Culture / Un oratorio qui sublime les violences au nom de Dieu
Ce n’est peut-être pas l’event «tendance» du moment, mais c’est, bien plus sûrement, un événement musical marquant que nous vivons à la découverte du «Mystère d’Agaune», qui saisit aussitôt par sa puissance expressive, du triple point de vue orchestral, vocal et choral, et par l’intensité émotionnelle que dégagent ses thèmes. © DR
Après sa création récente, «Le Mystère d’Agaune», oratorio de Richard Dubugnon, sur un livret de Christophe Gallaz, sera repris le 25 novembre prochain en l’abbaye de Saint-Maurice. Ce sera l’occasion, à ne pas manquer, de découvrir une œuvre magnifique aux résonances multiples, dont le premier enregistrement reste actuellement en ligne sur le site de la RTS...
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Est-il vrai qu’il aurait apprécié le fait de ne pas être maltraité? Est-il vrai qu’il aurait affirmé ces derniers temps qu’il en avait assez de vivre? Et que voit-il par la fenêtre, si tant est que les murs qui l'enferment soient pourvus de la moindre ouverture? 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Mais pas du tout : maintes fois, en effet, l’auteur du redoutable 2084 l’a répété: ce n’est pas à l’islam qu’il en veut, mais à l’islamisme et à l’instrumentalisation sociale et politique du «message» musulman, comparable à l’instrumentalisation faite par tous les fanatiques césaro-papistes des confessions diverses, etc.</p> <p>Freeman Dyson rend hommage à l’auteure de science-fiction Madeleine L'Engle, très prisée des enfants et des ados anglo-saxons (elle a écrit une trentaine de romans les visant en priorité) et qui accorde, en chrétienne atypique, plus d’importance aux scientifiques qu’aux théologiens, coupables, selon elle, de limiter la notion de Dieu alors que «les scientifiques, avec leurs questions, avec leur émerveillement face à la gloire de l’Univers», l’ont aidée dans sa quête de méditation et de contemplation, tant il est vrai que les spécialistes de biologie cellulaire ou d'astrophysique traitent de la nature de l'existence même au fil de questions d’ordre théologique: «quelle est la nature du temps? 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Je m’y attendais, c’est un corps d’élite, les imams, toujours prêts à bondir et à rendre service, comme les scouts »...</p> <h3><strong>Un hymne insolent à la vie libre !</strong></h3> <p>Sacré Boualem, qui fait passer le salut des Terriens par le truchement de la connexion onirique – et quel régal panaché que la suite des réponses de l’imam, du rabbin, du curé et de l’hindouiste vegan, quelle fiesta d’ironie sagace et de lucidité débonnaire quoique sans illusion, aboutissant à une conclusion d’un surprenant optimisme, à savoir que «l’avenir appartient aux gens de bien», ce que Sansal commente tranquillement (je l’imagine plutôt tranquille, ce matin, dans sa réclusion), en ces termes: «Tiens, je crois que c’est ça la bonne définition de cet objet non identifié qu’est l’humanité, que je cherche depuis des années, L’humanité, ce sont ces gens de bien qui, vaille que vaille, assurent le service de la vie»…</p> <p>Aussi bien ne me fais-je pas trop de souci, malgré tout, pour ce cher homme dont la force morale, l’intelligence et l’immense savoir «humain», modulés dans ses livres si variés de forme – jusqu’à ce roman d’anticipation parodiant joyeusement la littérature conjecturale pour ados de tous les âges – me font penser qu’il vit son incarcération actuelle, par les morts-vivants du pouvoir, comme une péripétie parmi d’autres, mais combien révélatrice pour nous qui en découvrons les effets de solidarité massive autant que les retombées de haine et d’abjection.</p> <p>Vivre, oui, et d’abord lire ce livre tonique, hymne insolent et généreux à la vie libre (!) au lieu de radoter dans le vide des idéologies «divinement» meurtrières. Boualem Sansal sera-t-il libre à Noël? C’est évidemment à espérer, même si cette fête d’«infidèles» tourne au marché de pacotille. Et les Terriens méritent-ils d’ailleurs d’être sauvés! Salut le mystère!</p> <hr /> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1733404354_g08284.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="161" height="235" /></p> <p><strong>Boualem Sansal. <em>Vivre. Le compte à rebours</em>. </strong><strong>Gallimard, 2024, 233p. </strong></p> <p><strong><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1733404445_laviedanslunivers.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="156" height="248" /></strong></p> <p><strong>Freeman J. Dyson. </strong><strong><em>La vie dans l’univers. Réflexions d’un physicien. </em></strong><strong>Gallimard, Bibliothèques des sciences humaines, 2009. 255p.</strong></p> <hr /> <h2><strong>Entretien avec Boualem Sansal, en 2006 </strong></h2> <p><strong> </strong><strong>(paru dans le quotidien <em>24 heures </em>le 9 mai 2006)</strong></p> <p>Boualem Sansal est l’une des grandes voix de la littérature algérienne francophone, dont les romans ressaisissent la tragique et complexe réalité contemporaine avec une porosité et une faconde sans pareilles. Après <em>Le serment des barbares</em> (1999), <em>L’enfant fou de l’arbre creux</em> (2000) et <em>Dis-moi le paradis</em> (2003), son quatrième roman, Harraga, s’attache à deux destinées de femmes avec autant d’empathie que de lucidité révoltée. Au printemps 2006, cet auteur qui a «mal à l’Algérie» adressait une lettre ouverte à ses compatriotes intitulée <em>Poste restante: Alger,</em> d’un courage civique impressionnant. Nous avions rencontré l’auteur après cette parution...</p> <p><strong>Comment, Boualem Sansal, vivez-vous aujourd’hui en Algérie?</strong></p> <p>Plutôt mal, après une amnistie marquant la réhabilitation des criminels d’hier, qui se retrouvent à plastronner en ville avec une arrogance extraordinaire. La chape d’un ordre moral intolérant se fait de nouveau ressentir, parallèlement à la réintroduction de l’enseignement religieux et à l’occupation des mosquées. Or la population semble l’accepter, tant elle est respectueuse de l’islam.</p> <p><strong>Quelle a été votre éducation personnelle?</strong></p> <p>Je suis né dans une famille où l’on pensait que l’instruction était essentielle. Ayant perdu mon père très tôt, j’ai été soumis, avec mes trois frères, à la discipline rigoureuse d’un grand-père chef de gare qui avait fait la guerre de 14-18, laïc et profondément attaché à la France et à sa culture. Après un début d’études classiques en latin-grec, j’ai cependant bifurqué sur une formation d’ingénieur, l’Algérie de l’indépendance ayant besoin de bâtisseurs et de techniciens plus que de «beaux parleurs», comme on disait alors. C’est pourquoi je me suis retrouvé, en 1992, au poste de Directeur de l’industrie, où m’avait appelé un condisciple devenu ministre.</p> <p><strong>Qu’avez-vous appris dans les allées du pouvoir?</strong></p> <p>Ce qui m’a le plus frappé, c’est la morgue, la corruption, les luttes entre clans et, d’une manière générale, le mépris de la population, ainsi qu’une formidable incompétence des apparatchiks du parti unique.</p> <p><strong>En avez-vous un exemple?</strong></p> <p>Le plus éloquent est ce rapport qu’un ministre m’a chargé d’établir, sur les relations entre l’endettement des pays du Sud méditerranéen et leur niveau de développement. Me fiant aux chiffres de la Banque mondiale et du FMI, j’ai constaté que les pays les plus endettés à régimes autoritaires, à commencer par l’Égypte, étaient aussi les plus déficients en matière de développement, alors qu’Israël, super-endetté, affichait un développement constant. Ce constat a mis le ministre en fureur, qui m’a prié de supprimer la mention d’Israël, ce que l’honnêteté m’interdisait. Je lui ai donc proposé ma démission immédiate, qui a été refusée en même temps qu’on enterrait le rapport. Par la suite, mes positions et mes livres m’ont valu d’être limogé.</p> <p><strong>Comment en êtes-vous venu au roman?</strong></p> <p>Cela s’est fait comme ça, pendant la terreur islamiste qui nous cloîtrait. Or que fait-on dans ces conditions ? On tourne en rond, on remâche les dernières horreurs du jour, on prend des notes sur ce qu’on observe, et tout à coup le « roman » est là, dicté par la vie. C’est ainsi qu’est né Le serment des barbares.</p> <p><strong>Décrire la réalité si fidèlement, comme l’a fait aussi votre ami Rachid Mimouni, ne représentait-il pas un risque?</strong></p> <p>Bien entendu, mais sortir dans la rue était déjà risqué. A propos de mon ami Rachid, la nuit suivant son enterrement en Algérie, des fanatiques ont exhumé son cadavre pour le livrer aux chiens. Ce n’est pas du roman : c’est la réalité, comme <em>Harraga </em>relève d’une réalité vécue.</p> <p><strong>Dans votre lettre ouverte aux Algériens, vous vous en prenez violemment à l’amnistie…</strong></p> <p>Pour aboutir à une vraie réconciliation, il fallait enquêter et rendre la justice. Je ne suis pas contre le pardon, au contraire, mais cette amnistie était une insulte aux victimes et un déni de justice.</p> <p><strong>Pensez-vous être entendu? Et menacé?</strong></p> <p>On m’a appris récemment que le livre faisait l’objet d’une mesure de censure, mais de nombreux compatriotes partagent mon point de vue, même si mes adversaires me font passer pour un « agent de la France » Menacé ? L’Algérie est un grand pays, dans lequel je reste à peu près invisible. Par ailleurs, comme Mimouni, je suis protégé par ma notoriété. 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Et pourtant non: grâce à la neige et au gel, aux avions cloués au sol et donc à l’imprévu illico salué par Tobie («accepte ce qui arrivera» lui chante-t-il au téléphone quand elle lui expose son retard de deux ou trois jours), et Sarah de se réjouir de l’imprévisible occasion de vivre elle ne sait encore quoi alors que, de la fenêtre du bus qui la ramène de l’aéroport en ville, elle voit sans le voir un grand camion blanc dont la cabine figure une petite maisonnette, prélude à un conte à dormir debout. 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Citer le «sac de tristesse» de l’ancien voisin bûcheron, «vieux mais propre» et fleurant le savon, le bois et le citron. Citer le syndrome des jambes de Sarah dont les cauchemars l’empêchent de dormir car «chaque nuit est un piège», telle étant la part d’ombre de ce tourbillon lumineux de neige comme produite par une usine à farine. Citer les vitrines, les concerts, les biscuits de Noël qui peut être «poussent les pensées vers la mélancolie». Citer la «tête osseuse» à «noblesse de cheval» du faux ogre estimant qu’on est tous des «maltraités de la vie». Citer le «cœur explosif» du passé de Sarah entrevu par Tobie, lequel inspire celle-ci quand il rage. Citer le souvenir pénible du «poulailler paroissial» de la mesquine petite ville. Citer les deux enfants morts emportés par le père dans un carton à chaussures – «il faut beaucoup de calme et de propreté pour que ces faits révèlent leur beauté». 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Stevenson comme le conteur fameux mort aux îles Samoa d’un AVC après avoir fait rêver les jeunesses du monde à son île au trésor, un beau garçon surnommé Chasseur qui se fait draguer «grave» par Sarah, laquelle n’est plus à la fin qu’une poussière géante ou qu’une araignée en chocolat sous le balai de la mémoire passée et future, avec les mots de Rose-Marie Pagnard, fée et sorcière-sourcière emmêlée dans ses pinceaux et autres stylos dans sa féerie évoquant «une danse de Lapons endormis», lapins d’Alice et compagnie, sous les étoiles dont les noms (Chevelure de Bérénice ou Petit Lion) «valent le coup de vivre cent ans», enfin Sarah, agitant son kaléidoscope, se dit comme ça, «qu’il ne lui est pas nécessaire de tout comprendre, seulement de vivre et d’être amie de l’imagination».</p> <hr /> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1732184054_zoelenlevementdesarahpoppcopie.jpg" class="img-responsive img-fluid left " width="200" height="298" /></p> <h4>«L’enlèvement de 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Ainsi Douglas Kennedy, compose-t-il un patchwork où la tendresse généreuse le dispute à la critique du «râleur-né» de l’East Village new yorkais. 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Ca va? Pas trop de bavardages»), du <i>Bel été</i> (prix Strega en juin 1950, consécration à peine relevée par les médias sauf à Turin), <i>Entre femmes seules </i>aux si profondes intuitions psychologiques, <i>Le Métier de vivre</i> à de multiples reprises et la correspondance de l’écrivain d’où l’auteur tire la page saisissante, à valeur d’autoportrait, d’une lettre à Fernanda Pivano, le 25 octobre 1950, où figurent ces mots d’une si terrible lucidité: «Or P. qui sans doute est un solitaire parce qu’en grandissant il a compris qu’on ne peut rien faire qui vaille sinon loin du commerce du monde, est le martyr de ces contradictions. Il veut être seul – et il est seul –, mais il veut l’être au milieu d’un cercle qui le sache (…) P. appelle même tout cela besoin d’expression, de communication, de communion; sa privation, tragédie de la solitude, incommunicabilité des âmes, et ainsi de suite. 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Ce n’est peut-être pas l’event «tendance» du moment, mais c’est, bien plus sûrement, un événement musical marquant que nous vivons à la découverte du Mystère d’Agaune, qui saisit aussitôt par sa puissance expressive, du triple point de vue orchestral, vocal et choral, et par l’intensité émotionnelle que dégagent ses thèmes puisqu’il est question, notamment, de violence fanatique à connotation religieuse, sur fond de massacre légendaire.
Au lendemain de la création de l’ouvrage (le 28 octobre dernier), l’on pouvait lire les lignes qui suivent sous la plume de Jean-François Cavin, qui n’a pas la réputation de s’exalter à bon marché: «Nous avons rarement été impressionnés autant par une création, si forte qu’on a le sentiment d’avoir assisté à la naissance d’un chef-d’œuvre digne de figurer au répertoire des grands oratorios. Dubugnon est un de nos meilleurs compositeurs. Sa musique, qui sait être savante, n’est nullement cérébrale; elle est vivante, elle parle au cœur» (La Nation, no 2109, du 9 novembre 2018).
Initialement intitulé Saint-Victor, lequel est aussi bien le patron de l’église d’Ollon, l’oratorio rebaptisé Le mystère d’Agaune — le nom d’Agaune désignant le bourg devenu Saint-Maurice — retrace les tribulations de cet officier de la légion thébaine, aux côtés de saint Maurice, martyrisé pour avoir refusé d’abjurer sa foi, vers l’an 300 de notre ère. Ce n’est pourtant que 100 ans plus tard que l’épisode est devenu fondateur sous la plume de l’évêque de Lyon, ainsi que le livret de Christophe Gallaz le rappelle au passage.
Christophe Gallaz © DR
Mais la dramaturgie du livret en question n’est pas documentaire ou édifiante pour autant. S’inspirant de la tradition orale des mystères médiévaux, elle se colore immédiatement de traits populaires à bon renfort d’adresses au public, de sorte à inscrire notre petite histoire dans la grande Histoire et à tous les temps de la condition humaine. Couteaux aiguisés, mugissements de sirènes, pin-pons des services du feu profane, et c’est parti pour une narration alternant les voix des solistes et du chœur, en crescendo tantôt éclatant et tantôt s’apaisant en douces inflexions sottovoce.
Richard Dubugnon a commencé d’écrire cet oratorio au moment des attentats de 2015, à Paris, et d’emblée le lien émotionnel s’établit entre notre présent (de la Syrie au Yémen, ou de Gaza au martyre des Coptes, etc.) et le passé des sempiternelles souffrances que l’homme s’inflige au nom de ses croyances, avec toutes les interrogations, désarrois, colères, déplorations que cela suppose.
Tout cela qui nous échappe, bien entendu, à la première écoute du Mystère d’Agaune, ainsi que le relève Jean-François Cavin, mais qui n’en est pas moins là et que les mots et plus encore la musique suggèrent et soulignent, modulent et incarnent.
Dans l’immédiat, l’enregistrement de l’ouvrage à sa création, au temple d’Ollon, peut toujours être écouté sur le site de la radio romande (https://www.rts.ch/play/radio/lheure-musicale). Par ailleurs, il m’a semblé intéressant de poser quelques questions à Richard Dubugnon sur les tenants de cette aventure créatrice à quatre mains, superbement mise en valeur par ses interprètes professionnels et amateurs.
Entretien avec Richard Dubugnon, compositeur
Richard Dubugnon © DR
Qu’est-ce qu’un oratorio? Et quel est à votre goût le top 3 (ou 7) des oratorios existants?
C’est un drame lyrique sur un sujet religieux, parfois profane, souvent écrit pour solistes, chœur et orchestre. Mes oratorios préférés sont par ordre chronologique: la Passion selon Saint Matthieu de J.-S. Bach, la Messe luthérienne en Fa majeur du même compositeur, la Petite Messe solennelle de Rossini (1864, qui donna le modèle instrumental originel pour le Mystère d’Agaune: piano et harmonium), le Requiem de Verdi (1874), le Stabat Mater de Szymanowski (1926), le Requiem de Ligeti (1965), la Passion selon Saint Luc de Penderecki (1966). J’ajouterai bien en bonus la Liturgie de Jean Chrysostome de Rachmaninov (1910), la Symphonie des Psaumes de Stravinski (1930) et Jeanne au bûcher d’Honegger (1938).
Quel est votre rapport avec la musique dite sacrée?
Je suis un «athée - mystique», à savoir que je crois à la science et à l’évolution des espèces, sans renoncer au mystère, à l’incompréhensible, à l’impalpable et à tout ce qui n’a point encore été découvert. Je ne rejette pas les créations artistiques extraordinaires que le sentiment religieux ont pu susciter: tous les symboles, les architectures, arts visuels et sonores m’inspirent et me donnent envie d’inventer à mon tour. Le besoin de créer révèle l’aspect le plus fondamental de l’homme depuis la révolution cognitive, à savoir son besoin d’imaginer ce qui n’existe pas.
La musique à connotation religieuse a-t-elle encore un sens dans un monde tel que le nôtre?
«Si la musique parait exprimer quelque chose, ce n’est qu’une illusion et non pas une réalité» disait Stravinski. Elle n’exprime donc rien d’autre qu’elle-même et les auditeurs et interprètes y trouvent les connotations qu’ils veulent, accordées à leurs sensibilités ou spiritualités les plus diverses. Une même musique peut exalter un catholique, un baptiste, un mormon, un communiste et j’en passe. Selon moi, l’Art (tout comme la vie, et donc les hommes) précède la religion (au mieux, lui est simultané), il est donc d’une expression plus essentielle, plus humaine, qui va au-delà des différentes croyances. Tout en étant profondément croyants, des compositeurs comme J.-S. Bach, Messiaen, Poulenc ont su transmettre une force dans leur art qui va au-delà du sentiment religieux, puisqu’il touche des «impies», non croyants ou infidèles. Inversement, des compositeurs mécréants comme Mozart, Richard Strauss et beaucoup d’autres, peuvent toucher des personnes religieuses qui trouveront «leur compte» dans leurs musiques.
Quelle a été la genèse, pour vous, du Mystère d’Agaune?
Le Festival de l’Automne Musical d’Ollon (VD), pour célébrer son dixième anniversaire, a désiré me passer commande d’un oratorio sur l’histoire de Saint Victor d’Agaune, saint patron du lieu. J’avais voulu dès le début sortir du simple récit du massacre de la Légion Thébaine et en faire un message de paix contemporain, à l’image de Paul Claudel et Arthur Honegger lorsqu’ils décidèrent de faire leur Jeanne au bûcher. J’imaginais alors un modèle d’oratorio avec deux récitants, homme et femme, un peu comme des présentateurs de téléjournal, un chœur, un piano et harmonium, la même instrumentation que la Petite Messe solennelle. J’avais reçu en 2014 le Prix Musique de la Fondation Vaudoise, la même année qu’elle distinguait Christophe Gallaz, qui me sembla être alors le partenaire idéal pour le livret, car je le connais depuis de longues années et j’admire la méticuleuse précision et la force poétique de ses écrits.
Quel sens particulier revêt ici le terme de Mystère et quelles résonances possibles en notre époque?
Le mystère d’Agaune est modelé sur les mystères du Moyen-âge, un genre théâtral et musical qui mettait en scène des sujets religieux ou profanes sur le parvis des églises, s’adressant au peuple par le biais d’allégories, de textes et de symboles, afin de lui révéler le sens caché et profond des choses. Je suis convaincu de l’efficacité du «spectacle vivant» à notre époque où tout est dématérialisé, où la communication est virtuelle et où nous sommes assujettis aux médias digitaux. Les artistes en chair et en os ont un pouvoir de communication (je dirai d’éducation) incomparable, qui nous ramène à l’époque des conteurs, griots, bardes et trouvères en tout genre. Les enfants en sont la preuve: ils n’oublient pas un concert ou une visite au cirque aussi facilement qu’un dessin animé ou un jeu vidéo.
Comment avez-vous travaillé avec Christophe Gallaz?
Nous nous sommes rencontrés plusieurs fois pour parler du sujet, en buvant des verres au Café de l’Europe (Lausanne). Nous sommes aussi allés visiter le trésor à l’Abbaye de Saint Maurice, sous les auspices du commissaire de l’exposition, Pierre-Alain Mariaux, que je salue au passage. Les premiers six mois consécutifs, Christophe n’a rien produit, ce qui m’a mis dans un état de panique quasi mystique. Puis après une série de coups de semonces téléphoniques, il a fini par pondre le texte en écriture quasi automatique, ce en quelques semaines et à ma plus grande joie, car j’étais en retard sur deux autres commandes à cause de ce délai. Nous avons communiqué par email, avec des feed-back mutuels très enrichissants. Bien que n’étant pas musicien, Christophe est mélomane et possède un sens très poussé du rythme déclamé et des idées précises pour les didascalies. Il s’inquiétait au début de faire des rimes ou des pieds dans ses vers, mais je l’en ai dissuadé, précisant que la musique serait là pour donner des effets purement sonores au texte.
Comment la création s’est-elle développée avec vos interprètes?
La création de ce mystère a été frappée d’une malédiction digne de celle de Toutankhamon, avec pas moins de trois décès et plusieurs désistements. Tout d’abord, Anne Cunéo, alors pressentie pour le livret avant Christophe, décède. Puis c’est le tour d’Olivier Faller, alors directeur de l’Automne Musical d’Ollon, qui nous quitte brutalement à cause d’un arrêt cardiaque. Le troisième à nous quitter fut l’organiste de Barbarie d’origine, Jérôme Capeille, des suites d’un cancer. Heureusement, son frère Didier put reprendre le flambeau, étant le seul à pouvoir manipuler l’engin et perforer les cartons nécessaires. Plusieurs chanteurs ont dû déclarer forfait pour diverses raisons, qui furent suivis du pianiste Pierrre Goy, à cause d’un burn-out. Bien que j’eusse pu rendre la partition dans les temps, les organisateurs du festival ont mis un temps inexplicablement long à commander les piano-chant pour les choristes et cela mettait en péril leur travail, vu qu’ils ne sont pas professionnels. Nos soucis ne s’arrêtaient pas là, car la veille des répétitions, la soprano Christine Buffle se retrouva complètement aphone à cause d’une grippe! Nous devions trouver quelqu’un le jour même, qui nous vint de Paris sous la forme de l’ange salvateur qu’est Karen Wierzba.
Cet oratorio opus 52 prend-il une place particulière dans la suite de vos compositions?
Il s’agit déjà de l’opus 80! Je me sers des numéros par souci d’ordre dans mes pièces, mais je m’y perds moi-même. Certains numéros ne pas sont dans l’ordre chronologique, d’autres sont inexistants et certaines œuvres n’en ont pas. Ce Mystère d’Agaune tient une place affective très particulière cependant, car outre son message politique, mystique ou purement musical, il reflète mon souci de retour à la simplicité, à une expressivité plus immédiate, un langage plus accessible et direct, pour permettre aux interprètes une plus grande palette d’interprétations possibles et aux auditeurs de ressentir les émotions les plus diverses, conformément à leurs sensibilités, spiritualités et croyances de tous horizons. En un mot: il s’agit d’une œuvre libre, ouverte, offerte à tous pour le bonheur de tous.
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Est-il vrai qu’il aurait apprécié le fait de ne pas être maltraité? Est-il vrai qu’il aurait affirmé ces derniers temps qu’il en avait assez de vivre? Et que voit-il par la fenêtre, si tant est que les murs qui l'enferment soient pourvus de la moindre ouverture? 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Mais pas du tout : maintes fois, en effet, l’auteur du redoutable 2084 l’a répété: ce n’est pas à l’islam qu’il en veut, mais à l’islamisme et à l’instrumentalisation sociale et politique du «message» musulman, comparable à l’instrumentalisation faite par tous les fanatiques césaro-papistes des confessions diverses, etc.</p> <p>Freeman Dyson rend hommage à l’auteure de science-fiction Madeleine L'Engle, très prisée des enfants et des ados anglo-saxons (elle a écrit une trentaine de romans les visant en priorité) et qui accorde, en chrétienne atypique, plus d’importance aux scientifiques qu’aux théologiens, coupables, selon elle, de limiter la notion de Dieu alors que «les scientifiques, avec leurs questions, avec leur émerveillement face à la gloire de l’Univers», l’ont aidée dans sa quête de méditation et de contemplation, tant il est vrai que les spécialistes de biologie cellulaire ou d'astrophysique traitent de la nature de l'existence même au fil de questions d’ordre théologique: «quelle est la nature du temps? 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Je m’y attendais, c’est un corps d’élite, les imams, toujours prêts à bondir et à rendre service, comme les scouts »...</p> <h3><strong>Un hymne insolent à la vie libre !</strong></h3> <p>Sacré Boualem, qui fait passer le salut des Terriens par le truchement de la connexion onirique – et quel régal panaché que la suite des réponses de l’imam, du rabbin, du curé et de l’hindouiste vegan, quelle fiesta d’ironie sagace et de lucidité débonnaire quoique sans illusion, aboutissant à une conclusion d’un surprenant optimisme, à savoir que «l’avenir appartient aux gens de bien», ce que Sansal commente tranquillement (je l’imagine plutôt tranquille, ce matin, dans sa réclusion), en ces termes: «Tiens, je crois que c’est ça la bonne définition de cet objet non identifié qu’est l’humanité, que je cherche depuis des années, L’humanité, ce sont ces gens de bien qui, vaille que vaille, assurent le service de la vie»…</p> <p>Aussi bien ne me fais-je pas trop de souci, malgré tout, pour ce cher homme dont la force morale, l’intelligence et l’immense savoir «humain», modulés dans ses livres si variés de forme – jusqu’à ce roman d’anticipation parodiant joyeusement la littérature conjecturale pour ados de tous les âges – me font penser qu’il vit son incarcération actuelle, par les morts-vivants du pouvoir, comme une péripétie parmi d’autres, mais combien révélatrice pour nous qui en découvrons les effets de solidarité massive autant que les retombées de haine et d’abjection.</p> <p>Vivre, oui, et d’abord lire ce livre tonique, hymne insolent et généreux à la vie libre (!) au lieu de radoter dans le vide des idéologies «divinement» meurtrières. Boualem Sansal sera-t-il libre à Noël? C’est évidemment à espérer, même si cette fête d’«infidèles» tourne au marché de pacotille. Et les Terriens méritent-ils d’ailleurs d’être sauvés! Salut le mystère!</p> <hr /> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1733404354_g08284.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="161" height="235" /></p> <p><strong>Boualem Sansal. <em>Vivre. Le compte à rebours</em>. </strong><strong>Gallimard, 2024, 233p. </strong></p> <p><strong><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1733404445_laviedanslunivers.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="156" height="248" /></strong></p> <p><strong>Freeman J. Dyson. </strong><strong><em>La vie dans l’univers. Réflexions d’un physicien. </em></strong><strong>Gallimard, Bibliothèques des sciences humaines, 2009. 255p.</strong></p> <hr /> <h2><strong>Entretien avec Boualem Sansal, en 2006 </strong></h2> <p><strong> </strong><strong>(paru dans le quotidien <em>24 heures </em>le 9 mai 2006)</strong></p> <p>Boualem Sansal est l’une des grandes voix de la littérature algérienne francophone, dont les romans ressaisissent la tragique et complexe réalité contemporaine avec une porosité et une faconde sans pareilles. Après <em>Le serment des barbares</em> (1999), <em>L’enfant fou de l’arbre creux</em> (2000) et <em>Dis-moi le paradis</em> (2003), son quatrième roman, Harraga, s’attache à deux destinées de femmes avec autant d’empathie que de lucidité révoltée. Au printemps 2006, cet auteur qui a «mal à l’Algérie» adressait une lettre ouverte à ses compatriotes intitulée <em>Poste restante: Alger,</em> d’un courage civique impressionnant. Nous avions rencontré l’auteur après cette parution...</p> <p><strong>Comment, Boualem Sansal, vivez-vous aujourd’hui en Algérie?</strong></p> <p>Plutôt mal, après une amnistie marquant la réhabilitation des criminels d’hier, qui se retrouvent à plastronner en ville avec une arrogance extraordinaire. La chape d’un ordre moral intolérant se fait de nouveau ressentir, parallèlement à la réintroduction de l’enseignement religieux et à l’occupation des mosquées. Or la population semble l’accepter, tant elle est respectueuse de l’islam.</p> <p><strong>Quelle a été votre éducation personnelle?</strong></p> <p>Je suis né dans une famille où l’on pensait que l’instruction était essentielle. Ayant perdu mon père très tôt, j’ai été soumis, avec mes trois frères, à la discipline rigoureuse d’un grand-père chef de gare qui avait fait la guerre de 14-18, laïc et profondément attaché à la France et à sa culture. Après un début d’études classiques en latin-grec, j’ai cependant bifurqué sur une formation d’ingénieur, l’Algérie de l’indépendance ayant besoin de bâtisseurs et de techniciens plus que de «beaux parleurs», comme on disait alors. C’est pourquoi je me suis retrouvé, en 1992, au poste de Directeur de l’industrie, où m’avait appelé un condisciple devenu ministre.</p> <p><strong>Qu’avez-vous appris dans les allées du pouvoir?</strong></p> <p>Ce qui m’a le plus frappé, c’est la morgue, la corruption, les luttes entre clans et, d’une manière générale, le mépris de la population, ainsi qu’une formidable incompétence des apparatchiks du parti unique.</p> <p><strong>En avez-vous un exemple?</strong></p> <p>Le plus éloquent est ce rapport qu’un ministre m’a chargé d’établir, sur les relations entre l’endettement des pays du Sud méditerranéen et leur niveau de développement. Me fiant aux chiffres de la Banque mondiale et du FMI, j’ai constaté que les pays les plus endettés à régimes autoritaires, à commencer par l’Égypte, étaient aussi les plus déficients en matière de développement, alors qu’Israël, super-endetté, affichait un développement constant. Ce constat a mis le ministre en fureur, qui m’a prié de supprimer la mention d’Israël, ce que l’honnêteté m’interdisait. Je lui ai donc proposé ma démission immédiate, qui a été refusée en même temps qu’on enterrait le rapport. Par la suite, mes positions et mes livres m’ont valu d’être limogé.</p> <p><strong>Comment en êtes-vous venu au roman?</strong></p> <p>Cela s’est fait comme ça, pendant la terreur islamiste qui nous cloîtrait. Or que fait-on dans ces conditions ? On tourne en rond, on remâche les dernières horreurs du jour, on prend des notes sur ce qu’on observe, et tout à coup le « roman » est là, dicté par la vie. C’est ainsi qu’est né Le serment des barbares.</p> <p><strong>Décrire la réalité si fidèlement, comme l’a fait aussi votre ami Rachid Mimouni, ne représentait-il pas un risque?</strong></p> <p>Bien entendu, mais sortir dans la rue était déjà risqué. A propos de mon ami Rachid, la nuit suivant son enterrement en Algérie, des fanatiques ont exhumé son cadavre pour le livrer aux chiens. Ce n’est pas du roman : c’est la réalité, comme <em>Harraga </em>relève d’une réalité vécue.</p> <p><strong>Dans votre lettre ouverte aux Algériens, vous vous en prenez violemment à l’amnistie…</strong></p> <p>Pour aboutir à une vraie réconciliation, il fallait enquêter et rendre la justice. Je ne suis pas contre le pardon, au contraire, mais cette amnistie était une insulte aux victimes et un déni de justice.</p> <p><strong>Pensez-vous être entendu? Et menacé?</strong></p> <p>On m’a appris récemment que le livre faisait l’objet d’une mesure de censure, mais de nombreux compatriotes partagent mon point de vue, même si mes adversaires me font passer pour un « agent de la France » Menacé ? L’Algérie est un grand pays, dans lequel je reste à peu près invisible. Par ailleurs, comme Mimouni, je suis protégé par ma notoriété. 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Et pourtant non: grâce à la neige et au gel, aux avions cloués au sol et donc à l’imprévu illico salué par Tobie («accepte ce qui arrivera» lui chante-t-il au téléphone quand elle lui expose son retard de deux ou trois jours), et Sarah de se réjouir de l’imprévisible occasion de vivre elle ne sait encore quoi alors que, de la fenêtre du bus qui la ramène de l’aéroport en ville, elle voit sans le voir un grand camion blanc dont la cabine figure une petite maisonnette, prélude à un conte à dormir debout. 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Citer le «sac de tristesse» de l’ancien voisin bûcheron, «vieux mais propre» et fleurant le savon, le bois et le citron. Citer le syndrome des jambes de Sarah dont les cauchemars l’empêchent de dormir car «chaque nuit est un piège», telle étant la part d’ombre de ce tourbillon lumineux de neige comme produite par une usine à farine. Citer les vitrines, les concerts, les biscuits de Noël qui peut être «poussent les pensées vers la mélancolie». Citer la «tête osseuse» à «noblesse de cheval» du faux ogre estimant qu’on est tous des «maltraités de la vie». Citer le «cœur explosif» du passé de Sarah entrevu par Tobie, lequel inspire celle-ci quand il rage. Citer le souvenir pénible du «poulailler paroissial» de la mesquine petite ville. Citer les deux enfants morts emportés par le père dans un carton à chaussures – «il faut beaucoup de calme et de propreté pour que ces faits révèlent leur beauté». 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Stevenson comme le conteur fameux mort aux îles Samoa d’un AVC après avoir fait rêver les jeunesses du monde à son île au trésor, un beau garçon surnommé Chasseur qui se fait draguer «grave» par Sarah, laquelle n’est plus à la fin qu’une poussière géante ou qu’une araignée en chocolat sous le balai de la mémoire passée et future, avec les mots de Rose-Marie Pagnard, fée et sorcière-sourcière emmêlée dans ses pinceaux et autres stylos dans sa féerie évoquant «une danse de Lapons endormis», lapins d’Alice et compagnie, sous les étoiles dont les noms (Chevelure de Bérénice ou Petit Lion) «valent le coup de vivre cent ans», enfin Sarah, agitant son kaléidoscope, se dit comme ça, «qu’il ne lui est pas nécessaire de tout comprendre, seulement de vivre et d’être amie de l’imagination».</p> <hr /> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1732184054_zoelenlevementdesarahpoppcopie.jpg" class="img-responsive img-fluid left " width="200" height="298" /></p> <h4>«L’enlèvement de 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Ainsi Douglas Kennedy, compose-t-il un patchwork où la tendresse généreuse le dispute à la critique du «râleur-né» de l’East Village new yorkais. 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Ca va? Pas trop de bavardages»), du <i>Bel été</i> (prix Strega en juin 1950, consécration à peine relevée par les médias sauf à Turin), <i>Entre femmes seules </i>aux si profondes intuitions psychologiques, <i>Le Métier de vivre</i> à de multiples reprises et la correspondance de l’écrivain d’où l’auteur tire la page saisissante, à valeur d’autoportrait, d’une lettre à Fernanda Pivano, le 25 octobre 1950, où figurent ces mots d’une si terrible lucidité: «Or P. qui sans doute est un solitaire parce qu’en grandissant il a compris qu’on ne peut rien faire qui vaille sinon loin du commerce du monde, est le martyr de ces contradictions. Il veut être seul – et il est seul –, mais il veut l’être au milieu d’un cercle qui le sache (…) P. appelle même tout cela besoin d’expression, de communication, de communion; sa privation, tragédie de la solitude, incommunicabilité des âmes, et ainsi de suite. 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On ne demande pas à nos amis de nous ressembler. 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