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Culture / Speedrax: «Je n’ai pas les jambes Feng Shui»


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Il a 36 ans, il est papa d’une fille, originaire d’Aix-en-Provence et connu dans la région lausannoise notamment pour avoir «agité» le D ! Club. Il est le fondateur du projet musical Speedrax, dont le single Wonders sort le 16 juin.



Speedrax, c’est de la pop-électro qui raconte des histoires, sensuelle et lancinante, dans laquelle se blottir et jouir avec gourmandise d’une captivité consentie.

Quant à Edouard Chapuis, c’est un conteur de l’ordinaire, à l’ironie aiguisée, mais bienveillante. Il parle aussi bien de Dieu, que de pneus crevés ou de fleurs et s’amuse avec recul et douceur de son ton «professoral  qui le fait parfois passer pour prétentieux: «Si j’étais en face de moi? Je me fascinerais évidemment».

On se ressource dans sa générosité taquine comme dans les mondes qu’il met en ondes et en voix. 

Ça va?

Je ne me sens jamais obligé de répondre oui à ces «ça va» qui forcent la main. Là, par exemple, je répondrais bien que je n’ai pas les jambes Feng Shui.

Tu vois?

Je vois: mon tic de langage a été vite repéré! Mais c’est un joli tic: il ouvre des yeux.

Normal?

C’est une «question vers le ciel». Plutôt que de me demander si je suis normal, je me demande si ce n’est pas le monde qui est anormal. J’ai l’impression de traîner mon traumatisme de naissance beaucoup plus que la majorité des gens qui m’entourent. Je suis toujours dans le cri primal: l’aspiration, le choc, les poumons qui se déplient, la douleur. Je me «bricole», je déduis mes règles du refus de celles qu’on nous impose à tous au départ.

Libre?

La liberté, je la définis par une hypothèse, je la rêve. Le geôlier comme le prisonnier voient les barreaux. L’important, c’est de savoir de quel côté on se met. Moi je ne sais pas encore vraiment où je suis, mais il y a de grandes chances pour que je sois les barreaux: prisonnier d’une matière. 

Indocile?  

Je suis un révolutionnaire au sens littéral du terme: je tourne en rond. Je peux être virulent, fâché, en colère, mais je ne suis pas un guerrier. Je n’aime ni faire mal ni me faire mal. Je «remets en questions», au sens propre et au pluriel. La culture, pour moi, c’est se conformer un minimum aux normes auxquelles nous sommes tous soumis dès notre naissance. C’est du déni, dont doivent se débarrasser les gens qui ne vont pas bien. Il ne s’agit pas de résoudre les problèmes, on y perdrait aussi ce qu’il y a d’intéressant, les déséquilibres sensibles.

Personnellement, je fais avec ce qui m’entoure, avec mon enveloppe et le champ dans lequel je peux «me cultiver»: je tiens compte de l’engrais, du climat, de l’ensoleillement, de l’irrigation. A la fin, je serai soit une fleur, soit un fruit. Ça dépendra des questions auxquelles j’aurai répondu et des abeilles qui se seront posées sur moi.

Speedrax au Bleu Lézard © Kael Schindler

Engagé?  

Je me demande ce qui ne va pas dans cet univers et comment je peux participer à son «rééquilibrage», mais pas tout seul: j’ai envie de trouver des alliés, d’autres «questionneurs». Je m’accorde le luxe de me laisser vagabonder dans mes hypothèses. Le jour où j’arrêterai de me poser des questions, c’est que j’aurai perdu. Les gens qui ont des réponses se ferment. La clé, c’est la quatrième dimension: le temps, qui fait tout changer en permanence. On ne cesse de changer d’avis, nos aspirations sont instables. Cette incertitude est saine: c’est la prudence des gens courageux.

Bavard?  

Le langage est le plus gros handicap de l’être humain pour communiquer. J’aimerais parfois m’en séparer: non seulement c’est une barrière à la compréhension parce qu’il génère une somme d’interprétations qui varient selon les espaces, mais il peut aussi à l’inverse faciliter des rencontres inopportunes. Le design de base est nettement mieux: il y a les hormones, le toucher, on arrive à «se sentir». Mais puisque ce mode d’expression nous a été imposé, il s’agit au moins de l’employer «correctement», d’utiliser ce qu’il met à notre disposition. C’est un matériau indispensable pour résister de manière douce, pacifique, «évolutiste» (oui, il m’arrive de produire des néologismes «dégueulasses»). On a tendance à réduire notre champ lexical, à simplifier, à tout rassembler sous un stock minimal d’étiquettes. Et on écrase la pluralité des sens. On doit rouvrir le champ des possibles, apprendre différentes langues, avec leur accent, leur mélodie. Il faudrait savoir parler à tous les gens dans leur langue: garder sa voix, mais en s’adaptant aux systèmes autres. Là, je parle en lausannois; si on va à Marseille, je parlerai en sud de la France. C’est musical, cela se fera naturellement.

Inspiré?   

La vraie question c’est comment ce que tu racontes te choisit. Il faut trouver les conditions à réunir pour s’épanouir. Pour moi: mon père, ma mère, mes frères, mes sœurs, mon chien, mon chat, l’herbe du jardin, la colline, la clinique dans laquelle je suis né, la sage-femme qui m’a tiré la tête la première fois et qui m’a lavé et avant ça mon grand-père, un ensemble d’ingrédients entre mon patrimoine génétique et cette poudre de perlimpinpin dont je n’ai pas encore saisi toute la substance, mais qui doit bien exister quelque part. Quand je compose, je n’invente pas à chaque fois un nouveau système. Je choisis des vibrations de l’air en fonction de ce que j’ai envie de raconter. La créativité est un pouvoir d’appropriation, de transformation, d’adaptation. C’est une manière d’être proactif. Tout le monde a ce pouvoir.



Où écouter Speedrax? facebook, SoundCloud, iTunes

Single: Wonders (sorti le 16 juin), disponible sur iTunes, Google, amazon, deezer, spotify…

Des concerts privés et secrets:  pleins, privés dans des lieux variés et insolites. Et en tournée à l’automne pour la sortie de Escape, le second album.



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