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<p style="text-align: center;">Un essai de <a href="https://www.republik.ch/~graf">Daniel Graf</a> , publié le 10 janvier 2020 sur le site d'information <a href="https://www.republik.ch/2020/01/10/welches-links" target="_blank" rel="noopener">Republik</a> et traduit par <strong>Marta Czarska</strong>.</p>
<hr />
<h3><strong>L’échauffement</strong></h3>
<p>Représentons-nous, l’espace d’un instant, <strong>la social-démocratie comme un joueur de football</strong>. Appelons-le Rainer. Jadis, au XX<sup>e</sup> siècle, Rainer était le grand chouchou du public du<em> FC Gauche</em>. Il portait le maillot rouge avec le logo du club «SOCIAL» avec la même fierté que jadis son père, et les fans du FC Gauche avaient à cœur la même chose que lui: être au taquet. Esprit d’équipe. Boulettes et bière.</p>
<p>Et puis, juste lorsqu'il avait déjà fait subir quelques défaites historiques au <em>Club Capital</em>, arrivait sur le banc d'entraineur ce Schröderblair qui modifia la tactique. Rainer et les gars devaient soudain passer au jaune, et le logo avec la devise «SOCIAL» était banni du jeu et n’était plus exhibé que comme médaille d’honneur le dimanche dans le salon des VIP. Rainer dirait aujourd’hui: étonnamment tard, les fans commencèrent à se détourner de lui et de son équipe, et de plus en plus de supporters ajoutaient sur le logo un A devant le slogan et un point d'exclamation derrière. C’était un coup au cœur, mais Rainer pouvait comprendre les gens: bon sang, ils avaient bien raison. Il n’était pas le seul à vouloir récupérer son maillot rouge.</p>
<p>Quelques changements d'entraineurs plus tard et après une interminable série de défaites, il était enfin temps d’imprimer le slogan en gras sur le maillot. Mais entretemps, le monde avait changé, tout comme le FC Gauche.</p>
<p>Une autre équipe d’alors, qui jouait jadis 3 ligues plus bas en <strong>maillot vert</strong> avec le risible slogan «CLIMAT», était soudain devenue leur égale, se démarquant même mieux dans certains tournois. Et cela malgré le fait que, certains disaient même: <em>parce que</em>, il y avait bien plus de <strong>femmes</strong> dans l’équipe.</p>
<p>Et les fans? Ils ne parlaient plus que des verts. Les mêmes qui, avant, à chaque match de coupe, s’excitaient au stade ou devant leurs écrans au cri de guerre «SOCIAL - en finale!», préféraient désormais enfiler les maillots de l’équipe «CLIMAT». Juste parce que le climat était soudain devenu un bon filon.</p>
<p>Mais une chose troublait vraiment Rainer. Il y avait aussi cette équipe, les <strong>multicolores</strong>. Ils étaient soudain partout avec leur maillots arc-en-ciel, même si le terme «politique identitaire» semblait déjà être délirant, en tout cas après les boulettes et la bière, et surtout pas comme quelque chose qui pouvait faire rimer match de barrage avec un cri de guerre convenable.</p>
<p>Mais d’où venez-vous donc? demandait Rainer, et les multicolores répondaient: nous sommes là depuis longtemps, mais avant, nous ne pouvions être que spectateurs, mais maintenant nous aussi, nous participons volontiers au jeu. Naturellement, les multicolores l'exprimaient en vérité d'une façon bien plus compliquée et récoltaient aussi les applaudissement des maillots verts. Même certains des anciens fans de Rainer exultaient. De même que les rouges de l’équipe des juniors.</p>
<p>Non, Rainer n'avait au fond rien contre les verts et rien non plus contre les multicolores, mais lorsqu’il s’asseyait avec les hommes de jadis, avec ceux qui ne faisaient pas flotter leur bannière sous ce nouveau vent, ils étaient bien tous d'accord sur une chose. Il faudrait à nouveau se concentrer sur l’essentiel, il faudrait crier haut et fort: <em>question sociale au lieu du bla-bla identitaire!</em></p>
<p>A ce stade, alors que l'histoire de Rainer n'est pas terminée, vous criez, chers lecteurs, de votre côté de l’écran: Assez de ces bêtises! Ce ne sont que des fractions artificielles!</p>
<p>Vous voyez, on s’est compris.</p>
<h3><strong>Premier match: question sociale et identité</strong></h3>
<p>Si la gauche politique veut survivre dans cette nouvelle décennie, elle ferait bien de considérer quelques débats sectaires stériles de ces derniers temps comme une «phase d’orientation» et les reléguer loin d'elle, dans la chronique des années 2010. Cela vaut surtout pour la formule «Question sociale vs. X».</p>
<p>Oui, face à l’éclatante inégalité sociale et après des décennies de destruction néolibérale, elle a d’urgence besoin d’un contre-programme politique. Mais une politique qui veut jouer <em>exclusivement</em> sur la<strong> lutte des classes</strong> est dépassée.</p>
<p>Aujourd’hui, la politique de gauche sera jaugée à l'aune de sa résolution de trois grandes questions actuelles: la question sociale, la crise climatique et les diverses problématiques de justice réunies sous le label «politique identitaire». Et si l’on observe par exemple le PS suisse, les Verts européens ou la fraction Kipping-Bartsch de la gauche allemande, si l’on écoute les activistes de <em>Fridays for Future</em>, les nouvelles voix du SPD ou les institutions apolitiques <a href="http://www.denknetz.ch/">en Suisse</a> et <a href="https://www.solidarische-moderne.de/">en Allemagne</a> on peut dire: bien des gens l’ont compris depuis longtemps déjà.</p>
<p><strong>Bien sûr, il faut et on doit débattre de ce que la politique de gauche signifie aujourd’hui. Mais au lieu de débattre continuellement sur le mode du «soit/soit», on pourrait pour une fois à nouveau s’interroger sur le joli petit mot «et».</strong></p>
<p>Aucun des grands débats de ces derniers temps n’en était plus éloigné, aucun ne fût mené avec tant d’ardeur que le duel décisif, plus que stérile, portant le nom «question sociale ou politique identitaire de gauche?». Comme s’il fallait, pour réaliser l’une, abandonner l'autre. Et comme si l’inégalité sociale et les diverses formes de discrimination n’étaient pas toutes deux des défis complexes qui nécessitent des réponses intelligentes au lieu de jouer l’un contre l’autre.</p>
<p><em>Republik</em> a pris position <a href="https://www.republik.ch/dossier/identitaetspolitik">régulièrement dans ce débat</a>, essayé d’ouvrir des perspectives <a href="https://www.republik.ch/2019/02/16/ueberall-identitaeten">au-delà des fausses oppositions</a> et <a href="https://www.republik.ch/2019/08/17/wer-hat-angst-vorm-zuhoeren">expliqué en détail</a> pourquoi le tapage généralisé autour du <em>politiquement correct</em> et la politique identitaire de gauche sont condamnés à l’échec même s’ils proviennent de la gauche. (Du côté de la droite, ce genre de débat semble se limiter à un copier/coller de la même polémique.)</p>
<p>Comme il n’y a pas grand-chose à y ajouter, juste deux remarques sur les reproches courants faits à la politique identitaire.</p>
<p>L’objection numéro 1 sonne en substance ainsi: la politique identitaire est le terrain de jeu d’égocentriques qui élèvent les soucis personnels d’une <strong>minorité</strong> au-delà de la <strong>société</strong>.</p>
<p>En fait, c'est tout le contraire. La société majoritaire laisse bien trop souvent aux minorités (par exemple aux femmes) le soin d’attirer l'attention sur les expériences réelles de discrimination, les menaces tangibles, la violence verbale et physique au sein de notre société, au lieu de s’y opposer activement à leurs côtés lorsque les valeurs élémentaires de <em>notre communauté à tous</em> sont touchées.</p>
<p>Il dépend de nous que la politique identitaire d’émancipation soit le problème d’un Moi directement concerné ou qu’elle soit comprise comme une éthique du Toi - en lien avec la question de savoir comment nous voulons vivre. Les luttes contre le racisme, l’antisémitisme, la misogynie, l’homophobie et la transphobie ne sont pas des intérêts de particuliers, mais nous rappellent les promesses fondamentales de notre <strong>démocratie</strong>, en permanence attaquées et minées. Une politique de la gauche qui ne transmet pas suffisamment qu’elle y est attachée n’aura pas d’avenir, même si elle pose les bonnes questions sociopolitiques - voir Corbyn, voir l’échec du mouvement allemand «Aufstehen».</p>
<p>Reproche numéro 2: La politique identitaire promeut la culture de la révolte et la pensée manichéenne, aussi parce qu’elle est défendue aveuglement à gauche, sans jamais être critiquée.</p>
<p>En vérité, le débat s'accompagne depuis des années d’une critique constante et différenciée, comme on peut le voir dans les livres de <a href="https://www.hanser-literaturverlage.de/buch/identitaeten-die-fiktionen-der-zugehoerigkeit/978-3-446-26416-8/">Kwame Anthony Appiah</a>, <a href="https://www.suhrkamp.de/buecher/wir-tristan_garcia_58724.html">Tristan Garcia</a> ou dans le recueil très recommandable «<a href="https://www.verbrecherverlag.de/book/detail/985">Trigger Warnung</a>». Le trio d’éditeurs de ce dernier, Eva Berendsen, Saba-Nur Cheema et Meron Mendel, font la distinction entre les enjeux principaux de la politique identitaire, dont ils ne remettent pas en question la pertinence, et un courant qu’ils décrivent comme «<em>une politique identitaire vulgaire aux accents fondamentalistes</em>». Ils entendent par là, par exemple, <strong>des règles de langage dogmatiques</strong>, qui ne permettent plus qu’une seule représentation adéquate d'expression, peu importe quel soit le niveau de formation des locuteurs et l’intention de leur discours. On empêche ainsi des partisans potentiels, qui n’auront pas suivi toute la réflexion académique sous-jacente, de prendre la parole - un très mauvais service à se rendre.</p>
<p>Ainsi, contrairement aux tentatives hostiles de délégitimation, la <em>critique solidaire</em> est constructive. Elle critique, lorsque des questions légitimes sont invoquées par des moyens problématiques, elle nuance les analyses et les arguments, elle s’efforce d’écouter et de poursuivre la réflexion. Tandis que les polémistes de droite sont avides de cas extrêmes et sensationnels, dans le très évident but de discréditer, grâce à une caricature instrumentalisée, la politique identitaire de gauche en tant que telle.</p>
<p>On y reconnait une stratégie pour s’assurer quelques privilèges et détourner la critique des rapports de force dominants. La gauche classique devrait pouvoir reconnaitre de telles stratégies. Mais lorsque les opposants de gauche à la politique identitaire opposent la question sociale aux problématiques antiracistes et antisexistes, ils font le jeu de la droite et les aident à appliquer le principe du «diviser pour régner». Ils oublient que la question de la justice a de nombreuses facettes, pas seulement économiques.</p>
<p>Et pourquoi donc, demandent Emma Dowling, Silke van Dyk et Stefanie Graefe <a href="https://www.prokla.de/index.php/PROKLA/article/view/69">dans un excellent essai</a>, les problèmes des travailleurs blancs de sexe masculin relèvent de la lutte des classes, tandis que «les luttes des femmes, des noirs ou des gays/lesbiennes» sont artificiellement écartées de la question sociale en étant qualifiées de «luttes de politique identitaire»?</p>
<p>L’inégalité et la marginalisation ont aussi souvent des conséquences économiques tangibles, comme dans le fameux exemple de l’inégalité des revenus entre hommes et femmes. Comme il est déjà impossible de séparer les questions sociales et identitaires dans la vie d’une travailleuse de couleur, le défi consiste à réfléchir à la complexité de telles délimitations et à se demander quelles solutions politiques doivent y être apportées. Sans oublier qu’une gauche moderne devrait être en mesure de répondre aux questions de justice de tous ceux qui <em>n’appartiennent pas</em> à la classe des travailleurs.</p>
<p>Bref, face à la réalité d’une société pluraliste, la gauche ferait bien de se comprendre comme la «<a href="https://www.republik.ch/2018/11/20/das-ende-der-sozialdemokratie">voix de tous les défavorisés</a>», au lieu de créer inutilement, dans une logique de concurrence, ou même d'exclusion, des barrières entre les diverses problématiques. Ce n'est qu’en abandonnant l’alternative entre politique sociale et politique identitaire qu’une discussion sensée sur les défis politiques identitaires pourra avoir lieu, sur des questions de faits politiques concrètes, mais aussi en prenant en compte l’opinion publique démocratique et la culture du débat.</p>
<p>Par qu’il faut bien le dire, les débats de la politique identitaire n’ont souvent pas lieu au niveau strictement politique, à savoir dans le cadre de la législation et des décisions parlementaires. Ils traitent aussi de questions de société et de culture, comme pour la féminisation des substantifs ou des disputes sur l’appropriation culturelle dans l'art. La gauche ne devrait ni s'en détourner, en la considérant comme apolitique, ni se dépenser à fond dans cette partie du débat.</p>
<p>En effet, même en étant un partisan convaincu d’un langage politiquement correct, on peut se demander jusqu’où une dispute à propos d'un choix terminologique doit aller, et se rappeler par la même occasion que l’engagement pour les mêmes principes fondamentaux devrait aussi valoir pour les initiatives législatives et la lutte pour les droits politiques. Pour renforcer les minorités par exemple, outre un langage respectueux, le droit de vote. Car c'est <a href="https://www.republik.ch/2019/10/18/schweiz-du-hast-ein-demokratieproblem">un défaut notable de la démocratie</a>, que des personnes étrangères qui vivent depuis des années dans un pays et l’ont depuis longtemps choisi comme le leur, n’aient pas de droits politiques.</p>
<p>C'est donc aussi une question de <strong>politisation de la politique identitaire</strong>. Et des priorités dans le choix des moyens. Cela suppose avant tout qu’il ne faut pas constamment revoir la légitimité fondamentale des questions de politique identitaire.</p>
<p>En outre, comme on peut aussi le lire dans «Trigger Warnung», il nous faut d’urgence une culture de la <strong>tolérance</strong> des erreurs pour contrecarrer une culture de l’<strong>indignation</strong> dogmatique et éviter l’apologétique.</p>
<p>Cela aussi est plus une question culturelle que strictement politique. Mais une politique favorablement perçue et l’identification à une offre politique ne naissent pas seulement grâce à un programme. Il est dès lors essentiel pour la gauche, à une époque où la nouvelle droite menace notre démocratie, de toujours préciser: «<em>Nous sommes résolument opposés à toute forme de misanthropie à l’égard de groupes. Il ne faut pas compter sur nous pour monter les uns contre les autres. Pas même quand nous posons la question sociale</em>».</p>
<h3><strong>Deuxième match: Climat et justice</strong></h3>
<p>Comparés à la dispute identitaire, les conflits entre politique sociale et politique climatique sont jusqu’à présent restés décents. L’écologie fait depuis trop longtemps partie du programme fondamental des partis de gauche, les rouges et les verts sont depuis trop longtemps des partenaires politiques, pour qu’il y ait à craindre ici des incompatibilités catégoriques et sérieuses.</p>
<p>Et pourtant, une tension latente se manifeste tant dans les questions de faits que dans le quotidien de la concurrence entre partis. Les sociaux-démocrates ne peuvent pas être indifférents aux échecs électoraux qu’ils encaissent coup sur coup au niveau européens alors que les Verts ont le vent en poupe, aussi grâce à des voix jadis rouges. «A gauche, peu importe pour qui» n’est un slogan porteur pour aucun parti politique.</p>
<p>En Suisse, où les sociaux-démocrates ont déjà un fort profil écologique, où le rapport des forces entre PS et les Verts est stable et les transferts des électeurs sont moindre qu’ailleurs, le regroupement est encore relativement léger. En Allemagne, par contre, malgré un bilan récent misérable, le parti des écologistes, encore considéré comme pionnier du mouvement climatique, devance depuis longtemps les deux autres partis rouges; lorsque les électeurs et les Verts célèbrent leurs derniers succès, le SPD fait figure d’amant délaissé. Faut-ils s’en étonner, quand les sociaux-démocrates contemplent parfois la <strong>vague verte</strong> avec des sentiments partagés?</p>
<p>En effet, la crise climatique fait aussi ressortir les différences entre les rouges et les verts au niveau socio-électoral, en particulier dans les pays à charbon comme l’Allemagne, où les électeurs des sociaux-démocrates sont estampillés amis du secteur minier. Le SPD tombe ainsi inévitablement dans le dilemme entre les attentes de sa clientèle et la conscience écologique. La pression sur le SPD augmente à chaque nouvelle victoire du mouvement pour le climat. Et comme il y a des personnes futées qui le saisissent parfois, on pouvait lire à la fin de l'année du climat 2019 dans <a href="https://www.zeit.de/kultur/2019-12/sozialdemokratie-spd-sozialpolitik-klimaschutz-widerspruch">une fameuse tribune</a> que la social-démocratie devrait «vite disparaitre de la politique» pour le bien de l'environnement. Ou comme le disait le grand titre: «Le SPD doit mourir pour que nous puissions vivre» (titre modifié depuis en «Le SPD? Il peut dégager!»).</p>
<p><em>La social-démocratie doit disparaitre?</em> Dans tous les cas pour le plaisir de la provocation. Rien n'est plus erroné que cette phrase.</p>
<p>La devise centrale de la politique du futur devrait plutôt être: <em>la question climatique est une question sociale</em>. La notion politique de loin la plus importante dans les années à venir est la «<strong>justice climatique</strong>».</p>
<p>La logique d'exploitation du capitalisme actuel ne s’exprime nulle part de manière aussi drastique que dans la crise climatique, et ce à double titre: dans la surexploitation effrénée de la nature et sous la forme de l’inégalité radicale à l’échelle mondiale.</p>
<p>On voit aujourd’hui déjà que la tendance est que les pays les plus pauvres de la terre (et à l'intérieur des nations, les populations les plus démunies) sont les plus touchés par les dégâts du changement climatique, tout simplement en raison du manque d'une protection efficace contre les catastrophes et parce que les habitants n’ont pas les moyens de fuir vers les régions du monde où la prospérité est encore suffisante pour que les phénomènes extrêmes soient moins menaçants.</p>
<p>La communauté mondiale devra donc mobiliser toujours plus de nouvelles aides. Ensuite, la politique climatique internationale devra expliquer aux pays émergents pourquoi, au nom de la protection du climat, ils devraient renoncer à l’exploitation des ressources auxquelles les pays industrialisés doivent leur prospérité. Cela sera impossible à réaliser sans prestations compensatoires. Voilà la dimension internationale du problème.</p>
<p>Des taxes écologiques de Macron aux hausses galopantes du prix de l’essence en Iran, on voit aussi les phénomènes internes à un pays donné: là où les mesures politiques touchent la vie quotidienne et pèsent sur ce que l’on appelle le <strong>petit peuple</strong>, une véhémente protestation est à craindre, car elles portent aussi profondément atteinte au <strong>sentiment de justice</strong>. Surtout en matière de politique climatique, où des actions décisives sont inévitables, cela signifie qu’il n’y a aucune chance d'acceptation d'une politique écologique sans le corollaire de justice sociale.</p>
<p>Les démocrates américains Alexandria Ocasio-Cortez et Edward Markey ont établi cette nécessité dans un programme politique sous le slogan «<strong>Green New Deal</strong>». Ce concept connait un succès populaire grandissant au niveau mondial, entre autres grâce aux best-sellers internationaux d'auteurs comme Naomi Klein et Jeremy Rifkin. <em>(Notre débat à ce sujet </em><a href="https://www.republik.ch/2019/12/04/green-new-deal-aber-welcher"><em>ici</em></a><em>, N.d.R.)</em> Par nature, les idées et les mesures spécifiques concrètes tendent à s’éloigner. Pour lutter contre les énormes défis de la crise climatique de façon socialement supportable, il faut avant tout, outre de nouvelles stratégies de subventions et d’investissements, une politique fiscale fondamentalement nouvelle qui obligerait tous, aussi et en particulier les plus forts financièrement, à payer leur dû. Et donc concrètement: impôt sur la fortune, impôt sur la richesse, taxe incitative avec redistribution, sans oublier la lutte contre cet euphémisme qu’est «l’évasion fiscale».</p>
<p>Autrement dit, les exigences de la politique climatique recouvrent assez exactement ce que Thomas Piketty conclut dans son analyse <a href="https://www.republik.ch/2019/10/12/ungleichheit-ist-kein-naturgesetz">Capital et inégalité</a>.</p>
<p>Le monde n’a jamais autant eu besoin qu’aujourd’hui d’une <em>réponse sociale-démocratique à la crise climatique et aux inégalités mondiales</em>. La question n'est dès lors pas si écologie et politique sociale sont compatibles. La question pressante est bien plus de savoir comment, après le désastre de la conférence de Madrid et face à l'absence d'une politique sociale supranationale, résoudre à temps les questions de justice de la crise climatique. En outre, ce sera plus difficile à réaliser que le folklore du travailleur blanc et de la lutte des classes.</p>
<h3><strong>La finale: quelle gauche?</strong></h3>
<p>La réponse ne peut qu’être: plusieurs. La démocratie, sapée au niveau mondial par l’inégalité sociale, menacée dans ses standards civilisationnels par la nouvelle droite et qui fait montre jusqu’ici d'une incapacité d’action éclatante dans la crise climatique, a amèrement besoin d’une gauche politiquement variée. C'est pourquoi la faible approche «soit/soit» équivaut à de la <strong>paresse</strong>.</p>
<p>Au lieu d’affirmer des prétendues incompatibilités catégoriques, il faut <strong>raisonner en réseau</strong>. Ce qui signifie concrètement, d’une part, qu’il faut former des alliances stratégiques et circonstancielles avec les forces démocratiques externes au spectre de la gauche. Cela signifie, d'autre part, qu’il faut se limiter à quelques grandes questions afin d’y apporter les meilleurs solutions politiques au lieu de mener des débats fondamentaux - sectaires.</p>
<p>Une politique progressiste qui veut répondre de manière adéquate aux réalités sociales et aux défis du présent doit obligatoirement être sociale <strong><em>et</em></strong> écologique <strong><em>et</em></strong> antiraciste <strong><em>et</em></strong> féministe, elle doit s’engager pour une politique des réfugiés humaine, pour l’égalité des genres <em>et</em> pour la responsabilité postcoloniale. Elle a dans le même temps besoin de tolérance afin de résister aux diverses conceptions de l’ordre et des notions de cette énumération.</p>
<p>En bref, elle doit à nouveau prendre le terme «de gauche» au sérieux. La meilleure traduction serait: justice. Ce n'est pas un singulier, c'est un principe directeur. Et c'est le défi auquel notre société se mesure en ce moment. </p>',
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<h3><strong>L’échauffement</strong></h3>
<p>Représentons-nous, l’espace d’un instant, <strong>la social-démocratie comme un joueur de football</strong>. Appelons-le Rainer. Jadis, au XX<sup>e</sup> siècle, Rainer était le grand chouchou du public du<em> FC Gauche</em>. Il portait le maillot rouge avec le logo du club «SOCIAL» avec la même fierté que jadis son père, et les fans du FC Gauche avaient à cœur la même chose que lui: être au taquet. Esprit d’équipe. Boulettes et bière.</p>
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<p>Et les fans? Ils ne parlaient plus que des verts. Les mêmes qui, avant, à chaque match de coupe, s’excitaient au stade ou devant leurs écrans au cri de guerre «SOCIAL - en finale!», préféraient désormais enfiler les maillots de l’équipe «CLIMAT». Juste parce que le climat était soudain devenu un bon filon.</p>
<p>Mais une chose troublait vraiment Rainer. Il y avait aussi cette équipe, les <strong>multicolores</strong>. Ils étaient soudain partout avec leur maillots arc-en-ciel, même si le terme «politique identitaire» semblait déjà être délirant, en tout cas après les boulettes et la bière, et surtout pas comme quelque chose qui pouvait faire rimer match de barrage avec un cri de guerre convenable.</p>
<p>Mais d’où venez-vous donc? demandait Rainer, et les multicolores répondaient: nous sommes là depuis longtemps, mais avant, nous ne pouvions être que spectateurs, mais maintenant nous aussi, nous participons volontiers au jeu. Naturellement, les multicolores l'exprimaient en vérité d'une façon bien plus compliquée et récoltaient aussi les applaudissement des maillots verts. Même certains des anciens fans de Rainer exultaient. De même que les rouges de l’équipe des juniors.</p>
<p>Non, Rainer n'avait au fond rien contre les verts et rien non plus contre les multicolores, mais lorsqu’il s’asseyait avec les hommes de jadis, avec ceux qui ne faisaient pas flotter leur bannière sous ce nouveau vent, ils étaient bien tous d'accord sur une chose. Il faudrait à nouveau se concentrer sur l’essentiel, il faudrait crier haut et fort: <em>question sociale au lieu du bla-bla identitaire!</em></p>
<p>A ce stade, alors que l'histoire de Rainer n'est pas terminée, vous criez, chers lecteurs, de votre côté de l’écran: Assez de ces bêtises! Ce ne sont que des fractions artificielles!</p>
<p>Vous voyez, on s’est compris.</p>
<h3><strong>Premier match: question sociale et identité</strong></h3>
<p>Si la gauche politique veut survivre dans cette nouvelle décennie, elle ferait bien de considérer quelques débats sectaires stériles de ces derniers temps comme une «phase d’orientation» et les reléguer loin d'elle, dans la chronique des années 2010. Cela vaut surtout pour la formule «Question sociale vs. X».</p>
<p>Oui, face à l’éclatante inégalité sociale et après des décennies de destruction néolibérale, elle a d’urgence besoin d’un contre-programme politique. Mais une politique qui veut jouer <em>exclusivement</em> sur la<strong> lutte des classes</strong> est dépassée.</p>
<p>Aujourd’hui, la politique de gauche sera jaugée à l'aune de sa résolution de trois grandes questions actuelles: la question sociale, la crise climatique et les diverses problématiques de justice réunies sous le label «politique identitaire». Et si l’on observe par exemple le PS suisse, les Verts européens ou la fraction Kipping-Bartsch de la gauche allemande, si l’on écoute les activistes de <em>Fridays for Future</em>, les nouvelles voix du SPD ou les institutions apolitiques <a href="http://www.denknetz.ch/">en Suisse</a> et <a href="https://www.solidarische-moderne.de/">en Allemagne</a> on peut dire: bien des gens l’ont compris depuis longtemps déjà.</p>
<p><strong>Bien sûr, il faut et on doit débattre de ce que la politique de gauche signifie aujourd’hui. Mais au lieu de débattre continuellement sur le mode du «soit/soit», on pourrait pour une fois à nouveau s’interroger sur le joli petit mot «et».</strong></p>
<p>Aucun des grands débats de ces derniers temps n’en était plus éloigné, aucun ne fût mené avec tant d’ardeur que le duel décisif, plus que stérile, portant le nom «question sociale ou politique identitaire de gauche?». Comme s’il fallait, pour réaliser l’une, abandonner l'autre. Et comme si l’inégalité sociale et les diverses formes de discrimination n’étaient pas toutes deux des défis complexes qui nécessitent des réponses intelligentes au lieu de jouer l’un contre l’autre.</p>
<p><em>Republik</em> a pris position <a href="https://www.republik.ch/dossier/identitaetspolitik">régulièrement dans ce débat</a>, essayé d’ouvrir des perspectives <a href="https://www.republik.ch/2019/02/16/ueberall-identitaeten">au-delà des fausses oppositions</a> et <a href="https://www.republik.ch/2019/08/17/wer-hat-angst-vorm-zuhoeren">expliqué en détail</a> pourquoi le tapage généralisé autour du <em>politiquement correct</em> et la politique identitaire de gauche sont condamnés à l’échec même s’ils proviennent de la gauche. (Du côté de la droite, ce genre de débat semble se limiter à un copier/coller de la même polémique.)</p>
<p>Comme il n’y a pas grand-chose à y ajouter, juste deux remarques sur les reproches courants faits à la politique identitaire.</p>
<p>L’objection numéro 1 sonne en substance ainsi: la politique identitaire est le terrain de jeu d’égocentriques qui élèvent les soucis personnels d’une <strong>minorité</strong> au-delà de la <strong>société</strong>.</p>
<p>En fait, c'est tout le contraire. La société majoritaire laisse bien trop souvent aux minorités (par exemple aux femmes) le soin d’attirer l'attention sur les expériences réelles de discrimination, les menaces tangibles, la violence verbale et physique au sein de notre société, au lieu de s’y opposer activement à leurs côtés lorsque les valeurs élémentaires de <em>notre communauté à tous</em> sont touchées.</p>
<p>Il dépend de nous que la politique identitaire d’émancipation soit le problème d’un Moi directement concerné ou qu’elle soit comprise comme une éthique du Toi - en lien avec la question de savoir comment nous voulons vivre. Les luttes contre le racisme, l’antisémitisme, la misogynie, l’homophobie et la transphobie ne sont pas des intérêts de particuliers, mais nous rappellent les promesses fondamentales de notre <strong>démocratie</strong>, en permanence attaquées et minées. Une politique de la gauche qui ne transmet pas suffisamment qu’elle y est attachée n’aura pas d’avenir, même si elle pose les bonnes questions sociopolitiques - voir Corbyn, voir l’échec du mouvement allemand «Aufstehen».</p>
<p>Reproche numéro 2: La politique identitaire promeut la culture de la révolte et la pensée manichéenne, aussi parce qu’elle est défendue aveuglement à gauche, sans jamais être critiquée.</p>
<p>En vérité, le débat s'accompagne depuis des années d’une critique constante et différenciée, comme on peut le voir dans les livres de <a href="https://www.hanser-literaturverlage.de/buch/identitaeten-die-fiktionen-der-zugehoerigkeit/978-3-446-26416-8/">Kwame Anthony Appiah</a>, <a href="https://www.suhrkamp.de/buecher/wir-tristan_garcia_58724.html">Tristan Garcia</a> ou dans le recueil très recommandable «<a href="https://www.verbrecherverlag.de/book/detail/985">Trigger Warnung</a>». Le trio d’éditeurs de ce dernier, Eva Berendsen, Saba-Nur Cheema et Meron Mendel, font la distinction entre les enjeux principaux de la politique identitaire, dont ils ne remettent pas en question la pertinence, et un courant qu’ils décrivent comme «<em>une politique identitaire vulgaire aux accents fondamentalistes</em>». Ils entendent par là, par exemple, <strong>des règles de langage dogmatiques</strong>, qui ne permettent plus qu’une seule représentation adéquate d'expression, peu importe quel soit le niveau de formation des locuteurs et l’intention de leur discours. On empêche ainsi des partisans potentiels, qui n’auront pas suivi toute la réflexion académique sous-jacente, de prendre la parole - un très mauvais service à se rendre.</p>
<p>Ainsi, contrairement aux tentatives hostiles de délégitimation, la <em>critique solidaire</em> est constructive. Elle critique, lorsque des questions légitimes sont invoquées par des moyens problématiques, elle nuance les analyses et les arguments, elle s’efforce d’écouter et de poursuivre la réflexion. Tandis que les polémistes de droite sont avides de cas extrêmes et sensationnels, dans le très évident but de discréditer, grâce à une caricature instrumentalisée, la politique identitaire de gauche en tant que telle.</p>
<p>On y reconnait une stratégie pour s’assurer quelques privilèges et détourner la critique des rapports de force dominants. La gauche classique devrait pouvoir reconnaitre de telles stratégies. Mais lorsque les opposants de gauche à la politique identitaire opposent la question sociale aux problématiques antiracistes et antisexistes, ils font le jeu de la droite et les aident à appliquer le principe du «diviser pour régner». Ils oublient que la question de la justice a de nombreuses facettes, pas seulement économiques.</p>
<p>Et pourquoi donc, demandent Emma Dowling, Silke van Dyk et Stefanie Graefe <a href="https://www.prokla.de/index.php/PROKLA/article/view/69">dans un excellent essai</a>, les problèmes des travailleurs blancs de sexe masculin relèvent de la lutte des classes, tandis que «les luttes des femmes, des noirs ou des gays/lesbiennes» sont artificiellement écartées de la question sociale en étant qualifiées de «luttes de politique identitaire»?</p>
<p>L’inégalité et la marginalisation ont aussi souvent des conséquences économiques tangibles, comme dans le fameux exemple de l’inégalité des revenus entre hommes et femmes. Comme il est déjà impossible de séparer les questions sociales et identitaires dans la vie d’une travailleuse de couleur, le défi consiste à réfléchir à la complexité de telles délimitations et à se demander quelles solutions politiques doivent y être apportées. Sans oublier qu’une gauche moderne devrait être en mesure de répondre aux questions de justice de tous ceux qui <em>n’appartiennent pas</em> à la classe des travailleurs.</p>
<p>Bref, face à la réalité d’une société pluraliste, la gauche ferait bien de se comprendre comme la «<a href="https://www.republik.ch/2018/11/20/das-ende-der-sozialdemokratie">voix de tous les défavorisés</a>», au lieu de créer inutilement, dans une logique de concurrence, ou même d'exclusion, des barrières entre les diverses problématiques. Ce n'est qu’en abandonnant l’alternative entre politique sociale et politique identitaire qu’une discussion sensée sur les défis politiques identitaires pourra avoir lieu, sur des questions de faits politiques concrètes, mais aussi en prenant en compte l’opinion publique démocratique et la culture du débat.</p>
<p>Par qu’il faut bien le dire, les débats de la politique identitaire n’ont souvent pas lieu au niveau strictement politique, à savoir dans le cadre de la législation et des décisions parlementaires. Ils traitent aussi de questions de société et de culture, comme pour la féminisation des substantifs ou des disputes sur l’appropriation culturelle dans l'art. La gauche ne devrait ni s'en détourner, en la considérant comme apolitique, ni se dépenser à fond dans cette partie du débat.</p>
<p>En effet, même en étant un partisan convaincu d’un langage politiquement correct, on peut se demander jusqu’où une dispute à propos d'un choix terminologique doit aller, et se rappeler par la même occasion que l’engagement pour les mêmes principes fondamentaux devrait aussi valoir pour les initiatives législatives et la lutte pour les droits politiques. Pour renforcer les minorités par exemple, outre un langage respectueux, le droit de vote. Car c'est <a href="https://www.republik.ch/2019/10/18/schweiz-du-hast-ein-demokratieproblem">un défaut notable de la démocratie</a>, que des personnes étrangères qui vivent depuis des années dans un pays et l’ont depuis longtemps choisi comme le leur, n’aient pas de droits politiques.</p>
<p>C'est donc aussi une question de <strong>politisation de la politique identitaire</strong>. Et des priorités dans le choix des moyens. Cela suppose avant tout qu’il ne faut pas constamment revoir la légitimité fondamentale des questions de politique identitaire.</p>
<p>En outre, comme on peut aussi le lire dans «Trigger Warnung», il nous faut d’urgence une culture de la <strong>tolérance</strong> des erreurs pour contrecarrer une culture de l’<strong>indignation</strong> dogmatique et éviter l’apologétique.</p>
<p>Cela aussi est plus une question culturelle que strictement politique. Mais une politique favorablement perçue et l’identification à une offre politique ne naissent pas seulement grâce à un programme. Il est dès lors essentiel pour la gauche, à une époque où la nouvelle droite menace notre démocratie, de toujours préciser: «<em>Nous sommes résolument opposés à toute forme de misanthropie à l’égard de groupes. Il ne faut pas compter sur nous pour monter les uns contre les autres. Pas même quand nous posons la question sociale</em>».</p>
<h3><strong>Deuxième match: Climat et justice</strong></h3>
<p>Comparés à la dispute identitaire, les conflits entre politique sociale et politique climatique sont jusqu’à présent restés décents. L’écologie fait depuis trop longtemps partie du programme fondamental des partis de gauche, les rouges et les verts sont depuis trop longtemps des partenaires politiques, pour qu’il y ait à craindre ici des incompatibilités catégoriques et sérieuses.</p>
<p>Et pourtant, une tension latente se manifeste tant dans les questions de faits que dans le quotidien de la concurrence entre partis. Les sociaux-démocrates ne peuvent pas être indifférents aux échecs électoraux qu’ils encaissent coup sur coup au niveau européens alors que les Verts ont le vent en poupe, aussi grâce à des voix jadis rouges. «A gauche, peu importe pour qui» n’est un slogan porteur pour aucun parti politique.</p>
<p>En Suisse, où les sociaux-démocrates ont déjà un fort profil écologique, où le rapport des forces entre PS et les Verts est stable et les transferts des électeurs sont moindre qu’ailleurs, le regroupement est encore relativement léger. En Allemagne, par contre, malgré un bilan récent misérable, le parti des écologistes, encore considéré comme pionnier du mouvement climatique, devance depuis longtemps les deux autres partis rouges; lorsque les électeurs et les Verts célèbrent leurs derniers succès, le SPD fait figure d’amant délaissé. Faut-ils s’en étonner, quand les sociaux-démocrates contemplent parfois la <strong>vague verte</strong> avec des sentiments partagés?</p>
<p>En effet, la crise climatique fait aussi ressortir les différences entre les rouges et les verts au niveau socio-électoral, en particulier dans les pays à charbon comme l’Allemagne, où les électeurs des sociaux-démocrates sont estampillés amis du secteur minier. Le SPD tombe ainsi inévitablement dans le dilemme entre les attentes de sa clientèle et la conscience écologique. La pression sur le SPD augmente à chaque nouvelle victoire du mouvement pour le climat. Et comme il y a des personnes futées qui le saisissent parfois, on pouvait lire à la fin de l'année du climat 2019 dans <a href="https://www.zeit.de/kultur/2019-12/sozialdemokratie-spd-sozialpolitik-klimaschutz-widerspruch">une fameuse tribune</a> que la social-démocratie devrait «vite disparaitre de la politique» pour le bien de l'environnement. Ou comme le disait le grand titre: «Le SPD doit mourir pour que nous puissions vivre» (titre modifié depuis en «Le SPD? Il peut dégager!»).</p>
<p><em>La social-démocratie doit disparaitre?</em> Dans tous les cas pour le plaisir de la provocation. Rien n'est plus erroné que cette phrase.</p>
<p>La devise centrale de la politique du futur devrait plutôt être: <em>la question climatique est une question sociale</em>. La notion politique de loin la plus importante dans les années à venir est la «<strong>justice climatique</strong>».</p>
<p>La logique d'exploitation du capitalisme actuel ne s’exprime nulle part de manière aussi drastique que dans la crise climatique, et ce à double titre: dans la surexploitation effrénée de la nature et sous la forme de l’inégalité radicale à l’échelle mondiale.</p>
<p>On voit aujourd’hui déjà que la tendance est que les pays les plus pauvres de la terre (et à l'intérieur des nations, les populations les plus démunies) sont les plus touchés par les dégâts du changement climatique, tout simplement en raison du manque d'une protection efficace contre les catastrophes et parce que les habitants n’ont pas les moyens de fuir vers les régions du monde où la prospérité est encore suffisante pour que les phénomènes extrêmes soient moins menaçants.</p>
<p>La communauté mondiale devra donc mobiliser toujours plus de nouvelles aides. Ensuite, la politique climatique internationale devra expliquer aux pays émergents pourquoi, au nom de la protection du climat, ils devraient renoncer à l’exploitation des ressources auxquelles les pays industrialisés doivent leur prospérité. Cela sera impossible à réaliser sans prestations compensatoires. Voilà la dimension internationale du problème.</p>
<p>Des taxes écologiques de Macron aux hausses galopantes du prix de l’essence en Iran, on voit aussi les phénomènes internes à un pays donné: là où les mesures politiques touchent la vie quotidienne et pèsent sur ce que l’on appelle le <strong>petit peuple</strong>, une véhémente protestation est à craindre, car elles portent aussi profondément atteinte au <strong>sentiment de justice</strong>. Surtout en matière de politique climatique, où des actions décisives sont inévitables, cela signifie qu’il n’y a aucune chance d'acceptation d'une politique écologique sans le corollaire de justice sociale.</p>
<p>Les démocrates américains Alexandria Ocasio-Cortez et Edward Markey ont établi cette nécessité dans un programme politique sous le slogan «<strong>Green New Deal</strong>». Ce concept connait un succès populaire grandissant au niveau mondial, entre autres grâce aux best-sellers internationaux d'auteurs comme Naomi Klein et Jeremy Rifkin. <em>(Notre débat à ce sujet </em><a href="https://www.republik.ch/2019/12/04/green-new-deal-aber-welcher"><em>ici</em></a><em>, N.d.R.)</em> Par nature, les idées et les mesures spécifiques concrètes tendent à s’éloigner. Pour lutter contre les énormes défis de la crise climatique de façon socialement supportable, il faut avant tout, outre de nouvelles stratégies de subventions et d’investissements, une politique fiscale fondamentalement nouvelle qui obligerait tous, aussi et en particulier les plus forts financièrement, à payer leur dû. Et donc concrètement: impôt sur la fortune, impôt sur la richesse, taxe incitative avec redistribution, sans oublier la lutte contre cet euphémisme qu’est «l’évasion fiscale».</p>
<p>Autrement dit, les exigences de la politique climatique recouvrent assez exactement ce que Thomas Piketty conclut dans son analyse <a href="https://www.republik.ch/2019/10/12/ungleichheit-ist-kein-naturgesetz">Capital et inégalité</a>.</p>
<p>Le monde n’a jamais autant eu besoin qu’aujourd’hui d’une <em>réponse sociale-démocratique à la crise climatique et aux inégalités mondiales</em>. La question n'est dès lors pas si écologie et politique sociale sont compatibles. La question pressante est bien plus de savoir comment, après le désastre de la conférence de Madrid et face à l'absence d'une politique sociale supranationale, résoudre à temps les questions de justice de la crise climatique. En outre, ce sera plus difficile à réaliser que le folklore du travailleur blanc et de la lutte des classes.</p>
<h3><strong>La finale: quelle gauche?</strong></h3>
<p>La réponse ne peut qu’être: plusieurs. La démocratie, sapée au niveau mondial par l’inégalité sociale, menacée dans ses standards civilisationnels par la nouvelle droite et qui fait montre jusqu’ici d'une incapacité d’action éclatante dans la crise climatique, a amèrement besoin d’une gauche politiquement variée. C'est pourquoi la faible approche «soit/soit» équivaut à de la <strong>paresse</strong>.</p>
<p>Au lieu d’affirmer des prétendues incompatibilités catégoriques, il faut <strong>raisonner en réseau</strong>. Ce qui signifie concrètement, d’une part, qu’il faut former des alliances stratégiques et circonstancielles avec les forces démocratiques externes au spectre de la gauche. Cela signifie, d'autre part, qu’il faut se limiter à quelques grandes questions afin d’y apporter les meilleurs solutions politiques au lieu de mener des débats fondamentaux - sectaires.</p>
<p>Une politique progressiste qui veut répondre de manière adéquate aux réalités sociales et aux défis du présent doit obligatoirement être sociale <strong><em>et</em></strong> écologique <strong><em>et</em></strong> antiraciste <strong><em>et</em></strong> féministe, elle doit s’engager pour une politique des réfugiés humaine, pour l’égalité des genres <em>et</em> pour la responsabilité postcoloniale. Elle a dans le même temps besoin de tolérance afin de résister aux diverses conceptions de l’ordre et des notions de cette énumération.</p>
<p>En bref, elle doit à nouveau prendre le terme «de gauche» au sérieux. La meilleure traduction serait: justice. Ce n'est pas un singulier, c'est un principe directeur. Et c'est le défi auquel notre société se mesure en ce moment. </p>',
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<hr />
<p>Dans dix jours c’est Noël mais ce qui tous les ans est une réjouissance pour moi pourrait bien cette année devenir un cauchemar. A cause de mon mari.</p>
<p>Pierre m’est fidèle, j’en suis certaine, même s’il a eu, comme moi, quelques aventures extraconjugales. Il n’y a pas de quoi en faire tout un plat. La fidélité absolue est un concept éculé et hypocrite qui a pour but principal que les hommes soient certains que les enfants qui sortent des ventres de leur épouse soient bien le produit de leurs spermatozoïdes à eux. Transmettre ses gènes est un réflexe très animal, si Sapiens est vraiment un être supérieur, il devrait se détendre sur cette question. En plus, Pierre et moi n’avons pas fait d’enfants, trop concentrés sur nous-mêmes et nos vies à réussir. Marie, ma sœur, prétend que pour les femmes, l’importance de la fidélité n’a pas pour but la perpétuation de l’espèce mais plutôt la conservation à leur côté du mâle qui assure leur protection. Elle se trompe. Si Pierre et moi sommes toujours ensemble après trente-cinq ans de mariage, c’est justement parce que nous nous laissons la liberté d’aller de temps en temps voir ailleurs. Marie, elle, ne souhaitait plus de rapports sexuels tout en menaçant son mari de le quitter s’il la trompait. C’est lui qui est parti avec la première maîtresse qu’il s’est autorisée.</p>
<p>Mais Pierre a changé.</p>
<p>Nous nous sommes connus dans une manifestation contre le racisme alors que nous avions vingt-sept ans. Il était graphiste tandis que moi j’enseignais le français à des réfugiés dans un centre géré par l’Eglise protestante. Je l’avais déjà remarqué à d’autres occasions au fil des ans – Lausanne est une petite ville – notamment lors d’une soirée chez Jean-Luc, lequel a été mon amant lorsque j’avais vingt ans et que j’hésitais entre le trotskisme et l’écologie politique. Lorsque Jean-Luc, figure de proue des trotskistes locaux, m’avait quittée pour une camarade d’origine kurde plus valorisante pour lui, j’avais renoncé aux principes de la Quatrième Internationale et milité pour la sauvegarde de la planète, jusqu’à ma rencontre avec un zapatiste belge avec qui je suis partie au Mexique où j’ai attrapé une infection sexuellement transmissible. De retour en Suisse, j’ai soigné ma salpingite et terminé mes études de lettres. Entre deux amants de passage, je traversais de longues périodes d’abstinence sexuelle sans que cela me coûte. A la manif, j’ai trouvé Pierre très beau avec sa moustache et sa barbe de cinq jours. Et je l’ai trouvé irrésistible lorsqu’il a jeté une bouteille vide en direction des forces de l’ordre qui voulaient nous empêcher d’accéder à la salle où se déroulait une assemblée de l’UDC, ce parti d’extrême droite honni par nous. Pierre s’est fait réprimander par les camarades communistes qui assuraient le service d’ordre et il a fini par en venir aux mains avec eux. J’ai spontanément pris sa défense, nous nous sommes faits bousculer et avons quitté la manifestation, lui avec une arcade sourcilière fendue, moi avec un fort désir pour lui. Je l’ai emmené chez moi pour soigner sa blessure et nous avons fait l’amour toute la nuit. Deux semaines plus tard nous emménagions ensemble; nous ne nous sommes plus quittés.</p>
<p>L’autre soir, alors que nous avions des invités à la maison, il m’a semblé reconnaître chez Pierre les signes d’une tension extrême. Depuis le temps, je le connais bien. Serge et Mireille, nos invités, l’ont eux aussi sentie, cette tension. Ce sont tout à la fois des amis et des clients. Des amis parce que comme nous ils sont de centre gauche, des clients car ils font appel à notre agence de communication pour promouvoir leur commerce. Après avoir été de grands voyageurs, Serge et Mireille vendent aujourd’hui des produits venus d’Asie, principalement d’Inde mais aussi de Birmanie et du Cambodge. Ils sélectionnent avec soins les artisans, privilégiant les structures coopératives respectueuses de l’environnement et du bien-être des populations locales. Nous gérons leur site internet et leur publicité, et tournons même pour eux des clips promotionnels. Pierre est devenu agressif avec Mireille lorsque celle-ci a déclaré que les néo-féministes exagéraient et que #MeToo décourageait toute tentative de séduction de la part des hommes. «Je n’ai pas peur de le dire, j’aime bien que l’on me tienne la porte et que les hommes me fassent sentir qu’ils me désirent…» Pierre lui a rétorqué que le patriarcat était une forme de fascisme et qu’en tant que progressiste nous devions tout faire pour l’abattre. J’ai essayé de dévier la conversation sur la nourriture bio mais très vite c’est l’écriture inclusive qui a fait s’échauffer les esprits. Serge, qui se pique d’aimer la littérature, a déclaré que le français était en danger, qu’il fallait le sauver des points médians et des réformes de l’orthographe. Pierre a rétorqué que pour rester vivantes les langues devaient changer, que les normes les étouffaient, que les règles orthographiques avaient été inventées pour empêcher les pauvres d’accéder aux études. «Etes-vous allés récemment au cinéma?» ai-je incidemment demandé à Mireille?</p>
<p>Le lendemain, elle m’a appelée. «Avec Serge, on se demande si Pierre n’est pas en train devenir woke…» Mon sang s’est figé dans mes veines, une sourde angoisse est montée de mon estomac jusque dans ma gorge. «Non, non… Vous vous trompez… Vous avez bien vu, il continue de manger de la viande», ai-je rassuré Mireille. Mais le doute s’était instillé en moi, je me suis mise à mieux observer Pierre et, pour la première fois, j’ai fouillé dans ses poches et ses agendas, même dans son ordinateur. Ce que j’ai découvert est effrayant…</p>
<p style="text-align: right;"><em>Suite la semaine prochaine</em></p>
<hr />
<h4>Pierre Ronpipal est l’auteur de<br /><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1734002707_damned01.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="149" height="206" /><br />«A moi de choisir ceux qui vont mourir»<br /><span>et de<br /></span><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1734002742_cover20242.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="154" height="207" /><br />«Le vert était rouge à l’intérieur»<br />aux <a href="https://nouvelleseditionshumus.ch/" target="_blank" rel="noopener">Nouvelles Editions Humus</a></h4>',
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<div><hr />
<p>A Busan, en Corée du Sud, les discussions sur le traité mondial sur la pollution plastique, qui se tenaient du 25 novembre au 1<sup>er</sup> décembre, se sont soldées par un <a href="https://www.rts.ch/info/sciences-tech/environnement/2024/article/echec-des-negociations-du-traite-sur-le-plastique-a-la-session-busan-28713049.html">échec</a>. Les négociations devraient reprendre à une date ultérieure.</p>
<p>En réalité, les négociations sont surtout sont le théâtre de récits concurrents qui s’affrontent. En jeu, rien de moins que les causes de la crise de la pollution plastique et les solutions appropriées pour y remédier.</p>
<ul>
<li>
<p>D’un côté, la <a href="https://hactoendplasticpollution.org/fr/">Coalition de haute ambition</a> (HAC), les activistes du «zéro déchet» et de <a href="https://theconversation.com/traite-mondial-contre-la-pollution-plastique-en-coulisses-le-regard-des-scientifiques-francais-presents-234046">nombreux scientifiques</a> insistent sur la nécessité d’une <a href="https://hactoendplasticpollution.org/hac-member-states-ministerial-joint-statement-for-inc-5/">approche globale portant sur l’ensemble du cycle de vie des plastiques</a>, y compris leur production.</p>
</li>
<li>
<p>De l’autre côté, une <a href="https://medium.com/points-of-order/spoiler-alert-f737a24292e6">petite minorité d’Etats</a> ainsi que l’industrie pétrochimique ont à de nombreuses reprises détourné l’attention de cette question de la production des plastiques. Au lieu de cela, ils accusent des <a href="https://psmag.com/environment/the-epa-blames-six-asian-nations-that-the-u-s-exports-plastic-waste-to-for-ocean-pollution/">systèmes de recyclage inadéquats et une mauvaise gestion des déchets</a>.</p>
</li>
</ul>
<p>L’attention portée au recyclage des plastiques et à la gestion des déchets touche en réalité des millions de personnes en Asie, en Amérique du Sud et en Afrique. Il s’agit des travailleurs qui récupèrent, réutilisent ou revendent les plastiques, les textiles, l’aluminium et d’autres matériaux précieux issus des déchets.</p>
<p>Dans le cadre du traité sur les plastiques, pour que ces travailleurs informels soient reconnus, que leurs conditions de travail puissent être améliorées et qu’ils puissent bénéficient d’une transition écologique plus équitable, les solutions politiques doivent aller au-delà des mécanismes économiques basés sur le seul marché et des stratégies axées sur le profit.</p>
<p>Si ce n’est pas le cas, les efforts en faveur d’un recyclage plus inclusif et du développement de l’économie circulaire risquent de renforcer les injustices mêmes qu’ils prétendent combattre.</p>
<h3>Qui sont les ramasseurs informels de déchets?</h3>
<p>Les collecteurs de déchets – et les autres personnes travaillant avec eux dans un cadre informel et coopératif – effectuent une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921344924001824#sec0021">grande partie du travail de recyclage à l’échelle mondiale</a>. Ils réduisent de manière significative la quantité de plastique qui se retrouve dans les océans.</p>
<p>Malgré cela, et parce qu’ils font un travail salissant et vivent dans des endroits sales, ils sont souvent tenus pour responsables du problème de la pollution plastique. Dans les discours politiques des villes et des Etats, leur travail a longtemps été <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0956247816657302">tourné en dérision, considéré comme non qualifié et inefficace</a>. <a href="https://www.undp.org/blog/unsung-heroes-four-things-policymakers-can-do-empower-informal-waste-workers">L’absence de reconnaissance officielle</a> de leur travail rend leurs revenus particulièrement instables et précaires. Les réglementations environnementales peuvent <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/ac6b49">aggraver ces menaces</a> en accélérant la privatisation du traitement des déchets.</p>
<p>Alors que les efforts de lutte contre la pollution plastique gagnent du terrain, les ramasseurs informels sont soumis à une double pression:</p>
<ul>
<li>
<p>Ils doivent protéger leur accès aux déchets, car c’est l’un des rares moyens de subsistance dont ils disposent.</p>
</li>
<li>
<p>En même temps, ils cherchent à améliorer leurs conditions de vie et de travail.</p>
</li>
</ul>
<p>Un groupe de ramasseurs de déchets a donc profité de l’ouverture des négociations pour <a href="https://globalrec.org/document/just-transition-waste-pickers-un-plastics-treaty/">plaider en faveur de la reconnaissance de leur travail</a>. Il a été demandé que leurs contributions historiques à la réduction de la pollution plastique soient explicitement reconnues, et qu’un objectif explicite de transition juste soit intégré au traité sur les plastiques.</p>
<h3>Avec l’économie circulaire, tout le monde est gagnant?</h3>
<p>La <a href="https://theconversation.com/quatre-idees-recues-sur-la-transition-juste-227569">transition juste</a> est un principe défendu par les groupes de travailleurs et les défenseurs de la justice sociale afin de garantir que les politiques de transition écologique protègent, améliorent et compensent équitablement les moyens de subsistance des travailleurs et des communautés affectés par l’environnement.</p>
<p>Les ramasseurs de déchets ont utilisé ce terme pour réclamer que le traité comprenne des dispositions pour améliorer leurs conditions de travail et de sécurité. Mais également pour que le traité intègre davantage les travailleurs informels aux systèmes de gestion des déchets, et pour exiger que les systèmes de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/responsabilite-elargie-du-producteur-67766">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP) soutiennent aussi les travailleurs du secteur des déchets, en particulier les <a href="https://www.wiego.org/gender-waste-project">femmes et d’autres groupes vulnérables</a>.</p>
<p>Etonnamment, ces demandes ont obtenu le soutien d’un large éventail de parties prenantes puissantes. Par exemple la <a href="https://www.businessforplasticstreaty.org/vision-statement#Key-elements">Business Coalition for a Plastics Treaty</a>, les <a href="https://news.un.org/en/story/2024/10/1156301">dirigeants des Nations unies</a> et même <a href="https://resolutions.unep.org/resolutions/uploads/american_chemistry_council.pdf">l’industrie pétrochimique</a>.</p>
<p>Certaines de ces demandes ont été intégrées aux projets de traité sur les plastiques discutés au cours des négociations, ce qui représente une victoire majeure pour les travailleurs du secteur informel des déchets.</p>
<p>Un consensus se dégage sur le fait qu’une économie circulaire inclusive peut être bénéfique à la fois pour l’environnement, l’économie et les travailleurs en améliorant la gestion de la pollution, les moyens de subsistance et les opportunités de croissance économique pour les entreprises.</p>
<p>Ces promesses demandent toutefois à être vérifiées sur le terrain. Et c’est là que les choses se compliquent.</p>
<h3>« Gagnant-gagnant », mais la victoire de qui ?</h3>
<p>Dans mon livre <a href="https://mitpress.mit.edu/9780262546973/recycling-class/"><em>Recycling Class</em></a>, j’examine comment les efforts de recyclage inclusif ont été mis en œuvre à Bengaluru, l’une des plus grandes villes de l’Inde.</p>
<figure><a href="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a>
<figcaption><span></span></figcaption>
</figure>
<p>Dans cet ouvrage, je défends que l’intégration dans des programmes d’économie circulaire basés sur le marché n’est pas une solution miracle aux injustices ancrées dans les systèmes de production, de consommation et de production des déchets.</p>
<p>La plupart des politiques d’économie circulaire et de recyclage inclusif reposent sur des mécanismes de marché, partant du principe que la création de marchés pour les déchets incitera les acteurs du marché à récupérer efficacement les déchets et à les convertir en ressources.</p>
<p>Pour remplir leurs obligations en matière de <a href="https://theconversation.com/faire-payer-plus-les-entreprises-pour-quelles-reduisent-les-emballages-130073">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP), les marques peuvent alors s’engager à acheter des plastiques recyclés et à financer la collecte des déchets en achetant des <a href="https://www.worldbank.org/en/programs/problue/publication/unlocking-financing-to-combat-the-plastics-crisis">crédits plastique</a>.</p>
<p>Cette approche vise à améliorer le prix des déchets, à augmenter les salaires et à encourager les efforts de collecte, tout en attirant des investissements pour financer l’amélioration des infrastructures et des technologies.</p>
<p>Cependant, les mécanismes fondés sur le marché aggravent les inégalités existantes en matière d’accès au marché. Les efforts visant à donner la priorité à la traçabilité et à la transparence – dans le but d’améliorer l’efficacité du marché et le respect de la réglementation – désavantagent souvent les travailleurs informels.</p>
<p>Ces derniers ne disposent pas des ressources et des capacités techniques nécessaires pour adopter des systèmes de suivi complexes basés sur les SIG ou la blockchain, et se retrouvent exclus des processus formalisés. Les start-up financées par le capital-risque et les grandes entreprises s’emparent alors du secteur du recyclage.</p>
<p>Les multinationales préfèrent d’ailleurs les partenariats avec des start-up technologiques qui offrent des services à «valeur ajoutée» tels que des indicateurs et des tableaux de bord environnementaux, permettant aux entreprises de mettre en scène leur propre récit sur le développement durable. Souvent issus de milieux éduqués et privilégiés, les employés de ces firmes <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S001671852300057X">concurrencent les travailleurs informels existants, les subordonnant au passage</a>.</p>
<p>A l’inverse, les femmes et les membres des minorités ethno-raciales et religieuses, qui constituent la majorité des travailleurs des économies informelles des déchets, sont confrontés à des obstacles supplémentaires. Notamment des <a href="https://mouvements.info/recuperateurs-de-dechets/">stigmates sociaux bien ancrés</a> qui limitent leur capacité à participer sur un pied d’égalité à ces marchés émergents. Ils restent toujours relégués aux mêmes tâches manuelles et difficiles, même si leurs conditions de travail en ressortent légèrement améliorées.</p>
<h3>L’industrie du plastique maintient le <em>statu quo</em></h3>
<p>Malgré les bonnes intentions de départ, des termes tels que «économie circulaire inclusive» sont donc trop souvent utilisés à des fins de <em>green washing</em> et même de <em>justice washing</em>, tandis que les travailleurs continuent à endurer des conditions difficiles. Une étude de <a href="https://www.circle-economy.com/resources/decent-work-in-the-circular-economy">Circle Economy</a> souligne que la plupart des emplois du secteur de l’économie circulaire restent ad-hoc et informels et ne bénéficient pas des garanties d’un emploi décent.</p>
<p>En fin de compte, les travailleurs informels sont confrontés à un choix difficile: soit ils acceptent d’être exploités au sein des circuits de traitements des déchets en tant que simples ressources, soit ils risquent de perdre complètement leurs moyens de subsistance.</p>
<p>Les systèmes actuels de production et de consommation du plastique déplacent donc la charge des déchets sur des communautés autochtones ou ethniques marginalisées, créant ainsi des <a href="https://www.dukeupress.edu/pollution-is-colonialism">zones sacrifiées</a>. Ce déplacement permet de maintenir la rentabilité, tout en perpétuant les atteintes à l’environnement et les inégalités sociales.</p>
<p>En promouvant des technologies de <a href="https://www.bbc.com/afrique/monde-57087908">recyclage chimique</a> non éprouvées et en étendant les marchés du plastique, les entreprises <a href="https://theconversation.com/comment-lindustrie-fossile-influence-les-negociations-mondiales-sur-le-plastique-222112">pétrochimiques</a> et de matières plastiques <a href="https://direct.mit.edu/glep/article/21/2/121/97367/Future-Proofing-Capitalism-The-Paradox-of-the">s’approprient le langage de l’économie circulaire</a>. Cela leur permet de donner un vernis écologique à leurs propositions, tout en maintenant le <em>statu quo</em> sur les inégalités.</p>
<p>Pendant ce temps, la HAC, plusieurs ONG et même certains ramasseurs de déchets invoquent également l’économie circulaire comme solution à la crise du plastique, en mettant l’accent sur le réemploi et le recyclage inclusif.</p>
<h3>Demander des comptes aux pollueurs plutôt que compter sur l’efficacité du marché</h3>
<p>Pour que l’économie circulaire aille au-delà de la simple protection du capitalisme fossile, elle doit prendre en compte les collecteurs de déchets et recycleurs informels dans le Sud et reconnaître les limites des mécanismes basés sur le marché. C’est vrai aussi bien pour le traité international sur la pollution plastique que pour d’autres démarches régionales comme le <a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/ATAG/2021/679066/EPRS_ATA(2021)679066_FR.pdf">plan d’action de l’UE pour l’économie circulaire</a>.</p>
<p>En effet, toute stratégie de lutte contre la pollution plastique basée sur le marché et axée sur le profit est susceptible de reproduire ces schémas d’inégalité. Et par la même occasion, de pérenniser les injustices systémiques qui soutiennent le statu quo. Pour une transition vraiment juste, la lutte contre la pollution plastique ne doit donc pas devenir une opportunité de croissance économique ou de profit.</p>
<p>Au contraire, nous avons besoin d’une approche centrée sur la réparation. Il faut d’abord, pour cela, reconnaître les contributions historiques des collecteurs informels du plastique ainsi que les préjudices qu’ils subissent. Puis redistribuer les ressources aux personnes les plus touchées et créer des systèmes qui donnent la priorité à la restauration de l’environnement et à la justice sociale plutôt qu’au profit des entreprises.</p>
<p>Une économie circulaire bien financée devrait d’abord renforcer le pouvoir des travailleurs, puis améliorer les capacités des infrastructures et réduire la concentration de ces déchets en produits chimiques toxiques, plutôt que de s’appuyer sur des solutions basées sur le marché qui aggravent les inégalités.</p>
<p>Les vraies solutions consistent à demander des comptes aux pollueurs et à adopter des approches circulaires fondées sur la sobriété et la réparation, et non sur l’efficacité du marché.<img src="https://counter.theconversation.com/content/244065/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p>
<hr />
<h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/manisha-anantharaman-1526162">Manisha Anantharaman</a>, Assistant Professor, Center for the Sociology of Organisations, CNRS/Sciences Po, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/sciences-po-2196">Sciences Po </a></em></span></h4>
<h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique-244065">article original</a>.</h4>
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'content' => '<p style="text-align: center;"><strong>Urs P. Gasche</strong>, article publié sur <a href="https://www.infosperber.ch/medien/medienkritik/die-usa-finanzieren-internationales-journalisten-kollektiv/" target="_blank" rel="noopener"><em>Infosperber</em></a> le 5 décembre 2024, traduit par <em>Bon Pour La Tête</em></p>
<hr />
<p>Parmi de nombreux autres médias, la <em>NZZ</em> et le <em>Tages-Anzeiger</em> ont diffusé à plusieurs reprises des révélations du réseau international de journalistes Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP). Ce faisant, ils n'ont pas rendu transparent le fait que les services gouvernementaux américains paient la moitié du budget de l'OCCRP. L'UE et les Etats membres de l'UE financent les 20 % restants.</p>
<p>Avec un budget annuel de 20 millions d'euros et plus de 150 journalistes sur tous les continents, l'<a href="https://www.occrp.org/en">OCCRP</a> − en partie en collaboration avec le <a href="https://www.icij.org/">Réseau international des journalistes d'investigation</a> ICIJ − a lancé les plus grands projets internationaux de journalisme d'investigation de ces dernières années. Parmi eux, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Panama_Papers"><em>The Panama Papers</em></a><em>, </em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Pandora_Papers"><em>Pandora Papers</em></a><em>, </em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Suisse_Secrets"><em>Suisse Secrets</em></a><em>, </em><a href="https://www.occrp.org/en/project/narcofiles-the-new-criminal-order"><em>Narco Files</em></a><em>, </em><a href="https://www.occrp.org/en/project/the-pegasus-project/about-the-project"><em>Pegasus Project</em></a><em>, </em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Cyprus_Confidential"><em>Cyprus Confidential </em></a>et la série <a href="https://de.wikipedia.org/wiki/Die_Geldw%C3%A4scherei"><em>Laundromat</em></a>, qui a révélé les systèmes de blanchiment d'argent des élites dirigeantes en Azerbaïdjan et en Russie.</p>
<h3><strong>Non sans conditions</strong></h3>
<p>Les agences gouvernementales américaines ne financent pas l'OCCRP sans contrepartie: l'<a href="https://www.usaid.gov/"> U.S. Agency for International Development</a> dispose d'un droit de veto sur la nomination des dirigeants de l'OCCRP. De plus, l'agence gouvernementale américaine interdit d'utiliser son argent pour mettre au jour la corruption aux Etats-Unis.</p>
<p>Certaines subventions étaient même affectées à un but précis: le Department of State, par exemple, a versé 173 000 dollars à l'OCCRP pour «détecter et combattre la corruption au Venezuela». Ou l'<a href="https://www.usaid.gov/">Agence pour le développement international (USAID)</a> a versé plus de deux millions de dollars dans le but de «mettre au jour la criminalité et la corruption à Malte et à Chypre».</p>
<p>Le journal en ligne français indépendant <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">« Mediapart »</a> en a parlé le 2 décembre 2024 <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">.</a></p>
<p>Le fondateur de l'OCCRP est un ancien employé <a href="https://www.rockwellautomation.com/de-ch.html">de Rockwell</a> devenu journaliste: <a href="https://www.occrp.org/en/staff/drew-sullivan">Drew Sullivan</a>. L'OCCRP a été créé à l'instigation de fonctionnaires du gouvernement américain. Selon Mediapart, Sullivan a reçu pour cela, en 2008, un financement de départ de 1,7 million de dollars du <a href="https://www.state.gov/bureaus-offices/under-secretary-for-civilian-security-democracy-and-human-rights/bureau-of-international-narcotics-and-law-enforcement-affairs/">Bureau of International Narcotics and Law Enforcement Affairs</a>(INL). Il s'agit d'une agence d'application de la loi du Département d'Etat américain.</p>
<p>L'OCCRP s'appuie souvent sur des documents divulgués provenant de sources non identifiées. La qualité des recherches et des révélations de l'OCCRP n'est pas mise en doute. L'orientation unilatérale des recherches et le manque de transparence des informations sur le financement donnent lieu à des critiques.</p>
<p>L'ampleur des liens personnels et financiers de l'OCCRP avec le gouvernement américain va à l'encontre de «tous les principes de l'éthique journalistique». C'est ce qu'a déclaré Leonard Novy, directeur de l'Institut allemand des médias et de la politique de communication, à la chaîne NDR. Cela laisse supposer que les journalistes peuvent être utilisés ou instrumentalisés à des fins politiques.</p>
<p>Sullivan et l'OCCRP ont également laissé les médias partenaires et leurs lecteurs dans l'ignorance de leur proximité avec le gouvernement américain. Selon Leonard Novy, l'organisation a ainsi dépassé les limites.</p>
<h3><strong>Sullivan n'a pas voulu parler clairement aujourd'hui encore</strong></h3>
<p>Sullivan a d'abord affirmé à la chaîne NDR que l'OCCRP avait «un groupe de donateurs largement répandu», parmi lesquels «aucun donateur individuel ne domine». Il a ajouté que «le gouvernement américain [...] est l'un des plus grands donateurs, mais ce n'est pas un pourcentage énorme». Confronté aux dernières découvertes, il a finalement reconnu l'importance du financement de Washington: «C'est le plus grand bailleur de fonds de l'OCCRP, oui, et ce depuis presque le début de notre histoire. [...] Je suis très reconnaissant au gouvernement américain.»</p>
<p>Par écrit, Sullivan a renchéri: «Nous avons dû décider si nous voulions accepter de l'argent du gouvernement ou ne pas exister.» Sur le site web de l'OCCRP, les montants des sponsors ne sont pas indiqués.</p>
<h3><strong>Conditions posées</strong></h3>
<p>Sullivan a confirmé à la NDR le pouvoir d'influence des autorités américaines: «Dans le cadre d'accords de coopération que nous n'aimons pas conclure, ils ont un droit de regard sur le choix des personnes [...] Ils peuvent mettre leur veto sur quelqu'un [...] Ils n'ont jamais mis leur veto sur quelqu'un.»</p>
<p>L'OCCRP ne peut pas enquêter sur des affaires américaines avec l'argent fourni par Washington. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Sullivan à la NDR. «Je pense que le gouvernement américain ne le permet pas. Mais même dans d'autres pays où ces dispositions n'existent pas, nous ne le faisons pas parce que cela vous place dans une situation de conflit d'intérêts et que vous préférez rester à l'écart de telles situations.»</p>
<p>Ainsi, le paradis fiscal américain du Delaware n'a jamais fait l'objet de toutes les recherches sur l'évasion fiscale et l'argent de la corruption.</p>
<p>L'OCCRP a tout de même effectué des recherches isolées aux Etats-Unis: par exemple sur les <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/meet-the-florida-duo-helping-giuliani-investigate-for-trump-in-ukraine">hommes d'affaires</a> qui avaient soutenu l'avocat de Donald Trump pour nuire à Joe Biden, ou sur la manière dont le Pentagone a dépensé des sommes énormes pour <a href="https://www.occrp.org/en/project/making-a-killing/revealed-the-pentagon-is-spending-up-to-22-billion-on-soviet-style-arms-for-syrian-rebels">fournir des armes</a> à des groupes rebelles en Syrie, ou encore sur un <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/flight-of-the-monarch-us-govt-contracted-airline-once-owned-by-criminals-with-ties-to-russian-mob">contrat</a> entre le gouvernement américain et une compagnie aérienne dont les propriétaires sont liés au crime organisé en Russie.</p>
<p>Ces recherches ont manifestement respecté une autre condition imposée par les autorités américaines à l'OCCRP: l'activité doit être «en accord avec la politique étrangère et les intérêts économiques des Etats-Unis et les promouvoir.» (<a href="https://www.govinfo.gov/content/pkg/COMPS-1071/pdf/COMPS-1071.pdf">US Foreign Assistance Act</a>).</p>
<h3><strong>Voici comment la «NZZ» et Tamedia ont présenté la source OCCRP</strong></h3>
<p><strong>«NZZ» du 19 juillet 2023</strong></p>
<p>«L'Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) est un réseau d'organisations journalistiques fondé en 2006, basé dans de nombreux pays différents et fonctionnant sous cette forme en tant que filiale du Journalism Development Network à but non lucratif, dont le siège est dans le Maryland.»</p>
<p><strong>«Tages-Anzeiger» du 21 juin 2023</strong></p>
<p>«Grâce à l'organisation OCCRP, des journalistes femmes de plusieurs pays ont pu étudier ces données, dont <em>Der Standard</em> en Autriche et <em>Der Spiegel</em> en Allemagne. Pour la Suisse, le bureau de recherche de Tamedia et Paper Trail Media était de la partie.»</p>
<h3><strong>Informations complémentaires</strong></h3>
<p><strong>22 décembre 2022</strong> <a href="https://www.infosperber.ch/politik/welt/twitter-diente-jahrelang-als-gehilfe-des-pentagons/">Twitter a servi pendant des années d'auxiliaire au Pentagone</a>. Elon Musk a partiellement révélé les outils internes de Twitter. Ils prouvent des services d'hommes de main pour la propagande de l'armée américaine à l'étranger.</p>
<p><strong>12 février 2009</strong> <a href="https://www.tagesanzeiger.ch/27-000-pr-berater-polieren-image-der-usa-631302390683">27 000 conseillers en relations publiques polissent l'image des Etats-Unis</a>. Des faits presque incroyables sur le travail de relations publiques du Pentagone.</p>
<p><strong>20 avril 2008</strong> <a href="https://www.spiegel.de/kultur/gesellschaft/gekaufte-meinung-pentagon-beschaeftigt-pr-armee-fuer-us-tv-a-548519.html">Le Pentagone emploie une armée de RP pour la télévision américaine</a>. Avec une gigantesque troupe de RP, le gouvernement Bush a trompé l'opinion publique américaine pendant des années.</p>',
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<p>1 an : CHF 96.-</p>
<p>6 mois : CHF 48.-</p>
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<p>Envoyez-nous un mail à [email protected] avec votre adresse postale et votre choix d’abonnement (1 an, 6 mois, 3 mois ou 1 mois).</p>
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1 Commentaire
@stef 16.02.2020 | 15h32
«La justice sociale devra être le phare de cette décennie !»