouvel album a le parfait profil pour nous avec un spectacle visuel qui nous correspond bien, plus que pour un open air. L’ambiance de son album se transposera bien au Stravinski. Pour Janet Jackson aussi. Grâce à l’appui de Quincy Jones, elle fera deux dates en Europe, Montreux et Glastonbury. Avec une matériel scénique énorme là-bas. Pas chez nous, le rapport humain a permis de marquer notre différence. </p> <p><strong>Malgré la marque Montreux, il semblerait que rien ne soit acquis… </strong></p> <p>On fait des choix de programmation, certes, mais on est sur le fil du rasoir. On l’a toujours été. 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Je ne me prends pas trop au sérieux pour justement être pris au sérieux par les autres acteurs. A Kilbi, j'essaye toujours de trouver des artistes qui ont quelque chose d'original, qui ne font pas de compromis et qui sont surprenants. J'essaye aussi d'ajouter des éléments très expérimentaux au contenu du festival. Et avoir du plaisir, être connecté et discuter. Une chose très importante pour moi, c'est la fidélité à qui nous sommes, surtout. Garder la taille du festival, ne pas seulement le dire. Et mettre le côté humain en avant. La déco et le style ne sont pas les plus importants.</p> <p><strong>Comment ça se passe en termes économiques, la concurrence s'exprime-t-elle sur le terrain des cachets?</strong></p> <p>Oui. Mais on programme les artistes que l'on peut se payer. Cela arrive que l'on doive payer de gros cachets pour de petits groupes parce qu'ils sont en tête d'affiche. Mais le terrain de jeu dans lequel nous évoluons est plutôt sympathique. 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Ce samedi de concert (26 janvier) à Lausanne, c'est jour de fête «nationale» brestoise dans la métropole lémanique, au moins 300 spectateurs fidèles ont pris place à bord de l'insubmersible club les Docks. Et dans les bagages du plus célèbre artiste représentant la ville portuaire bretonne, on trouve un onzième album. «Les Rescapés» qui signe un cinglant retour aux émotions adolescentes, aux refrains gonflés aux sons légèrement saturés d'une boîte à rythme et aux guitares utilisées comme quand les novices jouaient dans le garage des parents avec ce son punk, brut et plus direct. On aime ce Miossec convoquant quelques maîtres du postpunk anglo-américain comme Colin Newman de Wire ou le duo Alan Vega et Martin Rev, plus connu sous le nom de Suicide.La musique est un vecteur pour la poésie écorchée de Miossec, elle est aussi une éternelle source de questionnement, de doute, de remise complète à plat pour lui. Ce qui anime Christophe Miossec dans son cheminement artistique a à voir avec son profond sens de l'honneur. Quand il estime un album raté, il le dit et promet toujours de ne pas se laisser piéger la prochaine fois. Aujourd'hui, chez ce chanteur et auteur de textes pour Jane Birkin, Juliette Greco ou encore Johnny Hallyday, il y a plus de simplicité, de naturel et d'envie débridée. C'est jouissif, comme si le quinquagénaire reprenait le contrôle artistique total sans parasitage extérieur, sans pression d'une maison de disques d'en faire plus sur les fronts de singles «playlistables».
C'est une deuxième interview en quelques semaines que je réalise, frustré de ne pas avoir pu poser toutes mes questions d'actualité la fois précédente. Et le sujet «gilet jaune» escamoté lors d'une conversation téléphonique compliquée avant Noël, entre les bureaux de Columbia Records à Paris et un Pub de Rive à Genève, revient presque naturellement avant de brancher le micro de l'enregistreur. «Vous avez vu, ça a repris de plus belle avec les gilets jaunes», lâche Miossec à la représentante de sa maison de disques Columbia en Suisse Dominique Saudan. Et on répond que oui. On a vu, sur «Brut» ou sur BFM TV, car on a beau être au chaud dans les loges des Docks, la situation française n'a jamais été aussi loin (la politique suisse semble tellement différente), mais jamais aussi proche des Suisses romands, réseaux sociaux et proximité culturelle obligent. Miossec ne cache pas ce sourire frondeur. Le sourire de celui qui n'a pas toujours été du côté des spectateurs de la révolte. «Je me suis mis à regarder BFM TV du coup», blague-t-il à moitié sérieux. L'interview peut commencer, c'est parti pour une demi-heure de musique, de politique et même de cinéma suisse. Il y a de l'érudition, il y a surtout ce plaisir à échanger en marge de la sortie du numéro 11 Les Rescapés, un album important. Comme un vague retour au source de ce qui était son métier d'avant, le journalisme.
Bon Pour La Tête: Vous pensiez un peu au film suisse Dans la Ville Blanche (en 1983) dans la chanson La Ville Blanche de votre album Les Rescapés. Le film se déroule dans l'environnement portuaire de la ville blanche, Lisbonne?
Miossec: C'est pas un film d'Alain Tanner? Avec Bruno Ganz? Ah, oui, c'est marrant, je m'étais dit que je l'avais vu quelque part ce titre quand j'ai fait la chanson, J'ai d'ailleurs essayé de voir où et je n'ai pas pu trouvé, car c'était Dans la Ville Blanche. Il y a plein de villes blanches et Brest est vraiment appelée «la ville blanche». Ce qui était amusant, c'est que je voulais refaire une petite chanson sur Brest sans forcément creuser le sillon qui marche ou qui a marché. L'idée était donc de refaire un morceau sur la ville, mais sans l'avoir en étendard et je me rends compte qu'il n'y a que les vrais brestois qui savaient que Brest s'appelait «Brest, la blanche». Parce que Brest est blanc quand tu arrives de la mer. Par la terre, elle est plutôt la grise. Il y a beaucoup de blancheur dans ce gris des maisons, un peu comme à Alger... ou à Villefranche-sur-Mer qui s'appelait «la blanche» après que les Stones soient passés. Car ils ont laissé tous les dealers derrière eux (rires).
Miossec et Printemps Noir, Brest
Vous aviez envie de revenir vers quelque chose de plus organique, de plus incarné avec Les Rescapés, avec des images qui parlent de la terre, de l'écologie par exemple?
Ce n'est pas une volonté. En sortant de Mammifères (Columbia 2016), je savais que j'allais vers ça... Plus c'était acoustique, plus je savais que j'allais revenir finalement aux premières amours. Les Rescapés, c'est presque un disque qui pourrait avoir été fait avant Boire (premier album sous le nom de Miossec, label PIAS, 1995). Dans le prolongement du Printemps Noir, le groupe que j'avais à l'adolescence. C'est un disque que je trouve basique. Il y a des morceaux qui auraient pu être justement fait par Printemps Noir et ça se comprend. A l'épreuve des mecs plus jeunes, de trente balais, je me rends compte qu'il y a certaines «modernités» qui ressurgissent avec des instruments qui vieillissent bien. Bon, il y a d'autres instruments qui vieillissent mal en revanche. Et puis des trucs qui sont vieux pour moi mais qui sont presque dans l'esthétique actuelle. On peut voir des ponts avec des artistes comme Colin Newman et son groupe Wire, l'album 154 de Wire par exemple. L'album A to Z de Colin Newman, voilà encore un exemple. 99% des gens ne le connaissent pas, il y a toujours un plaisir à faire découvrir ce genre d'albums, c'est un disque monstrueux.
Pour parler de cette époque (1980), les effets de production étaient assez minimes sur le son, c'était assez froid.
Les instruments sont comme ça, c'est souvent des guitaristes qui sont assez «cheap» avec leurs effets.
Mais aujourd'hui, Les Rescapés est peut-être mieux que certains de vos autres albums, pour lesquels les moyens de production en studio devaient être aussi importants, non?
Oui, en faisant plus simple. Pour faire un album, t'as beau avoir le «blabla» et la musique, c'est de l'architecture. Je crois que c'est Chuck Berry qui disait ça. J'ai commencé avec les instruments, donc j'ai défini un champ d'action, les couleurs... J'étais sûr, par rapport aux expériences du passé, que pas mal de choses m'avaient échappé, pour le meilleur ou pour le pire. Je ne veux pas me retrouver à courir après mon disque.
On parlait des «gilets jaunes» avant de commencer l'interview: ça vous évoque quoi, cette réaction du peuple au pouvoir en place?
On devrait parler plutôt des peuples. Les «gilets jaunes» représentent un de ces peuples, une sorte de classe moyenne en voie de paupérisation. Les gilets jaunes sur les ronds-points, c'est surtout pour moi l'axe méditerranéen qui est concerné et ça correspond à un certain vote français, à droite et à l'extrême droite. On se rend compte que les gens à la ramasse ne sont même pas «gilets jaunes». Ceux qui sont à la ramasse, eh bien ils sont à la ramasse. A Roubaix, dans le nord, je crois qu'il y avait seulement 25 gilets jaunes. Pourtant, il y a de quoi raconter. Il y a des «pays» comme ça en France, tu vas à Roubaix par exemple. Toute cette grande bourgeoisie du textile est partie, en fait tout le monde est parti. On a laissé le centre-ville de Roubaix s'effondrer. Tout est par terre, là-bas. Il y a des endroits qui perdent leurs habitants et ils ne savent plus comment faire rester les autres. Il n'y a plus d'industrie, plus de boulot...
Est-ce que ça vous rassure que le pouvoir politique français soit inquiété?
Oh oui, pour la démocratie française... On est les seuls en Europe à avoir cette monarchie déguisée. De toute façon, dès qu'il y a des gens qui descendent dans la rue, c'est bien, c'est qu'il y a quelque chose qui s'exprime. Et Emmanuel Macron a été élu avec 20%... Mais la violence économique, c'est trop. Il y a de grosses erreurs symboliques de commises alors que Macron est le roi des symboles. Sur la question des 80 km/h, il a fait chier tout le monde. Vraiment, les gens qui n'ont pas un avis politique, ils se disent que l’Etat vient les emmerder. Le rapport du Français à la bagnole, c'est quelque chose. Alors, qu'est-ce qu'il vient faire là-dedans? Et ce que ça a ramené l'ISF (impôt sur la fortune), c'est pas terrible au final. Et on ne cherche pas très bien où sont nos évadés fiscaux.
Vous pensez que le France pourrait s'inspirer de la démocratie suisse?
Le référendum permanent? Oui, ça pourrait marcher dans les régions françaises. Mais on n'a pas de «landers» en France. Les régions n'ont pas beaucoup de pouvoir et quand elles en ont, c'est n'importe quoi. Plus tu mets de l'argent dans les régions et plus tu délègues, eh bien plus le système français fait que ça devient mafieux. Tu décentralises mais est-ce que tu décentralises la mafia en même temps?
En Belgique où vous avez vécu, un gouvernement à l'arrêt n'a pas eu de conséquences graves?
La Belgique n'a pas eu de gouvernement pendant 150 jours et l'économie était en super forme car il n'y avait plus aucune loi contraignante qui était votée. Economiquement, ça se développait.
Mais pour en revenir à cette crise politique française, c'est la redistribution qui pose aussi beaucoup problème, l'absence de preuves que les impôts sont reversés ensuite dans les caisses des services publics.
Oui, pour les gens des campagnes, c'est un problème majeur. La France dans son ensemble râle car tu as le bureau de poste qui était le truc bien de chez nous. Et ils les ferment dans les bleds. Tu as les personnes du troisième âge qui n'ont plus de quoi s'y rendre. Si tu n'as pas la bagnole, tu es mort. Avec le prix de l'essence qui a augmenté, c'est pas la peine d'y compter.
Est-ce que vous êtes de ceux qui aiment fumer des clopes dans une voiture diesel (rires)?
Oui, c'est Benjamnin Griveaux, le porte-parole du gouvernement qui parlait de Laurent Wauquiez, le leader des Républicains, et de son entourage, en disant que c'est des mecs qui fument leurs clopes dans leur diesel. Je suis de ceux-là (rires)...
Quel est l'espoir de voir la gauche redevenir forte en France, avec de nouvelles idées, applicables?
Mais l'idée de la gauche, est-ce que les gens ont encore envie de ça? La notion de partage, d'ouverture... il y a des mots qui font tout bizarre aujourd'hui. Ce qui se passe aujourd'hui, c'est passionnant, mais on est dans une science fiction à court terme. On ne sait pas dans quel pays on va se retrouver, ça va être long pour Macron. Et le truc de l'écologie, Hulot est sorti, ça n'embraye pas, il n'y a pas de voix qui émerge car ça ne paye pas dans l’immédiat. Electoralement, il faut être populaire pour être élu. On touche aux limites du genre. Macron s'est fait élire sur une communication. Il est apparu déjà beaucoup dans Un président ne devrait pas dire ça (Stock, 2016, enquête menée par Gérard Davet et Fabrice Lhomme) et François Hollande n'y voit que du feu. Politiquement, c'est fabuleux, c'est Machiavel plus l'art de la guerre, bravo!
Et l'élu local français, vous qui l'avez été brièvement au sein d'une équipe communale, un élu à l'ancienne proche de ses administrés, mais pas toujours libre de dire non aux plus puissants, c'est encore un système à l'ancienne qui prévaut?
L'élu local est aussi ancien que l'élu national dans ce cas. François Hollande était tellement content de fréquenter des grands de France, ces grands décideurs, d'être invité à leur table, d'être un des leurs. Il veut revenir et il est persuadé d'y parvenir. Pour moi, c'est un ravi de la crèche et c'est indécent.
Pour parler des personnes qui font en revanche avancer, il y a cette rencontre déterminante que vous avez faite à Ifremer, l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer à Brest, un chercheur nommé Laurent Chauvaud. En quoi ses recherches vous ont inspiré?
L'Ifremer, c'est à côté de chez moi, mon père était plongeur sous-marin, ils ont le bathyscaphe, un submersible, tout cela fait partie de mon paysage depuis que je suis gamin. Laurent Chauvaud, je l'ai rencontré à une exposition de photos passionnante. J'y ai vu le travail de ce chercheur avec des tableaux remplis de chiffres criants. Il essaye un peu par tous les biais de faire entendre ses résultats et j'ai l'impression qu'il pisse parfois dans un violon, bref c'est un combat. Il a notamment fait un travail de recherche très précis sur les coquilles Saint-Jacques et leur raréfaction. C'est pris au sérieux par le monde scientifique car c'est un vrai directeur de recherche du CNRS. Il bénéficie donc d'un gros budget pour faire ses recherches. Mais c'est effrayant de voir combien c'est difficile, ce scientifique qui plonge sous la glace passe toute une vie à réunir les éléments qui font qu'on devrait sauter en l'air. Et les gens s'en foutent. Je lisais une étude commentée par Le Monde hier qui disait que pour les nouvelles générations de consommateurs nés après 1997 (les industriels veulent savoir comment sont les nouvelles générations pour pouvoir vendre leurs produits) et leurs préoccupations, par rapport aux «milléniums», ce n'est pas du tout l'écologie. Cette préoccupation se casse la gueule d'ailleurs.
Pour finir, revenons à la musique si vous le voulez bien. On vient d'apprendre la mort de Michel Legrand: ça vous inspire quoi ce parcours de musicien du cinéma et du jazz, qui avait gagné trois Oscars à Hollywood?
Depuis que je suis gamin, je le trouve insupportable. Des gens qui l'ont fréquenté le disent aussi. Il était sûr de lui-même, il parlait de lui en permanence... Sa musique s'en ressent: ça parle beaucoup. Il y a pas trop de silences chez Michel.
On vous a lu et vu citer l'auteur français Henri Calet. Chez lui, il y a des notions récurrentes d'emprisonnement, d'arnaque, de prison mentale, de retour de prison (la vraie) ou d'enfermement, c'est toujours présent dans vos disques aussi, pourquoi un tel besoin de chanter ce thème?
La musique, pour moi, c'est s’échapper, se trouver une liberté... Cette notion de faire de la musique pour ne pas retourner au bureau, ne pas se retrouver dans un environnement professionnel stressant, c'est ça en fait.
Avez-vous encore beaucoup de doutes quand vous composez et enregistrez?
Oui, qu'il n'y ait pas de doutes, ce n'est pas marrant. Je me retrouve encore à me persuader que je fais fausse route en me disant «Christophe t'as 54 balais là, ça merde... on se calme». Je me dis toujours que demain, ce sera peut-être mieux, que le prochain disque va être vraiment supérieur. C'est de la naïveté. Mais c'est marrant à voir. Je trouve bien d'être animé par cette volonté que ce soit vivant.
Des dix albums précédents, quel est votre préféré?
Le premier Boire. Après, tu ne vois que les erreurs. C'est pour cela que les concerts ont une vertu curative. Tu refais les arrangements des morceaux, tu leur donnes une nouvelle vie et tu as l'impression qu'ils sont plus beaux.
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On a vu, sur «Brut» ou sur BFM TV, car on a beau être au chaud dans les loges des Docks, la situation française n'a jamais été aussi loin (la politique suisse semble tellement différente), mais jamais aussi proche des Suisses romands, réseaux sociaux et proximité culturelle obligent. Miossec ne cache pas ce sourire frondeur. Le sourire de celui qui n'a pas toujours été du côté des spectateurs de la révolte. «Je me suis mis à regarder BFM TV du coup», blague-t-il à moitié sérieux. L'interview peut commencer, c'est parti pour une demi-heure de musique, de politique et même de cinéma suisse. Il y a de l'érudition, il y a surtout ce plaisir à échanger en marge de la sortie du numéro 11 <em>Les Rescapés</em>, un album important. 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Ce qui était amusant, c'est que je voulais refaire une petite chanson sur Brest sans forcément creuser le sillon qui marche ou qui a marché. L'idée était donc de refaire un morceau sur la ville, mais sans l'avoir en étendard et je me rends compte qu'il n'y a que les vrais brestois qui savaient que Brest s'appelait «Brest, la blanche». Parce que Brest est blanc quand tu arrives de la mer. Par la terre, elle est plutôt la grise. Il y a beaucoup de blancheur dans ce gris des maisons, un peu comme à Alger... ou à Villefranche-sur-Mer qui s'appelait «la blanche» après que les Stones soient passés. 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On aime ce Miossec convoquant quelques maîtres du postpunk anglo-américain comme Colin Newman de Wire ou le duo Alan Vega et Martin Rev, plus connu sous le nom de Suicide.La musique est un vecteur pour la poésie écorchée de Miossec, elle est aussi une éternelle source de questionnement, de doute, de remise complète à plat pour lui. Ce qui anime Christophe Miossec dans son cheminement artistique a à voir avec son profond sens de l'honneur. Quand il estime un album raté, il le dit et promet toujours de ne pas se laisser piéger la prochaine fois. Aujourd'hui, chez ce chanteur et auteur de textes pour Jane Birkin, Juliette Greco ou encore Johnny Hallyday, il y a plus de simplicité, de naturel et d'envie débridée. 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L'album <em>A to Z </em>de Colin Newman, voilà encore un exemple. 99% des gens ne le connaissent pas, il y a toujours un plaisir à faire découvrir ce genre d'albums, c'est un disque monstrueux.</p><p><a href="https://www.youtube.com/watch?v=oVXkAys8l20f">Colin Newman, <em xmlns="http://www.w3.org/1999/xhtml">B</em></a><em></em></p><p><strong>Pour parler de cette époque (1980), les effets de production étaient assez minimes sur le son, c'était assez froid.</strong></p><p>Les instruments sont comme ça, c'est souvent des guitaristes qui sont assez «cheap» avec leurs effets.</p><p><strong>Mais aujourd'hui, <em>Les Rescapés</em> est peut-être mieux que certains de vos autres albums, pour lesquels les moyens de production en studio devaient être aussi importants, non?</strong></p><p>Oui, en faisant plus simple. Pour faire un album, t'as beau avoir le «blabla» et la musique, c'est de l'architecture. Je crois que c'est Chuck Berry qui disait ça. J'ai commencé avec les instruments, donc j'ai défini un champ d'action, les couleurs... J'étais sûr, par rapport aux expériences du passé, que pas mal de choses m'avaient échappé, pour le meilleur ou pour le pire. Je ne veux pas me retrouver à courir après mon disque.</p><p><strong>On parlait des «gilets jaunes» avant de commencer l'interview: ça vous évoque quoi, cette réaction du peuple au pouvoir en place?</strong></p><p>On devrait parler plutôt des peuples. Les «gilets jaunes» représentent un de ces peuples, une sorte de classe moyenne en voie de paupérisation. Les gilets jaunes sur les ronds-points, c'est surtout pour moi l'axe méditerranéen qui est concerné et ça correspond à un certain vote français, à droite et à l'extrême droite. On se rend compte que les gens à la ramasse ne sont même pas «gilets jaunes». Ceux qui sont à la ramasse, eh bien ils sont à la ramasse. A Roubaix, dans le nord, je crois qu'il y avait seulement 25 gilets jaunes. Pourtant, il y a de quoi raconter. Il y a des «pays» comme ça en France, tu vas à Roubaix par exemple. Toute cette grande bourgeoisie du textile est partie, en fait tout le monde est parti. On a laissé le centre-ville de Roubaix s'effondrer. Tout est par terre, là-bas. Il y a des endroits qui perdent leurs habitants et ils ne savent plus comment faire rester les autres. Il n'y a plus d'industrie, plus de boulot...</p><p><strong>Est-ce que ça vous rassure que le pouvoir politique français soit inquiété?</strong></p><p>Oh oui, pour la démocratie française... On est les seuls en Europe à avoir cette monarchie déguisée. De toute façon, dès qu'il y a des gens qui descendent dans la rue, c'est bien, c'est qu'il y a quelque chose qui s'exprime. Et Emmanuel Macron a été élu avec 20%... Mais la violence économique, c'est trop. Il y a de grosses erreurs symboliques de commises alors que Macron est le roi des symboles. Sur la question des 80 km/h, il a fait chier tout le monde. Vraiment, les gens qui n'ont pas un avis politique, ils se disent que l’Etat vient les emmerder. Le rapport du Français à la bagnole, c'est quelque chose. Alors, qu'est-ce qu'il vient faire là-dedans? Et ce que ça a ramené l'ISF (impôt sur la fortune), c'est pas terrible au final. Et on ne cherche pas très bien où sont nos évadés fiscaux.</p><p><strong>Vous pensez que le France pourrait s'inspirer de la démocratie suisse?</strong></p><p>Le référendum permanent? Oui, ça pourrait marcher dans les régions françaises. Mais on n'a pas de «landers» en France. Les régions n'ont pas beaucoup de pouvoir et quand elles en ont, c'est n'importe quoi. Plus tu mets de l'argent dans les régions et plus tu délègues, eh bien plus le système français fait que ça devient mafieux. 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François Hollande était tellement content de fréquenter des grands de France, ces grands décideurs, d'être invité à leur table, d'être un des leurs. Il veut revenir et il est persuadé d'y parvenir. Pour moi, c'est un ravi de la crèche et c'est indécent.</p><p><strong>Pour parler des personnes qui font en revanche avancer, il y a cette rencontre déterminante que vous avez faite à Ifremer, l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer à Brest, un chercheur nommé Laurent Chauvaud. En quoi ses recherches vous ont inspiré?</strong></p><p>L'Ifremer, c'est à côté de chez moi, mon père était plongeur sous-marin, ils ont le bathyscaphe, un submersible, tout cela fait partie de mon paysage depuis que je suis gamin. Laurent Chauvaud, je l'ai rencontré à une exposition de photos passionnante. J'y ai vu le travail de ce chercheur avec des tableaux remplis de chiffres criants. 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Cette préoccupation se casse la gueule d'ailleurs.</p><p><strong>Pour finir, revenons à la musique si vous le voulez bien. On vient d'apprendre la mort de Michel Legrand: ça vous inspire quoi ce parcours de musicien du cinéma et du jazz, qui avait gagné trois Oscars à Hollywood?</strong></p><p>Depuis que je suis gamin, je le trouve insupportable. Des gens qui l'ont fréquenté le disent aussi. Il était sûr de lui-même, il parlait de lui en permanence... Sa musique s'en ressent: ça parle beaucoup. Il y a pas trop de silences chez Michel.</p><p><strong>On vous a lu et vu citer l'auteur français Henri Calet. Chez lui, il y a des notions récurrentes d'emprisonnement, d'arnaque, de prison mentale, de retour de prison (la vraie) ou d'enfermement, c'est toujours présent dans vos disques aussi, pourquoi un tel besoin de chanter ce thème?</strong></p><p>La musique, pour moi, c'est s’échapper, se trouver une liberté... 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Ce qui m’intéresse et m’interpelle est de comprendre les systèmes de privilèges et de stigmatisation, comment ils s’influencent et se croisent. De fait la lutte féministe n’a pour moi de sens que si elle considère et intègre les autres groupes sociaux stigmatisés. Aussi, je n’ai pas du tout de pensée politique. Je ne sais pas comment agir, sinon en donnant du sens à ce que je fais. C’est pourquoi dans le domaine du travail du sexe, j’essaie surtout de créer un discours qui permette à la fois de montrer un autre regard et en même temps de nous réapproprier notre voix qui est systématiquement mise sous silence. <br /><strong>Vous avez une activité militante ici?</strong><br />Si l’on veut. Je veux dire, je ne me trouve pas très active ni engagée. 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Et quand nous nous organisons nous-mêmes pour faire entendre notre voix, nous sommes systématiquement mises sous silence, si ce n’est insultées.<br />Concernant l’argument du «non-choix» dans la prostitution, c’est surtout un non-sens absolu. Aucun choix, quel qu’il soit, n’est jamais pris et défini uniquement par ma volonté. Le choix humain est toujours déterminé par un tas de choses, le contexte culturel, le besoin de se sentir reconnu par mes pairs, la représentation inconsciente que j’ai de moi, des autres… Du choix des vacances à celui de mon partenaire; du choix de ma tenue à celui de mon travail, tout est agencement comme dirait Deleuze.<br /><strong>Le problème viendrait-il surtout de notre besoin de s'insérer dans une société capitaliste?<br /></strong><strong></strong>Dans un système capitaliste déterminé par la nécessité de gagner de l’argent pour survivre, nous avons toutes et tous la contrainte de nous trouver un travail. 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On a 48 concerts. Comme on n’est pas dans la configuration open-air, tout est lié à la programmation. Avec Elton John, on a plus de billets à vendre qu’auparavant. On a deux affiches majeures comme Elton John et Sting qui ont été sold-out en deux jours.15'000 billets écoulés pour Elton dans un stade, c’est l’équivalent de 15 soirées au Stravinsky. On note par ailleurs que les artistes sont moins nombreux sur la route, que le modèle économique est en train de changer.</p> <p><strong>Quels sont vos objectifs pour un concert à Montreux?</strong></p> <p>On vise environ 60 ou 70% de la capacité de la salle. Mais je prends chaque concert individuellement. Il y a un changement ces dix dernières années avec la publicité sur les différents relais médiatiques. On a une concurrence forte en Suisse et en Europe en général. On doit relancer le public sur l’ensemble du programme constamment dans les médias du print. Le travail de communication se fait plus finement et est plus diversifié sur le digital. Avec les applications comme Spotify, on ne peut plus mettre le focus sur des artistes moins connus, ce qui est quelque chose d’intéressant.</p> <p><strong>Y a-t-il un effet Montreux avec des concerts conceptualisés, avec des artistes fidélisés?</strong></p> <p>Oui. Pour Thom Yorke dont le nouvel album a le parfait profil pour nous avec un spectacle visuel qui nous correspond bien, plus que pour un open air. L’ambiance de son album se transposera bien au Stravinski. Pour Janet Jackson aussi. Grâce à l’appui de Quincy Jones, elle fera deux dates en Europe, Montreux et Glastonbury. Avec une matériel scénique énorme là-bas. Pas chez nous, le rapport humain a permis de marquer notre différence. </p> <p><strong>Malgré la marque Montreux, il semblerait que rien ne soit acquis… </strong></p> <p>On fait des choix de programmation, certes, mais on est sur le fil du rasoir. On l’a toujours été. 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Je ne me prends pas trop au sérieux pour justement être pris au sérieux par les autres acteurs. A Kilbi, j'essaye toujours de trouver des artistes qui ont quelque chose d'original, qui ne font pas de compromis et qui sont surprenants. J'essaye aussi d'ajouter des éléments très expérimentaux au contenu du festival. Et avoir du plaisir, être connecté et discuter. Une chose très importante pour moi, c'est la fidélité à qui nous sommes, surtout. Garder la taille du festival, ne pas seulement le dire. Et mettre le côté humain en avant. La déco et le style ne sont pas les plus importants.</p> <p><strong>Comment ça se passe en termes économiques, la concurrence s'exprime-t-elle sur le terrain des cachets?</strong></p> <p>Oui. Mais on programme les artistes que l'on peut se payer. Cela arrive que l'on doive payer de gros cachets pour de petits groupes parce qu'ils sont en tête d'affiche. Mais le terrain de jeu dans lequel nous évoluons est plutôt sympathique. Les gens nous font confiance et nous rejoignent. J'espère que nous pourrons agir de cette façon pour quelque temps encore.</p> <p><strong>Comment décrire Kilbi par rapport aux autres festivals?</strong></p> <p>C'est un festival au naturel, multilingue et ouvert d'esprit, tout simple. Très varié. Je me fais toujours la réflexion quand je programme des groupes: est-ce que ces artistes seraient tous heureux de dîner à la même table?</p> <h3><strong>PALEO, l'OPEN AIR GRAND FORMAT (23-28 JUILLET)</strong></h3> <p><strong><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1559499333_jacques_monnier_credit_aniessa_jotterand.jpg" class="img-responsive img-fluid center " width="281" height="422" /></strong></p> <h4 style="text-align: center;"><strong>Jacques Monnier. </strong>© <strong>Aniessa Jotterand</strong></h4> <p><strong>Comment analysez-vous la baisse de passion pour plusieurs festivals majeurs cette année dont Paléo?</strong></p> <p><strong>Jacques Monnier </strong>(chef de la programmation)<strong>: </strong>On a vu l’an dernier que le marché suisse était en limite de saturation. Il y a beaucoup de festivals, Caribana, Rock Oz’ Arènes, Festi’Neuch… Les gens n’ont ni le temps ni l’argent d’aller partout. Il y a un tassement. C’est la première année depuis 2003 que l’on ne vend pas tout. Il nous reste des billets pour samedi et dimanche. Mais à l’arrivée, ça fera quand même 96% de remplissage. Cette année, il y a le facteur Fêtes des Vignerons, même si ce ne sont pas tous des spectateurs de Paléo, sans compter les concerts programmés à l’année.</p> <p><strong>Le facteur hip-hop a-t-il écarté certains spectateurs de Paléo cette année? </strong></p> <p>Non, car on programme du hip-hop depuis MC Solaar. Avant, les organisateurs ne voulaient pas trop de hip hop car le public était réputé difficile. Mais aujourd’hui, c’est la soirée avec Damso et Soprano qui est partie la plus vite. On doit renouveler le public avec ce qu’il veut écouter, du rap et de l’électro surtout, moins de rock. Mais on a un menu qui s’adresse à des générations différentes, le rap c’est 12% des artistes, Bruel sera là pour un public familial, The Cure et 21 Pilots pour les amateurs de rock… Il y a les musiques du monde. Paléo est vaste.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1559498684_thecure2nyoncolovrayen1985crditpalo.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;">Nyon Colovray en 1985. © Paléo</h4> <p><strong>Puisque vous les citez, The Cure et son leader Robert Smith incarnent très bien la relation spéciale que Paléo peut entretenir avec des artistes, non?</strong></p> <p>Oui et c’est émouvant. The Cure est venu en 1985 à Paléo. On s’ouvrait au rock à ce moment-là. En fait, Robert Smith a choisi Paléo comme lieu important pour célébrer les 40 ans de son groupe. Mais on a aussi une relation très soutenue avec des artistes placés en «découverte» ces dernières années comme Big Flo & Oli, Jain et Angèle. Cette dernière fait partie des artistes dont la carrière a explosé en une année. On est heureux de lui proposer la Grande scène cet été pour passer de 3000 à 30'000 spectateurs. Ce suivi des artistes dans leur éclosion, c’est ce qui nous plaît.</p> <h3><strong>LES EUROCKÉENNES – OPEN AIR MAJEUR DU PAYS VOISIN (4-7 JUILLET)</strong></h3> <p><strong><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1559499033_leseurockennesphotoeurockennes.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></strong></p> <p><strong>Avez-vous senti une désaffection en 2018 aux Eurockéennes et sur le marché des festivals français en général?</strong></p> <p><strong>Jean-Paul Roland </strong>(directeur)<strong>:</strong> Il y a toujours plus de festivals et de public en France. Pour 2018, c’est moins une désaffection ressentie qu’une crainte partagée par le secteur d’un équilibre financier désormais élevé, proche du complet, et donc beaucoup plus difficile à atteindre. Avec le constat des hausses cumulées des coûts de sûreté et d’accueil du public, des frais d’indemnisation des forces de l’ordre et également des cachets d’artistes face à une décrue des subventions locales, le secteur très concurrentiel est inquiet pour son avenir.</p> <p><strong>Quel est le secret pour que les Eurockéennes perdurent avec ce récent format de quatre jours? </strong></p> <p>Ni secret, ni recette. La fragilité reste intrinsèquement liée à ce type d’événement plein air. Ce format dépend essentiellement des opportunités artistiques pour réussir à programmer un jour supplémentaire. Le format sur trois jours reste le mètre étalon. Si notre équipe défend l’idée d’un festival généraliste mais clair dans ses choix artistiques et qui explore avec passion et assiduité les marges musicales, la promesse d'une expérience globale sur la belle presqu’île du Malsaucy <em>(ndlr : à dix minutes du centre de Belfort et une heure de Delémont),</em> d’une parenthèse sociale avec son légendaire camping va bien au-delà de la programmation musicale.</p> <p><strong>Vous n’êtes pas dépendant des subventions publiques, est-ce le secret en France pour tenir financièrement sur du long terme?</strong></p> <p>Croisons les doigts et scrutons les cieux! Il s’agit au départ d’un festival inventé par une collectivité départementale publique, donc majoritairement subventionné à ses débuts en 1989. Le virage économique intervient à l’aube des années 2000 avec un budget dont les recettes proviennent désormais à 93% de ses recettes propres (mécénat, sponsoring et billetterie). La baisse des subventions peut à terme limiter le nombre et l’ampleur de nos actions culturelles et sociales proposées à l’année sur notre territoire élargi qui comprennent des accompagnements artistiques, notamment Iceberg en France et en Suisse, la programmation locale au club de la Poudrière à Belfort, des actions solidaires avec les associations locales… etc.). 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