Actuel / «On ne peut pas toucher à la langue sans toucher à la personne»
Fatma Sahindal et Hélène Pfersich. © 2018 Bon pour la tête
Que représente, affectivement, telle ou telle langue dans ma vie? Quelle place pour l’intime dans l’apprentissage? Et pour la grammaire? Désormais diplômée et entrée dans le monde du travail, Fatma Sahindal a retrouvé sa professeure Hélène Pfersich, le temps d’un échange sur des questions trop peu souvent explorées.
Hélène Pfersich enseigne le français langue étrangère à l’École de français langue étrangère (Faculté des Lettres, UNIL). Son cours «De l’improvisation théâtrale à l’écriture» s’adresse à des étudiants non-francophones de niveau avancé en français (niveau B2-C1 dans le cadre européen des langues), avec déjà une bonne aisance dans la langue, mais très souvent paralysés par la peur de faire des fautes, inhibés, voire même paralysés à l’idée de prendre la parole en public en français. D’autres, comme les étudiants des Hautes Écoles Pédagogiques suisses alémaniques, viennent suivre le cours par intérêt pour cette approche créative qu’ils souhaitent intégrer à leur pratique de futurs enseignants de français. Le principe pédagogique est d’accompagner les étudiants dans la création, de faire en sorte que chacun grandisse au travers de son parcours dans la langue, dépasse ses blocages tout en apprenant le français.
Fatma Sahindal est quant à elle désormais acheteuse dans le secteur agroalimentaire. Elle a passé deux ans à l’École de français langue étrangère, où elle a vécu l’option «apprentissage de la langue par le théâtre» comme une divine surprise. Dans son répertoire langagier, Fatma Sahindal compte le kurde, le turc, l’allemand (le suisse allemand), l’anglais et le français. Cette dernière langue est à ses yeux un outil précieux pour s’épanouir dans l’entreprise francophone dans laquelle elle travaille également en anglais et en allemand. Cette année, elle fait par ailleurs un séjour linguistique en Italie.
Que représente le français pour vous?
Fatma: Je trouve tous les hommes qui parlent le français sexy (rires). Plus sérieusement, la langue est tellement jolie et attirante. On a l’impression que c’est une langue accueillante. Je serais bien née en français, si j’avais eu le choix.
Hélène: Moi je suis née en français, le français me définit. J’ai vécu en France jusqu’à l’âge de 20 ans. Mon père était excessivement à cheval sur la correction de la langue: on était constamment «repris». À l’adolescence, je ne parlais pas comme les autres jeunes, j’étais toujours en décalage. Je n’arrivais pas vraiment à m’intégrer parce que je ne parlais pas la même langue. Quand je disais «ces toilettes sont immondes», on me traduisait: «tu veux dire que ces chiottes sont dég, c’est ça?». Le français était comme un tuteur, rigide, un langage léché, qui m’a fait grandir d’une certaine façon, mais m’a aussi fait construire un rapport aux autres plutôt compliqué puisque je ne pouvais pas sortir de ce langage absolument léché. Quand je suis venue en Suisse romande, j’ai quand même connu une forme d’émigration, même si c’était la même langue. J’étais pleine d’enthousiasme, je suis aussi tombée amoureuse de la Suisse. J’étais pleine d’élans envers les gens, mais j’ai vu qu’ils restaient en retrait: j’ai compris que ma manière de parler attirait de la méfiance. J’aime l’aspect créatif de la langue pour sortir de mon carcan, que la langue soit à inventer, à réinventer. J’aime la souplesse de la langue, sa richesse, sa fantaisie, qu’elle fasse respirer, et sortir d’un corset.
Que représentent les mots pour vous?
Fatma: Écrire me fait du bien. Comme si sortir ce qui est à l’intérieur permettait de se lire. Parfois je ne savais pas ce que je voulais écrire et c’est Hélène Pfersich qui intervenait pour ouvrir une voie, et ma voix.
Hélène: Il fallait que Fatma trouve une forme assez forte pour transmettre ses émotions et son vécu. Pas n’importe quelle forme. Une forme qui permette de donner vie à ce qui était encore latent et un peu confus en elle. Parfois les étudiants sont bloqués, ne peuvent plus avancer dans leur travail et il faut alors leur rappeler leur projet initial, les ramener à ce qui est vraiment important pour eux. Et à ce moment-là le déclic se fait le plus souvent. En ce qui me concerne, paradoxalement mon regard critique est trop fort pour que je puisse pratiquer moi-même cette écriture. En revanche, chez les autres je peux discerner un potentiel et les guider pour réaliser ce qui est en germe. C’est étonnant cette différence.
Êtes-vous sensibles à l’évolution du français?
Fatma: J’essaie d’écrire «proprement»: les erreurs, l’absence de style m’agacent. J’essaie d’utiliser plusieurs registres, des mots variés, d’éviter les répétitions, de «soigner» la langue. Le respect de celui qui lit compte pour moi. Si on est clair dans nos propos, ça facilite le travail de l’autre. L’argot, par exemple, ça va, je le comprends assez bien, mais c’est évidemment plus difficile si on n’est pas en contact avec les jeunes qui le parlent. Sinon j’avoue que, au travail, j’ai tendance à «corriger» mes collègues, je discute beaucoup avec eux, d’orthographe notamment; j’ai aussi du plaisir à leur apprendre des choses sur l’histoire du français. Et en général, ils le prennent bien.
Hélène: Quand c’est un langage argotique, jeune, ou réinventé, ça me va, d’ailleurs mes propres fils peuvent utiliser des phrases comme «c’est pire bien». Même si la syntaxe est maltraitée, ça me fait rire. Mais je n’arriverais jamais à parler comme ça, même sous la torture. Il y a des tournures impossibles pour moi, des mots que je ne prononcerai jamais. Mais ce que je déteste surtout, c’est quand le langage est snob, affecté, gonflé de tournures vieillies, employées parfois pour humilier ceux qui ne les maîtrisent pas. Quelqu’un qui va enseigner des tournures qu’on n’utilise plus, je trouve ça ridicule. J’aime quand le langage est riche, l’expression claire, la mélodie belle.
Y a-t-il un livre en français qui vous a particulièrement marquées?
Fatma: L’œuvre d’Amin Malouf, parce que cet auteur apporte une réponse culturelle à mes besoins au travers de sa réflexion sur l’identité.
Hélène: Œdipe sur la route, d’Henri Bauchau, écrivain et thérapeute. Ce livre associe création et reconstruction personnelle. On y découvre comment un homme qui s’est crevé les yeux de désespoir peut se reconstruire après un désastre absolu. L’art de la parole est utilisé jusqu’au pardon à soi-même.
La grammaire est-elle indispensable pour apprendre une langue?
Fatma: Je ne me suis jamais basée sur la grammaire pour apprendre une langue. La grammaire m’a même parfois découragée. C’est un peu comme les maths: si on saute un sujet, on ne comprend plus rien. J’ai besoin de ressentir, de sentir la langue, de vivre dans cette langue, de l’entendre. Ce qui marche selon moi, ce sont les phrases fabriquées dans la classe, élaborées par les étudiants. La grammaire ne m’intéresse que parce que j’utilise le français, que je m’écoute le parler et peux avoir besoin d’outils pour améliorer «ce qui sonne mal», pour mieux comprendre le fonctionnement de la langue, trouver des explications par moi-même. Il m’a fallu cinq langues pour aimer la grammaire, surtout pour comprendre l’utilité de cet outil. Apprendre une langue est comme une maladie. Imaginez-vous que vous êtes blessé à la cheville ou au genou. Bien sûr que vous pouvez marcher malgré les douleurs que vous ressentez. Mais marcher avec des béquilles vous permettra de guérir plus rapidement. L’italien est la seule langue où j’ai commencé à aimer la grammaire. Maintenant, pour moi la grammaire est comme un jeu ou comme les maths. Je n’aurais jamais pensé à dire une chose pareille. Mais j’ai eu même le plaisir d’apprendre la grammaire. Je n’ai plus peur de cet outil.
Hélène: Personnellement, j’ai horreur de la grammaire enseignée de manière réductrice et décontextualisée, par exemple uniquement à travers des exercices à trous ou des listes de règles et d’exceptions à apprendre. Par contre si cela devient une réflexion commune avec les étudiants qui se mettent à observer, chercher à comprendre le fonctionnement de la langue et de son évolution, et expérimenter des formes, cela m’intéresse. Dans ma vie, j’ai eu la chance de profiter de la didactique innovante du lycée-pilote de Sèvres qui entendait enseigner sans grammaire, à travers des approches créatives. J’en ai bénéficié de l’âge de 13 à 18 ans, donc il y a longtemps, de 1968 à 1973. Nous étions dans ces années de contestation et de bouleversement de l’ordre établi, notamment dans l’enseignement. Pour ma part, cette approche m’a sauvée de l’école que je détestais, m’a enthousiasmée et a permis que se développe mon amour pour la littérature française et l’apprentissage des langues. Mais par la suite, ces méthodes d’enseignement audacieuses ont suscité trop d’inquiétude et de résistance chez les parents, les autorités etc. et petit à petit cette approche novatrice a été abandonnée. Ce lycée a perdu toute notoriété et tout prestige à l’heure actuelle je crois.
Donc durant toute ma scolarité je n’ai jamais suivi le moindre cours de grammaire ou d’orthographe. On écrivait des romans, on faisait de l’improvisation théâtrale. Cela m’a entre autres familiarisée avec une approche des textes comme «ressources».
Y a-t-il une place pour l’intime dans des études de langue?
Hélène: Dans mes enseignements, c’est l’aspect «jeu» qui domine, pour vaincre les peurs qui pourraient inhiber les étudiants, leurs barrières. Il s’agit dans mes cours d’utiliser le corps. Cela peut libérer des étudiants qui n’osent pas parler. J’ai animé des ateliers d’écriture créative pendant 10 ans avec divers publics. Il s’agit de trouver une textualisation de quelque chose qui va ensuite être oralisé, prononcé, joué, appris par cœur, tout en étant capable de pouvoir raconter une histoire. Ça introduit une liberté et du plaisir – tout en respectant une structure –, dans l’apprentissage, dans la langue, et dans l’individu. J’ai commencé par faire apprendre des scènes classiques. Mais c’est tellement plus intéressant si les étudiants écrivent eux-mêmes une scène, voire toute une pièce pour un travail approfondi. On va puiser dans les ressources de la langue, mais simultanément dans celles de la personne. Tout ce qui est appris dans un tel cadre fait sens pour les étudiants. La motivation est donc maximale. Et souvent, comme on exprime des choses très personnelles, l’émotion est pleinement intégrée à l’enseignement. Cela suppose évidemment une grande responsabilité: en tant que prof, on est garant du bien-être de chaque étudiant, de sa sécurité. Personne ne doit être humilié. Peu à peu, la confiance permet une émergence.
Fatma: J’avais fait du théâtre pendant deux ans, en turc. J’avais envie d’essayer en français. Je n’ai pas peur de parler devant les gens. Mais dans une langue étrangère, il y a toujours la crainte des jugements. À l’EFLE, j’ai pu m’exprimer en toute liberté. Je n’ai jamais ressenti de jugements ni des profs, ni des étudiants. C’est vraiment ici que j’ai parlé le français le plus librement. J’ai apprécié le plaisir de créer quelque chose depuis le début. On découvre des mots, des phrases complètes, des expressions que l’on réutilise parfois après. Il m’est arrivé de composer un texte à partir des formules apprises au cours de théâtre. Mais on découvre aussi la solidarité entre étudiants. Grâce au cours de théâtre, on se décentre en jouant des rôles qui nous amènent à tester d’autres pratiques culturelles, d’autres rituels de politesse par exemple. Je me souviens d’une scène par exemple, dans laquelle une étudiante brésilienne jouait un rôle de vendeuse. Elle avait pour réflexe de toucher systématiquement la cliente. Elle a découvert grâce au cours que cette familiarité n’était pas dans les habitudes suisses et pouvait troubler. Cette approche de la langue est basée sur la confiance. Les encouragements nous amènent à dépasser nos limites. Me reposer sur cette confiance m’a permis de «m’autoriser».
Comment concevez-vous les rapports entre langue et identité?
Fatma: C’est la sociolinguistique qui m’a permis de comprendre beaucoup de choses qui étaient en moi, et qui demandaient des réponses. Aucune langue n’est un pur outil de communication. Une langue est un «acteur» qui fait surgir d’autres enjeux. En Suisse romande, je représente la Suisse allemande et en Suisse allemande, je représente la Suisse romande. On ne me regarde plus comme turque ou kurde. Au travail, je suis plutôt une «étrangère suisse» qu’une étrangère venant d’un autre pays. Dans la société, c’est un capital que de maîtriser des langues nationales. Une forme de pouvoir, qui induit le respect. Et pour moi, m’approprier le français a aussi été une sorte de thérapie.
Hélène: Les étudiants expriment beaucoup de joie, de fierté, et de reconnaissance. Ils parviennent à traiter des problématiques douloureuses, personnelles, intimes. Ils constatent qu’ils ont dépassé leurs limites, qu’ils ont acquis des compétences qu’ils n’auraient même pas imaginées. Certains disent arriver à être enfin eux-mêmes grâce à cette approche créative. Ils apprennent à jouer avec la langue, leur corps, à oublier la notion de «faute». Ils oublient même qu’ils parlent une langue étrangère. Les étudiants ne choisissent pas la facilité. Ils choisissent de se confronter à quelque chose de dur. Et ce fait de dépasser un trouble émotionnel, identitaire, c’est un cadeau en plus.
Pour aller plus loin, publication de l’EFLE: Thérèse Jeanneret et Stéphanie Pahud (dirs) (2013): Se vivre entre les langues. Approches discursives et didactiques de la biographie langagière, Lausanne-Zurich-Lugano, Arttesia1
1ère partie: Lettre à la langue kurde
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Ce lycée a perdu toute notoriété et tout prestige à l’heure actuelle je crois. </p><p>Donc durant toute ma scolarité je n’ai jamais suivi le moindre cours de grammaire ou d’orthographe. On écrivait des romans, on faisait de l’improvisation théâtrale. Cela m’a entre autres familiarisée avec une approche des textes comme «ressources». </p> <p><strong>Y a-t-il une place pour l’intime dans des études de langue? </strong></p> <p><strong>Hélène:</strong> Dans mes enseignements, c’est l’aspect «jeu» qui domine, pour vaincre les peurs qui pourraient inhiber les étudiants, leurs barrières. Il s’agit dans mes cours d’utiliser le corps. Cela peut libérer des étudiants qui n’osent pas parler. J’ai animé des ateliers d’écriture créative pendant 10 ans avec divers publics. Il s’agit de trouver une textualisation de quelque chose qui va ensuite être oralisé, prononcé, joué, appris par cœur, tout en étant capable de pouvoir raconter une histoire. 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Elle a découvert grâce au cours que cette familiarité n’était pas dans les habitudes suisses et pouvait troubler. Cette approche de la langue est basée sur la confiance. Les encouragements nous amènent à dépasser nos limites. Me reposer sur cette confiance m’a permis de «m’autoriser». </p> <p><strong>Comment concevez-vous les rapports entre langue et identité? </strong></p> <p><strong>Fatma:</strong> C’est la sociolinguistique qui m’a permis de comprendre beaucoup de choses qui étaient en moi, et qui demandaient des réponses. Aucune langue n’est un pur outil de communication. Une langue est un «acteur» qui fait surgir d’autres enjeux. En Suisse romande, je représente la Suisse allemande et en Suisse allemande, je représente la Suisse romande. On ne me regarde plus comme turque ou kurde. Au travail, je suis plutôt une «étrangère suisse» qu’une étrangère venant d’un autre pays. Dans la société, c’est un capital que de maîtriser des langues nationales. Une forme de pouvoir, qui induit le respect. Et pour moi, m’approprier le français a aussi été une sorte de thérapie. </p> <p><strong>Hélène:</strong> Les étudiants expriment beaucoup de joie, de fierté, et de reconnaissance. Ils parviennent à traiter des problématiques douloureuses, personnelles, intimes. Ils constatent qu’ils ont dépassé leurs limites, qu’ils ont acquis des compétences qu’ils n’auraient même pas imaginées. Certains disent arriver à être enfin eux-mêmes grâce à cette approche créative. Ils apprennent à jouer avec la langue, leur corps, à oublier la notion de «faute». Ils oublient même qu’ils parlent une langue étrangère. Les étudiants ne choisissent pas la facilité. Ils choisissent de se confronter à quelque chose de dur. Et ce fait de dépasser un trouble émotionnel, identitaire, c’est un cadeau en plus. </p> <p></p><hr><p></p><h4>Pour aller plus loin, publication de l’EFLE: Thérèse Jeanneret et Stéphanie Pahud (dirs) (2013): Se vivre entre les langues. 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D’autres, comme les étudiants des Hautes Écoles Pédagogiques suisses alémaniques, viennent suivre le cours par intérêt pour cette approche créative qu’ils souhaitent intégrer à leur pratique de futurs enseignants de français. Le principe pédagogique est d’accompagner les étudiants dans la création, de faire en sorte que chacun grandisse au travers de son parcours dans la langue, dépasse ses blocages tout en apprenant le français. </p><p>Fatma Sahindal est quant à elle désormais acheteuse dans le secteur agroalimentaire. Elle a passé deux ans à l’École de français langue étrangère, où elle a vécu l’option «apprentissage de la langue par le théâtre» comme une divine surprise. Dans son répertoire langagier, Fatma Sahindal compte le kurde, le turc, l’allemand (le suisse allemand), l’anglais et le français. Cette dernière langue est à ses yeux un outil précieux pour s’épanouir dans l’entreprise francophone dans laquelle elle travaille également en anglais et en allemand. Cette année, elle fait par ailleurs un séjour linguistique en Italie. </p> <p><strong>Que représente le français pour vous? </strong></p> <p><strong>Fatma:</strong> Je trouve tous les hommes qui parlent le français sexy (rires). Plus sérieusement, la langue est tellement jolie et attirante. On a l’impression que c’est une langue accueillante. Je serais bien née en français, si j’avais eu le choix. </p> <p><strong>Hélène:</strong> Moi je suis née en français, le français me définit. J’ai vécu en France jusqu’à l’âge de 20 ans. Mon père était excessivement à cheval sur la correction de la langue: on était constamment «repris». À l’adolescence, je ne parlais pas comme les autres jeunes, j’étais toujours en décalage. Je n’arrivais pas vraiment à m’intégrer parce que je ne parlais pas la même langue. Quand je disais «ces toilettes sont immondes», on me traduisait: «tu veux dire que ces chiottes sont dég, c’est ça?». Le français était comme un tuteur, rigide, un langage léché, qui m’a fait grandir d’une certaine façon, mais m’a aussi fait construire un rapport aux autres plutôt compliqué puisque je ne pouvais pas sortir de ce langage absolument léché. Quand je suis venue en Suisse romande, j’ai quand même connu une forme d’émigration, même si c’était la même langue. J’étais pleine d’enthousiasme, je suis aussi tombée amoureuse de la Suisse. J’étais pleine d’élans envers les gens, mais j’ai vu qu’ils restaient en retrait: j’ai compris que ma manière de parler attirait de la méfiance. J’aime l’aspect créatif de la langue pour sortir de mon carcan, que la langue soit à inventer, à réinventer. J’aime la souplesse de la langue, sa richesse, sa fantaisie, qu’elle fasse respirer, et sortir d’un corset. </p> <p><strong>Que représentent les mots pour vous? </strong></p> <p><strong>Fatma:</strong> Écrire me fait du bien. Comme si sortir ce qui est à l’intérieur permettait de se lire. Parfois je ne savais pas ce que je voulais écrire et c’est Hélène Pfersich qui intervenait pour ouvrir une voie, et ma voix. </p> <p><strong>Hélène:</strong> Il fallait que Fatma trouve une forme assez forte pour transmettre ses émotions et son vécu. Pas n’importe quelle forme. Une forme qui permette de donner vie à ce qui était encore latent et un peu confus en elle. Parfois les étudiants sont bloqués, ne peuvent plus avancer dans leur travail et il faut alors leur rappeler leur projet initial, les ramener à ce qui est vraiment important pour eux. Et à ce moment-là le déclic se fait le plus souvent. En ce qui me concerne, paradoxalement mon regard critique est trop fort pour que je puisse pratiquer moi-même cette écriture. En revanche, chez les autres je peux discerner un potentiel et les guider pour réaliser ce qui est en germe. C’est étonnant cette différence. </p> <p><strong>Êtes-vous sensibles à l’évolution du français? </strong></p> <p><strong>Fatma:</strong> J’essaie d’écrire «proprement»: les erreurs, l’absence de style m’agacent. J’essaie d’utiliser plusieurs registres, des mots variés, d’éviter les répétitions, de «soigner» la langue. Le respect de celui qui lit compte pour moi. Si on est clair dans nos propos, ça facilite le travail de l’autre. L’argot, par exemple, ça va, je le comprends assez bien, mais c’est évidemment plus difficile si on n’est pas en contact avec les jeunes qui le parlent. Sinon j’avoue que, au travail, j’ai tendance à «corriger» mes collègues, je discute beaucoup avec eux, d’orthographe notamment; j’ai aussi du plaisir à leur apprendre des choses sur l’histoire du français. 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J’aime quand le langage est riche, l’expression claire, la mélodie belle. </p> <p><strong>Y a-t-il un livre en français qui vous a particulièrement marquées? </strong></p> <p><strong>Fatma:</strong> L’œuvre d’Amin Malouf, parce que cet auteur apporte une réponse culturelle à mes besoins au travers de sa réflexion sur l’identité. </p> <p><strong>Hélène:</strong> <a href="https://la-plume-francophone.com/2008/12/19/henry-bauchau-oedipe-sur-la-route/">Œdipe sur la route, d’Henri Bauchau, écrivain et thérapeute</a>. Ce livre associe création et reconstruction personnelle. On y découvre comment un homme qui s’est crevé les yeux de désespoir peut se reconstruire après un désastre absolu. L’art de la parole est utilisé jusqu’au pardon à soi-même. </p> <p><strong>La grammaire est-elle indispensable pour apprendre une langue? </strong></p> <p><strong>Fatma: </strong>Je ne me suis jamais basée sur la grammaire pour apprendre une langue. La grammaire m’a même parfois découragée. C’est un peu comme les maths: si on saute un sujet, on ne comprend plus rien. J’ai besoin de ressentir, de sentir la langue, de vivre dans cette langue, de l’entendre. Ce qui marche selon moi, ce sont les phrases fabriquées dans la classe, élaborées par les étudiants. La grammaire ne m’intéresse que parce que j’utilise le français, que je m’écoute le parler et peux avoir besoin d’outils pour améliorer «ce qui sonne mal», pour mieux comprendre le fonctionnement de la langue, trouver des explications par moi-même. Il m’a fallu cinq langues pour aimer la grammaire, surtout pour comprendre l’utilité de cet outil. Apprendre une langue est comme une maladie. Imaginez-vous que vous êtes blessé à la cheville ou au genou. Bien sûr que vous pouvez marcher malgré les douleurs que vous ressentez. Mais marcher avec des béquilles vous permettra de guérir plus rapidement. L’italien est la seule langue où j’ai commencé à aimer la grammaire. 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Nous étions dans ces années de contestation et de bouleversement de l’ordre établi, notamment dans l’enseignement. Pour ma part, cette approche m’a sauvée de l’école que je détestais, m’a enthousiasmée et a permis que se développe mon amour pour la littérature française et l’apprentissage des langues. Mais par la suite, ces méthodes d’enseignement audacieuses ont suscité trop d’inquiétude et de résistance chez les parents, les autorités etc. et petit à petit cette approche novatrice a été abandonnée. Ce lycée a perdu toute notoriété et tout prestige à l’heure actuelle je crois. </p><p>Donc durant toute ma scolarité je n’ai jamais suivi le moindre cours de grammaire ou d’orthographe. On écrivait des romans, on faisait de l’improvisation théâtrale. Cela m’a entre autres familiarisée avec une approche des textes comme «ressources». </p> <p><strong>Y a-t-il une place pour l’intime dans des études de langue? </strong></p> <p><strong>Hélène:</strong> Dans mes enseignements, c’est l’aspect «jeu» qui domine, pour vaincre les peurs qui pourraient inhiber les étudiants, leurs barrières. Il s’agit dans mes cours d’utiliser le corps. Cela peut libérer des étudiants qui n’osent pas parler. J’ai animé des ateliers d’écriture créative pendant 10 ans avec divers publics. Il s’agit de trouver une textualisation de quelque chose qui va ensuite être oralisé, prononcé, joué, appris par cœur, tout en étant capable de pouvoir raconter une histoire. Ça introduit une liberté et du plaisir – tout en respectant une structure –, dans l’apprentissage, dans la langue, et dans l’individu. J’ai commencé par faire apprendre des scènes classiques. Mais c’est tellement plus intéressant si les étudiants écrivent eux-mêmes une scène, voire toute une pièce pour un travail approfondi. On va puiser dans les ressources de la langue, mais simultanément dans celles de la personne. Tout ce qui est appris dans un tel cadre fait sens pour les étudiants. La motivation est donc maximale. Et souvent, comme on exprime des choses très personnelles, l’émotion est pleinement intégrée à l’enseignement. Cela suppose évidemment une grande responsabilité: en tant que prof, on est garant du bien-être de chaque étudiant, de sa sécurité. Personne ne doit être humilié. Peu à peu, la confiance permet une émergence. </p> <p><strong>Fatma: </strong>J’avais fait du théâtre pendant deux ans, en turc. J’avais envie d’essayer en français. Je n’ai pas peur de parler devant les gens. Mais dans une langue étrangère, il y a toujours la crainte des jugements. À l’EFLE, j’ai pu m’exprimer en toute liberté. 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Me reposer sur cette confiance m’a permis de «m’autoriser». </p> <p><strong>Comment concevez-vous les rapports entre langue et identité? </strong></p> <p><strong>Fatma:</strong> C’est la sociolinguistique qui m’a permis de comprendre beaucoup de choses qui étaient en moi, et qui demandaient des réponses. Aucune langue n’est un pur outil de communication. Une langue est un «acteur» qui fait surgir d’autres enjeux. En Suisse romande, je représente la Suisse allemande et en Suisse allemande, je représente la Suisse romande. On ne me regarde plus comme turque ou kurde. Au travail, je suis plutôt une «étrangère suisse» qu’une étrangère venant d’un autre pays. Dans la société, c’est un capital que de maîtriser des langues nationales. Une forme de pouvoir, qui induit le respect. Et pour moi, m’approprier le français a aussi été une sorte de thérapie. </p> <p><strong>Hélène:</strong> Les étudiants expriment beaucoup de joie, de fierté, et de reconnaissance. 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Approches discursives et didactiques de la biographie langagière, Lausanne-Zurich-Lugano, Arttesia1</h4><p></p><hr><p></p><h3><a href="https://bonpourlatete.com/actuel/lettre-a-la-langue-kurde">1<sup xmlns="http://www.w3.org/1999/xhtml">ère</sup> partie: Lettre à la langue kurde</a></h3>', 'content_edition' => null, 'slug' => 'on-ne-peut-pas-toucher-a-la-langue-sans-toucher-a-la-personne', 'headline' => false, 'homepage' => 'col-md-12', 'like' => (int) 834, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1107, 'homepage_order' => (int) 1330, 'original_url' => null, 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 33, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [], 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'locations' => [], 'attachment_images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' } $relatives = [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 355, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => 'NORMAL', 'readed' => null, 'subhead' => 'ACTUEL / Musique', 'title' => '«Le rap, c’est l’artillerie lourde de la philosophie»', 'subtitle' => 'Vincent Cespedes a toujours eu à cœur de faire descendre la philosophie dans la rue: son dernier clash désobéissant est un rap néorésistant, qu’il signe derrière le blase de VIINCΞ. Le compositeur émérite (orchestres contemporains, musique de séries TV et de ballet), nous explique à la veille de la sortie du premier single, «On n’a pas», comment il mélange ses activités créatrices. ', 'subtitle_edition' => null, 'content' => '<p><strong>Votre album sort le 13 octobre prochain. Il s’appelle «Microliberté». Pourquoi? </strong></p><p>C’est un mot qui se trouve dans les paroles d’un des titres, «Rocket Child»: «Chaque microliberté arrachée au Destin / Est un maxi-pouvoir dans le creux de ta main». Ce rap est dédicacé à mon fils aîné, Timau (4 ans et demi). Il évoque le thème du libre arbitre et de son émergence chez l’enfant, thème trop peu abordé. Une «microliberté», c’est un petit exercice de libre arbitre presque «pur», où le conditionnement parental est le moins présent possible. 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Ces raps sont un bout de mon œuvre. Je vise une cohérence interne, globale. La philosophie doit être une prise de risque intellectuelle et éthique capable d’inventer des actes inédits. Le rap est une continuité pour moi, je ne me «mets» pas au rap: j’en fais depuis vingt ans. J’ai écrit de la philosophie parce que j’étais gorgé de rap. En 1995, quand j’écrivais mon mémoire de maîtrise, «Phénoménologie de l’abandon», j’écoutais des groupes comme Assassins, Ministère Ämer, Express D, IAM ou NTM en boucle.</p><blockquote><h3><em>Dans tous mes livres, il y a des pages de rap crypté</em><br></h3></blockquote><p><strong>Pourquoi cette fascination pour le rap?</strong></p><p>Le rap est, pour moi, l’exercice philosophique majeur, son artillerie lourde, plus «fort» (en termes d’impact) que des conférences ou des livres. Des textes condensés qui doivent dire des choses, un mélange de poésie, d’ivresse du dire et de vérités aiguisées. Avec le rap, on plonge dans la matière des mots, de l’émotion et de la raison. Le rap, c’est la répétition mais sans redondance, ce qui correspond à une définition de l’art: l’art doit pouvoir se répéter à l’infini sans lasser. On doit pouvoir contempler du Kandinsky ou du Miró à l’infini, mais sans ressassement. On peut écouter des milliers de fois une bonne chanson sans en épuiser le sens. J’ai toujours traité mes textes comme des lyrics, des textes de rap. Dans tous mes livres, il y a des pages de rap crypté, avec des rythmes et des rimes. Le rap a un réel pouvoir de transformation de celui qui l’écoute. Il est puissamment vivant, incantatoire, incarné, psychophage parfois. Il prend le corps, des tripes au cerveau. Avec le rap, qui souvent dit le bien et dénonce le mal, on est pleinement dans le politique, la poésie et l’éthique. C’est la jouissance des mots qui tournent en boucle façon mantras et deviennent de nouveaux proverbes, de nouvelles expressions idiomatiques. 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Une sorte de fluidité idéologique du peuple, le fait que rien ne va se cristalliser en dogmes, s’enkyster en catéchismes. Les idées vivantes évoluent au gré des expériences de tous, pas que de l’élite. Des confrontations à des expériences nouvelles produisent des idées nouvelles, naturellement. La bonne santé philosophique de la démocratie, c’est une bonne digestion du monde, qui produit de la culture – production d’un peuple qui vit et qui arrive à penser ce qu’il vit. On ne fait jamais la révolution pour «libérer» des peuples et partager l’argent; sans dévolution restaurée, une révolution ne fait que changer violemment ceux qui dominent. Un jeu de chaises tournantes, parfois sanglant. Le vrai changement, celui qui améliore véritablement notre sort commun, consiste à réveiller et favoriser la dévolution, le courant naturel des pensées des citoyens, évoluant à même la vie. Le rap comme la philosophie participent de cette démocratie dévolutionnaire, de cette dévolution permanente. Dès que le flux d’idées est bloqué, phagocyté, truqué, marqueté, par des médias et des experts à la solde du pouvoir financier, la mobilisation citoyenne, la néorésistance et la révolution apparaissent comme nécessaires pour remettre la dévolution en mouvement. </p><p></p><hr><p></p><h2>Lexique</h2><p>• La «hess»: de l’arabe, la misère, la galère</p><p>• Le «nel-tu»: verlan, «tunnel»; mais alors que dans le «tunnel» on rentre dans le noir et l’on se noie, dans le «nel-tu», on est déjà entré et l’on voit la lumière au fond; le «u», qui est la voyelle la plus resserrée, brille au loin. </p><p>• «Crari» (du romani «kré rharhi», «tu fais semblant»): faire semblant.</p><p>• «Yolo»: sur le modèle de «yallah», cri de joie et de victoire, acronyme de «You Only Live Once» («Tu ne vis qu’une fois»); dans le texte, cri qui accompagne l’entrée de l’enfant dans la société (la maternelle, ou le monde).</p><p>• «Ours-garou»: parent qui joue à faire peur à son enfant, qui challenge sa peur de façon ludique; le terme questionne l’éducation émotionnelle. <br></p><p></p><hr><p></p><h3>Précédemment dans Bon pour la tête</h3><p> <a href="https://bonpourlatete.com/actuel/la-philosophie-une-arme-contre-le-populisme">Vincent Cespedes: «La philosophie, une arme contre le populisme»</a>, par Stéphanie Pahud<br></p>', 'content_edition' => null, 'slug' => 'le-rap-c-est-l-artillerie-lourde-de-la-philosophie', 'headline' => false, 'homepage' => 'col-md-6', 'like' => (int) 955, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 347, 'homepage_order' => (int) 355, 'original_url' => null, 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 33, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [[maximum depth reached]], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 313, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => 'NORMAL', 'readed' => null, 'subhead' => 'Hystéries ordinaires', 'title' => 'Chairissons-nous', 'subtitle' => 'J’ai rempli tout le printemps des corbeilles à papier et d’ordinateurs de chroniques avortées sur les relations «amoureuses». Le sujet étant un des marronniers médiatiques les plus déclinés (les plus échauffants) de l’été, je m’y suis remise pendant mes vacances. Mais cette fois, sur le terrain. ', 'subtitle_edition' => null, 'content' => '<p>24 heures parisiennes sur le réseau de rencontres Tinder. J’ai commencé par arranger, tricher, inventer. 34 ans. Mon second prénom. Et des accroches écrites par un ami metteur en scène. Productivité maximale: des centaines de photos mâles ingurgitées; autant d’appâts – photoshopage, bronzage, acrobaties sur paddles, skis ou vélos et torsions abdominales – régurgités. Et une quarantaine de matchs (accouplages virtuels) et interpellations: «Qu’est-ce qui te fait vibrer?»; «Sympa ta couleur de cheveux»; «Jolis tatouages». </p><p>Mon complice théâtreux en verve a piloté les répliques: «Tu sais, t’es pas terrible sur tes photos. Tu n’en aurais pas une autre?»; «Là je suis avec un mec déjà, mais s’il s’y prend mal, je reviens vers toi»; «Tu veux pas qu’on baise ce soir?». On a noyé dans de la limonade quelques réponses «énervées», deux ou trois déconnexions, et un sexe en contre-plongée. </p><p>Puis l’expérience s’est vue détournée. Des garçons un peu tentants, quand même. Mon ami qui orchestrait le jeu finalement agacé: «C’est écœurant tous ces gars, là, qui te désirent». Mon éthos de chercheuse essoufflé. Le déclic: un message-type pour confesser: «Je n’ai pas 34 ans, Blanche n’est pas mon premier prénom, les messages ne sont pas de moi, pardon, je suis là pour une chronique. J’ai un profil Facebook. Au cas où». Résultat final, trois élus transférés sur ce réseau social moins connoté: un intéressé («Tu saurais quel magazine publierait mes photos de montagne?»); un dévergondé («Ca t’excite que je me branle pour toi ?»); et un diable («Moi aussi je suis jeune, beau et effronté»; «Ma voix? Je pense qu’elle pourra te plaire»), qui a liquéfié ma bonne conscience, mes préjugés et tout fil conducteur bégueule de type «Amour, sexe et patriarcat». </p><h3>Guillemets à «amoureuses» </h3><p>J’ai tout repris moins méthodiquement. Plus frontalement. Plus organiquement. Je m’embourbe dans mon sujet depuis des mois parce qu’aucune mise en discours des relations «amoureuses» ne me rassasie. Je mets des guillemets autour d’«amoureuses» parce que je serais bien incapable, comme on me l’a pourtant religieusement appris, de ranger dans des boîtes étanches amour, sexe et amitié. Et j’ai rempli des tas de poubelles, parce que je ne suis pas dupe; écrire qu’on veut tout changer, ça ne revient en général qu’à tout double-verrouiller. Alors quoi? </p><p>A coups d’inhibitions successives, plus ou moins explicitées et contraignantes (on appelle ça «processus de socialisation»), je me suis construite comme une fille qui aime les garçons, parfois charnellement, mais pas trop, question de réputation. Et j’ai discipliné mon corps pour qu’il s’en tienne aux normes (de sexe, de genre, pondérales, vestimentaires, etc.) alentour. A 40 ans, à coups de désinhibitions successives (rencontres, conversations, lectures), je suis devenue une femme qui côtoie des êtres humains faits comme moi de fluides, de nerfs, de sentiments, de peau, de peurs, d’émotions, de fantasmes, de disgrâces, de sang, d’eau, de colères, d’incohérences, de perversion, de vulnérabilités, de chair. Et j’ai compris qu’au lieu de le dresser, il me fallait au contraire «tordre» mon corps, comme je tors ma langue, pour trouver un langage qui fasse émerger ma voix «écologiquement». </p><p>Je m’explique: j’adhère à l’hypothèse que développe le philosophe Bernard Andrieu dans son essai<em> Sentir son corps vivant</em>. Emersiologie I (Vrin, 2016): «L’écologie corporelle est une microécologie. C’est en transformant la conscience des pratiques corporelles des individus qu’on transformera l’écologie du monde. L’idée est d’expérimenter en situation des modifications de pratiques sensorielles. Pour sentir différemment son environnement, il faut consentir à se déroutiniser pour faire émerger dans son corps vivant d’autres modes d’existence, de déplacement et de relation». </p><p>A 40 ans, je consens à me déroutiniser. Je me refuse à amalgamer couple, famille, amour, sexualité. Je suis entourée de représentations sclérosantes des relations «amoureuses» que je ne peux pas éradiquer, mais j’ai pris conscience que je peux modifier mon rapport – et mon obéissance – à ces stéréotypes. Et cerise sur l’autonomie, j’ai la liberté de baptiser l’amour qui me va: «chairir». </p><h3>Une sensation de confiance dans le ventre</h3><p>Non, «chairir» ne se trouve pas dans le dictionnaire: c’est un néologisme. Un verbe transitif, dont le sens global est calqué sur son homophone, «chérir»: selon le Robert, «aimer tendrement», «être attaché à», ou «attacher un grand prix à quelque chose». Mais «chairir», avec l’«ai» de la «chair», c’est chérir en présupposant une action du corps dans le monde et en intégrant dans ses expériences l’action du corps des autres dans ce même monde. «Je chairis», «tu chairis», «ille (tant qu’à désencager) chairit», «nous chairirons», «vous avez chairi». Et je peux me chairir, chairir un amant, un amoureux, mon fils, un confident, un mentor, mes parents, mais aussi tous ces inconnus qui marchent ou dorment ou s’abîment dans nos rues et dont les corps sont lourds de la considération dont on les allège. </p><p>Le philosophe Vincent Cespedes rapporte dans son essai M<em>élangeons-nous. Enquête sur l’alchimie humaine</em> (Maren Sell Editeurs, 2006), un échange de 1963 entre Ernie Barry et Allen Ginsberg, balayant la réduction de «l’amour relationnel» à «l’appétit charnel». Ernie Barry: «Qu’est-ce que tu veux dire par «amour»? Baiser?» Allen Ginsberg: «Non, une sensation de confiance dans le ventre, d’encouragement à Être qui pourrait conduire à se frotter les ventres les uns contre les autres, à s’embrasser les oreilles et à faire toutes sortes de choses délicieuses, y compris des bébés… Le frottement des ventres est instinctif. 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Son rapport à la philosophie est de l’ordre de l’automédication: s’intoxiquer des symptômes de l’époque puis faire décanter. Son inspiration vient aussi d’une grande rencontre intellectuelle et physique avec le Kung Fu (qu’il a longtemps pratiqué) et Maître Jung en particulier, à Aix en Provence. </p><p>Vincent Cespedes a entre autres fondé la collection «Philosopher» aux Éditions Larousse en 2008, invité les hommes à se mêler de féminisme et préférer la puissance au pouvoir dans L’Homme expliqué aux femmes (2011). Mais aussi redonné leur place à la passion et à l’enthousiasme dans L’ambition ou l’épopée de soi (2013) et à la jeunesse dans Oser la jeunesse (2015). Il gère aujourd’hui avec son associée Hà Giang la société Matkaline qui décline la philosophie en livres, conférences, ateliers interactifs, jeux et applications, comme <a href="https://www.facebook.com/JeuDuPhenix/">Le Jeu du Phénix</a>: inspiré du tarot, mais loin d’être teinté de la moindre empreinte d’ésotérisme, le jeu, disponible aussi en application Smartphone propose des scénarios déverrouillant réflexivité, imaginaires et possibles. </p><p>Le dernier projet de l’essayiste est «encore dans la cuisine» selon les mots de Hà Giang: nommé Imlac, il se mêle d’intelligence artificielle et s’inscrit dans la suite logique d’une démonstration de néorésistance portée par des ondes de charme. </p><br><p><strong>Du 23 juin au 1<sup>er</sup> juillet, vous vous êtes embarqué à bord du <em>Queen Mary 2</em> pour la traversée <em>The Bridge 2017.</em> Vous pensez qu’il est possible de créer un pont culturel entre la France et l’Amérique? </strong></p><p>Tout est parti d’un prétexte, fêter le centenaire de l’amitié franco-américaine, les Américains débarqués en 1917, qui ont amené le jazz, le baseball, un autre horizon culturel aux soldats français. L’idée était de faire une croisière retour, un siècle plus tard. C’était très émouvant. A l’arrivée, on a eu l’impression d’être des immigrés qui débarquaient à New York par la mer. A bord, le thème était «Un pont pour le monde de demain» , une investigation de toutes les tendances prospectives, tous domaines confondus, de l’intelligence artificielle à la prise de risque. J’ai pour ma part animé des ateliers sur le bonheur et sur l’ambition, dans une effervescence bienveillante. Le fait que l’on soit en vase clos crée une sorte d’urgence à bien s’entendre. </p><p><strong>La philosophie est l’un de ces ponts pour demain? </strong></p><p>Pour moi la philosophie a trois grands rôles à jouer au XXI<sup>e</sup> siècle. Premièrement, mettre en échec le populisme, qui criminalise l’opposition, qui voit des ennemis intérieurs et extérieurs, qui par démagogie utilise une rhétorique flattant les bas instincts du peuple. Le populisme, c’est la démocratie moins la philosophie. La philosophie est ce qui permet de rester en démocratie parce qu’elle évite au peuple de se contenter de clamer «je suis la perfection incarnée, j’ai juste besoin d’un leader fort pour me débarrasser des élites». Avec la philosophie, le peuple s’interroge sur lui-même, sur son destin, sur sa différence, sa pluralité. Cela nécessite une éducation à la pensée critique, à la prise de parole, à l’audace ambitieuse de penser par soi-même et de formuler ses pensées. Deuxièmement, la philosophie est l’outil qui permettra d’inventer une politique digne de ce nom pour demain, une politique des grands blocs. La philosophie sert non seulement à garantir la démocratie, mais aussi à la faire avancer, à trouver de nouvelles formes démocratiques, plus participatives, à réfléchir à l’intégration des nouvelles technologies, à rendre les citoyens éduqués plus experts que les experts de la technocratie, en résumé, à créer de nouvelles libertés. Troisièmement, la philosophie permet de conceptualiser de nouveaux supports de connaissances, de nouvelles pratiques pédagogiques informelles, ainsi que de penser l’hybridation constante, le mélange croissant, et l’avenir de l’intelligence. <br></p><p><strong>En quoi l’intelligence artificielle vous intéresse-t-elle? </strong></p><p>L’intelligence artificielle n’est pas simplement une machine à calculer. A partir d’un programme donné, la machine fournit des effets d’intelligence susceptibles de surprendre les programmateurs. L’intelligence artificielle offre un dépassement en performance, en pertinence, en congruence, en efficacité et en invention. Ses actes sont rationnels, mais peuvent être interprétés comme créatifs et poétiques par les humains. C’est l’être humain qui va donner du sens à la machine, qui en retour lui permet de fantasmer. L’homme humanise la machine, opère une anthropomorphisation onctueuse. L’intelligence artificielle est en ce sens un bluff performatif. La machine ouvre des possibles, amplifie la capacité à se projeter. Rien de dangereux! S’il y a un jour une rébellion, ce sera une rébellion humaine. La prise de pouvoir des machines n’est qu’un fantasme parmi d’autres, une pure fiction. </p><p><strong>Vous avez mis au point la première intelligence artificielle philosophique, IMLAC (Intelligent Matricial Language About Concepts). Pouvez-vous en expliquer le principe et les intentions? </strong></p><p>Imlac est le nom d’un philosophe anglais fictif mis en scène dans un roman de Samuel Johnson (1709-1784), <em>The History of Rasselas, Prince of Persia</em> (1759), dont le propos est la quête du bonheur. J’ai eu envie de créer une machine qui intimide l’humain, que l’humain se sente en présence d’une intelligence supérieure à la sienne. On recherche un effet de surprise. Mais on vise aussi une machine qui est capable de rentrer dans des raisonnements. Il s’agit d’avoir des connexions conceptuelles, reliées à des auteurs. Très concrètement, on aura une première version minimaliste qui sera une sorte de <em>Siri</em> philosophe, un assistant-philosophe intelligent qui sortira pour le Bac de philo 2018. On va nourrir la machine avec toute la philosophie occidentale, depuis Platon et les présocratiques. A partir de toute cette immense matière, on pourra par exemple voir que le mot «liberté» est relié au mot «vérité». Les corrélations quantitatives déboucheront sur des corrélations qualitatives. Une fois qu’on aura tout mis dans la tête d’Imlac, on pourra obtenir une capillarité conceptuelle, comme le corps humain, ce sera le corps de la philosophie, avec des concepts reliés et certainement des surprises. C’est une manière de sortir des fausses évidences. Pour l’instant, on envisage trois catégories de questionnements, mais elles ne sont pas encore définitives: «Bac» (pour les novices qui doivent produire de la philosophie), «Fac» (pour ceux qui se destinent à approfondir la philosophie) et «Vrac» (pour le quidam qui pourra poser n’importe quelle question, mais recevra toujours une réponse nourrie de philosophie). La philosophie est une fabrique d’idées nouvelles et critiques. Avec Imlac, on transcende la notion de futilité. On jouera aussi dans un second temps avec «le faux hasard». On doit donner l’illusion fantasmatique qu’il y a de la créativité. Le hasard est plus performant que la réflexion, parce qu’il est vierge des attentes, des présupposés. Le hasard offre l’objectivité crue, vierge, sauvage. </p><p><strong>IMLAC, c’est donc un outil de néorésistance? </strong></p><p>La néorésistance, c’est l’idée que l’on résiste à la bêtise en produisant du nouveau. Il ne faut jamais être lâche face à la bêtise, ce qui demande beaucoup de moyens intellectuels. Notre époque fait de l’anticonformisme un nouveau conformisme. Imlac dira, en toute objectivité, si une idée est originale ou pas. «Liberté» et «amour», par exemple, auront sans doute déjà été réunis. Mais peut-être pas «liberté» et «animalité». <strong><br></strong></p><p><strong>Vous avez développé plusieurs applications. <em><a href="http://deep-profiling.com/">Deepro</a></em> (pour <em>deep profiling</em>) est l’une d’entre elles. Vous pouvez nous en dire plus? </strong></p><p>Deepro est une application philosophique gratuite qui permet de dessiner son profil éthique. C’est un nouveau système de valeurs, à triple échelle de l’entreprise, de l’individu ou de la société, dans une logique de connais-toi toi-même socratique. Il y a 48 métavaleurs chiffrées (le numéro 22 par exemple regroupe un nuage de valeurs: «partage», «entraide», «accomplissement», «générosité», «réussite», «prospérité»). Parmi ces valeurs il y en a 24 peu reluisantes qui sont du côté de la violence, de la crispation, de l’égoïsme. Mais ce sont des valeurs qui peuvent mouvoir des individus, orienter des pensées, des politiques. C’est la première fois qu’un système de valeurs peut «dire le mal». Par ailleurs, toutes les valeurs sont articulées à des verbes: il s’agit de savoir ce que l’on fait des valeurs déterminées. Je peux très bien avoir dans mes valeurs la générosité, et ne pas du tout l’appliquer. Je peux aussi incarner une valeur, et ne pas la vivre au fond de moi. <em>Deepro</em> détermine ce qu’un curriculum vitæ ne donne pas, la partie obscure des compétences humaines, sans juger l’individu. <em>Deepro</em> ne dit pas «vous êtes», mais «vous faites» et «vous croyez». </p><p><strong>En vulgarisant aussi radicalement la philosophie, ne craignez-vous pas de tomber dans la réduction simplificatrice?</strong></p><p>Je ne vulgarise rien. Je n'explique pas avec des mots simples de grands systèmes de pensée. Je tente plutôt de créer mon propre système en utilisant un mode d'exposition non-académique, en fuyant le jargon des spécialistes, cette couche prétentieuse de mots et de tournures qui rend abscons le sens des idées développées. Maintenant, il est vrai que j'essaie de démocratiser la philosophie: transmettre le goût du jugement critique et de la création conceptuelle. Cela exige deux choses, loin de la «simplification»: ancrer dans le réel la démonstration, et rendre la problématisation excitante, voire «sexy».</p><p><strong>Vous avez récemment poussé un coup de gueule contre «l’opportunisme moral». Que dénoncez-vous par-là? </strong></p><p>On est dans l’ère de l’opportunisme absolu! Macron – qui et un «bulldozer de velours» –, c’est l’opportunisme absolu. Il n’y a plus de convictions de long terme, plus de valeurs, sinon des valeurs de l’instant. On est dans l’ère de la tactique généralisée et non plus dans celle de la stratégie. C’est la logique néolibérale du profit maximal à court terme qui sert de boussole politique. L’avantage, c’est que ça surprend tout le monde, ça casse les partis. Toutes les structures lourdes volent en éclat. Le grand désavantage, c’est qu’on pactise potentiellement avec le pire. 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Le contraire de la pédagogie et du jugement critique; l’impossibilité pratique, pour un peuple «lobotomisé», de parvenir à l’autogestion. </em>Vincent Cespedes, Mai 68. La philosophie est dans la rue!, 2008</p></blockquote><p><strong>Comment le féminisme s’inscrit-il dans votre projet de néorésistance? </strong></p><p>Imlac sera féministe puisqu’il comprendra une multitude de voix de femmes. Dans «Bac» et «Fac» il n’y aura pas de femmes, à part Simone de Beauvoir et Hannah Arendt. Mais dans «Vrac», il y aura autant de femmes que d’hommes. Plus globalement, le féminisme est fondamental. Nous sommes dans une société faite pour les hommes, pensée par les hommes. On a affaire à une phallocratie qui produit le complexe militaro-industriel, qui engendre la course à l’épuisement de la planète. Nous sommes dans une société qui a montré toutes ses limites à tous les niveaux, celui de l’écologie, comme celui du bien-être et qui a été construite sur des valeurs qui ne sont pas «masculines», mais qui font le masculin. Il faut essayer de penser un nouveau système de valeurs qui pourrait faire le masculin comme faire le féminin. Il faut redistribuer les valeurs en dehors de la binarité sexe/genre de manière à ce que les hommes ne soient plus les seuls à être considérés comme «puissants» et les femmes les seules à être considérées comme «bienveillantes», par exemple. La condition du féminisme, c’est la construction d’un autre type d’hommes et de femmes, fondé non pas sur le pouvoir, mais sur la puissance, c’est-à-dire la capacité à diffuser une énergie qui se distribue sans que l’on s’en décharge, comme l’amour et la connaissance. Les individus puissants sont des individus plus humains, qui ont fait un travail sur eux, dont les valeurs correspondent plus à quelque chose de pérenne en termes de déploiement de l’industrie, de la productivité, de la société telle qu’elle est. </p><blockquote><p><em>Clasher: s’opposer, détoner, contraster ; «poser en avant dans l’ouvert» . […] Le clash est une confrontation, dans les deux sens du terme – comparaison de thèses ou de personnes, et mise en présence d’un problème auquel on doit faire face. Remise en question de ce qui va de soi, le clash oblige à répondre en sollicitant le jugement critique. […] je clashe un modèle, je clashe une autorité, je clashe une institution, je clashe des fables mentant sur les faits. Les rôles se brouillent ; bug hiérarchique. 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Mai 68. La philosophie est dans la rue!, Paris, Larousse, 2008. <br> </span><span style="font-size: 1.6rem;">Mélangeons-nous. Enquête sur l’alchimie humaine, Paris, Maren Sell Éditeurs, 2006. </span></h4><p></p><hr><p></p><blockquote><h3><strong>Vous avez aimé cette interview? <a href="https://bonpourlatete.com/abonnements">Soutenez-nous en vous abonnant à Bon pour la tête, média indocile et indépendant.</a></strong></h3></blockquote><h4><span style="font-size: 1.6rem;"></span></h4>', 'content_edition' => null, 'slug' => 'la-philosophie-une-arme-contre-le-populisme', 'headline' => false, 'homepage' => 'col-md-12', 'like' => (int) 1037, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 231, 'homepage_order' => (int) 270, 'original_url' => null, 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 33, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 233, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => 'NORMAL', 'readed' => null, 'subhead' => 'ACTUEL / Analyse', 'title' => 'Self qui peut!', 'subtitle' => ' «Ces selfies, quelle horreur!»: tout le monde en fait, mais tout le monde les condamne. 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L’une des salles, «Je suis le nombril du monde», explore entres autres le selfie, décrit dans le guide de l’exposition comme «la matérialisation, véritable bras armé, du narcissisme 2.0». </p><p>Née au début des années 2000, cette pratique photographique est désormais un marronnier médiatique aussi bien que sociologique: tout le monde semble bien savoir qu’il n’est guère glorieux de céder à cette exhibition solitaire – «ces selfies, mais quelle horreur!» –, mais les réseaux sociaux sont quand même saturés d’autoportraits – plutôt ruisselants de chlore, de sable et de sueur, en cette période estivale. Le selfie est assurément devenu un énième bras armé du narcissisme 2.0, de la peopolisation – le selfie commis ou surpris comme gage d’accès à l’intimité des élus de ce monde – et du marketing – la multinationale Procter&Gamble a mis au point une application qui, grâce à un selfie, scanne la peau, évalue ses «dégâts», et avance ce qu’il faut pour les dégommer. Mais pour résister à ses détracteurs, le selfie doit bien remplir d’autres fonctions plus «vitales», pour celles et ceux du moins qui se servent ici et maintenant des réseaux sociaux pour en découdre avec leur self (parce que non, le selfie n’est tout de même pas universel, transculturel et transgénérationnel). </p><h3>Putsch communicatif<br></h3><p>Le selfie est avant tout une conversation entre soi et soi (puisque l’on est à la fois modèle et photographe). Grâce à ce dédoublement, il a pour premier pouvoir d’être un auto-révélateur et un auto-fixateur: il permet de se regarder et de s’archiver en toute autonomie. </p><p>Mais voué à être diffusé, le selfie permet aussi, au-delà d’apparaître et de résister au temps, de témoigner de la valeur de cette apparition et de pénétrer des territoires sinon inaccessibles: véritable putsch communicatif, il est un moyen pour le quidam d’imposer sa légitimité à la face de ses vrais amis, mais aussi de ses collègues, de son dentiste ou d’une quelconque figure suivie, parce que convoitée, jalousée ou faisant office d’autorité ou d’étalon. </p><p>Outil de <em>personnal branding </em>et d’autoplébiscite, le selfie est donc un vecteur de mise à l’épreuve de soi. Même si l’on s’en défend – mais alors, pourquoi ne pas se retenir de partager l’empreinte de ses crocs sur le dernier burger vegan tendance – , on publie un selfie pour obtenir une expertise: d’authenticité, de crédibilité, de normalité, de prestige. Grâce au nombre et au type de contacts et de <em>like</em>, on thésaurise, ou pas évidemment, un capital reconnaissance. </p><p>Le selfie permet aussi de «se dissocier» pour mieux «se rassembler». Les selfies n’affichent souvent que des morceaux de corps: bouches, yeux, grimaces, torses ou gambettes. Cette incitation au (re)collage de ces bribes permet de se rappeler que nos identités sont non seulement hybrides, mais par ailleurs toujours <em>in progress</em>. </p><p>Les selfies sont encore des désactivateurs d’interprétations possibles. Ils exposent certes, forcément, au regard de l’autre, mais ils permettent néanmoins symétriquement de s’y soustraire. Le selfie peut en effet s’inscrire dans une stratégie de résistance aux normes-cages. Certains selfies sont ainsi plus socio-centrés qu’égo-centrés. Pour reprendre les termes d’Annie Ernaux différenciant autobiographie et autosociobiogaphie, au travers d’un selfie, qui est une forme de récit de soi, il s’agit parfois moins «de dire le "moi" ou de le "retrouver" que de le perdre dans une réalité plus vaste, une culture, une condition, une douleur, etc.» (<em>L’écriture comme un couteau</em>, 2011). </p><h3>Un centre virtuel d'excitation</h3><p>Pour toutes ces raisons, le selfie peut presque être considéré comme une thérapie. Dans <em>Petite anatomie de l’image</em>, le peintre et photographe Hans Bellmer explique que pour détourner son attention de la douleur d’une rage de dents, on peut enfoncer ses ongles dans la peau: on créé une dent virtuelle, un autre centre d’excitation, pour déprécier l’existence du foyer réel de la douleur. Par analogie, on peut considérer que le selfie est de même un centre virtuel d’excitation: on crée un soi extérieur, un autre centre d’attention, pour «se supporter» à distance. Pour citer Bellmer: «L’expression, avec ce qu’elle comporte de plaisir, est une douleur déplacée, une délivrance». </p><p>Mais, ne tombons pas dans le déni, le selfie reste une pratique dangereuse, qui demande de l’audace, de l’inconscience, ou du moins une résistance musclée au sarcasme – «Seyant ce petit maillot» – et à la mauvaise foi – «Les années n’ont pas de prise sur toi ma chérie!». Les selfies sont des espaces où sont sans pitié mis en opposition (de classe, de sexe/genre, de croyances) les individus. Or l’humain n’est pas par défaut bienveillant. Les regards-jugements portés sur les selfies sont multiples et s’additionnent: moral, esthétique, professionnel, épidermique, sensuel, sensoriel… Et sur les réseaux sociaux, pas de suspension volontaire de l’incroyance, comme au cinéma ou dans la pub. Malgré l’apparition de certaines stratégies de fictionnalisation – essentiellement des filtres qui décorent, allongent, bronzent ou camouflent – le selfie n’est pas dans le régime du «y croire ou pas», il est, comme la presse, soumis à la vériconditionnalité, à l’obligation du dévoilement du «vrai»: le retour sur image est fatalement un retour direct sur self, et peut être particulièrement perfide et mortifiant. Self (seulement) qui peut, donc!</p><p></p><hr><p></p><h4>MUDAC, <a href="http://mudac.ch/expositions/miroir-miroir/">Exposition <em>Miroir Miroir</em></a><br>Pauline Escande-Gauquié [sémiologue], <em>Tous selfie! Pourquoi tous accro?</em>, Paris, Les Nouvelles Editions François Bourin, 2015.<br>Elsa Godart, <em>Je selfie donc je suis,</em> Paris, Albin Michel, 2016.<br>Bertrand Naivin. <em>Selfie. 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