Chronique

Notice (8): Trying to access array offset on value of type null [APP/Template/Posts/view.ctp, line 123]
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<br><br><br><img class="img-responsive img-center " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w800/1545753418_dscf1456.jpeg"></p><h4 style="text-align: center;">À l’Eco Café, avenue Andrassy. © 2018 Bon pour la tête / Marie Céhère
</h4><p><font face="Roboto, Helvetica Neue, Arial, sans-serif"><br></font></p><p>Je saute dans le métro 1, la plus ancienne ligne et ses charmants wagons jaune empire, jusqu’à l’arrêt Hősök tere. Toute la rame, occupée par doudounes, sacs à dos et appareils photos, descend là. La place des Héros. Un épais brouillard est tombé. On voit à peine à deux mètres devant soi le dallage géométrique de la place, on devine seulement, de loin, l’obélisque et les magistrales colonnades. Le monument du millénaire, érigé pour célébrer les mille ans de la présence magyare, en impose. Cavaliers moustachus, guerriers des grandes plaines, chevaux énormes couverts de fourrures, le tout drapé dans la brume et le froid qui ne semblent même pas les chatouiller. La tombe du soldat inconnu, au pied des conquérants magyars, est légèrement plus grande que sa cousine parisienne. Solennité onirique. Certains prennent des selfies, la plupart marchent la tête en l’air, se taisent. On vient ici rendre hommage à de très nobles ancêtres, se souvenir que la Hongrie est vieille de mille ans. 
</p><p>Aux alentours, pas de marchands de cartes postales, pas de boutiques de colifichets. Personne ne rigole avec la Hongrie millénaire, pas même les Hongrois. Surtout pas les Hongrois. 
</p><p>J’en ai croisé le matin-même, qui paraissaient pourtant en avoir soupé, de la Grande Hongrie et toutes ses légendes. À la librairie Atlantisz, place Deák, spécialisée dans l’import et la vente d’ouvrages américains, anglais, français, italiens, espagnols, allemands, dans la promotion des sciences humaines et dans l’ouverture européenne, large et précieuse. Entre autres curiosités et trésors introuvables en France, j’acquiers la biographie non hagiographique de Viktor Orbán par Paul Lendvai, journaliste autrichien d’origine hongroise, contributeur du Financial Times. Le libraire me conseille de payer en forints plutôt qu’en euros, le taux de change est plus avantageux. Il range mes achats dans un sac en plastique et grimace devant le Orbán. «Vous avez déniché le meilleur!». J’avais lu des papiers qui présentaient la biographie de Lendvai comme amusante, impertinente et très informée. J’avance cet argument, une sorte d’excuse à l’adresse du libraire, qui me répond du tac au tac: «Il n’y a vraiment rien de drôle, vu d’ici. Enfin, bref... » Il sourit. Ses yeux sont cernés. Il n’y a rien de drôle à tenir une librairie qui s’appelle «Atlantisz» à Budapest en 2018, oui, j’en conviens. 
<br><br><br><img class="img-responsive img-center " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w800/1545753453_dscf1542.jpeg"></p><h4 style="text-align: center;">Achats à la librairie Atlantisz. © 2018 Bon pour la tête / Marie Céhère
</h4><p><font face="Roboto, Helvetica Neue, Arial, sans-serif"><br></font></p><p>Le libraire de la place Deák peut toujours courir pour trôner un jour sur la place des Héros. Il n’y tient pas, de toute façon. C’est pourtant grâce à lui, et à ses confrères et consoeurs, les éditeurs, les journalistes, les écrivains, les essayistes, les documentaristes, les cinéastes, les penseurs, les artistes, les rebelles, les ricaneurs, les curieux, la communauté sans frontières des lecteurs, que la Hongrie continue d’être grande.
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<p>Comme ailleurs dans le sud de l&rsquo;Europe, la population double durant les vacances d&rsquo;&eacute;t&eacute;, une situation invivable pour les r&eacute;sidents. &laquo;Il y a de plus en plus de monde&raquo; d&eacute;plore Carlos. En plus de porter des t-shirts qu&rsquo;on ne risque pas de manquer en d&eacute;ambulant sur les <em>R</em><i>amblas</i>, les habitants des r&eacute;gions concern&eacute;es redoublent d&rsquo;imagination pour faire entendre leur voix. Aux &icirc;les Canaries, c&rsquo;est une gr&egrave;ve de la faim qui a &eacute;t&eacute; d&eacute;cid&eacute;e d&egrave;s le mois d&rsquo;avril. A Barcelone toujours, des locaux exc&eacute;d&eacute;s s&rsquo;amusent &agrave; viser les touristes au pistolet &agrave; eau. Les temp&eacute;ratures avoisinent les 40 degr&eacute;s, rien de bien m&eacute;chant. Ils &eacute;taient &eacute;galement pr&egrave;s de 3&rsquo;000 Barcelonais &agrave; se r&eacute;unir devant la mairie d&eacute;but juillet pour t&acirc;cher d&rsquo;attirer l&rsquo;attention m&eacute;diatique sur la question.</p>
<p>La mairie,&nbsp;<span>quant &agrave; elle, e</span><span>nvisage d&rsquo;augmenter le montant de la taxe de s&eacute;jour pour les visiteurs qui d&eacute;barquent des bateaux de croisi&egrave;re. Cette taxe rapporte actuellement une centaine de millions d&rsquo;euros, soit la troisi&egrave;me ressource &eacute;conomique de la ville. Le maire, Jaume Colboni, vise particuli&egrave;rement les touristes ne passant pas plus de 12 heures sur place et se pressant tous autour de la Sagrada Familia et du quartier con&ccedil;u par le c&eacute;l&egrave;bre architecte Gaud&iacute;.&nbsp;</span></p>
<p>Il est aussi question de r&eacute;voquer l&rsquo;autorisation de location de courte dur&eacute;e &agrave; environ un millier d&rsquo;appartements, autant de locations qui seront remises sur le march&eacute; local &agrave; destination des Barcelonais.</p>
<p>A Venise, les autorit&eacute;s ont instaur&eacute; un droit de p&eacute;age de 5 euros pour les touristes qui ne passent qu&rsquo;une journ&eacute;e sur le pont des Soupirs. L&rsquo;op&eacute;ration a d&eacute;j&agrave; rapport&eacute; plus de 2 millions d&rsquo;euros, bien plus qu&rsquo;anticip&eacute;. Si certains V&eacute;nitiens ont per&ccedil;u une l&eacute;g&egrave;re baisse de la fr&eacute;quentation sur les canaux, la mesure leur semble insuffisante. Voire contre-productive pour les associations de r&eacute;sidents qui craignent que leur ville ne se transforme en &laquo;Venise-land&raquo;, le droit de p&eacute;age constituant le ticket d'entr&eacute;e pour ce parc d'attraction. &laquo;Nous avons atteint un point de non-retour&raquo; d&eacute;plorent les V&eacute;nitiens. &laquo;Notre ville se meurt pour le profit de quelques uns&raquo;. Des services de sant&eacute; ont en effet d&ucirc; fermer leurs portes, les boutiques de souvenirs kitsch remplacent les enseignes locales: la vie quotidienne devient impossible.</p>
<p>De fait, le pari de Carlos Ramirez et de ses voisins a r&eacute;ussi: plusieurs agences de voyages et compagnies a&eacute;riennes avertissent d&eacute;sormais leurs clients. Il r&egrave;gne en Catalogne un &laquo;climat hostile&raquo; &agrave; leur venue. &laquo;Barcelone a &agrave; pr&eacute;sent mauvaise r&eacute;putation. De plus en plus de visiteurs ont peur de s&rsquo;y rendre&raquo;, explique Antje Martins, sp&eacute;cialiste du tourisme &agrave; l&rsquo;universit&eacute; du Queensland. D&rsquo;autres professionnels craignent m&ecirc;me que la ville ne se retrouve &laquo;isol&eacute;e&raquo; et que l&rsquo;attitude des r&eacute;sidents n&rsquo;entache la r&eacute;putation de toute l&rsquo;Espagne.</p>
<p>Car cette r&eacute;volte s'inscrit dans un paradoxe &eacute;conomique. Barcelone vit largement du tourisme, comme de nombreuses autres r&eacute;gions europ&eacute;ennes. Comment concilier prosp&eacute;rit&eacute; et tranquillit&eacute;? L&rsquo;exasp&eacute;ration des habitants ne se dirige d&rsquo;ailleurs pas vers les touristes eux-m&ecirc;mes, mais plut&ocirc;t vers les autorit&eacute;s qui n&rsquo;ont pas engag&eacute; de r&eacute;flexion profonde &ndash; et politique &ndash; sur un mod&egrave;le touristique durable &agrave; adopter pour atteindre une forme de consensus entre visiteurs et habitants, un &eacute;quilibre vivable &agrave; long terme. Il s&rsquo;agit d&rsquo;un probl&egrave;me structurel.&nbsp;</p>
<p>En sus des logements confisqu&eacute;s et de la d&eacute;vitalisation des centres-villes,&nbsp;la question du respect de l&rsquo;environnement et des habitants par les visiteurs commence &agrave; &ecirc;tre abord&eacute;e et regard&eacute;e en face. La manne financi&egrave;re du tourisme ne justifie plus tous les exc&egrave;s et toutes les indulgences. A Florence, une touriste mimant une sc&egrave;ne sexuelle avec une statue repr&eacute;sentant Bacchus a fait scandale. La d&eacute;gradation d&rsquo;une fontaine du XVI&egrave;me si&egrave;cle par un autre visiteur l&rsquo;&eacute;t&eacute; dernier a soulev&eacute; l'indignation des Florentins.</p>
<p>Carlos a lui aussi constat&eacute; que les touristes se &laquo;l&acirc;chaient&raquo; une fois sur leur lieu de vill&eacute;giature, s&rsquo;autorisaient &laquo;ici ce qu&rsquo;ils ne se permettent pas chez eux&raquo;. &laquo;Nous nous sentons v&eacute;ritablement insult&eacute;s&raquo;.&nbsp;</p>
<p>Amsterdam, la ville du &laquo;quartier rouge&raquo; et des coffee-shops, a d&eacute;cid&eacute; de r&eacute;pliquer: une campagne de &laquo;non promotion&raquo; lanc&eacute;e en 2023 visait sp&eacute;cialement les jeunes hommes, principaux responsables des nuisances selon les habitants. Les enterrements de vie de gar&ccedil;on ont quelque peu cess&eacute; d&rsquo;empoisonner le quotidien et les nuits des riverains des bars et bo&icirc;tes de nuit.</p>
<p>Une autre strat&eacute;gie consiste &agrave; augmenter drastiquement les prix pour se d&eacute;barrasser des foules. Mais la gentrification qui s&rsquo;en suit est encore un fl&eacute;au pour les locaux. Ainsi &agrave; Majorque, tout est d&eacute;sormais &laquo;hors de prix&raquo; afin de dissuader les &laquo;touristes alcoolis&eacute;s&raquo; d&rsquo;envahir l'&icirc;le et ses plages. Seulement cette inflation ne b&eacute;n&eacute;ficie pas aux habitants.</p>
<p>Quelles que soient les m&eacute;thodes employ&eacute;es, une intervention politique semble indispensable aux habitants de ces zones expos&eacute;es &agrave; la surfr&eacute;quentation. D&rsquo;Amsterdam &agrave; Venise en passant par Palma de Majorque, tous sont d&eacute;cid&eacute;s &agrave; poursuivre leur combat, &laquo;jusqu&rsquo;&agrave; ce que l&rsquo;&eacute;quilibre soit r&eacute;tabli&raquo;. Un &eacute;quilibre d&rsquo;avant EasyJet et AirBnB.</p>
<hr />
<h4><a href="https://edition.cnn.com/2024/07/27/travel/why-europe-has-become-an-epicenter-for-anti-tourism-protests-this-summer/index.html" target="_blank" rel="noopener">Lire l'article original</a></h4>',
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<p>Un cas d&rsquo;&eacute;cole, en somme: pour l&rsquo;historien du sport Robert Withing, cit&eacute; par le quotidien, &laquo;l&rsquo;opinion publique n&rsquo;aura pas pu vivre les &eacute;motions qui permettent normalement d&rsquo;effacer toutes les pol&eacute;miques qui pr&eacute;c&egrave;dent traditionnellement les JO.&raquo; C&rsquo;est ainsi que les Japonais ont pu d&eacute;couvrir la facture finale de 1&rsquo;700 milliards de yens (environ 13 milliards de dollars), c&rsquo;est-&agrave;-dire le double des d&eacute;penses pr&eacute;vues. Les infrastructures construites pour l&rsquo;occasion, en particulier le Stade national de Tokyo, dont les gradins sont demeur&eacute;s vides pendant les Jeux, co&ucirc;tent aujourd&rsquo;hui des sommes consid&eacute;rables.</p>
<p>Des entreprises priv&eacute;es se proposent d&rsquo;exploiter le stade d&rsquo;ici quelques mois, afin d&rsquo;&eacute;ponger quelque peu les co&ucirc;ts faramineux: presque jamais utilis&eacute;, le stade con&ccedil;u par l&rsquo;architecte Kengo Kuma, une harmonieuse structure hybride de bois, d&rsquo;acier et de b&eacute;ton, co&ucirc;te pr&egrave;s de 50&rsquo;000 euros par jour aux contribuables.</p>
<p>Avec prudence, on &eacute;voque la possibilit&eacute; d&rsquo;employer cette ar&egrave;ne &agrave; l&rsquo;organisation d&rsquo;une prochaine coupe du monde de football. Mais d&rsquo;une mani&egrave;re g&eacute;n&eacute;rale, les autorit&eacute;s japonaises comptent patienter avant d&rsquo;envisager d&rsquo;accueillir d&rsquo;autres grands &eacute;v&eacute;nements internationaux. La candidature de Sapporo pour les Jeux d&rsquo;hiver 2030 a par exemple &eacute;t&eacute; retir&eacute;e. Selon les derni&egrave;res &eacute;tudes d&rsquo;opinion, 60% de la population de l&rsquo;&icirc;le d&rsquo;Hokkaido, qui aurait d&ucirc; accueillir les &eacute;preuves, s&rsquo;opposait &agrave; ce projet. Ce sont les Alpes fran&ccedil;aises qui auront <em>a priori</em> la charge et le plaisir de les organiser.</p>
<p>La population r&eacute;clame d&eacute;sormais des comptes. Les proc&egrave;s, tr&egrave;s m&eacute;diatis&eacute;s, se multiplient: &laquo;apr&egrave;s avoir d&eacute;j&agrave; prononc&eacute; plus d&rsquo;une dizaine de condamnations, les tribunaux de Tokyo continuent de juger de multiples malversations allant de l&rsquo;attribution m&ecirc;me des Jeux &agrave; la distribution des contrats de sponsoring. Des entreprises, des cadres, des hauts fonctionnaires sont punis...&raquo;</p>
<p>&laquo;Du pain et des jeux&raquo; afin de distraire le peuple des rouages peu reluisants du pouvoir: cette m&eacute;thode vieille comme l&rsquo;Antiquit&eacute; s&rsquo;est enray&eacute;e &agrave; Tokyo. Par la faute d&rsquo;un invisible virus, c&rsquo;est toute la structure du pouvoir politique et &eacute;conomique qui s&rsquo;est retrouv&eacute;e nue aux yeux des citoyens. Comme le conc&egrave;de Keiko Momii, membre du comit&eacute; olympique japonais: &laquo;Il va falloir plus de temps pour expliquer ces projets et essayer de regagner le soutien du public&raquo;.</p>
<hr />
<h4><a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/services-conseils/jo-de-tokyo-la-grande-frustration-des-jeux-fantomes-2109005" target="_blank" rel="noopener">Lire l'article original</a></h4>',
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Même les budapestois les plus branchés ne déjeunent pas après treize heures. C’est un truc de Parisiens, nous souffle-t-on ici ou là. Il est quinze heures passées quand je pousse la porte de l’Eco Café, une adresse «bobo» sur la très belle et chic avenue Andrassy. Du café commerce équitable, du lait de soja, des serveurs et des serveuses jeunes, avec piercings et cheveux coupés courts, des étudiants qui pianotent sur leur MacBook, des profs qui corrigent des copies devant une bière... C’est un endroit cool. On peut y déjeuner presque à toute heure, d’un sandwich au pain de sésame, tomates et mozzarella, et d’un paquet de chips de betteraves et panais. La nuit tombe à quatre heures moins dix, sur un ciel rose bonbon.

À l’Eco Café, avenue Andrassy. © 2018 Bon pour la tête / Marie Céhère

Je saute dans le métro 1, la plus ancienne ligne et ses charmants wagons jaune empire, jusqu’à l’arrêt Hősök tere. Toute la rame, occupée par doudounes, sacs à dos et appareils photos, descend là. La place des Héros. Un épais brouillard est tombé. On voit à peine à deux mètres devant soi le dallage géométrique de la place, on devine seulement, de loin, l’obélisque et les magistrales colonnades. Le monument du millénaire, érigé pour célébrer les mille ans de la présence magyare, en impose. Cavaliers moustachus, guerriers des grandes plaines, chevaux énormes couverts de fourrures, le tout drapé dans la brume et le froid qui ne semblent même pas les chatouiller. La tombe du soldat inconnu, au pied des conquérants magyars, est légèrement plus grande que sa cousine parisienne. Solennité onirique. Certains prennent des selfies, la plupart marchent la tête en l’air, se taisent. On vient ici rendre hommage à de très nobles ancêtres, se souvenir que la Hongrie est vieille de mille ans.

Aux alentours, pas de marchands de cartes postales, pas de boutiques de colifichets. Personne ne rigole avec la Hongrie millénaire, pas même les Hongrois. Surtout pas les Hongrois.

J’en ai croisé le matin-même, qui paraissaient pourtant en avoir soupé, de la Grande Hongrie et toutes ses légendes. À la librairie Atlantisz, place Deák, spécialisée dans l’import et la vente d’ouvrages américains, anglais, français, italiens, espagnols, allemands, dans la promotion des sciences humaines et dans l’ouverture européenne, large et précieuse. Entre autres curiosités et trésors introuvables en France, j’acquiers la biographie non hagiographique de Viktor Orbán par Paul Lendvai, journaliste autrichien d’origine hongroise, contributeur du Financial Times. Le libraire me conseille de payer en forints plutôt qu’en euros, le taux de change est plus avantageux. Il range mes achats dans un sac en plastique et grimace devant le Orbán. «Vous avez déniché le meilleur!». J’avais lu des papiers qui présentaient la biographie de Lendvai comme amusante, impertinente et très informée. J’avance cet argument, une sorte d’excuse à l’adresse du libraire, qui me répond du tac au tac: «Il n’y a vraiment rien de drôle, vu d’ici. Enfin, bref... » Il sourit. Ses yeux sont cernés. Il n’y a rien de drôle à tenir une librairie qui s’appelle «Atlantisz» à Budapest en 2018, oui, j’en conviens.

Achats à la librairie Atlantisz. © 2018 Bon pour la tête / Marie Céhère

Le libraire de la place Deák peut toujours courir pour trôner un jour sur la place des Héros. Il n’y tient pas, de toute façon. C’est pourtant grâce à lui, et à ses confrères et consoeurs, les éditeurs, les journalistes, les écrivains, les essayistes, les documentaristes, les cinéastes, les penseurs, les artistes, les rebelles, les ricaneurs, les curieux, la communauté sans frontières des lecteurs, que la Hongrie continue d’être grande.