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Chronique / Et Notre-Dame redevint blanche


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Beaucoup de choses ont été dites et écrites depuis le dramatique incendie qui a ravagé Notre-Dame de Paris. On a bien sûr parlé de Viollet-le-Duc, à l’origine de la flèche de la cathédrale disparue dans les flammes et à laquelle ces vers de Charles Péguy, à propos de Chartres, semblent si parfaitement s’accorder: «C’est l’épi le plus dur qui soit jamais monté/Vers un ciel de clémence et de sérénité.» On a aussi évoqué Victor Hugo – comment en serait-il autrement? Mais il y a quelqu’un dont le nom n’a pas été mentionné, c’est André Malraux (1901-1976). A qui l’on doit pourtant le nettoyage des monuments de Paris, dont Notre-Dame.



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Nous sommes en 1961. Depuis deux ans, celui que le général de Gaulle qualifiera plus tard dans ses Mémoires d’«ami génial, fervent des hautes destinés» et qui le préserve du «terre-à-terre», est à la tête d’un ministère taillé à sa mesure, les Affaires culturelles. Et pour bien marquer l’importance que la toute jeune Ve République y attache, l’auteur du Musée imaginaire a le titre de ministre d’Etat. Ses services sont installés rue de Valois, au cœur du Palais-Royal – la première séance de rédaction du Dictionnaire Malraux (CNRS, 2011) auquel j’ai collaboré se tint dans une salle du ministère, tout à côté du bureau qu’occupa l’écrivain.

Hommage à Malraux au Palais-Royal, à Paris, lors des 50 ans du ministère de la Culture. © Wikipedia

C’est le fidèle Albert Beuret, son chef de cabinet après avoir été son sergent-chef en 1940, qui raconte (Michel Lantelme, La grande pitié des monuments de France, Septentrion, 1998). Un jour, depuis le balcon de son bureau, Malraux vit des ouvriers occupés à nettoyer l’un des pilastres du Conseil d’état. C’est alors que l’idée lui vint d’entreprendre le ravalement des façades des principaux monuments de Paris, ce qui ne s’était alors jamais fait. Les plus âgés s’en souviennent; moi-même, alors petit enfant accompagnant mes parents à Paris, je me rappelle la couleur noire, due aux fumées et aux gaz de voitures, de beaucoup d’édifices: le Louvre, l’Arc de Triomphe et bien sûr Notre-Dame. Le lendemain, poursuit Beuret, le ministre en compagnie de représentants des services intéressés, se rendit place de la Concorde. Devant l’Hôtel de la Marine, deux ouvriers les attendaient avec une brouette contenant brosses et éponges. Et aussitôt, sous le regard incrédule de l’entourage du ministre, de se mettre à frotter le gros pilastre d’angle de l’édifice. L’opération de blanchiment de Paris, qui n’ira bien sûr pas sans critiques, venait de commencer.

Les ombres et les lumières des grands sculpteurs

L’écrivain s’en expliquera quelques années plus tard, en octobre 1968, à l’occasion d’un entretien au Spiegel repris dans Le Nouvel Observateur: «J'y tenais beaucoup. Vous savez, quand on a parlé de patine à propos de Paris, c'était absolument ridicule. Aucune pierre de Paris ne se patine en noir. Il suffit d'aller à Versailles, on le voit tout de suite. La pierre de Paris se patine en orange. Quand elle est noire, c'est qu'elle est sale et il n'y a pas d'autre raison. Le fait d'avoir des monuments devenus noirs privait toute la partie sculpture de ses lumières et de ses ombres: tout était en noir (…) Je faisais tout autre chose que de nettoyer. Je retrouvais les véritables ombres et les véritables lumières des grands sculpteurs, des grands architectes.» Et c’est particulièrement vrai à propos des statues de Notre-Dame, dont plusieurs sont reproduites dans Les Voix du Silence, l’un des grands textes de Malraux composant ses Ecrits sur l’art, aujourd’hui réunis dans la Bibliothèque de la Pléiade.

David, galerie des Rois de Judas, Notre-Dame de Paris, milieu du XIIIe. © Musée de Cluny

Toujours à propos de la cathédrale Notre-Dame de Paris, l’écrivain-ministre ne s’est d’ailleurs pas borné à lui faire retrouver sa couleur de pierre d’origine. Comme on le sait, sous la Convention, à la suite de la Révolution, de nombreux monuments furent mutilés. Ce fut notamment le cas de la galerie des Rois de Judas ornant la façade de Notre-Dame, avec ses vingt-huit statues, dans lesquelles les simples gens voyaient les souverains français. Aussi, lorsqu’il s’est agi de mettre à bas les symboles du despotisme, furent-elles détruites et ce qui en restait, jeté à la Seine. C’est ce que les spécialistes du patrimoine ont longtemps estimé. Et, avec eux, André Malraux qui fit draguer tout spécialement le fleuve parisien. En vain. Mais au printemps 1977, quelques mois seulement après la mort de l’écrivain, à la faveur de travaux de rénovation réalisés dans la cour de l’Hôtel Moreau, bâtiment appartenant à une banque dans le quartier de la Chaussée d’Antin – très loin donc de la Seine – était mis au jour un ensemble tout à fait exceptionnel provenant de Notre-Dame. Au total, trois cent soixante-quatre fragments sculptés, dont vingt-et-une têtes de la galerie des Rois. Sans doute un Parisien pieux, bravant la fureur iconoclaste, avait-il voulu leur offrir un dernier repos, car celles-ci avaient été soigneusement enterrées, manifestement avec respect.

Je n’ai pas oublié l’émotion qui fut la mienne à la vue de ces visages, comme arrachés à la nuit des temps, lorsqu’ils furent exposés pour la première fois, quelques mois après leur découverte. Aujourd’hui conservées au musée de Cluny, ces sculptures représentent l’expression même du recueillement et d’une vie intérieure intense. En pensant qu’on les retrouverait, André Malraux ne s’était pas trompé. 



André Malraux, Le Musée imaginaire, Gallimard «Folio essais», 2015.

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