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Sous le pseudonyme d’Esparbec, Georges Pailler a écrit 73 livres d’une pornographie assumée et revendiquée. Jusqu’à sa mort, en 2020, il est resté actif dans le monde de l’édition «de mauvais genre». Les deux premiers tomes de ses œuvres complètes paraissent aux Editions La Musardine et ont été récompensés par le Prix Sade 2021.



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Esparbec est mort le 6 juillet 2020 à Paris. Il avait 87 ans. Entre 1985 et 2012, il a publié 73 ouvrages pornographiques, notamment La Pharmacienne, un livre dont il vendra, toutes éditions confondues, 100'000 exemplaires. Les Editions La Musardine ont débuté la publication de ses œuvres complètes, dont les deux premiers tomes – il y en aura 12 jusqu’en 2025 – ont été récompensés en octobre par le prix Sade. Le premier tome s’ouvre avec la préface éclairante de Claude Bard  ̶  son ami et celui qui le premier l’édita   ̶  qui permet de mieux connaître la vie et l’œuvre d’un écrivain qui, bien que cantonné au «mauvais genre», mérite d’être connu au-delà des cercles d’initiés.       

C’est Jean-Jacques Pauvert (1926-2014), le légendaire éditeur de Sade et de Bataille, qui qualifia Esparbec de «dernier des pornographes». Pauvert, qui a toujours combattu la censure et en a souvent subi les foudres, pensait que la littérature pornographique se définissait en grande partie par une transgression de l’interdit, et que cet interdit faiblissant ou disparaissant, la pornographie allait faire de même. Il se trompait: ce n’est pas parce que la pornographie est aujourd’hui si facilement accessible que la censure morale ne sévit pas. Au contraire, on sent à nouveau arriver une vague de puritanisme, et gageons que la transgression pornographique a encore de beaux jours devant elle.

Une carrière consacrée à l’obscénité du sexe

Si Esparbec n’est donc pas à strictement parler le dernier des pornographes, il est le représentant d’une époque où la pornographie se déployait avec succès dans les romans de gare. Et en tant qu’écrivain et éditeur, il a consacré toute sa carrière à l’obscénité du sexe.

Né en 1933 à Paris, Georges Pailler perd sa mère à cinq ans. A sept ans, il rejoint son père en Tunisie où celui-ci a trouvé du travail dans la police. Devenu adulte, il officie pendant sept ans comme instituteur. En 1960, retour en France, à Paris. Si Georges Pailler écrit déjà, notamment de la poésie, il ne publie rien, fait le démarcheur, le vendeur à la sauvette, gagne sa vie comme contrôleur de cinéma, débarrasseur de cave, bouquiniste… En 1980, il devient projectionniste de cinéma. C’est là que va débuter sa carrière littéraire, en 1984. Claude Bard travaille alors pour Media 1000, une maison d’édition spécialisée dans l’érotisme et appartenant à Hachette. A la recherche de nouveaux auteurs, Bard propose à un de ses copains de s’essayer à l’écriture érotique. Or ce copain est projectionniste dans un cinéma de Montparnasse, où travaille également Georges Pailler. Lequel finit par proposer un récit à l’éditeur, La voleuse de plaisir, qu’il signe Esparbec. Le début d’une carrière et d’une œuvre. A partir de là, Esparbec écrit, rewrite, corrige, crée et dirige des collections pratiquement jusqu’à sa mort.

L’écriture du désir

Au-delà de cette riche carrière, il est intéressant de se pencher sur ce que cet auteur désormais mythique disait de la pornographie. Il n’a écrit aucun essai sur le sujet, mais Claude Bard a réuni différents extraits de préfaces ou de lettres. Esparbec y défend un grand respect pour les lecteurs, la qualité de l’écriture et du récit pornographique, un style qui «s’interdit de former un écran entre les choses racontées et le lecteur. (…) Cette écriture neutre, béhavioriste, bannit le vocabulaire  "spécialisé" des années soixante-dix et quatre-vingt (…) mais aussi l’ennemi No 1: la métaphore et tout ce qui l’accompagne. (…) Je me battrais donc avec tous les débutants contre leur tentation de "faire joli" ou de se regarder écrire. L’auteur porno doit  "s’effacer" devant ce qu’il raconte.» Des conseils qui peuvent s’appliquer au-delà de la littérature pornographique.

Sinon, Esparbec prône une pornographie «écriture du désir»: «La chair ne suffit pas à satisfaire les besoins de l’esprit, c’est pour ça qu’on a inventé la pornographie.» Et il assume et revendique l’obscénité: «Pour que le pornographique fonctionne, il faut qu’il soit obscène. Il doit déranger. Choquer. (…) Je ne cherche pas à faire de l’érotique, ou du pornographique, mais de l’obscène.»

Il y parvient admirablement bien. C’est dans ce sens qu’il est un grand écrivain pornographique, un grand pornographe.

Mise à part la formidable préface de Claude Bard, le premier tome des œuvres complètes d’Esparbec contient ses trois premiers titres publiés, mais aussi le dernier, Le pornographe et ses Modèles, sans aucun doute le chef-d’œuvre de l’écrivain, un récit en partie autobiographique qui mêle la vie de l’auteur et ses phantasmes sans qu’on les distingue. «Dans la chambre, L.B. dort. Elle est venue en coup de vent, à son habitude. Sortant de je ne sais quelle débauche, et d’un livre que peut-être un jour j’écrirai. – J’ai vu de la lumière et je suis montée. Encore à tes écritures? Tous ces mots, tous ces mots pour ne rien dire.»

Pas pour ne rien dire, non, plutôt pour tellement dire le désir, pour le dire avec outrance.



«Œuvres complètes», Esparbec, tome 1, Editions de la Musardine, 980 pages.


«Œuvres complètes», Esparbec, tome 2, Editions de la Musardine, 735 pages.

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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

1 Commentaire

@SylT 19.12.2021 | 17h49

«Des années après l'avoir lu, "Le Pornographe et son modèle" reste aussi pour moi une autofiction qui à la fois expose les fantasmes personnels d'Esparbec d'une manière qui les rend très universels et qui touche bien plus loin que la simple excitation sexuelle.»