Chronique / Barbara, la neige et moi
Louise Anne Bouchard est écrivain, scénariste, photographe. D'origine québécoise, elle vit depuis près de vingt ans sur les bords du Léman.
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Un en particulier, José, jeune quadra, chef informaticien. Je l’ai connu lorsqu’il travaillait en Suisse et que je lui enseignais le français. Le genre de type que tout le monde aime, qui sourit tout le temps, toujours entouré de potes, généreux et beau comme un dieu. Lorsqu’il est rentré à Sao Paulo, on devait être deux cent personnes à lui faire une fête d’adieu, dans une discothèque de Lausanne où il faisait DJ pour la soirée. </p><p>José et sa bande m’ont fait découvrir le cinéma brésilien, Walter Salles, Adrucha Waddington et les grandes actrices brésiliennes telle que Fernanda Torres. Il m’ont raconté l’histoire de Zuzu Angel, grande styliste brésilienne, mère d’un garçon de 20 ans, disparu pendant la dictature, et qui n’a jamais été retrouvé. Ils m’ont fait écouter la musique de Maria Gadu avant qu’elle ne devienne hyper connue. Mais ils m’ont aussi raconté les violences de ce pays, les meurtres entre enfants qui n’ont même pas dix ans, les règlements de comptes barbares, les chauffeurs de taxi braqueurs de clients, les prisons surpeuplées et insalubres, les policiers forcément corrompus, les endroits sombres des villes et des parcs où la vie n’a aucune importance ou si peu. Je suis bien évidemment invitée au Brésil chaque année. Je décline par crainte, mais j’irai bientôt, une promesse est une promesse. </p><p>Ces derniers jours on parle beaucoup de l’arrestation de Lula, ancien président du Brésil, accusé de corruption. Et je me souviens des moments forts de l'élection de Lula, homme de gauche, parce que José et sa bande m’en parlait: il n’aimait pas leur nouveau président, ne lui faisait pas confiance. Le temps a-t-il donné raison à José et à sa bande? José est né dans une favela du nord du pays. Sa famille a travaillé dur pour que les trois enfants soient scolarisés et aient droit à un bon travail. José a une sœur dentiste et un frère ingénieur. Lula naît lui aussi dans une favela, C’est un ancien cireur de chaussures quasi analphabète. S’il n’est plus cireur de chaussures, il est, paraît-il, encore quasi analphabète. Lula ne se serait jamais montré curieux de se renseigner lui-même mais se serait entouré de « conseillers » pendant sa présidence. Lula n’aurait jamais eu soif d’apprendre quoi que ce soit, se limitant d’ailleurs à ne parler uniquement que sa langue maternelle et aucune autre. Ce que Lula aime, selon mes amis brésiliens, c’est diriger, être vu. Lors de sa campagne électorale en 2002, il aurait acheté des votes, soudoyé des électeurs (environ trente francs chacun pour qu’ils aillent voter). J’hésiterais à croire mes connaissances brésiliennes si elles étaient de droite, mais voilà voilà, elles sont de gauche. José, sur FaceTime, me rappelle que Marielle Franco, activiste, sociologie diplômée et conseillère municipale, est elle aussi née dans une favela. A la différence de Lula, elle avait fait des études, s’était acharnée à croire que l’éducation pouvait changer un milieu social. Elle avait certainement raison: elle était intelligente, s’exprimait, contestait, dénonçait. C’est parce qu’elle était éduquée qu’elle a été assassinée le 14 mars dernier. La droite veut reprendre le pouvoir au Brésil, il n’y a aucune raison que Lula se fasse assassiner tant il est inoffensif. Ce que la droite veut, c’est une photo de Lula derrière les barreaux. Que l’ancien président continue de parler ne les effraie pas le moins du monde. Si un type est assez bête pour se faire offrir un appartement de luxe en pleine négociation d’un nouveau chantier, de quoi la droite aurait-elle peur? La droite craignait Marielle Franco parce que elle, elle n’a jamais été dupe ou influençable. Maintenant, tout ce que la droite espère obtenir de Lula, c’est qu’il se montre abattu et photogénique pendant son procès. 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A quelques heures de la première, il y a de la nervosité dans l’air. On ne remanie pas un texte vieux de 3000 ans sans crainte d’abîmer les héros. Dans cette version que propose Voïta, (co-écrite avec Domenico Carli) le metteur en scène a délibérément supprimé les dieux, pour responsabiliser davantage les personnages d’Homère. </p><p>Fort d’une dizaine de mises en scène, Michel Voïta aime le théâtre et les comédiens. Il considère que le jeu théâtral est un acte de désobéissance. Il se moque en sourdine des mises en scène trop lourdes et préfère un théâtre voyou, refuse la lourdeur tout en restant extrêmement exigeant. Il sait mieux que quiconque qu’un spectateur qui renonce au théâtre mettra des années à y revenir.</p><p>Il parle avec passion de ce texte d’Homère qui s’est d’abord transmis dans l’oralité. Me rappelle au passage que les gens ont perdu en mémoire lorsqu’ils se sont mis à lire. 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Depuis l’automne dernier, Phanee de Pool n’a cessé de se produire sur scène, de faire la promotion de son album Hologramme. Et depuis décembre, c’est uniquement en concert qu’elle dégaine. Elle trouve encore le temps d’écrire des textes que nous aurons l’occasion de découvrir sur son prochain album en préparation. Elle écrit tout le temps et rapidement, au café, chez elle, en déplacement. Capable de s’isoler mentalement au milieu de la foule ou pendant des soirées pleine de monde. On appelle cela savoir gérer son stress. Et pour ce faire, on peut dire que Fanny Diercksen est allée à la bonne école. </p><h3>Les miettes du déjeuner<br></h3><p><em>Des miettes sur le canapé</em>, <em>Luis Mariano</em>, sont des textes d’une grande originalité qui ont été habillés de clips qui le sont tout autant. Chansons soutenues par des accords rythmés et le timbre de voix particulier de cette auteur-compositeur. Aujourd’hui, tout passe par la toile, les réseaux, et pour retenir l’attention, il faut se faire remarquer: c’est fait, c’est beau. On regarde, on écoute une fois, et on n’oublie pas. Ni les paroles, ni l’image. Des clips qui détonnent, mis en scène et montés par la boîte de production Imajack. Lorsque je lui demande comment elle définirait son genre de musique elle me répond qu’elle a créé un néologisme pour se définir: elle fait du SLAP, mélange de slam et de rap. Elle vient de s’essayer à la reprise et nous livre sur la toile «Déjeuner en paix» repas qu’on a envie de prendre avec elle, tant elle a su y mêler gravité et humour.</p><p><iframe src="https://www.youtube.com/embed/Ak19hiGAtGU" allow="autoplay; encrypted-media" allowfullscreen="" width="560" height="315" frameborder="0"></iframe>Depuis qu’elle a décidé de faire carrière uniquement dans la musique, tout est allé très vite: Paris, Lyon, nombreux concerts en Suisse, résidence, et puis la Corée en mars. Là, maman risque à nouveau de faire des cauchemars, parce que depuis quelques mois Trump et Moon Jae-in s’amusent à «Je te tiens, tu me tiens par la barbichette». Phanee de Pool est invitée en Corée pour le festival Mars en Folie, qui réunit de nombreux artistes planétaires. Une dizaine de jours à circuler dans les villes d’un pays fan de musique et de nouveautés: les Sud-Coréens vont être bien servis. Phanee de Pool se produira à Séoul, entre autres. </p><h3>Quotidien noir et fantaisie</h3><p>Celle qui avoue ne pas aimer la littérature en éclatant de rire (la lecture de <em>Germinal</em> a été une véritable torture pour elle) est aujourd’hui citée par les auteurs: ses textes servent parfois d’exergue aux écrivains d’ici. Mélange de poésie et de réalisme, heureux amalgame du quotidien noir et de la fantaisie.</p><p>Enfin elle vient d’être nominée (en si peu de temps) au Swiss Music Awards, dans la catégorie <em>Best Female Solo</em>. 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Les scénarii s’enchaînent dans différentes maisons de productions Sa rencontre avec Pauline Gygax et Max Karli de Rita Productions a été déterminante au niveau de sa carrière: on lui confie le remaniement d’une série qui deviendra un grand succès, Heidi. </p><p>La dernière réussite de Stéphane Mitchell c’est incontestablement <em>Quartier des Banques</em>, diffusé récemment sur la RTS, où elle a dirigé un pool de six scénaristes-dialoguistes menant à bon port une histoire de secret bancaire qui a nécessité quinze mois de travail. Ardu le travail de scénariste? Oui, et dans l’ombre. Deux fois plus difficile lorsqu’il s’agit de travailler pour une coproduction où l’histoire devra plaire à des investisseurs multiples. Les scénaristes ont la vie dure dans le milieu du cinéma ou de la télévision. Car si une série ne rencontre pas son public la faute sera attribuée à la vacuité du scénario par contre, si elle s’avère être un succès, le mérite reviendra aux acteurs et à la réalisation, en oubliant commodément qu’un projet démarre sur papier. </p><p><em>Quartier des Banques</em> c’est une idée originale de Jean-Marc Fröhle qui contacte la scénariste en 2013 en lui demandant de lire Les 600 milliards qui manquent à la France d’Antoine Peillon, publié au Seuil. Comme Stéphane Mitchell n’appartient pas au monde de la finance, elle creuse, cherche, s’informe et s’entoure de six scénaristes dialoguistes pour écrire les six épisodes à succès. <em>Quartier des Banques </em>a demandé quinze mois d’écriture et de nombreuses réécritures avant le premier jour de tournage. Cela en valait la peine: l’intrigue tient la route, les personnages sont plus que crédibles au centre du secret bancaire de la famille Grangier. La série a connu un tel engouement qu’elle sera bientôt doublée en italien et en allemand. Et on parle d’un remake américain. <br></p><h3>Gare à vous si vous n'utilisez pas le bon terme<br></h3><p>On ne peut parler de <em>Quartier des Banques</em> sans parler de sa protagoniste principale Elizabeth Grangier interprétée à l’écran par Laura Sepul. C’est que Stéphane Mitchell est féministe, militante, croit au destin des femmes fortes qui dévient de la trajectoire familiale et sociale lorsque les conventions ne leur plaisent pas. Comme sa protagoniste Stéphane Mitchell a un parcours atypique et pluridisciplinaire. Elle est dramaturge, consultante sur scénario, a un projet de réalisation, et a trouvé le temps de rédiger un mémoire de maîtrise à l’université de Genève qui traite de l’identité de genre. Gare à vous si vous n’utilisez pas le bon terme lorsque vous vous exprimez à propos de ce qui touche au féminisme ou à l’identité: j’en ai fait les frais avec elle sur les réseaux sociaux, mais dans un échange des plus respectueux. Mitchell corrige, rectifie, argumente, précise. On la devine comme ça Stéphane Mitchell: précise, passionnée, militante, inquiète et efficace. </p><p>Il n’est pas étonnant que Stéphane Mitchell aime les réalisations de Jane Campion et son écriture. Jane Campion a été une des premières réalisatrices à donner aux femmes des rôles qui les sortaient des carcans que l’on avaient dessinés pour elles pendant des décennies. </p><p>Je ne peux évidemment pas terminer mon face-à-face avec elle sans lui demander s’il y aura une suite à <em>Quartier des Banques</em>, puisqu’au dernier épisode Vincent Kucholl ouvre finalement les yeux mais sans dire un mot. Tout dépendra du résultat de la votation de mars prochain, en faveur ou en défaveur de «No Billag». Les projets sont en suspens jusqu’au printemps. Rien ne bouge d’ici là. Tout peut s’effondrer question financement pour la RTS ou redémarrer. Stéphane Mitchell garde espoir. Et nous aussi. </p><p></p><hr><p></p><h4>*Quartier des Banques est disponible en DVD <a href="https://www.rts.ch/fiction/8705876--quartier-des-banques-notre-nouvelle-serie-tv.html">sur le site de la RTS</a>. <br></h4>', 'content_edition' => null, 'slug' => 'stephane-mitchell-la-scenariste-derriere-le-quartier-des-banques', 'headline' => false, 'homepage' => 'col-md-6', 'like' => (int) 1080, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 698, 'homepage_order' => (int) 704, 'original_url' => null, 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 3, 'person_id' => (int) 2583, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' } ] $embeds = [] $images = [] $audios = [] $comments = [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Comment) { 'id' => (int) 287, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'status' => 'ACCEPTED', 'comment' => '..ayant aussi eu la chance de croiser dans la région, en toute discrétion, cette citoyenne du monde dont le talent et l'humanisme illuminent même les rencontres... fortuites les plus brèves, j'ai beaucoup apprécié votre récit ! 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J’ai recommencé à courir. Après avoir arrêté pendant près de cinq ans. Je ne dis pas que ce sera NewYork au printemps ou que j’ai commandé mon dossard pour Marathon à l’automne, mais j’ai recommencé. Tout mon budget de la semaine est passé dans du Voltaren. Et puis côté élégance, lorsque je marche, c’est moyen.
Je cours en forêt, près du lac puis je vais dans les hauteurs de la ville, et je passe devant la maison où a habité Barbara Hendricks pendant des années. J’ai croisé cette femme extraordinaire à quelques reprises. Vous savez, c’est le genre de femme intimidante pour la groupie discrète que je suis, et vous découvrez qu’elle, cette diva, c’est une femme timide, qui préfère ne pas être reconnue.
La première fois que je l’ai vue, elle déposait des cartons dans sa voiture. Elle portait un kimono fleuri, elle avait les cheveux lâche et lorsqu’elle m’a vue courir, elle a baissé la tête et les yeux. J’aurais pu m’arrêter. Lui dire mon admiration, repartir au pas de course, mais j’ai respecté. Je me suis juste retournée pour la voir encore et j’ai vu qu’elle affichait un petit sourire de gratitude, comme pour me remercier de ne pas l’avoir importunée. C’était bien elle, et le moindre doute a été emporté lorsque j’ai vu arriver son grand mari suédois qui apportait aussi des cartons.
Sa voix, sa douceur, son parcours, son enfance pauvre, les adolescents qu’elle a vus mourir autour d’elle alors qu’elle était encore toute petite, son immense talent et son parcours de combattante. L’avoir entendu raconter dans une interview qu’en Arkansas les Noirs pouvaient acheter de l’essence dans les stations service, mais qu’ils ne pouvaient pas utiliser les toilettes. L’entendre dire cela sans rage, sans rancune: ce sont des discours de femmes comme elle qui me viennent en tête lorsque la vie me malmène. Barbara Hendricks, j’aurais voulu l’écouter à La Scala, j’aurais voulu la voir davantage en concert à Montreux, où elle illuminait la scène de sa voix et de son charisme. J’aimerais la photographier lorsqu’elle défend des causes humanitaires, lorsqu’elle parle aux enfants, bref, un modèle pour moi. Et pour bien d’autres j’imagine.
Ce soir, c’est la deuxième neige en plaine. C’est beau comme c’est pas possible. Je m’arrête devant sa maison pour reprendre mon souffle et regarder cette belle et vaste demeure. Barbara Hendricks a déménagé, et je ne sais pas où elle habite, en Suisse quelque part. Mais cette maison me rappelle toujours la dernière fois où je l’ai vue dans la rue Chantemerle. C’était une belle journée d’automne et elle était encore près de sa sa voiture. Cette fois, en me regardant monter cette rue en courant, elle m’avait regardée en souriant, beaucoup. Je m’étais demandé si ma manière de courir avait quelque chose de drôle: mais non, ce sourire-là, c’était de la bienveillance puissance quatre. L’air de dire, ne lâchez rien, continuez! Lorsque je suis passée près d’elle, je lui ai rendu son sourire et je l’ai remerciée avec les yeux pour les encouragements muets. Puis quelques mètres plus loin j’ai entendu qu’elle disait quelque chose, à voix très forte. Je me suis retournée. Elle avait les mains en porte-voix, le visage joyeux, une allure sublime malgré ses vêtements d’intérieur, et elle criait tout simplement «Bonne journée à vous!» Elle me remerciait là, de ne jamais m’être arrêtée près d’elle. Elle me remerciait magnifiquement de l’avoir respectée. Je pense à ce moment-là très souvent.
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Un en particulier, José, jeune quadra, chef informaticien. Je l’ai connu lorsqu’il travaillait en Suisse et que je lui enseignais le français. Le genre de type que tout le monde aime, qui sourit tout le temps, toujours entouré de potes, généreux et beau comme un dieu. Lorsqu’il est rentré à Sao Paulo, on devait être deux cent personnes à lui faire une fête d’adieu, dans une discothèque de Lausanne où il faisait DJ pour la soirée. </p><p>José et sa bande m’ont fait découvrir le cinéma brésilien, Walter Salles, Adrucha Waddington et les grandes actrices brésiliennes telle que Fernanda Torres. Il m’ont raconté l’histoire de Zuzu Angel, grande styliste brésilienne, mère d’un garçon de 20 ans, disparu pendant la dictature, et qui n’a jamais été retrouvé. Ils m’ont fait écouter la musique de Maria Gadu avant qu’elle ne devienne hyper connue. Mais ils m’ont aussi raconté les violences de ce pays, les meurtres entre enfants qui n’ont même pas dix ans, les règlements de comptes barbares, les chauffeurs de taxi braqueurs de clients, les prisons surpeuplées et insalubres, les policiers forcément corrompus, les endroits sombres des villes et des parcs où la vie n’a aucune importance ou si peu. Je suis bien évidemment invitée au Brésil chaque année. Je décline par crainte, mais j’irai bientôt, une promesse est une promesse. </p><p>Ces derniers jours on parle beaucoup de l’arrestation de Lula, ancien président du Brésil, accusé de corruption. Et je me souviens des moments forts de l'élection de Lula, homme de gauche, parce que José et sa bande m’en parlait: il n’aimait pas leur nouveau président, ne lui faisait pas confiance. Le temps a-t-il donné raison à José et à sa bande? José est né dans une favela du nord du pays. Sa famille a travaillé dur pour que les trois enfants soient scolarisés et aient droit à un bon travail. José a une sœur dentiste et un frère ingénieur. Lula naît lui aussi dans une favela, C’est un ancien cireur de chaussures quasi analphabète. S’il n’est plus cireur de chaussures, il est, paraît-il, encore quasi analphabète. Lula ne se serait jamais montré curieux de se renseigner lui-même mais se serait entouré de « conseillers » pendant sa présidence. Lula n’aurait jamais eu soif d’apprendre quoi que ce soit, se limitant d’ailleurs à ne parler uniquement que sa langue maternelle et aucune autre. Ce que Lula aime, selon mes amis brésiliens, c’est diriger, être vu. Lors de sa campagne électorale en 2002, il aurait acheté des votes, soudoyé des électeurs (environ trente francs chacun pour qu’ils aillent voter). J’hésiterais à croire mes connaissances brésiliennes si elles étaient de droite, mais voilà voilà, elles sont de gauche. José, sur FaceTime, me rappelle que Marielle Franco, activiste, sociologie diplômée et conseillère municipale, est elle aussi née dans une favela. 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A quelques heures de la première, il y a de la nervosité dans l’air. On ne remanie pas un texte vieux de 3000 ans sans crainte d’abîmer les héros. Dans cette version que propose Voïta, (co-écrite avec Domenico Carli) le metteur en scène a délibérément supprimé les dieux, pour responsabiliser davantage les personnages d’Homère. </p><p>Fort d’une dizaine de mises en scène, Michel Voïta aime le théâtre et les comédiens. Il considère que le jeu théâtral est un acte de désobéissance. Il se moque en sourdine des mises en scène trop lourdes et préfère un théâtre voyou, refuse la lourdeur tout en restant extrêmement exigeant. Il sait mieux que quiconque qu’un spectateur qui renonce au théâtre mettra des années à y revenir.</p><p>Il parle avec passion de ce texte d’Homère qui s’est d’abord transmis dans l’oralité. Me rappelle au passage que les gens ont perdu en mémoire lorsqu’ils se sont mis à lire. 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Aujourd’hui, tout passe par la toile, les réseaux, et pour retenir l’attention, il faut se faire remarquer: c’est fait, c’est beau. On regarde, on écoute une fois, et on n’oublie pas. Ni les paroles, ni l’image. Des clips qui détonnent, mis en scène et montés par la boîte de production Imajack. Lorsque je lui demande comment elle définirait son genre de musique elle me répond qu’elle a créé un néologisme pour se définir: elle fait du SLAP, mélange de slam et de rap. Elle vient de s’essayer à la reprise et nous livre sur la toile «Déjeuner en paix» repas qu’on a envie de prendre avec elle, tant elle a su y mêler gravité et humour.</p><p><iframe src="https://www.youtube.com/embed/Ak19hiGAtGU" allow="autoplay; encrypted-media" allowfullscreen="" width="560" height="315" frameborder="0"></iframe>Depuis qu’elle a décidé de faire carrière uniquement dans la musique, tout est allé très vite: Paris, Lyon, nombreux concerts en Suisse, résidence, et puis la Corée en mars. Là, maman risque à nouveau de faire des cauchemars, parce que depuis quelques mois Trump et Moon Jae-in s’amusent à «Je te tiens, tu me tiens par la barbichette». Phanee de Pool est invitée en Corée pour le festival Mars en Folie, qui réunit de nombreux artistes planétaires. Une dizaine de jours à circuler dans les villes d’un pays fan de musique et de nouveautés: les Sud-Coréens vont être bien servis. Phanee de Pool se produira à Séoul, entre autres. </p><h3>Quotidien noir et fantaisie</h3><p>Celle qui avoue ne pas aimer la littérature en éclatant de rire (la lecture de <em>Germinal</em> a été une véritable torture pour elle) est aujourd’hui citée par les auteurs: ses textes servent parfois d’exergue aux écrivains d’ici. Mélange de poésie et de réalisme, heureux amalgame du quotidien noir et de la fantaisie.</p><p>Enfin elle vient d’être nominée (en si peu de temps) au Swiss Music Awards, dans la catégorie <em>Best Female Solo</em>. 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Les scénarii s’enchaînent dans différentes maisons de productions Sa rencontre avec Pauline Gygax et Max Karli de Rita Productions a été déterminante au niveau de sa carrière: on lui confie le remaniement d’une série qui deviendra un grand succès, Heidi. </p><p>La dernière réussite de Stéphane Mitchell c’est incontestablement <em>Quartier des Banques</em>, diffusé récemment sur la RTS, où elle a dirigé un pool de six scénaristes-dialoguistes menant à bon port une histoire de secret bancaire qui a nécessité quinze mois de travail. Ardu le travail de scénariste? Oui, et dans l’ombre. Deux fois plus difficile lorsqu’il s’agit de travailler pour une coproduction où l’histoire devra plaire à des investisseurs multiples. Les scénaristes ont la vie dure dans le milieu du cinéma ou de la télévision. Car si une série ne rencontre pas son public la faute sera attribuée à la vacuité du scénario par contre, si elle s’avère être un succès, le mérite reviendra aux acteurs et à la réalisation, en oubliant commodément qu’un projet démarre sur papier. </p><p><em>Quartier des Banques</em> c’est une idée originale de Jean-Marc Fröhle qui contacte la scénariste en 2013 en lui demandant de lire Les 600 milliards qui manquent à la France d’Antoine Peillon, publié au Seuil. Comme Stéphane Mitchell n’appartient pas au monde de la finance, elle creuse, cherche, s’informe et s’entoure de six scénaristes dialoguistes pour écrire les six épisodes à succès. <em>Quartier des Banques </em>a demandé quinze mois d’écriture et de nombreuses réécritures avant le premier jour de tournage. Cela en valait la peine: l’intrigue tient la route, les personnages sont plus que crédibles au centre du secret bancaire de la famille Grangier. La série a connu un tel engouement qu’elle sera bientôt doublée en italien et en allemand. Et on parle d’un remake américain. <br></p><h3>Gare à vous si vous n'utilisez pas le bon terme<br></h3><p>On ne peut parler de <em>Quartier des Banques</em> sans parler de sa protagoniste principale Elizabeth Grangier interprétée à l’écran par Laura Sepul. C’est que Stéphane Mitchell est féministe, militante, croit au destin des femmes fortes qui dévient de la trajectoire familiale et sociale lorsque les conventions ne leur plaisent pas. Comme sa protagoniste Stéphane Mitchell a un parcours atypique et pluridisciplinaire. Elle est dramaturge, consultante sur scénario, a un projet de réalisation, et a trouvé le temps de rédiger un mémoire de maîtrise à l’université de Genève qui traite de l’identité de genre. Gare à vous si vous n’utilisez pas le bon terme lorsque vous vous exprimez à propos de ce qui touche au féminisme ou à l’identité: j’en ai fait les frais avec elle sur les réseaux sociaux, mais dans un échange des plus respectueux. Mitchell corrige, rectifie, argumente, précise. On la devine comme ça Stéphane Mitchell: précise, passionnée, militante, inquiète et efficace. </p><p>Il n’est pas étonnant que Stéphane Mitchell aime les réalisations de Jane Campion et son écriture. Jane Campion a été une des premières réalisatrices à donner aux femmes des rôles qui les sortaient des carcans que l’on avaient dessinés pour elles pendant des décennies. </p><p>Je ne peux évidemment pas terminer mon face-à-face avec elle sans lui demander s’il y aura une suite à <em>Quartier des Banques</em>, puisqu’au dernier épisode Vincent Kucholl ouvre finalement les yeux mais sans dire un mot. Tout dépendra du résultat de la votation de mars prochain, en faveur ou en défaveur de «No Billag». Les projets sont en suspens jusqu’au printemps. Rien ne bouge d’ici là. Tout peut s’effondrer question financement pour la RTS ou redémarrer. Stéphane Mitchell garde espoir. Et nous aussi. </p><p></p><hr><p></p><h4>*Quartier des Banques est disponible en DVD <a href="https://www.rts.ch/fiction/8705876--quartier-des-banques-notre-nouvelle-serie-tv.html">sur le site de la RTS</a>. <br></h4>', 'content_edition' => null, 'slug' => 'stephane-mitchell-la-scenariste-derriere-le-quartier-des-banques', 'headline' => false, 'homepage' => 'col-md-6', 'like' => (int) 1080, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 698, 'homepage_order' => (int) 704, 'original_url' => null, 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 3, 'person_id' => (int) 2583, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' } ] $embeds = [] $images = [] $audios = [] $comments = [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Comment) { 'id' => (int) 287, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'status' => 'ACCEPTED', 'comment' => '..ayant aussi eu la chance de croiser dans la région, en toute discrétion, cette citoyenne du monde dont le talent et l'humanisme illuminent même les rencontres... fortuites les plus brèves, j'ai beaucoup apprécié votre récit ! 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2 Commentaires
@Mapomme 20.01.2018 | 17h50
«..ayant aussi eu la chance de croiser dans la région, en toute discrétion, cette citoyenne du monde dont le talent et l'humanisme illuminent même les rencontres... fortuites les plus brèves, j'ai beaucoup apprécié votre récit !
Mapomme»
@voilavoila 04.03.2018 | 08h47
«RAVISSANT !»